Énoncé du Bureau de la concurrence concernant l’acquisition d’Aucerna par Thoma Bravo

Ottawa, le 30 août 2019 – Le 20 août 2019, le commissaire de la concurrence a annoncé qu’il avait conclu un consentement avec Thoma Bravo exigeant que l’entreprise se dessaisisse des activités relatives au logiciel de gestion des réserves MOSAIC. Cette entente fait suite à une demande déposée aux termes de l’article 92 de la Loi sur la concurrence dans laquelle le commissaire contestait l’acquisition d’Aucerna par Thoma Bravo. Le commissaire est convaincu que le dessaisissement du logiciel MOSAIC permettra de préserver la concurrence dans la fourniture de logiciels d’évaluation et de gestion des réserves (logiciels de gestion des réserves) aux producteurs canadiens de pétrole et de gaz.

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Contexte général

Thoma Bravo est une société privée d’investissement en capital dont le siège social se situe à San Francisco, en Californie. La société se spécialise dans l’investissement dans des entreprises de logiciels et de technologies. L’une des entreprises faisant partie de son portefeuille, Quorum Business Solutions, est un fournisseur de logiciels aux entreprises pétrolières et gazières, et son portefeuille de produits comprend le logiciel de gestion des réserves MOSAIC. Le 13 février 2019, Thoma Bravo a avisé le Bureau de son entente en vue d’acquérir Aucerna, un autre fournisseur de logiciels aux entreprises pétrolières et gazières, y compris le logiciel Value Navigator (Val Nav).

Dans son examen de la transaction, le Bureau de la concurrence a établi que les logiciels MOSAIC et Val Nav se livraient une concurrence vigoureuse et qu’ils étaient en pratique les deux seuls logiciels de gestion des réserves utilisés par les entreprises canadiennes de pétrole et de gaz. La fusion aurait donc débouché sur un monopole. Le commissaire craignait que les avantages liés aux prix et non liés aux prix découlant de la concurrence entre les parties à la fusion soient éliminés. En outre, compte tenu de l’échec des tentatives d’entrée ou d’expansion d’autres entreprises sur le marché, il était peu probable que l’entrée ou l’expansion effective et en temps opportun soit suffisante pour empêcher l’entité fusionnée de pouvoir exercer sa puissance commerciale.

À la suite d’un examen de trois mois, le commissaire a informé Thoma Bravo qu’il avait de sérieuses préoccupations en matière de concurrence relativement à la transaction. Malgré ces préoccupations, Thoma Bravo a conclu la transaction le 13 mai 2019, au terme des délais légaux. Le 14 juin 2019, le commissaire a déposé une demande en vertu de l’article 92 de la Loi alléguant que la transaction risquait vraisemblablement de diminuer sensiblement la concurrence dans la fourniture de logiciels de gestion des réserves aux moyens et grands producteurs de pétrole et de gaz au Canada. La demande sollicitait aussi une ordonnance exigeant que Thoma Bravo se dessaisisse soit des activités relatives à MOSAIC soit de celles relatives à Val Nav.

Le commissaire et Thoma Bravo ont conclu un consentement provisoire de séparation d’éléments d’actif afin de répondre aux préoccupations du commissaire à l’effet qu’un préjudice irréparable pourrait survenir en attendant l’audition de la demande déposée aux termes de l’article 92. Le consentement de séparation exige que Thoma Bravo sépare les activités relatives à MOSAIC du reste de Thoma Bravo en attendant un règlement définitif de l’affaire. MOSAIC sera géré par un gestionnaire des éléments d’actif séparés indépendant nommé par le commissaire. L’entente exige également la nomination d’un contrôleur indépendant pour veiller à ce que Thoma Bravo se conforme aux modalités de l’entente de séparation. Le consentement de séparation a été enregistré auprès du Tribunal le 24 juillet 2019. Le commissaire et Thoma Bravo ont par la suite négocié une résolution pour répondre aux préoccupations du commissaire, et un consentement (en anglais seulement) a été enregistré auprès du Tribunal le 20 août 2019. Selon le consentement, Thoma Bravo est tenue de se dessaisir des activités relatives à MOSAIC au profit d’un acquéreur qui sera approuvé par le commissaire.

