Document hors-série No 6 : Aspects institutionnels des stimulants fiscaux à la R-D : le crédit d'impôt à la RS&DE

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par G. Bruce Doern, École d'administration publique, Université Carleton, en vertu d'un contrat passé avec Industrie Canada, avril 1995


Résumé

Dans le présent document, nous examinons l'évolution institutionnelle du crédit d'impôt fédéral à la recherche scientifique et au développement expérimental (RS&DE) L'analyse est fondée sur des rapports et des ouvrages publiés et sur plusieurs interviews menés par l'auteur auprès de responsables et de spécialistes des secteurs public et privé qui participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre des activités de RS&DE. Il avait été entendu avec les personnes interviewées qu'elles ne seraient pas citées. La collaboration de ces personnes est fortement appréciée, de même que les commentaires constructifs faits par plusieurs responsables et un arbitre anonyme.. Nous élaborons aussi un cadre institutionnel en vue de l'examen d'autres modèles de portefeuilles ministériels pour l'attribution de la responsabilité des stimulants fiscaux à la recherche et au développement et de la mise en oeuvre de ces mesures.

Instituée en 1986, la politique actuelle de soutien à la RS&DE donne lieu à des crédits d'impôt totalisant annuellement environ un milliard de dollars. Cette politique découle en partie des difficultés éprouvées avec le précédent crédit d'impôt à la recherche scientifique (CIRS), qui était fondé sur une formule de transfert des dépenses de recherche et de développement (Lalonde, 1992; Doern, 1987). Comme on peut le voir à l'appendice I, le crédit d'impôt à la RS&DE est aussi le dernier d'une longue série de stimulants fiscaux à l'investissement et de programmes de subventions directes à la recherche et au développement (McQuillan et Goldsmith, 1976; Bernstein, 1986).

Dans le budget de mai 1985, le gouvernement fédéral a étendu la portée du système de crédits d'impôt à l'investissement remboursables qu'il avait instauré en 1983. Le programme de stimulants à la RS&DE a aussi précisé la définition des dépenses admissibles de recherche scientifique et de développement expérimental. Dans le cas des sociétés privées sous contrôle canadien ayant un revenu imposable inférieur à 200 000 dollars, les dispositions du programme prévoyaient le remboursement intégral des crédits d'impôt visant la première tranche de deux millions de dollars de dépenses courantes de RS&DE admissibles. Les crédits gagnés par les autres entreprises n'étaient que partiellement remboursables. Comme nous le voyons plus loin, d'autres modifications ont été apportées au programme et à ses modalités administratives, notamment la suppression des dispositions relatives au remboursement partiel du crédit d'impôt à la RS&DE.

Dans ce document, nous tentons de préciser comment les variables institutionnelles ont pu influer sur la conception de la politique à l'origine, sa mise en oeuvre globale et le niveau d'observation. Nous avons délibérément cherché à limiter le volet théorique ou académique de cette étude en omettant de faire un examen détaillé des travaux publiés dans les domaines des sciences politiques et de l'administration publique sur la nature de l'analyse politico-institutionnelle Voir J.G. March et J.P. Olsen, Rediscovering Institutions, Free Press, New York, 1989, et G. Bruce Doern, « The Evolution of Policy Studies as Art, Craft and Science », paru dans Policy Studies in Canada: The State of the Art, ouvrage paru sous la direction de L. Dobuzinskis, M. Howlett et D. Laycock, University of Toronto Press, Toronto. Plutôt, nous avons mis l'accent (à l'inten-tion d'un auditoire de spécialistes de la recherche-développement et de la politique industrielle) sur les questions que pourrait soulever une restructuration organisationnelle et institutionnelle visant à assurer une prestation plus efficace et à moindre coût et un meilleur taux d'observation, y compris l'adoption d'autres mécanismes de règlement des différends (AMRD).

