Guide des modifications apportées en décembre 2023 à la Loi sur la concurrence

Le 18 décembre 2023

D’importantes modifications à la Loi sur la concurrence sont entrées en vigueur le 15 décembre 2023 à la suite de la sanction royale du projet de loi C-56, la Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence. Le gouvernement du Canada a apporté ces modifications à la Loi sur la concurrence dans le cadre de la modernisation en cours du régime de concurrence du Canada.

Ce guide donne un aperçu de ces modifications, notamment en ce qui concerne les études de marché, l’examen des fusions, les collaborations entre entreprises et l’abus de position dominante.

Ce guide n’est pas un document juridique et ne remplace pas les avis juridiques. Le Bureau de la concurrence révisera et mettra à jour ses lignes directrices en matière d’application de la loi afin d’assurer la transparence et la prévisibilité pour les membres du milieu des affaires et du milieu juridique.

Sur cette page :

Ajout d’un nouveau cadre et de pouvoirs officiels de collecte de renseignements pour les études de marché

Dans le cadre de son mandat, le Bureau de la concurrence utilise une vaste gamme d’outils de promotion des avantages d’un marché concurrentiel. Les études de marché sont l’un des outils que le Bureau utilise pour promouvoir la concurrence. Ces études impliquent des analyses approfondies d’un sujet lié au marché, à l’industrie ou à la concurrence afin de cerner les problèmes de concurrence et de proposer des solutions potentielles tout en améliorant notre compréhension de la dynamique concurrentielle en jeu.

Les modifications établissent un nouveau cadre en vertu de la Loi sur la concurrence pour la réalisation d’études de marché avec des pouvoirs de collecte de renseignements. Le nouveau cadre permet au commissaire de la concurrence ou au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie de lancer une telle étude et définit le cadre dans lequel elle doit être menée.

Nouveautés à la suite de ces modifications :

  • Dans ce nouveau cadre, le commissaire, de sa propre initiative ou sur instruction du ministre, peut lancer une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie (paragraphes 10.1(1) et 10.1(2)).
  • Avant d’entamer une telle enquête, le commissaire doit :
    • publier le projet de mandat pour la conduite de l’enquête et accorder au moins 15 jours aux membres du public pour qu’ils fassent part de leurs observations (paragraphe 10.1(3));
    • soumettre, après avoir tenu compte de ces observations, le mandat final au ministre pour approbation et publication (paragraphe 10.1(4)).
  • Dans le cadre d’une enquête, le commissaire se voit accorder des pouvoirs supplémentaires en matière de collecte de renseignements :
    • Dans ce nouveau cadre, le commissaire peut demander une ordonnance judiciaire pour contraindre une personne à fournir des renseignements pertinents (article 11).
    • Toute personne visée par une telle ordonnance judiciaire doit recevoir une ébauche – complète ou non – du rapport avant sa publication et peut, après réception du rapport et dans un délai de trois jours ouvrables, faire part de ses préoccupations concernant des inexactitudes factuelles ou des renseignements confidentiels (paragraphe 10.1(7)).
  • L’échéancier de l’enquête – y compris la publication du rapport final – est fixé par le ministre. Sauf prolongation par le ministre, ce délai ne peut excéder 18 mois, et les prolongations ne peuvent excéder 3 mois (paragraphes 10.1(5) et 10.1(6)).

Par le passé, le Bureau a réalisé des études de marché en vertu de divers autres pouvoirs conférés par la Loi sur la concurrence, notamment les articles 7, 125 et 126. Pour réaliser ces études de marché, le Bureau devait s’appuyer sur des informations publiques, des informations déjà en sa possession et des informations fournies par les parties prenantes sur une base volontaire. Les modifications n’empêchent pas le Bureau de continuer à entreprendre des études de marché en vertu de ces pouvoirs, et le Bureau continuera à le faire dans les cas appropriés.

Élimination de la défense fondée sur les gains en efficience dans l’examen des fusions

Un contrôle efficace des fusions est essentiel pour que les Canadiens et Canadiennes puissent bénéficier des avantages d’un marché concurrentiel. Les fusions anticoncurrentielles peuvent entraîner des conséquences négatives sur l’économie, notamment des prix plus élevés, moins de choix et des niveaux d’innovation plus faibles.

L’exception des gains en efficience prévue par la Loi sur la concurrence, connue sous le nom de « défense fondée sur les gains en efficience », empêchait le Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance contre une fusion anticoncurrentielle lorsque les parties pouvaient démontrer que les gains en efficience surpassaient les effets anticoncurrentiels de la fusion. Cela a permis à des fusions nuisibles aux Canadiens et Canadiennes de se réaliser.

Les modifications éliminent l’exception des gains en efficience des dispositions relatives à l’examen des fusions de la Loi sur la concurrence (article 96), de sorte qu’elle ne pourra plus être invoquée à l’avenir.

  • L’exception des gains en efficience continuera toutefois de s’appliquer aux transactions proposées pour lesquelles un avis a été donné au commissaire avant le 15 décembre 2023, ou aux fusions qui ont été essentiellement complétées avant cette date.

