Renforcer l’autonomie des prestataires de soins de santé à l’ère numérique

Le 24 novembre 2022

Étude de marché sur les services de santé numériques – Troisième partie

Avant-propos

La pandémie de COVID-19 a montré que les technologies permettant les services de santé numériques peuvent compléter les soins traditionnels en personne. Bientôt, il ne sera plus nécessaire de s’absenter du travail et de se rendre au cabinet de son médecin pour chaque consultation médicale.

Les nouvelles technologies permettant les services de santé numériques promettent des avantages pour l’ensemble du système public de soins de santé du Canada. Les technologies numériques peuvent permettre aux prestataires de soins de santé de travailler plus efficacement et de fournir de meilleurs soins de santé aux patients dans tout le Canada. Les patients peuvent gagner du temps et de la commodité, et conserver l’accès à des services et des traitements de haute qualité qui répondent à leurs besoins. En outre, les gouvernements peuvent trouver des gains d’efficacité en réduisant les coûts et en augmentant la productivité du système de soins de santé.

Pendant cette transition, les décideurs doivent permettre aux prestataires publics de soins de santé d’exploiter au mieux les forces de la concurrence. En veillant à ce que les prestataires puissent adopter les innovations les plus récentes, le système de santé du Canada peut favoriser le développement de la prochaine génération de produits et services numériques. Ces politiques proconcurrentielles permettront aux prestataires de soins de santé d’offrir la meilleure qualité de soins à leurs patients, qu’ils soient fournis par un service numérique ou lors d’une visite en personne.

Pour favoriser la concurrence dans l’avenir numérique, la politique en matière de soins de santé publics du Canada doit être modernisée. Il s’agit notamment d’adapter les règles qui régissent la manière dont les prestataires font leur travail. Améliorer le mode de rémunération des prestataires, ainsi que la manière et le lieu où ils peuvent exercer, peut encourager l’adoption des technologies numériques en matière de soins de santé. Cela permettra d’accroître l’innovation et le choix, tant pour les prestataires de soins de santé que pour les patients.

Lorsque les décideurs adaptent les règles, il est important que les prestataires de soins de santé disposent de la souplesse nécessaire pour choisir l’outil ou la méthode de soins la plus appropriée. En retour, cela permettra aux prestataires de tirer parti de la concurrence pour stimuler les investissements dans l’innovation. On obtiendra ainsi de meilleurs résultats pour les patients, des coûts moindres et un avenir plus prometteur pour le système public de soins de santé du Canada.

Table des matières

Résumé

Ce rapport formule trois recommandations à l’intention des gouvernements et des décideurs du Canada sur les moyens d’améliorer la façon dont les prestataires de soins de santé travaillent au sein du système public de soins de santé du Canada. En recourant davantage aux technologies numériques, les prestataires de soins de santé peuvent tirer parti des avantages de la concurrence. Cela permettra d’accélérer l’innovation et d’offrir un plus grand choix aux patients.

Les recherches montrent que la population canadienne souhaite avoir accès à des solutions numériques en matière de soins de santé, mais que l’adoption à ce jour est faible. Même si la pandémie a encouragé les avancées dans le domaine des soins de santé numériques, les décideurs doivent veiller à ce que les règles et la réglementation évoluent rapidement pour soutenir la nouvelle normalité.

Donner aux prestataires de soins de santé les moyens d’utiliser les meilleures technologies numériques disponibles permettra d’améliorer les services de soins de santé et les résultats pour les patients. Cela stimulera également l’innovation et le développement de nouveaux produits dans le secteur des soins de santé numériques. Il s’agit notamment de proposer des solutions de rechange aux soins en personne, comme les courriels ou les messages textes, les visites virtuelles et la surveillance à distance des patients.

