Énoncé du Bureau de la concurrence concernant son suivi proactif de la nature potentiellement anticoncurrentielle des ententes de règlement des litiges en matière de brevets entre fabricants de médicaments de marque et fabricants de médicaments génériques

Énoncé de position

Voir le communiqué correspondant à cet énoncé de position


Le 20 mai 2022 – Gatineau (Québec) — Promouvoir et protéger la concurrence dans le secteur des soins de santé au Canada est une priorité du Bureau de la concurrence. Dans le cadre de ces efforts, le Bureau effectue un suivi proactif des ententes de règlement des litiges en matière de brevets entre les fabricants de médicaments de marque et les fabricants de médicaments génériques à l’aide des informations accessibles au public.

Les Lignes directrices sur la propriété intellectuelle (LDPI) du Bureau indiquent que les ententes de règlement des litiges en matière de brevets peuvent être anticoncurrentielles, comme lorsque des paiements (qu’ils soient en argent ou non) sont effectués pour retarder l’entrée sur le marché d’un médicament générique.

Lorsque les informations préliminaires indiquent que de telles ententes pourraient enfreindre les dispositions de la Loi sur la concurrence (la Loi), le Bureau ouvre une enquête pour obtenir ces ententes et les examiner. Il a d’ailleurs récemment mené des enquêtes sur deux ententes de ce type en vertu des articles 79 et 90.1 de la Loi. Dans les deux cas, le commissaire de la concurrence a clos les enquêtes après avoir conclu qu’il n’y a pas eu infraction à la Loi. Néanmoins, les ententes de règlement des litiges en matière de brevets peuvent comporter de sérieux risques pour la concurrence. À cet effet, le Bureau prendra à l’avenir les mesures de promotion ou de mise en application de la loi appropriées, s’il y a lieu.

L’énoncé de position ci-après résume l’approche globale du Bureau en matière d’examen de ce type d’ententes ainsi que les aspects préoccupants en lien avec celles-ci.

Sur cette page :

Contexte

Les produits pharmaceutiques ont un rôle central dans notre système de santé. Au Canada, la valeur totale des ventes de produits pharmaceutiques a augmenté de 35,3 % de 2011 à 2019, ce qui représente 29,9 milliards de dollars en dépenses en médicamentsFootnote 1. Il est donc important de maintenir la concurrence dans le domaine des médicaments et de favoriser l’innovation pour des produits qui sont essentiels à de nombreux Canadiens.

Compte tenu des dépenses importantes liées aux médicaments pharmaceutiques, le Bureau continue de concentrer ses efforts sur la promotion de l’accès à des produits sûrs, efficaces et abordables pour les Canadiens. En ce sens, les médicaments génériques sont souvent moins coûteux que les médicaments originaux de marque. Ainsi, les médicaments génériques permettent de contrôler les coûts des médicaments sur ordonnance, les rendant plus accessibles pour les patients et les payeurs au pays.

Qu’est-ce qu’une drogue innovante?

Il s’agit d’une drogue qui contient un ingrédient médicinal qui n’a pas déjà été approuvé dans une autre drogue par le ministre de la Santé et qui n’est pas une variante d’un ingrédient médicinal préalablement approuvé.

Plusieurs mécanismes réglementaires sont en place dans le but de trouver un équilibre entre les incitatifs à l’innovation pour les fabricants de médicaments de marque et les avantages d’une baisse des prix due à l’accès à des médicaments génériques. Par exemple, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (RMBAC) permet qu’une approbation octroyée par Santé Canada à un médicament générique soit liée aux brevets d’une drogue innovante. Un fabricant de médicaments génériques qui compare son produit à une drogue innovante ou s’y réfère dans la présentation réglementaire peut procéder de deux façons avant de demander l’approbation de Santé Canada :

  1. Accepter d’attendre que les droits de propriété intellectuelle en cause aient expiré.
  2. Faire valoir que les brevets du fabricant de médicaments de marque ne sont pas valides ou qu’ils ne font pas l’objet d’une violation des droits par la drogue innovante aux termes du RMBAC. Après avoir été avisé, le fabricant de médicaments de marque décide d’engager ou non une procédure judiciaire en vertu du Règlement.

Dans certains cas, une procédure judiciaire engagée en vertu du RMBAC peut être abandonnée avec l’accord des deux parties au moyen d’une entente de règlement des litiges en matière de brevets. Les parties prenantes à ces litiges peuvent avoir grand intérêt à conclure une entente plutôt que de risquer de s’exposer à une décision du tribunal en leur défaveur. De plus, les procédures de litiges en matière de brevets peuvent avoir des coûts importants et imprévisibles. Le Bureau reconnaît que les ententes de règlement peuvent être utiles à la société, car elles diminuent le fardeau du système judiciaire, permettant ainsi d’économiser les ressources publiques déjà limitées.

Néanmoins, dans certaines situations, les ententes de règlement peuvent comprendre des conditions qui retardent l’entrée sur le marché de médicaments génériques et portent ainsi préjudice aux intérêts des Canadiens. Les LDPI du Bureau définissent des situations où les ententes de règlement peuvent enfreindre la Loi. Plus précisément, le Bureau est préoccupé par les ententes de règlement qui vont « au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour en arriver à un règlement, comme le fait d’inclure un paiement pour retarder une concurrence au niveau des médicaments génériques »Footnote 2. De telles ententes peuvent engendrer des dommages économiques si le paiement sert à retarder l’entrée sur le marché canadien du médicament générique. De plus, le paiement que reçoit le fabricant de médicaments génériques peut représenter une part des bénéfices de monopole générés par le fabricant de médicaments de marque. En effet, les bénéfices réalisés par le fabricant de médicaments de marque en situation de monopole sont généralement plus élevés que les bénéfices combinés du fabricant de médicaments de marque et des fabricants de médicaments génériques concurrents dans une situation de partage de marché.

