Mémoire de Institut économique de Montréal

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Les documents suivants contiennent les observations écrites reçues par le Bureau de la concurrence en réponse à son avis d’étude de marché, qui a été publié le 8 avril 2021. Toutes les observations reçues sont disponibles au public sauf s’il y a eu une demande de confidentialité.

Commentaires relatifs à l’étude de marché du Bureau de la concurrence sur le secteur des soins de santé au Canada

Septembre 2020

Sur cette page


  1. De quelles façons les politiques peuvent-elles mieux soutenir l'innovation, le choix et l'accès en matière de solutions numériques de soins de santé? Par exemple, est-ce que certains règlements ont une incidence indue sur la capacité d'offrir des produits et des services virtuels aux Canadiens? Veuillez expliquer.

Reconnaissance mutuelle des permis de pratique

Au Canada, un médecin pratiquant la médecine « classique » en cabinet ou dans un établissement de santé d’une province ou d’un territoire donné doit y détenir un permis d’exercice. Cela signifie qu’un médecin qui désire exercer partout au pays devra détenir un permis de chacun des treize provinces et territoiresFootnote 1. L’obtention de ce permis sera sujette au respect de critères d’éligibilité, à la production de documents et au paiement de frais qui peuvent totaliser quelques milliers de dollars.

Ainsi, selon les règles actuelles, un médecin désirant offrir des consultations en télémédecine dans toutes les provinces devra posséder et renouveler jusqu’à sept permis provinciaux selon son lieu d’exercice. Du point de vue du patient, l’allègement de la réglementation des permis de pratique, par exemple par la reconnaissance mutuelle des permis provinciaux, pourrait contribuer à augmenter l’offre de soins et à en faciliter l’accès. En d’autres mots, si un médecin ou une infirmière détient un permis de pratique valide d’un ordre professionnel d’une province, les collèges des autres provinces devraient considérer que ce permis est également valide sur leur territoire. C’est présentement le cas pour presque toutes les provinces en ce qui concerne les infirmières pratiquant la télémédecine, mais pour seulement quatre provinces dans le cas des médecins. Un obstacle important serait levé pour le développement de la télémédecine, mais il y aurait également des gains à faire pour les systèmes publics provinciaux. En effet, la reconnaissance mutuelle des permis permettrait une plus grande mobilité de la main-d’oeuvre et favoriserait une meilleure allocation des ressources.

Éliminer les barrières professionnelles

Les obstacles qui limitent l’offre de soins et qui empêchent une allocation optimale des ressources ne sont pas que géographiques. Le Canada est, parmi les pays développés, l’un de ceux qui comptent le moins de médecins en proportion de sa population, ce qui contribue aux problèmes d’accès aux soinsFootnote 2. Heureusement, d’autres professionnels qualifiés peuvent effectuer certaines des tâches qui sont encore parfois réservées aux médecins. Les champs de pratique des infirmières, des infirmières praticiennes et des pharmaciens, entre autres, devraient être élargis le plus possible afin de correspondre à leur capacité professionnelle. Des différences subsistent toujours entre les provinces quant à la capacité professionnelle d’un même groupe à poser ou non certains actes, ce qui suggère que des gains peuvent encore être effectués. Les provinces devraient donc favoriser un élargissement maximal du champ de pratique de leurs professionnels de la santé en se basant sur les règles qui prévalent dans la province où cette capacité est la plus large. De telles réformes auraient des retombées non seulement sur la diffusion de la télémédecine, mais sur tout le système de santé. En effet, moins les établissements et les entreprises offrant des services de télémédecine dépendront des médecins, qui demeurent une ressource rare, plus ils seront en mesure d’élargir leurs services et d’améliorer l’accès pour les patients.

Revoir les modes de rémunération des médecins

Au Canada, les médecins reçoivent près des trois quarts de leur rémunération sous forme de paiements à l’acteFootnote 3. Ce mode de rémunération exige que chaque acte médical potentiel soit défini, répertorié et éventuellement facturé. Cette façon de faire élimine toute incitation à accomplir des actes pour lesquels un paiement n’est pas prévu et décourage l’innovation dans la pratique médicale. À titre d’exemple, un sondage mené en 2018 par Inforoute Santé du Canada a montré que seulement 4 % des médecins de famille canadiens offraient à leurs patients la possibilité d’une consultation virtuelleFootnote 4. Parmi les pays de l’OCDE, le Canada fait d’ailleurs partie d’une minorité de pays dont le paiement à l’acte est encore le mode de rémunération prédominantFootnote 5.

