Lignes directrices sur l’application de la loi concernant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage

Le 30 mai 2023

Sur cette page :

  1. L’interdiction
  2. Types d’accords interdits
  3. Défenses
  4. Immunité et clémence
  5. Exemples
  6. Notes de bas de page

Préface

Le Bureau de la concurrence est un organisme d’application de la loi indépendant responsable d’assurer et de contrôler l’application de la Loi sur la concurrence. La Loi est une loi d’application générale qui établit les principes fondamentaux de la conduite des affaires au Canada. Le Bureau contribue à la prospérité des Canadiennes et des Canadiens en assurant la protection et la promotion de la concurrence au sein des marchés tout en permettant aux consommateurs et aux consommatrices de faire des choix éclairés.

En juin 2022, le gouvernement du Canada a modifié la Loi. Une de ces modifications a consisté à ajouter le paragraphe 45(1.1)Note de bas de page 1 aux dispositions actuelles sur le complot criminel. Ce nouveau paragraphe protège la concurrence sur les marchés du travail, car elle interdit les accords entre les employeurs visant à fixer les salaires et à restreindre la mobilité d’emploi.

À l’instar des accords de fixation des prix, de partage des marchés et de restriction de la production entre concurrents décrits au paragraphe 45(1), les accords de fixation des salaires et de non-débauchage entravent la concurrence et la répartition efficace des ressources. Le fait de maintenir et d’encourager la concurrence entre les employeurs se traduit par des salaires plus élevés, ainsi que par de meilleures conditions d’emploi et perspectives professionnelles pour les employés.

Le Bureau publie les présentes lignes directrices dans le cadre de son engagement de transparence et de prévisibilité. Les lignes directrices décrivent l’approche du Bureau dans l’application du paragraphe 45(1.1) et doivent être lues conjointement avec les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents (les « LDCC »)Note de bas de page 2.

Les présentes lignes directrices ne reformulent pas la loi. Elles n’engagent pas le commissaire de la concurrence ou la directrice des poursuites pénales (la « DPP ») quant à la façon dont ils exerceraient leur pouvoir discrétionnaire dans une situation donnée. Les décisions du commissaire et de la DPP, et la résolution finale des questions, dépendent de l’affaire spécifique en causeNote de bas de page 3. L’interprétation finale de la loi relève de la responsabilité des tribunaux.

Le Bureau pourrait revenir sur ces lignes directrices, à la lumière de l’expérience acquise, des circonstances nouvelles et de l’évolution du droit.

1. L’interdiction

1.1 Aperçu

Le paragraphe 45(1.1) rend les accords de fixation des salaires, ainsi que de non-sollicitation et de non-embaucheNote de bas de page 4 (« accords de non-débauchage ») illégaux en soiNote de bas de page 5. Les nouvelles dispositions exigent la présentation d’une preuve hors de tout doute raisonnable et prévoient de lourdes sanctions au criminel. Une personne trouvée coupable d’une infraction au paragraphe 45(1.1) est passible d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à quatorze ans ou d’une amende qui doit être fixée à la discrétion du tribunal, ou les deuxNote de bas de page 6.

Le paragraphe 45(1.1) vise les « restrictions pures et simples » à la concurrence. Elles comprennent les restrictions salariales ou à la mobilité professionnelle qui ne sont pas mises en œuvre pour permettre une collaboration légitime, une alliance stratégique ou une coentrepriseNote de bas de page 7.

Le nouveau paragraphe prescrit que :

45 (1.1) Commet une infraction une personne qui est un employeur qui, avec un employeur qui ne lui est pas affilié, complote ou conclut un accord ou un arrangement :

  1. pour fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi;
  2. pour ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre employeur.

Le Bureau décrit ci-dessous son approche concernant l’application des nouvelles dispositions.

1.2 Principes généraux

1.2.1 Application

Le paragraphe 45(1.1) s’applique aux accords conclus entre employeurs à compter du 23 juin 2023 (inclusivement). Il s’applique aussi aux comportements qui réaffirment ou mettent en œuvre des accords conclus avant cette dateNote de bas de page 8.