Analyse

Le Bureau a évalué si la transaction et la perte de concurrence subséquente entre MOSAIC et Val Nav risquaient vraisemblablement de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché des logiciels de gestion des réserves au Canada.

Dans son évaluation de la transaction, le Bureau a utilisé des renseignements recueillis auprès d’un large éventail de participants au marché, notamment des producteurs de pétrole et de gaz, des consultants et des entreprises de logiciels, ainsi que des documents et des données produits par les parties à la fusion en réponse à la demande de renseignements supplémentaires du Bureau.

Marché des produits

Le Bureau a établi que le marché des produits pertinent est celui du développement, des services et de la fourniture ayant trait aux logiciels de gestion des réserves destinés aux moyens et grands producteurs de pétrole et de gaz au Canada ayant un portefeuille complexe de puits qui ont des fonctionnalités variables, notamment le produit, le type, l’emplacement et l’âge des puits. Des renseignements exacts et complets sur la valeur des réserves des puits sont essentiels aux producteurs pour qu’ils puissent prendre des décisions stratégiques en matière de production, acquérir et aliéner des éléments d’actif, contracter des emprunts et déposer des déclarations annuelles conformément aux lois et aux règlements pertinents sur les valeurs mobilières.

L’analyse du Bureau a révélé qu’il n’existe aucune réelle solution de rechange aux logiciels de gestion des réserves pour les moyens et grands producteurs au Canada. Les logiciels d’affaires généraux (comme Excel de Microsoft) ainsi que les solutions développées à l’interne ne sont pas des solutions de rechange viables aux logiciels de gestion des réserves pour la plupart des producteurs ayant un portefeuille complexe de puits.

Marché géographique

Les producteurs de pétrole et de gaz du monde entier utilisent des logiciels de gestion des réserves. Toutefois, en raison de régimes de redevances, de fiscalité et de réglementation qui diffèrent d’un pays à l’autre, les logiciels de gestion des réserves doivent être adaptés au régime d’un pays. Le Canada a des régimes de redevances et des exigences de déclaration uniques et complexes pour les producteurs. Par conséquent, les producteurs se fient à l’information générée par les logiciels de gestion des réserves qui sont adaptés au marché canadien, qui comprennent les obligations au titre des impôts et taxes, des redevances et d’autres paiements ainsi que de la réglementation sur la base de formules et de plateformes propres au Canada. Par conséquent, le Bureau a établi que le marché géographique pertinent est le Canada.

Analyse de la concurrence

Avant la transaction, les logiciels MOSAIC et Val Nav étaient les concurrents les plus proches l’un de l’autre pour le développement, les services et la fourniture ayant trait aux logiciels de gestion des réserves au Canada. Ils se livraient une concurrence vigoureuse en matière de prix, de fonctionnalités, de mises à jour logicielles et de service à la clientèle, en plus de suivre de près l’évolution et le rythme des changements entre l’un et l’autre en ce qui concerne leurs produits logiciels de gestion des réserves au Canada. Cette rivalité a donné lieu à des investissements par les deux dans le développement de solutions novatrices en vue d’améliorer la qualité et la capacité de chacun de leur produit par des mises à jour et de nouvelles versions des logiciels. MOSAIC et Val Nav évaluaient régulièrement les forces et les faiblesses relatives des logiciels de gestion des réserves de chacun et ciblaient régulièrement les clients de l’autre en offrant de meilleurs prix, services et fonctionnalités.