L’adoption de modes de rémunération alternatifs éviterait de devoir définir à la pièce chaque nouveau soin ou chaque nouvelle façon de rendre les soins. Le principe général serait de favoriser davantage des types de rémunérations qui mettent l’accent sur l’ensemble des soins rendus aux patients pris en charge, en tenant compte d’indicateurs de performance, plutôt que sur chacune des interactions individuelles avec le médecin. En plus de favoriser l’innovation, cela encouragerait aussi la délégation à d’autres professionnels, comme les infirmières et les pharmaciens, puisque cette délégation ne serait plus associée à une perte de revenu pour le médecin. Ici aussi, les avantages d’un tel changement de politique se feraient sentir bien au-delà du seul cadre de la télémédecine.

Autoriser la pratique médicale mixte

Le Canada se distingue aussi sous un autre aspect parmi les pays développés puisque, dans la plupart des provinces, un médecin ne peut pratiquer à la fois au sein du secteur public et dans le secteur privéFootnote 6. Une objection prévisible à cette proposition est que l’adoption de la pratique mixte par des médecins entraînerait une diminution de leur nombre d’heures travaillées dans le système public. On pourrait répondre à cette crainte en obligeant les médecins à effectuer un nombre d’heures minimales dans le système public, comme cela s’est fait ailleurs. En Angleterre, en Australie, au Danemark et en Norvège, notamment, des études ont montré que les médecins qui adoptent une pratique mixte augmentent globalement le nombre d’heures passées à soigner des patients, sans pour autant diminuer le temps consacré au système publicFootnote 7. Présentement, comme les consultations virtuelles ne sont généralement pas considérées comme un service assuré du point de vue de l’État, plusieurs médecins employés par les entreprises de télémédecine oeuvrent également à l’intérieur d’un des systèmes de santé publics du pays, sans que cela ne contrevienne aux lois régissant l’assurance maladie publiqueFootnote 8.

  1. Quels autres obstacles empêchent les Canadiens d'avoir accès à des services de santé virtuels et limitent l'innovation et le choix dans le secteur des soins de santé? Ces obstacles peuvent-ils être réduits? Si tel est le cas, comment faciliter l'émergence et l'accroissement des solutions numériques?

Obstacles technologiques et l’accès aux dossiers des patients

L’inaccessibilité aux dossiers médicaux électronique des patients est un obstacle au développement de la télémédecine. En effet, lors d'une consultation virtuelle, il se peut que le médecin n’ait pas un accès direct aux dossiers des patients ni la capacité de refléter facilement les notes cliniques dans les dossiers des patients. Bien que certaines plates-formes de soins virtuels offrent la possibilité d’inscrire des notes cliniques aux dossiers médicaux électroniques, le marché est fragmentéFootnote 9. Trop souvent, les systèmes médicaux électroniques sont conçus localement ou régionalement et ne communiquent pas entre eux. L'interopérabilité numérique dans tout le système de soins de santé est essentielle pour soutenir des soins virtuels complets. Plus précisément, les interfaces doivent être connues intégralement et posséder la capacité à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants, et ce sans restriction d’accès et en respectant les lois sur la protection de la vie privée et la confidentialitéFootnote 10.

Obstacles dans la formation

Pour tirer pleinement parti des avantages de la télémédecine au sein du système de soins de santé, les soins virtuels doivent être intégrés dans la formation des professionnels de santé et le développement professionnel continuFootnote 11. Ceux-ci doivent avoir une connaissance intégrale des outils et plateformes virtuels nécessaires pour dispenser les soins efficacement, la capacité à évaluer les besoins du patient à distance et savoir reconnaître une situation qui requiert une consultation physique ou virtuelle.

Préciser les exigences de la Loi canadienne sur la santé

La politique canadienne des soins de santé - y compris les décisions sur les services qui seront fournis dans le cadre d'un régime universel, la façon dont ces services seront financés et rémunérés, qui sera autorisé à fournir des services et si ces services peuvent être partiellement ou entièrement financés par le secteur privé - est déterminée exclusivement par les gouvernements provinciaux au Canada. Cependant, le gouvernement fédéral influence considérablement la prise de décision provinciale par le biais de la Loi canadienne sur la santé (LCS), une loi qui définit les modalités et conditions selon lesquelles les gouvernements provinciaux conserveront l'accès à part entière du Transfert canadien en matière de santé (TCS). Même si cette loi ne régit pas directement les activités de tout individu ou fournisseur de soins de santé au Canada, les importants transferts financiers en espèces liés au respect de la LCS influencent sans doute les décisions politiques provinciales.