Afin de protéger la concurrence et l’innovation dans l’industrie pharmaceutique, le Bureau s’est orienté vers des méthodes proactives d’application de la loi par le biais de diverses initiatives de collecte d’informationsFootnote 3. Cela peut comprendre la surveillance active des litiges liés au RMBAC afin de repérer les procédures judiciaires qui ont été abandonnées à la suite d’une entente entre les parties. Par la suite, afin de déterminer s’il y a bel et bien infraction à la Loi, le Bureau procède à une collecte d’informations sur le marché du produit, notamment sur l’entrée sur le marché des médicaments génériques, sur les brevets actifs, sur les litiges à l’extérieur du Canada, sur les ventes et les parts de marché au Canada ainsi que d’autres aspects pertinents.

Enquêtes récentes

Lors de deux enquêtes récentes, le Bureau a recueilli de l’information sur deux ententes de règlement de litige en matière de brevets potentiellement anticoncurrentielles issues d’abandons de procédures judiciaires en vertu du RMBAC liées à deux médicaments pharmaceutiques. Le commissaire a finalement clos ces enquêtes, car les preuves suggéraient que les ententes n’avaient pas contrevenu à la Loi.

Conformément aux LDPI, le Bureau ne mènera plus d’enquêtes sur les ententes en vertu des articles 79 et 90.1 si celles-ci :

  • prévoient l’entrée sur le marché du médicament générique avant l’expiration du brevet;
  • ne comprennent pas de paiement ou un autre type de compensation pour le fabricant de médicaments génériques de la part du fabricant de médicaments de marque.

Le Bureau considère qu’en l’absence de paiement, la date d’entrée sur le marché dans l’entente reflète probablement un compromis entre les fabricants correspondant à leurs attentes d’une issue favorable du litige dans le cadre du RMBAC.

En revanche, si les ententes comprennent un paiement de la part du fabricant de médicaments de marque au fabricant de médicaments génériques, elles feront l’objet d’un examen par le Bureau en vertu des dispositions de la Loi relatives à l’abus de position dominante (article 79) et aux collaborations entre concurrents susceptibles d’examen au civil (article 90.1), et ce malgré une entrée précoce prévue du médicament générique sur le marché.

Aux termes de l’article 79, le Bureau considère généralement que le fabricant de médicaments de marque est dominant sur le marché dans lequel son médicament est protégé par un brevet. Une entente qui viserait à retarder l’entrée sur le marché d’un concurrent ou à empêcher cette entrée dans le but de conserver le pouvoir de marché du fabricant serait vraisemblablement considérée comme une pratique d’agissements anticoncurrentiels.

Conformément à l’article 90.1, le Bureau considère généralement que les ententes de règlement en matière de brevets entre un fabricant de médicaments génériques et un fabricant de médicaments de marque sont des accords entre des concurrents.

Ces deux articles exigent toutefois que le Bureau détermine que l’entente de règlement aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. Pour ce faire, le Bureau devra envisager ce qu’aurait été la situation si une entente de règlement n’avait pas été conclue, y compris la probabilité d’une date d’entrée sur le marché du médicament générique anticipée par rapport à celle convenue dans l’ententeFootnote 4.

Le Bureau étudiera différents aspects établis dans les LDPI pour déterminer si un paiement est susceptible d’avoir eu pour effet de retarder l’entrée sur le marché d’un médicament générique. Lorsqu’il sera possible de démontrer que le paiement correspond à une estimation raisonnable par le fabricant de médicaments de marque des frais juridiques restants prévus et des coûts connexes mentionnés dans les LDPI, le Bureau conclura que l’entente n’est pas problématique du point de vue de la Loi parce que le paiement n’a probablement pas eu comme effet de retarder l’entrée sur le marché canadien du médicament générique. En revanche, lorsque la preuve indique qu’un paiement dépasse l’estimation raisonnable, le Bureau prendra les mesures appropriées de mise en application de la Loi, y compris des sanctions administratives pécuniaires en vertu des dispositions de la Loi relatives à l’abus de position dominante.

Conclusion

La protection de la concurrence dans l’industrie pharmaceutique demeure une priorité pour le Bureau, d’où l’importance d’une surveillance active des ententes entre les fabricants de médicaments de marque et les fabricants de médicaments génériques.

Le commissaire a récemment décidé de clore deux enquêtes parce que les preuves suggéraient que les ententes examinées n’enfreignaient pas la Loi. Cependant, le Bureau est d’avis que ce genre de pratique peut entraîner des répercussions anticoncurrentielles importantes.

Si de nouveaux éléments de preuve probants montrant un préjudice à la concurrence étaient présentés, le Bureau prendrait les mesures qui s’imposent.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


Renseignements à l'intention des médias :
Relations avec les médias
Courriel : media-cb-bc@cb-bc.gc.ca

Renseignements généraux :
Demande de renseignements/Formulaire de plainte
Restez branchés

Le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au bénéfice des consommateurs et des entreprises du Canada. La concurrence favorise la baisse des prix et l’innovation tout en alimentant la croissance économique.