Toutefois, les obstacles existants peuvent bloquer la concurrence et empêcher les prestataires de proposer les meilleurs et les plus récents produits et services numériques à leurs patients. Lors de la réalisation de cette étude, les intervenants nous ont fait part de ce qui suit :

  • Les modèles de paiement actuels peuvent limiter l’adoption des outils numériques en matière de soins de santé. La façon dont les gouvernements paient les prestataires de soins de santé influe considérablement sur la façon dont ils fournissent des soins à la population canadienne. De nombreux modèles de paiement existants n’ont pas encore normalisé la prestation de soins virtuels, et doivent être mis à jour pour permettre aux prestataires de mieux intégrer les soins de santé numériques dans leurs pratiques. Cela leur permettra de tirer parti de la concurrence et de proposer des services numériques plus récents, plus pratiques et plus efficaces.
  • Les prestataires qui sont autorisés à exercer dans une province ou un territoire ne peuvent souvent pas fournir de services dans une autre province ou un autre territoire. Cela peut limiter la flexibilité dans un monde où de plus en plus de services sont fournis numériquement, et où l’emplacement précis d’un prestataire est moins important.
  • D’autres politiques existantes peuvent entraver la prestation des services. Certains prestataires de soins de santé sont capables d’en faire plus, mais en sont empêchés par les règles existantes relatives au « champ de pratique ». D’autres règles empêchent que les ordonnances et les commandes de tests de laboratoire soient exécutées dans une autre province ou un autre territoire. Enfin, des directives professionnelles ambiguës sur les soins virtuels peuvent dissuader les professionnels d’adopter des technologies compétitives. Ces obstacles peuvent entraver l’adoption de solutions de santé numériques innovantes.

Heureusement, il existe des solutions permettant de réduire ces frictions. En tirant parti de la concurrence, les gouvernements et les décideurs peuvent mettre à profit l’innovation pour offrir un meilleur accès, un plus grand choix et de meilleurs résultats pour les patients dans l’ensemble du système public de soins de santé du Canada. En particulier, les gouvernements et les décideurs devraient :

  1. Revoir les modèles de paiement pour les prestataires de soins de santé afin de soutenir l’utilisation appropriée des soins de santé numériques.
    1. Développer les codes de facturation et les programmes numériques afin de promouvoir l’adoption de technologies innovantes et utiles.
    2. Utiliser les leçons tirées de la pandémie de COVID-19 pour créer à court terme des politiques permanentes et appropriées de facturation des soins virtuels.
    3. Réformer les modèles de rémunération à plus long terme pour favoriser davantage les soins de santé numériques et obtenir de meilleurs résultats en matière de santé.
  2. Mettre en œuvre des cadres d’autorisation de pratiquer qui permettent aux prestataires, le cas échéant, d’exercer au-delà des frontières provinciales et territoriales afin d’améliorer la prestation de soins de santé numériques.
  3. Revoir et moderniser les politiques pour faciliter l’adoption des soins de santé numériques.

Chacune de ces solutions favorisera la mise en place d’un écosystème de santé numérique robuste qui créera une demande pour les technologies de santé numérique. Les forces concurrentielles peuvent alors agir pour répondre à cette demande et fournir des produits et des services. Les marchés concurrentiels sont le meilleur moyen d’accroître l’efficacité des prestataires, d’améliorer l’accès aux soins et de garantir des résultats plus efficaces en matière de santé au sein du système public de soins de santé du Canada.

À propos du Bureau de la concurrence

Le Bureau de la concurrence (Bureau) est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège et favorise la concurrence au profit des entreprises et des consommateurs canadiens. La concurrence fait baisser les prix, accroît l’innovation et alimente la croissance économique.

Dans le cadre de son mandat, le Bureau plaide auprès des décideurs pour une concurrence accrue dans les secteurs réglementés de l’économie, tels que les soins de santé, les télécommunications et les services bancaires. Ce rapport fait partie d’une étude de marché entreprise par le Bureau pour soutenir cet objectif. Les études de marché permettent au Bureau d’examiner une série d’industries avec une optique de concurrence. Ce type d’analyse permet de mettre en évidence les problèmes susceptibles de restreindre la concurrence et de recommander des solutions aux décideurs dans l’intérêt de la population canadienne.

