Énoncé du Bureau de la concurrence concernant son enquête sur la conduite anticoncurrentielle alléguée de grossistes et de fabricants d’intrants agricoles dans l’Ouest du Canada

Énoncé de position

Voir le communiqué correspondant à cet énoncé de position

GATINEAU, le 15 mars 2022 – Aujourd’hui, le commissaire de la concurrence a annoncé avoir mis un terme à une enquête relativement à des allégations concernant la fourniture d’intrants agricoles, tels que les semences, l’engrais et les produits de protection des cultures (les intrants agricoles). Ces allégations portaient sur la possibilité que certains grossistes et fabricants d’intrants agricoles (les cibles de l’enquête) se soient adonnés à une conduite en violation de la partie VIII de la Loi sur la concurrence (la Loi), plus précisément, que les cibles aient travaillé ensemble, ou de leur propre chef, pour désavantager, restreindre ou bloquer la fourniture d’intrants agricoles à Farmers Business Network Canada Inc. (FBN). La décision du commissaire dans ce dossier fait suite à une vaste enquête menée par le Bureau de la concurrence. Le présent énoncé résume l’enquête et les raisons pour lesquelles elle a été close.

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Survol

L’enquête du Bureau a principalement examiné la conduite selon deux dispositions pertinentes de la Loi :

  1. les collaborations entre concurrents pouvant faire l’objet d’un examen au civil (article 90.1);
  2. l’abus de position dominante (article 79).

D’abord, le Bureau a mené une enquête pour déterminer s’il existait un accord ou un arrangement entre certaines des cibles (dont au moins deux sont des concurrents) à l’égard de FBN, en contravention à l’article 90.1 de la Loi. Puis, il a examiné si les cibles avaient abusé d’une position dominante en agissant avec une intention anticoncurrentielle envers FBN, entraînant un effet de marché en violation de l’article 79 de la Loi.

Les éléments de preuve recueillis et analysés par le Bureau ne permettent pas d’établir que des concurrents avaient un accord ou un arrangement à l’égard de FBN; toutefois, l’enquête a permis de découvrir des communications entre certains intervenants du marché visant à influencer des fournisseurs d’intrants agricoles en ce qui a trait à FBN. Les entreprises doivent savoir que ce type de communications peut mener à un accord ou à un arrangement, ce qui pourrait contrevenir à l’article 90.1 de la Loi, ou, selon les modalités de l’accord, à la disposition sur les complots criminels de la Loi (article 45).

Les éléments de preuve recueillis et analysés par le Bureau ne remplissent pas non plus le critère permettant d’établir que les cibles dominantes avaient agi avec une intention anticoncurrentielle envers FBN, ni que la concurrence avait été empêchée ou diminuée sensiblement dans les marchés des intrants agricoles dans l’Ouest du Canada. Voilà pourquoi le commissaire a décidé de mettre un terme à l’enquête. Le Bureau continuera de surveiller l’industrie des intrants agricoles pour déceler toute conduite anticoncurrentielle cherchant à restreindre les nouveaux venus et ayant le potentiel d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans tout marché pertinent.

Contexte

L’industrie agricole canadienne

L’industrie agricole est un secteur d’importance stratégique pour l’économie canadienne et par conséquent, un secteur essentiel pour la protection de l’innovation et de la concurrence. Selon un survol préparé par Agriculture et Agroalimentaire Canada, en 2020, l’industrie agricole et agroalimentaire canadienne représentait 7,4 % du PIB national et a généré environ 139,3 milliards de dollars pour l’économie canadienne. Un profil du secteur canadien des semences montre que les intrants agricoles canadiens constituent un élément essentiel de la chaîne d’approvisionnement agricole au Canada et à l’étranger, le Canada ayant exporté des semences pour une valeur d’environ 646 millions de dollars en 2018. De plus, des données de Statistique Canada révèlent que les exportations canadiennes de pesticides, d’engrais et d’autres produits chimiques agricoles ont généré environ 1,5 milliard de dollars en 2020.