La Loi canadienne sur la santé contient cinq critères que les provinces et les territoires doivent remplir pour être admissibles au plein montant de leurs droits en espèces en vertu du TCS : la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilitéFootnote 12. Le non-respect de ces critères peut entraîner une réduction ou une suspension complète du transfert monétaire fédéral pour les soins de santé. Fait important, la détermination de la non-conformité provinciale à un critère est entièrement à la discrétion du gouvernement fédéralFootnote 13.

À première vue, les exigences de la LCS peuvent paraître raisonnables et peu contraignantes. Cependant, l’imprécision de leurs définitions et les pénalités discrétionnaires peuvent décourager certaines options stratégiques que pourraient envisager les gouvernements provinciaux. Par exemple, des politiques telles qu’un système d'assurance privé parallèle, des hôpitaux à but lucratif et une pratique mixte par les médecins ne sont pas explicitement interdites par la LCS, mais peuvent être interprétées par le gouvernement fédéral au pouvoir comme contrevenant à certains aspects de la loi. L’incertitude qui en résulte contribue à l'inertie des politiques de santé et à l'absence d'innovation et d'expérimentation dans l’ensemble du système des soins de santé. Ceci pourrait aussi conduire les provinces à restreindre davantage diverses activités, telle que la pratique mixte, afin de s’assurer que le gouvernement fédéral ne retient pas les paiements de transfert. L'incertitude résultant de l'interprétation de certains aspects de la LCS par le ministre fédéral au pouvoir est une entrave sérieuse à la liberté des gouvernements provinciaux de faire ce qu'ils jugent le mieux pour leurs résidents, incluant l’élargissement du réseau de la télémédecine.

Dans la mesure où le gouvernement fédéral souhaite améliorer l’accès aux soins de santé de ses citoyens, il devra réformer la LCS. Ceci impliquerait une clarification des critères de façon à minimiser l'incertitude et le potentiel d’interprétation de la Loi. De plus, une décentralisation de la prise de décision diminuerait la dépendance des provinces aux transferts en espèces et permettrait une plus grande souplesse politique aux gouvernements provinciaux qui sont directement responsables de leur système de santé.

  1. Quelles mesures les autres gouvernements ont-ils prises pour améliorer l'accès aux services de santé virtuels? Comment les obstacles à l'innovation et au choix ont-ils pu être éliminés, tout en équilibrant les exigences juridiques et réglementaires en matière d'offre de solutions numériques de soins de santé? Est-ce que des mesures similaires pourraient être adoptées au Canada? Pourquoi ou pourquoi pas?

En Suède, c’est l’arrivée d’entrepreneurs en 2016 qui a permis de développer des services de télémédecine livrés à l’aide du téléphone intelligent. Les entrepreneurs se sont appuyés sur la Loi sur la liberté de choix dans le secteur public, qui a donné à des acteurs du secteur privé le droit d’établir leurs services partout en Suède, pourvu qu’ils se conforment aux exigences réglementaires. La loi a servi de cadre pour l’établissement de services de télémédecine, même si le législateur n’avait vraisemblablement pas prévu ce dénouement. À la fin de 2017, près de 2 % des visites en soins primaires en Suède étaient effectuées en consultations virtuelles, lesquelles sont remboursées par l’État même si elles sont facilitées par des fournisseurs privésFootnote 14. Le même esprit d’ouverture devrait prévaloir pour la télémédecine au Canada. Encore une fois, ce dernier se distingue de la plupart des pays développés par la place qu’il fait à l’entrepreneuriat dans ses systèmes publics de santé. Alors que les systèmes de santé mettant les entreprises privées à contribution – à l’intérieur de régimes universels – sont la norme à travers la quasi-totalité des pays de l’OCDE, le Canada fait bande à part avec un réseau hospitalier entièrement monopolisé par l’État. Une situation semblable à la Suède pourrait voir le jour au Canada aussi si la pratique médicale mixte était permise, ou encore, si notre système supportait davantage la télémédecine entrepreneuriale.