La restructuration institutionnelle a trait à l'examen des avantages et des inconvénients d'un déplacement éventuel de l'assise organisationnelle principale du programme, du ministère dont le mandat est de percevoir les impôts, comme c'est le cas à l'heure actuelle, à un autre ministère. Il pourrait s'agir d'un ministère responsable du budget, de la politique micro-économique ou de la recherche-développement ou encore, comme en Australie, d'une commission indépendante. Les AMRD ont trait aux autres mécanismes de médiation ou régimes faisant intervenir un ombudsman qui pourraient être intégrés au processus administratif en complément ou en remplacement des droits d'appel et de recours actuels.

Le volet institutionnel de la présente étude vise à compléter les travaux déjà publiés sur les aspects économiques et juridiques de la politique fiscale et de la mise en oeuvre des mesures connexes. Ce n'est que sous un tel éclairage qu'un tableau plus complet de l'économie politique et des aspects institutionnels des stimulants fiscaux peut être présenté. Ainsi, nous examinons dans le document les mandats en matière de politiques, les cultures organisationnelles et les rapports qui existent entre Revenu Canada, le ministère des Finances, Industrie Canada et les autres institutions et intervenants intéressés par ces questions, comme les tribunaux, les groupes d'intérêts du secteur de la recherche-développement, les grandes entreprises et les professions comptable et juridique.

L'interaction entre ces institutions est étudiée dans la perspective :

  • du processus politique qui a engendré les stimulants à la RS&DE en 1986 et qui l'a modifié en 1992;
  • du processus décisionnel habituel ou normal lié au traitement des demandes de crédits d'impôt; et
  • des processus et des éléments dynamiques du traitement des recours, des appels et des cas réels ou éventuels de non observation (Commission de réforme du droit, 1986).

Dans la première partie, nous présentons un cadre institutionnel élémentaire pour l'analyse des stimulants fiscaux à la recherche et au développement. Dans la deuxième partie, nous traçons un profil des principaux intervenants institutionnels au palier fédéral en mettant l'accent sur les politiques qui se rattachent à leurs mandats respectifs et sur les systèmes généraux de valeurs et de stimulants que chacun apporte au processus d'élaboration des politiques et de prise de décision. Dans la troisième partie, nous examinons les processus connexes aux politiques qui ont abouti à la mise au point des mesures d'incitation à la RS&DE en 1986 et à leur modification en 1992, de même que les processus permanents, quasi-décisionnels, mis en place par le truchement des lignes directrices et des circulaires. Les principales questions de fond liées au programme des stimulants ressortent de cette dynamique politique.

Dans la quatrième partie du document, nous nous intéressons au processus administratif habituel, en mettant l'accent sur les modalités d'examen des demandes appliquées par le personnel scientifique et les vérificateurs financiers de Revenu Canada. Nous y traitons aussi du rôle que jouent les autres ministères en vue d'influencer la conception de ces modalités. Suit, dans la cinquième partie, un examen du processus des appels et recours, tant formels qu'informels.

La dernière partie est consacrée a un examen comparatif des enjeux et des critères reliés à un éventuel changement institutionnel et à l'utilisation d'autres mécanismes de règlement des différends. L'analyse comparative est centrée sur :

  • le modèle australien de commission indépendante et les possibilités que l'on peut en inférer en vue de modifier le siège de ces activités au Canada, par exemple en relogeant le programme dans un ministère à vocation budgétaire ou un ministère responsable de la politique micro-économique axée sur la recherche-développement;
  • les autres domaines de mise en oeuvre des politiques micro-économiques ou des politiques visant les entreprises au Canada; et
  • les autres contribuables canadiens.

Les catégories réelles ou possibles de mécanismes de règlement des différends sont aussi décrites brièvement. Dans la conclusion finale du document, nous insistons sur la façon dont l'interaction globale des institutions influe sur le programme de stimulants à la RS&DE et restreint les options qui s'offrent en vue d'une réforme.