L’enquête a examiné les entreprises d’intrants agricoles actives à trois niveaux de production et de distribution, soit la fabrication, la vente en gros et la vente au détail :

  • Les fabricants développent et produisent les intrants agricoles.
  • Les grossistes achètent les intrants agricoles auprès des fabricants et distribuent ces produits aux détaillants.
  • Les détaillants vendent les intrants agricoles aux producteurs, et peuvent offrir d’autres types de soutien comme fournir des services de consultation ou des conseils agronomiques.

Dans certains cas, les entreprises sont intégrées verticalement à ces niveaux. Par exemple, les gros détaillants peuvent être intégrés à la vente en gros et au détail, ou les fabricants peuvent avoir intégré des activités de vente en gros. Dans les cas où les fabricants ne vendent pas directement aux détaillants indépendants (p. ex. les détaillants qui ne sont pas verticalement intégrés), les fabricants et les détaillants peuvent établir des relations contractuelles concernant la vente de certains produits, l’accès à des programmes de remise ou l’octroi de licences visant la propriété intellectuelle incorporée dans les intrants agricoles.

Contexte de FBN

FBN est un détaillant en ligne d’intrants agricoles; il est la filiale canadienne de la société américaine Farmers Business Network Inc. En novembre 2017, FBN est arrivée sur le marché canadien en proposant un nouveau modèle d’affaires qui permettait aux producteurs d’acheter des intrants agricoles sur une plateforme numérique, d’accéder à des outils d’analytique et d’obtenir des comparaisons de prix ainsi que des renseignements agronomiques sur les intrants agricoles. Les services que FBN offre actuellement au Canada sont les suivants :

  • un magasin en ligne pour les intrants agricoles (comme les produits de protection des cultures, les adjuvants et les engrais);
  • des services de commercialisation du grain (pour faire le suivi et gérer les activités de commercialisation du grain);
  • des outils d’analytique (y compris des outils de comparaison des prix, de sélection des semences, de sélection de protection des cultures et d’autres analyses de données sur l’exploitation agricole).

La conduite faisant l’objet d’une enquête

À la suite de son entrée sur le marché canadien, FBN a tenté en vain d’obtenir un approvisionnement en intrants agricoles provenant d’un certain nombre de cibles dans l’Ouest du Canada. En mars 2018, pour faciliter son expansion sur le marché canadien, FBN a fait l’acquisition de Yorkton Distributors Ltd., un détaillant indépendant physique, situé dans le Sud de la Saskatchewan, qui avait des relations avec bon nombre des cibles. À la suite de cette acquisition, le Bureau a été informé de préoccupations selon lesquelles les cibles auraient pris diverses mesures, notamment de refuser ou de limiter l’approvisionnement ou les programmes de remise connexes à FBN, ou de communiquer avec d’autres intervenants sur le marché au sujet de FBN.

L’enquête du Bureau

Le Bureau a examiné des communications entre les cibles qui auraient porté à croire que le moment et la nature des refus étaient cohérents avec des comportements coordonnés en violation de la Loi, ou qu’elles évoquaient de tels comportements. Le Bureau a examiné davantage la situation pour déterminer si les cibles avaient fait preuve d’une conduite anticoncurrentielle qui avait eu ou aurait vraisemblablement eu pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans les marchés des intrants agricoles dans l’Ouest du Canada.

À la suite d’une enquête préliminaire, le commissaire a lancé une enquête officielle en octobre 2019 pour déterminer si la conduite des cibles contrevenait à la Loi. Le Bureau a effectué une enquête exhaustive pendant laquelle il a recueilli des renseignements auprès d’intervenants pertinents de l’industrie, comme des producteurs et des associations de l’industrie, ainsi que des fabricants, des grossistes et des détaillants d’intrants agricoles. Pendant cette enquête, le Bureau a demandé des ordonnances de la cour en vertu de l’article 11 de la Loi, qui comprend des exigences selon lesquelles les cibles doivent produire des documents et des déclarations écrites sur l’information.