En ce qui a trait aux accords préexistants, le Bureau n’est pas susceptible de trouver qu’un accord de fixation des salaires ou de non-débauchage est problématique si les parties ne prennent pas de mesures pour réaffirmer ou mettre en œuvre la restriction le ou après le 23 juin 2023. De plus, au moins deux parties doivent réaffirmer ou mettre en œuvre la restriction pour que le Bureau conclue au consensus requis ou à une « rencontre des volontés »Note de bas de page 9. Puisque le Bureau met l’accent sur l’intention des parties à compter du 23 juin 2023, les employeurs voudront peut-être mettre à jour les documents et accords préexistants de l’entreprise, à mesure qu’ils se présentent dans le cours normal des affaires, afin de s’assurer qu’ils reflètent bien leurs politiques et intentions, et ainsi éviter toute confusion inutile.

1.2.2 Affiliation

Le paragraphe 45(1.1) s’applique aux accords entre employeurs non affiliésNote de bas de page 10. Il ne s’applique pas aux accords conclus entre employeurs affiliés. Par exemple, les accords de fixation des salaires ou de non-débauchage entre deux personnes morales ou plus contrôlées par la même société mère n’enfreignent pas les dispositions.

1.2.3 Employeurs

Contrairement au paragraphe 45(1) qui s’applique uniquement aux concurrents, le paragraphe 45(1.1) s’applique aux accords mettant en cause au moins deux employeurs non affiliés, qu’ils se fassent concurrence ou non dans la fourniture d’un produitNote de bas de page 11.

Les « employeurs » comprennent les administrateurs, les dirigeants, ainsi que les employés ou agents, tels que les professionnels en ressources humaines. Par exemple, un accord conclu entre un dirigeant d’une entité et un administrateur d’une autre société est traité comme un accord entre employeurs aux fins du paragraphe 45(1.1). Dans ces circonstances, les personnes ayant conclu l’accord s’exposent à des poursuitesNote de bas de page 12. De plus, les entités elles-mêmes pourraient s’exposer à des poursuites pour un accord conclu entre leurs employés respectifs si ceux-ci agissent à titre de cadres supérieursNote de bas de page 13.

1.2.4 Relation d’emploi

Le paragraphe 45(1.1) s’applique à certains accords entre employeurs non affiliés concernant leurs employés. L’existence ou non d’une relation employeur-employé entre les parties dépend de la nature de leurs interactions et des lois fédérales et provinciales applicables. Les employeurs devraient noter que leurs relations contractuelles avec les personnes dont ils retiennent les services pourraient évoluer en une relation employeur-employé au fil du temps.

1.2.5 Partage de renseignements

Le partage de renseignements ne soulève habituellement pas de préoccupations en vertu de la Loi parce que les parties essaient habituellement de préserver leur avantage concurrentiel et commercial. Cependant, dans certaines circonstances, l’échange de renseignements peut amener à déduire qu’il existe un accord entre les parties en application du paragraphe 45(1.1) ou peut constituer une affaire que le Tribunal peut examiner en vertu de la partie VIII de la LoiNote de bas de page 14.

Les employeurs devraient faire attention lorsqu’ils partagent des informations commercialement sensibles dans le cadre d’activités de collaboration, y compris la communication des conditions d’emploi, afin de s’assurer que le comportement ne soulève pas de préoccupationsNote de bas de page 15.

2. Types d’accords interdits

2.1 Accords de fixation des salaires

L’alinéa 45(1.1)a) interdit les accords entre employeurs non affiliés pour :

  • fixer, maintenir, réduire ou contrôlerNote de bas de page 16 les salaires;
  • fixer, maintenir, réduire ou contrôler les traitements;
  • fixer, maintenir, réduireNote de bas de page 17 ou contrôler les conditions d’emploi, ce qui inclut notamment les responsabilités, politiques et avantages associés à un emploi. Cela peut comprendre les descriptions de poste, les allocations telles que les indemnités quotidiennes et le remboursement des déplacements, la rémunération non monétaire, les heures de travail, le lieu de travail, et les dispositions de non-concurrence ou autres directives susceptibles de restreindre les perspectives d’emploi d’une personne. L’application par le Bureau se limite généralement aux « conditions » pouvant influer sur la décision d’une personne d’accepter un contrat d’emploi ou de le conserver.

2.2 Accords de non-débauchage

L’alinéa 45(1.1)b) interdit les accords entre employeurs non affiliés « pour ne pas solliciter ou embaucher les employés de l’autre employeur ». Lorsqu’un accord limite les possibilités d’emploi d’un employé, le Bureau pourrait examiner si la limitation résulte d’un accord de non-débauchage. Les limitations conçues pour empêcher la sollicitation ou l’embauche d’employés par une autre partie à cet accord peuvent inclure, par exemple, le fait de restreindre la communication de renseignements en lien avec les offres d’emploi et d’adopter des mécanismes d’embauche biaisésNote de bas de page 18.