Le Bureau a établi qu’aucun autre logiciel n’impose une contrainte crédible à MOSAIC et à Val Nav. Les logiciels de gestion des réserves fournis dans d’autres pays, comme les États-Unis, sont absents ou ne livrent pas une concurrence active au Canada avec la pleine fonctionnalité de MOSAIC et de Val Nav. Les logiciels de gestion des réserves qui sont très présents à l’étranger, comme le logiciel Merak PEEP de Schlumberger et le logiciel ARIES de Halliburton, ne sont pas suffisamment adaptés pour être utilisés au Canada et ne livrent pas une réelle concurrence pour attirer de nouveaux clients canadiens. De plus, le Bureau a relevé des exemples d’entrée manquée sur le marché pertinent par des fournisseurs de logiciels de gestion des réserves dans d’autres pays, ce qui indique que les barrières à l’expansion au Canada sont vraisemblablement importantes.

Le Bureau a conclu que la transaction diminuerait vraisemblablement les incitatifs de MOSAIC et de Val Nav à maintenir et à améliorer leurs logiciels de gestion des réserves au Canada. Outre une perte de concurrence dynamique, l’élimination de la rivalité entre MOSAIC et Val Nav aurait vraisemblablement entraîné une augmentation des prix et une baisse de la qualité du service.

Barrières à l’entrée

L’enquête du Bureau a permis d’établir que les barrières à l’entrée et à l’expansion sur le marché pertinent sont élevées. Ces barrières comprennent des coûts irrécupérables, comme le temps considérable et les capitaux importants qui doivent être investis pour développer l’application logicielle et intégrer les renseignements sur la fiscalité et les redevances propres au Canada.

De plus, la taille du marché des logiciels de gestion des réserves au Canada est relativement modeste. Cela limite les possibilités pour les entreprises arrivant sur le marché de récupérer les coûts irrécupérables associés au développement et à la commercialisation d’un logiciel de gestion des réserves. Le marché est également bien établi et se caractérise par l’immuabilitéNote de bas de page 1 de la clientèle, ce qui limite encore davantage la capacité d’un arrivant sur le marché à récupérer les coûts d’entrée ou d’expansion.

Ces facteurs sont appuyés par des cas récents d’entrée manquée au Canada. L’enquête du Bureau a permis d’établir que les arrivants ayant raté leur entrée sur le marché ont eu beaucoup de difficulté à adapter leurs produits existants aux exigences réglementaires du Canada malgré des investissements considérables. En outre, le statut bien ancré de MOSAIC et de Val Nav ainsi que l’immuabilité de la clientèle ont fait en sorte les arrivants ayant raté leur entrée sur le marché ont été incapables de constituer une clientèle suffisante pour justifier tout autre investissement dans le produit.

Compte tenu de ce qui précède, le Bureau a conclu que ni l’entrée de nouveaux arrivants ni l’expansion d’un logiciel de gestion des réserves existant au Canada ne serait opportune, probable ou suffisante pour empêcher Thoma Bravo d’exercer sa puissance commerciale accrue après la transaction.

Mesure corrective

Comme il est indiqué ci-dessus, le commissaire a déposé une demande auprès du Tribunal en vertu de l’article 92 de la Loi le 14 juin 2019. Pour remédier à la vraisemblable diminution sensible de la concurrence, le commissaire a demandé le dessaisissement soit des activités relatives à MOSAIC soit de celles relatives à Val Nav.

Conformément au consentement enregistré auprès du Tribunal le 20 août 2019, Thoma Bravo a convenu de se dessaisir des activités relatives à MOSAIC au profit d’un acquéreur indépendant qui sera approuvé par le commissaire. Les activités relatives à MOSAIC comprendront tous les éléments d’actif, les biens et les contrats principalement détenus ou utilisés par l’entreprise.

Le consentement exige que l’entente de séparation d’éléments d’actif enregistrée auprès du Tribunal le 24 juillet 2019 reste en vigueur jusqu’à ce que les activités relatives à MOSAIC soient cédées conformément aux modalités du consentement.

Le commissaire est convaincu que le dessaisissement des activités relatives à MOSAIC permettra de préserver la concurrence dans la fourniture de logiciels de gestion des réserves aux producteurs canadiens de pétrole et de gaz.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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