Dans ce rapport, le Bureau examine comment les prestataires de soins de santé peuvent tirer le meilleur parti des forces de la concurrence, et fournit des recommandations aux décideurs pour encourager l’innovation et le choixNote de bas de page 1.

Méthodologie

Pour étayer son étude, le Bureau a recueilli des renseignements auprès d’une série de sources primaires et secondaires. L’étude s’appuie sur la recherche publique, le journalisme et d’autres rapports. Elle intègre également les renseignements confidentielsNote de bas de page 2 partagés avec le Bureau par les entreprises, les gouvernements et les consommateurs.

Le Bureau a mené plus de 75 entretiens, reçu 42 observations écrites et entendu 425 Canadiens par le biais d’un sondage en ligne. Le Bureau a également demandé des avis d’experts, notamment d’une personne qui travaille régulièrement avec des entrepreneurs en soins de santé numériques, d’un expert en réglementation et d’un médecin qui a joué un rôle clé dans l’introduction des soins de santé numériques au Canada.

Le Bureau remercie tous ceux qui ont pris le temps de fournir des renseignements et de contribuer à faire avancer cette importante étude.

Il s’agit du dernier rapport d’une série de trois qui présente les résultats de l’Étude de marché sur les services de santé numériques du Bureau :

  • Le premier rapport, intitulé « Libérer la puissance des données de santé », formule des recommandations importantes à l’intention des décideurs canadiens sur les moyens de faciliter l’accès aux renseignements personnels sur la santé et leur partage – de manière sécuritaire et efficace – afin de favoriser la concurrence.
  • Le deuxième rapport, intitulé « Améliorer les soins de santé avec une politique d’approvisionnement favorisant la concurrence », cible l’utilisation stratégique des règles gouvernementales d’approvisionnement comme moteur de stimulation de la concurrence, de l’innovation et du choix tant pour les fournisseurs de soins de santé que pour les patients des systèmes publics de soins de santé.
  • Ce troisième rapport, intitulé « Renforcer l’autonomie des prestataires de soins de santé à l’ère numérique », se concentre sur la manière dont l’adaptation des règles de rémunération et de mobilité des prestataires de soins de santé peut encourager la concurrence et l’innovation dans l’espace numérique des soins de santé au Canada.

Le défi à relever pour le Canada

Principaux points à retenir

  • La population canadienne a accès à des solutions de soins de santé novatrices par l’intermédiaire des prestataires de soins de santé. En donnant aux prestataires les moyens d’utiliser les meilleures technologies numériques grâce à des politiques favorables à la concurrence, on obtiendra de meilleurs résultats en matière de soins de santé.
  • Au Canada, la demande de soins de santé numériques est élevée de la part des patients, mais l’adoption de la technologie est faible. Les Canadiens et Canadiennes souhaitent avoir accès à des solutions de santé numériques, mais relativement peu d’entre eux les ont utilisées jusqu’à présent.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence le potentiel des solutions numériques en matière de soins de santé. Lorsque les mesures de santé publique ont réduit la disponibilité des soins en personne, les solutions technologiques ont démontré que les soins de santé virtuels peuvent être fournis de manière sécuritaire et efficaceNote de bas de page 3.

Même si la technologie qui sous-tend les soins de santé numériques existe depuis des décennies, des obstacles systémiques ont toujours empêché son adoption à grande échelleNote de bas de page 4. Même si la pandémie de COVID-19 a accéléré l’adoption, il reste encore du travail à faire pour normaliser et encourager l’utilisation des solutions numériques en matière de soins de santé à plus long terme.

Dans le présent rapport, le terme « soins de santé numériques ou virtuels » utilise la définition adoptée par l’Association médicale canadienne (AMC), le Collège des médecins de famille du Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Les soins de santé virtuels sont définis comme suit :

Toute interaction entre patients, entre personnes qui participent à leurs soins ou entre membres de ces deux groupes ayant lieu à distance, utilisant une forme de technologie de l’information ou des communications et visant à améliorer ou à maximiser la qualité et l’efficacité des soins aux patientsNote de bas de page 5.