Élargissement du champ d’application de l’examen des collaborations entre entreprises

Les collaborations entre concurrents, comme les coentreprises et les alliances stratégiques, peuvent permettre aux entreprises d’unir leurs capacités et leurs ressources. Elles aident parfois les entreprises à réduire leurs coûts de production, à rehausser la qualité des produits et à réduire le temps nécessaire pour mettre de nouveaux produits sur le marché.

La Loi sur la concurrence renferme toutefois des dispositions qui interdisent à des entreprises de conclure des accords qui ont ou auront vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. À titre d’exemple, un accord anticoncurrentiel pourrait permettre aux parties impliquées d’exiger des prix plus élevés ou d’entraver la croissance de futurs concurrents.

Auparavant, ces dispositions étaient limitées aux accords impliquant des concurrents. Les modifications étendent le champ d’application de cette disposition aux accords qui ne sont pas conclus entre concurrents s’il peut être démontré que l’un des « objets importants » de l’accord, ou d’une partie de l’accord, est de nuire à la concurrence et que l’accord a pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.

Cette modification entrera en vigueur un an après la sanction royale, soit le 15 décembre 2024.

Élimination de la défense fondée sur les gains en efficience pour les collaborations anticoncurrentielles

Comme pour les dispositions sur l’examen des fusions, la Loi sur la concurrence comportait aussi une exception relative aux gains en efficience pour les dispositions sur les collaborations entre concurrents. Cette exception empêchait le Tribunal de la concurrence de remédier aux collaborations anticoncurrentielles lorsque les parties pouvaient démontrer que les gains en efficience surpassaient les effets anticoncurrentiels de la collaboration.

Les modifications éliminent l’exception des gains en efficience des dispositions relatives aux collaborations entre concurrents de la Loi sur la concurrence (paragraphes 90.1(4)-(6)). Cette modification entrera en vigueur un an après la sanction royale, soit le 15 décembre 2024 2024.

Restructuration du critère juridique pour l’abus de position dominante

Dans certains cas, les entreprises dominantes agissent de manière à saper les forces concurrentielles du marché. Dans ces cas, le Bureau de la concurrence a recours aux dispositions de la Loi sur la concurrence pour protéger le processus concurrentiel.

Avant les modifications, il y avait abus de position dominante aux termes de la Loi (article 79) lorsqu’une entreprise dominante (ou un groupe d’entreprises) se livrait à une pratique intentionnelle d’agissements anticoncurrentiels ayant pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. Pour qu’il y ait abus de position dominante, les trois éléments suivants devaient être établis : une position dominante, une intention anticoncurrentielle et des effets anticoncurrentiels.

À la suite des modifications, le Tribunal de la concurrence peut rendre une ordonnance d’interdiction à l’encontre d’une entreprise (ou d’un groupe) en position dominante si son comportement répond à l’exigence de l’intention ou de l’effet anticoncurrentiel. Il sera ainsi plus simple de faire cesser le comportement d’une entreprise dominante qui a porté atteinte à la concurrence sur le marché ou qui avait l’intention de le faire.

Un éventail plus vaste de mesures correctives, y compris des sanctions administratives pécuniaires, est disponible dans les cas où les trois éléments, à savoir la position dominante, l’intention anticoncurrentielle et les effets anticoncurrentiels, sont réunis.

Ajout des prix de vente excessifs et injustes aux dispositions sur l’abus de position dominante

Pour établir l’intention anticoncurrentielle d’un abus de position dominante, la Loi sur la concurrence énumère une liste non exhaustive d’agissements qui peuvent être considérés comme une pratique d’agissements anticoncurrentiels lorsqu’ils sont commis par une entreprise en position dominante (article 78). Les modifications ajoutent à cette liste de pratiques anticoncurrentielles l’« imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injustes ».

Il importe de noter qu’une telle pratique doit être destinée à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence.

Augmentation des sanctions maximales pour abus de position dominante

Les amendes et les sanctions administratives pécuniaires jouent un rôle important pour assurer la conformité à la Loi sur la concurrence en incitant financièrement les entreprises à se conformer à la loi.

Lorsqu’une entreprise est reconnue coupable d’avoir violé les dispositions sur l’abus de position dominante de la Loi sur la concurrence, le Tribunal de la concurrence dispose d’un certain nombre de recours, y compris l’imposition d’une sanction pécuniaire.

  • Pour les violations des dispositions relatives à l’abus de position dominante, la nouvelle sanction maximale est la plus élevée des deux suivantes :
    • 25 millions de dollars dans le cas d’une première violation et 35 millions de dollars pour toute violation subséquente;
    • trois fois la valeur du bénéfice tiré de la pratique anticoncurrentielle ou, si ce montant ne peut être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de l’entreprise.
  • Auparavant, les sanctions étaient plafonnées au montant le plus élevé des possibilités suivantes : 10 millions de dollars (15 millions de dollars pour chaque violation subséquente) ou trois fois la valeur du bénéfice tiré de la pratique anticoncurrentielle ou, si ce montant ne peut être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de l’entreprise.