Comme mentionné, l’alinéa ne s’applique qu’aux accords pour ne pas solliciter ou embaucher des employés « de l’autre employeur ». Si une restriction dans un accord ne s’applique qu’à un employeur, le Bureau la considérera comme « unidirectionnelle » et non comme un accord avec « l’autre employeur ». Cependant, lorsqu’il existe des accords distincts entre deux employeurs ou plus qui donnent lieu à des promesses réciproques de non-débauchage, alors le Bureau pourrait prendre des mesures d’application de la loiNote de bas de page 19.

3. Défenses

3.1 Défense fondée sur les restrictions accessoires

Le Bureau fait la distinction entre des restrictions pures et simples et des « restrictions accessoires ». Le paragraphe 45(4) prévoit la défense fondée sur les restrictions accessoiresNote de bas de page 20. Comme il est décrit dans les LDCC, la défense fondée sur les restrictions accessoires (la « DRA ») peut être invoquée lorsque certaines transactions ou collaborations commerciales désirables nécessitent des restrictions à la concurrence pour les rendre efficaces, voire possibles. La DRA peut être invoquée lorsqu’il est vraisemblable que :

  1. la restriction est accessoire à un accord plus large ou distinct entre les mêmes parties, ou en découle;
  2. la restriction est directement liée à l’objectif de l’accord plus large ou distinct évoqué ci-dessus en (a) et est raisonnablement nécessaire à sa réalisation;
  3. l’accord plus large ou distinct évoqué ci-dessus en (a), considéré indépendamment de la restriction, ne contrevient pas au paragraphe 45(1.1).

Pour être admissible à la DRA, la restriction en question doit être accessoire à un accord plus large ou distinct qui vise les mêmes parties. Comme il est décrit plus en détail dans les LDCC, le Bureau pourrait examiner les modalités de l’accord, la forme de l’accord, la relation fonctionnelle ou l’absence d’une telle relation entre la restriction et l’accord principal, et la façon dont la restriction rend l’accord principal plus efficace dans la réalisation de son objectif. Outre les autres considérations, le Bureau tiendra compte des éléments suivants :

  • si la restriction est « directement liée et raisonnablement nécessaire » pour donner effet à l’objectif de l’accord plus large. Le Bureau ne remettra pas en question le choix des parties eu égard à quelque autre option qui aurait été moins restrictive de façon négligeable. Toutefois, dans l’éventualité où il aurait été possible pour les parties de parvenir à un accord équivalent ou comparable en ayant recours à des moyens pratiques significativement moins restrictifs qui leur étaient raisonnablement accessibles au moment où l’accord a été conclu, le Bureau jugera que la restriction n’était pas raisonnablement nécessaire;
  • la durée de la restriction accessoire, l’objet de la restriction et la portée géographique de la restriction (p. ex., si elle s’applique ou non à des employés n’ayant pas de lien avec la collaboration), afin de déterminer si elle est raisonnablement nécessaire pour réaliser l’objectif de l’accord plus large;
  • si, en l’absence de la restriction, l’accord pouvait seulement être mis en œuvre dans un contexte sensiblement plus incertain, à un coût nettement plus élevé ou sur une période significativement plus longue.

Le Bureau examinera également ce qui a mené à l’adoption de la restriction. Cela comprend les éléments de preuve issus de l’évaluation et de la négociation de l’accord démontrant les objectifs dudit accord, toute indication sur les options envisagées par les parties lors de la négociation de l’accord ainsi que toute soumission faite par les parties au Bureau.

Le Bureau reconnaît l’importance que peuvent avoir les restrictions liées au travail dans de nombreux accords commerciaux. Des restrictions raisonnablement nécessaires peuvent jouer un rôle important de stabilisation et de protection des intérêts commerciaux des parties qui poursuivent des objectifs pro-concurrentiels légitimes. Conformément aux LDCC, le Bureau n’évaluera généralement pas les clauses de fixation des salaires ou de non-débauchage qui sont accessoires aux transactions de fusion, aux coentreprises ou aux alliances stratégiquesNote de bas de page 21 en vertu des dispositions criminelles. De façon similaire, il reconnait le rôle que ces types de restrictions peuvent jouer dans certains arrangements commerciaux, par exemple, les accords de franchise et certaines relations liant un fournisseur de service et un client, tels que les contrats de services informatiques ou de dotation de personnel. Le Bureau peut cependant commencer une enquête aux fins du paragraphe 45(1.1) lorsque ces clauses sont clairement plus larges qu’il est nécessaire en ce qui concerne la durée, les employés couverts, ou lorsque l’accord ou l’arrangement commercial est un subterfugeNote de bas de page 22.