Analyse

Collaboration entre concurrents

Un accord ou un arrangement entre concurrents pourrait être interdit par les dispositions civiles de la Loi lorsqu’il est conclu ou proposé entre des personnes, dont au moins deux sont des concurrents, et qu’il empêche ou diminue la concurrence dans un marché, ou qu’il aura vraisemblablement cet effet. L’enquête du Bureau s’est axée sur la collaboration entre concurrents aux termes de l’article 90.1 de la Loi.

Le Bureau est d’avis que l’ensemble des éléments de preuve recueillis ne suffit pas pour établir l’existence d’un accord ou d’un arrangement horizontal entre les cibles à l’égard de FBN.

Un accord horizontal est un arrangement entre un ou plusieurs concurrents qui exercent leurs activités au même niveau d’une chaîne d’approvisionnement (p. ex. des fabricants).

Toutefois, selon les éléments de preuve, certains intervenants du marché se sont engagés dans des communications dans le but d’influencer des fabricants ou grossistes concernant FBN. Même si les éléments de preuve entourant ces communications ne permettent pas d’établir l’existence d’un accord ou d’un arrangement entre les concurrents, elles n’en demeurent pas moins préoccupantes pour le Bureau. Les communications de ce genre sont susceptibles d’éliminer la tension concurrentielle entre des rivaux ou d’établir un arrangement de type « réseau en étoile », où un tiers facilite un accord ou un arrangement entre des concurrents horizontaux (et qui, par conséquent, devient partie à celui-ci). Comme l’indiquent les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents du Bureau, la disposition civile sur les accords peut s’appliquer à toute forme d’accord et d’arrangement entre concurrents, peu importe le degré de formalité, et il n’est pas nécessaire qu’un accord soit fait par écrit pour être considéré comme une violation de l’article 90.1. Ainsi, des communications orales « informelles » dans lesquelles des stratégies opérationnelles ou des renseignements concurrentiels sensibles sont échangés entre concurrents peuvent soulever des préoccupations aux termes de la Loi, lorsque les éléments de preuve montrent que ces communications ont eu une incidence sur les décisions ou les stratégies opérationnelles des concurrents ou qu’elles ont permis de les harmoniser. Dans le cas présent, le Bureau a articulé sa conclusion autour d’éléments de preuve précis qui ont été recueillis; cependant, les entreprises doivent savoir que le fait de participer à ce type de communications peut mener à la création d’accords qui contreviennent à l’article 90.1, ou selon les termes de l’accord, à l’article 45 de la Loi.

Abus de position dominante

Il y a abus de position dominante lorsqu’une entreprise dominante ou un groupe d’entreprises dominantes sur un marché se livre à une pratique d’agissements anticoncurrentiels qui a ou aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. Même si l’enquête du Bureau a tenu compte d’un certain nombre de questions susceptibles d’examen conformément à la partie VIII de la Loi, l’enquête était principalement axée sur l’abus de position dominante aux termes de l’article 79 de la Loi.

Dans son évaluation de la conduite aux termes de l’article 79 de la Loi, le Bureau s’est employé à déterminer si les cibles avaient agi dans le but de produire un effet négatif visant l’exclusion de FBN. Cette analyse accordait une attention particulière aux cibles qui, selon le Bureau, étaient les plus susceptibles de posséder la puissance commerciale nécessaire pour occuper une position dominante aux termes de la Loi, tout particulièrement les cibles qui sont des fabricants. Après mûr examen, le Bureau ne croit pas que, pour l’instant, des éléments de preuve concernant une intention anticoncurrentielle soient suffisants pour poursuivre l’enquête.  