En France, les consultations à distance existent depuis 2015 via le service offert par l’assureur Axa, sans frais pour ses assurés. Axa est aussi à l’oeuvre dans la vidéoconsultation, par l’entremise de sa plateforme Qare. Les services étaient auparavant payants pour les patients, mais les coûts sont maintenant assumés par la Sécurité sociale, qui rembourse les vidéoconsultations depuis l’automne 2018 au même tarif que les visites en personnesFootnote 15. Sauf urgence et quelques exceptions, le médecin doit avoir déjà rencontré le patient auquel il offre une consultation virtuelle. Le choix de l’équipement et du moyen de communication est laissé au médecin et peut inclure des plateformes vidéo comme Facetime et Skype, bien que les exigences soient plus strictes pour la transmission de documents. D’autres entreprises se sont lancées dans le marché à la suite de l’entrée en vigueur du remboursement des vidéoconsultations, notamment Doctolib et Livi, cette dernière étant une filiale de la Suédoise KryFootnote 16. La rémunération des médecins qui effectuent une consultation virtuelle est aussi offerte au Canada. Cependant, il y a des limites à l'utilisation des codes de frais en lien avec la consultation à distance. Par exemple, au Manitoba, le paiement de la télémédecine est seulement possible lorsque le médecin et le patient se trouvent tous deux dans une installation de télémédecine dans la même provinceFootnote 17. De plus, la Colombie-Britannique limite l'utilisation des frais d'incitation pour le relais des conseils médicaux par moyens de communication virtuels (courriel / texte / téléphone) à 200 services par médecin par année civileFootnote 18. L'Alberta, quant à lui, limite l'utilisation de son code de frais de communication électronique sécurisé pour les patients à 14 demandes par médecin par semaineFootnote 19.

Les exemples de pays mentionnés surpassent présentement le Canada en matière de télémédecine, malgré leur ressemblance en matière de couverture universelle de soins. Cependant, il est toujours possible de s’inspirer de leurs avancements pour mieux servir nos citoyens. Les plus grands obstacles au déploiement de ces initiatives sont les règles qu’impose notre système de santé, tel que présenté plus haut.

  1. Quelle a été l'incidence de la pandémie de COVID 19 sur l'innovation et le choix dans le secteur des soins de santé au Canada, et sur la capacité des Canadiens à accéder virtuellement à des soins de santé? Est-ce que des obstacles ont empêché l'adoption de solutions numériques dans le contexte de la pandémie de COVID 19? Veuillez expliquer.

Selon le Collège des médecins du Québec, la télémédecine s’est imposée de façon beaucoup plus prononcée dans la pratique des médecins depuis que la distanciation sociale est devenue la règle pour freiner la pandémie de coronavirus. Différentes mesures ont été prises afin de faciliter l’accès et agrandir l’offre de soins en cette période. Par exemple, le fournisseur provincial d'assurance-maladie du Québec, la Régie de l'Assurance Maladie du Québec (RAMQ), a mis en place une mode rémunération temporaire pour les médecins fournissant des services par télémédecine. Les médecins spécialistes peuvent ainsi facturer les services médicaux liés à la COVID-19 qui sont effectués à distance par téléphone ou en vidéoconsultation. Ceci est également le cas dans toutes les autres provinces. En Alberta, il s’agit d’une rémunération qui se maintiendra de façon permanenteFootnote 20. De plus, afin de permettre aux médecins et pharmaciens d’optimiser leurs activités dans le contexte actuel, le Collège des médecins et l’Ordre des pharmaciens du Québec ont assoupli certaines modalités relatives aux activités professionnelles des pharmaciensFootnote 21, notamment l’obligation pour le pharmacien de communiquer au médecin les informations visant la prolongation, l’ajustement ou la substitution d’un médicament, à moins que le médecin ne le requière expressément. Ces mesures d’assouplissement permettent de minimiser le nombre de consultations médicales pour des motifs pouvant être pris en charge par d’autres professionnels de la santé.

En revanche, les règles en matière de permis d’exercice s’appliquent toujours durant cette période de crise sanitaire. Ainsi, lorsqu’un médecin est appelé à réaliser des consultations en télémédecine, le territoire où l'acte médical est réputé comme posé est celui où se trouve le patient, et non celui où le médecin exerce. Par conséquent, pour qu’un médecin se trouvant à l’extérieur du territoire québécois puisse exercer la télémédecine à l’égard d’un patient se trouvant sur le territoire québécois, il doit être inscrit au tableau de l’ordre ou détenir une autorisation d’exercice du Collège des médecins du Québec. Cela implique nécessairement des démarches administratives pour les médecins qui ne détiennent pas de droit d’exercice de la médecine au Québec et qui souhaitent offrir des services de télémédecine à des patients se trouvant au Québec. Au Manitoba, où les instances de Covid-19 sont moins nombreuses, les autorités n’ont pas modifié leurs règlements et n’ont donc pas facilité l’accès à la télémédecine relative à la période précédant la crise sanitaire. C’est-à-dire que les tarifs de télémédecine ne sont payables que lorsque le patient et le médecin receveur se trouvent dans un site de télémédecine approuvé; soit un établissement désigné comme un hôpital, un poste de soins infirmiers ou une maison de soins personnelsFootnote 22.