Lorsque la DRA s’applique, le Bureau peut toujours examiner l’accord en vertu des dispositions sur les affaires que le Tribunal peut examiner se trouvant à la partie VIII de la Loi, y compris la disposition sur les accords civils de l’article 90.1.

3.2 Autres exemptions, défenses et exceptions

Les employeurs devraient savoir que d’autres exemptions, défenses et exceptions prévues par la Loi pourraient s’appliquer aux comportements décrits au paragraphe 45(1.1). Par exemple :

  • l’article 4 prévoit une exemption pour les accords entre employeurs au sujet des négociations collectives avec leurs employés concernant les salaires ou traitements et conditions d’emploi;
  • le paragraphe 45(7) prévoit une défense lorsqu’un comportement fait l’objet d’une exigence ou d’une autorisation prévue par une autre loi fédérale ou une loi provincialeNote de bas de page 23.

Lorsque les parties invoquent une exemption, une exception ou une défense, le Bureau en examinera la validité avant de décider de soumettre ou non cette affaire à la DPP.

4. Immunité et clémence

Les programmes d’immunité et de clémence du Bureau sont disponibles pour les infractions décrites au paragraphe 45(1.1). Pour y être admissibles, les demandeurs devront fournir suffisamment de renseignements en lien avec la ou les infractions. Cela comprend des renseignements relatifs aux pratiques d’embauche et à la rémunération des employés.

Vous trouverez d’autres renseignements sur les pages des Programmes d’immunité et de clémence du Bureau.

Exemples

Exemple 1 : Accords de fixation des salaires

Lucie est propriétaire d’un laboratoire médical privé. Gérard est propriétaire d’un laboratoire d’analyse chimique. Lors d’un dîner d’affaires, Lucie et Gérard conviennent de limiter les primes annuelles de leur personnel respectif à 5 %.

Analyse

Cet accord susciterait vraisemblablement des préoccupations relatives à l’alinéa 45(1.1)a). Cette disposition interdit tout accord entre deux employeurs ou plus pour fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires, les traitements ou les conditions d’emploi. Il n’est pas nécessaire de se demander si les employeurs se font concurrence en matière de prestation de services de laboratoire. Dans le cas présent, les deux employeurs ont des employés qui gagnent un salaire et qui reçoivent normalement chacun une prime annuelle. Les accords pour fixer, maintenir, réduire ou contrôler les primes sont interdits par la disposition.

Exemple 2 : Réciprocité et accords de non-débauchage

L’entreprise A est une société de conseil qui intègre ses employés dans les entreprises de ses clients pendant une période déterminée. Dans le cadre d’un contrat de consultation, l’entreprise B accepte de ne pas embaucher les employés intégrés de l’entreprise A. L’entreprise A ne conclut pas le même accord concernant les employés de l’entreprise B.

Analyse

L’accord de non-débauchage a été conclu par deux employeurs pour empêcher les employés de l’entreprise A d’être embauchés par l’entreprise B. Puisque la restriction contenue dans l’accord ne s’applique qu’aux employés de l’entreprise A, il est à « à sens unique » et ne prévoit pas de promesse réciproque de la part de l’entreprise B. La restriction ne s’applique donc pas aux employés de « l’autre employeur ». Par conséquent, celle-ci n’enfreint pas l’alinéa 45(1.1)b).

Exemple 3 : Relation employeur-employé et portée des restrictions

L’entreprise X offre des services de dotation et de recrutement. Elle a conclu un accord de dotation avec l’entreprise Y pour lui fournir des travailleurs spécialisés pour une brève période. Dans le cadre du contrat, les entreprises X et Y conviennent de ne pas embaucher du personnel de l’autre tant que le contrat est en vigueur.

Analyse

(a) Relation employeur-employé

Dans un tel scénario, le Bureau examinerait la relation entre les travailleurs et employeurs afin d’établir si une relation employeur-employé existe.

À cette fin, le Bureau étudiera les lois fédérales et provinciales applicables ainsi que les accords entre les parties et leur comportement. Les employeurs devraient garder en tête que selon les lois applicables, leur relation avec des entrepreneurs indépendants pourrait évoluer au fil du temps. Par exemple, si un employeur agit avec un entrepreneur indépendant comme si c’était un employé, le contrat commercial entre eux pourrait se transformer en une relation d’emploi.