Un autre élément de l’analyse du Bureau était l’évaluation des effets réels et probables de la conduite faisant l’objet d’examen sur la concurrence. Dans le contexte de cette enquête, le Bureau a tenu compte d’un certain nombre d’effets concurrentiels possibles, y compris si sans cette conduite :

  • FBN serait un concurrent plus dynamique dans un ou plusieurs marchés liés à l’agriculture numérique;
  • l’outil visant à assurer la transparence des prix de FBN ferait accroître la concurrence par les prix dans un ou plusieurs marchés;
  • FBN occasionnerait une concurrence sensiblement plus importante des produits génériques de protection des cultures;
  • les marchés au détail d’intrants agricoles seraient plus novateurs;
  • FBN serait un concurrent agressif dans le prix de détail;
  • FBN offrirait plus de choix dans l’achat d’intrants agricoles en raison de son modèle d’affaires de commerce en ligne.

Lors de l’évaluation de ces effets possibles, le Bureau a tâché de déterminer s’il existait un lien de causalité entre la conduite alléguée et l’effet possible sur la concurrence. Selon le Bureau, l’élément de preuve d’un lien de causalité n’était pas suffisant pour les quatre premiers effets possibles sur la concurrence, compte tenu notamment de l’exploitation continue de FBN au Canada à ce moment-là. Même si le Bureau estimait que certains éléments de preuve confirmaient que FBN offrait des prix sous la moyenne et que son modèle d’affaires fournissait des choix supplémentaires aux consommateurs, il ne pense pas pour le moment que les éléments de preuve démontrent que cette conduite des cibles a eu pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans un ou plusieurs marchés des intrants agricoles dans l’Ouest canadien.

Cependant, les éléments de preuve recueillis ont permis d’établir que bon nombre d’intervenants du marché considèrent FBN comme un perturbateur de marché et une menace concurrentielle pour les entreprises titulaires en raison de son modèle d’affaires novateur. Le Bureau estime que le commerce en ligne de FBN, ainsi que son outil visant à assurer la transparence des prix et sa technologie d’analyse comparative sont des innovations qui permettraient d’accroître la concurrence et de faciliter les décisions d’achat des producteurs. Bien que les éléments de preuve de ce dossier n’aient pas permis de démontrer que la conduite alléguée empêche les innovations de FBN d’accroître sensiblement la concurrence actuelle ou future dans tout marché pertinent, le Bureau demeurera particulièrement attentif à la conduite qui semble faire obstacle aux nouveaux venus novateurs.

Conclusion

Après avoir examiné attentivement les éléments de preuve recueillis, le Bureau a mis un terme à son enquête et n’a pas l’intention d’entreprendre des mesures d’enquête supplémentaires pour le moment. Cependant, le Bureau est conscient de l’importance des innovations agricoles, surtout dans l’économie numérique. Le Bureau estime également que les communications qui ont eu lieu dans ce secteur très concentré sont préoccupantes. Les conclusions du Bureau dans cette affaire sont fondées sur les faits particuliers de ce cas; toutefois, les entreprises devraient savoir que de telles communications présentent un risque important d’enfreindre la Loi. Si d’autres renseignements étaient portés à l’attention du Bureau, ce dernier pourrait réexaminer cette décision.

L’industrie agricole est d’une grande importance pour l’économie canadienne. Si vous êtes au courant ou faites l’objet de conduite anticoncurrentielle dans l’industrie agricole, n’hésitez pas à faire part de vos préoccupations au Bureau.

Sources citées dans le présent énoncé de position

  1. Agriculture et Agroalimentaire Canada, Aperçu du secteur agricole et agroalimentaire canadien.
  2. Agriculture et Agroalimentaire Canada, Profil du secteur canadien des semences, novembre 2019.
  3. Statistique Canada, données sur le commerce en direct, Exportations totales canadiennes – Scian 3253 – fabrication de pesticides, d’engrais et d’autres produits chimiques agricoles – Canada, 2016-2020.
  4. Bureau de la concurrence du Canada, Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents, 6 mai 2021.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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