(b) Portée des restrictions

L’accord de non-débauchage entre les entreprises X et Y n’est en vigueur que pour la durée du contrat. Cependant, le Bureau pourrait avoir besoin de plus de renseignements pour évaluer si la restriction est raisonnable. Au-delà de la durée de la restriction et si celle-ci se termine quand l’accord de dotation prend fin, les restrictions accessoires et leurs modalités doivent être raisonnablement nécessaires. Bien qu’il puisse se sentir rassuré que la clause relative au non-débauchage expire une fois les services rendus, le Bureau pourrait prendre des mesures d’application de la loi si la restriction outrepasse clairement ce qui est nécessaire.

Lorsque la DRA s’applique, le Bureau peut toujours examiner l’accord en vertu des dispositions sur les affaires que le Tribunal peut examiner se trouvant à la partie VIII de la Loi.

Exemple 4 : Accords de non-débauchage et contrats de franchise

L’entreprise A accorde des franchises de restauration rapide partout au Canada. Former de nouveaux employés nécessite beaucoup de temps et d’argent de la part de l’entreprise A et de chaque franchisé. Afin de réduire leurs coûts de formation, l’entreprise A et chaque franchisé se sont entendus séparément pour ne pas débaucher leurs employés respectifs ni ceux des autres franchisés. Les franchisés n’ont pas d’accords directement entre eux. Cependant, chaque franchisé s’attend à ce que le franchiseur conclue un accord de non-débauchage avec chaque franchisé faisant partie du système de franchise.

De plus, les franchisés veulent instaurer un système pour récupérer les frais de formation auprès de l’employeur ayant débauché un employé, plutôt que de se fier sur la mise en application par le franchiseur de la restriction de non-débauchage.

Analyse

Vraisemblablement, l’accord de non-débauchage susciterait des préoccupations relatives à l’alinéa 45(1.1)b). Habituellement, les franchiseurs et les franchisés ne sont pas affiliés et les employeurs dans une relation de franchise ne peuvent s’appuyer sur la définition d’affiliation prévue à la Loi. De plus, l’alinéa précise qu’il est interdit à deux employeurs ou plus de convenir de ne pas solliciter ou embaucher des employés de l’autre employeur. Comme les franchisés et l’entreprise A sont tous des employeurs, l’alinéa 45(1.1)b) s’applique. Il n’est pas nécessaire de déterminer si les franchisés se font concurrence ou font concurrence à l’entreprise A sur le plan de la fourniture d’un produit.

(a) Accords entre les parties

Le scénario présente deux types de relations d’affaires :

  • les accords entre le franchiseur et chaque franchisé;
  • l’entente entre les franchisés.

Puisque le paragraphe 45(1.1) a trait aux accords entre employeurs, la disposition pourrait s’appliquer à l’une ou l’autre relation d’affaires.

Tel que décrit à la section 3.1 ci-dessus, le Bureau reconnaît que certaines restrictions peuvent jouer un important rôle dans le modèle de franchise et dans les accords entre les franchiseurs et chaque franchisé. Cependant, le Bureau pourrait commencer une enquête aux fins du paragraphe 45(1.1) si ces restrictions outrepassent clairement ce qui est nécessaire.

En ce qui concerne l’entente entre les franchisés, la simple connaissance par le franchisé des contrats de franchise standard parallèles qui comprennent des restrictions de non-débauchage ne soulèvera pas habituellement de préoccupations relatives au paragraphe 45(1.1), à moins qu’il y ait une preuve d’une intention chez les franchisés de conclure un accord de non-débauchage entre eux. Les franchisés devraient se rappeler que la défense fondée sur les restrictions accessoires ne s’applique que s’ils font partie d’un accord plus large. Par exemple, des mesures prises par au moins deux franchisés pour mettre en œuvre les restrictions de non-débauchage d’un accord de franchise pourraient fournir une preuve d’un accord de non-débauchage entre ces franchisés et constituer une infraction à l’alinéa 45(1.1)b). Pour déterminer s’il existe un accord entre les franchisés, le Bureau examinera si les parties sont parvenues à un consensus, explicitement ou tacitement.

(b) Récupération des coûts de formation

Concernant la possibilité qu’un franchisé récupère les coûts de formation d’un employé « débauché », le Bureau ne considérerait généralement pas ce genre d’arrangement comme étant problématique en vertu du paragraphe 45(1.1) si la compensation est raisonnablement liée aux coûts de formation engagés et ne désavantage pas les employés par rapport aux candidats externes.