Cette définition globale couvre un large éventail de produits et services numériques, notamment les consultations téléphoniques avec les patients, la messagerie sécurisée et la surveillance vidéo ou à distance des patients.

Parmi les avantages de permettre aux prestataires d’offrir des solutions numériques en matière de soins de santé, citons les suivants :

  • prévenir la propagation des maladies transmissibles lors des visites en personne;
  • améliorer les soins continus pour les personnes vivant avec des maladies chroniques;
  • maintenir les soins dans la communauté et réduire la pression sur les hôpitaux;
  • permettre à la population canadienne d’accéder aux soins de santé lorsqu’elle en a besoin;
  • réduire les obstacles à l’accès, par exemple pour les personnes ayant des problèmes de mobilité ou vivant dans des régions éloignées;
  • économiser du temps et de l’argent, par exemple, en n’ayant pas besoin de s’absenter du travail pour se rendre chez le médecinNote de bas de page 6.

La population canadienne veut des soins de santé numériques

La population canadienne apprécie la commodité, la souplesse et la facilité d’utilisation des soins de santé numériques. Pour la seule année 2019, la population canadienne a économisé 595 millions de dollars et évité 120 tonnes métriques d’émissions de CO2 en recourant aux soins virtuels au lieu de se rendre à des rendez-vous en personneNote de bas de page 7. Les soins virtuels ont également permis à la population d’éviter de s’absenter du travail pendant 11,5 millions d’heuresNote de bas de page 8.

Les technologies numériques promettent d’améliorer l’accès des patients aux soins de santé. Par exemple, le sondage national des médecins du Canada 2021 a indiqué que :

  • 89 % des patients trouvent qu’il est facile de recevoir des soins par téléphone;
  • 60 % trouvent qu’il est facile de recevoir des soins par vidéoconsultation;
  • 69 % trouvent qu’il est facile de recevoir des soins par le biais de la messagerie sécurisée/courriel sécuriséNote de bas de page 9.

Plus de 70 % des médecins pensent que les soins virtuels améliorent l’accès des patients et permettent des soins de qualité et efficacesNote de bas de page 10. Un sondage de l’AMC indique que 91 % de la population canadienne est satisfaite de la qualité des soins virtuelsNote de bas de page 11.

Les données publiées par l’Institut canadien d’information sur la santé indiquent que 48 % des médecins ont fourni au moins un service de soins virtuels en février 2020. Ce pourcentage est passé à 83 % en septembre 2020Note de bas de page 12. Une enquête publiée par l’AMC et Inforoute Santé du Canada en août 2021 a révélé que 94 % des médecins utilisent actuellement une forme quelconque de solutions de soins virtuels. Presque tous ces médecins ont déclaré qu’ils continueraient à utiliser les soins virtuels après la pandémie de COVID-19Note de bas de page 13.

Les soins de santé numériques ne sont pas utilisés à leur plein potentiel au Canada

Malgré le fort désir de la population canadienne pour des solutions numériques en matière de soins de santé, les recherches indiquent que le Canada accuse un retard dans l’adoption des soins de santé numériques dans de nombreux domaines.

Selon une enquête d’Inforoute Santé du Canada, en 2021, seuls 15 % des Canadiens avaient pris un rendez-vous avec leur médecin traitant par voie électronique. Seuls 14 % avaient rendu visite à leur prestataire par vidéoconsultationNote de bas de page 14. Seuls 10 % ont consulté un prestataire au sujet d’un problème ou d’une préoccupation de santé par courriel, message texte/SMS ou clavardage en ligneNote de bas de page 15.

Une enquête similaire menée par l’Institut canadien d’information sur la santé a révélé qu’un tiers seulement de la population canadienne a accédé à des soins de santé numériques entre avril 2020 et mars 2021Note de bas de page 16.

En outre, un rapport du Conseil des technologies de l’information et des communications indique que : « Le Canada accuse un retard par rapport à ses homologues internationaux pour la plupart des tendances et des indicateurs d’adoptionNote de bas de page 17.

En facilitant les solutions de soins de santé numériques, les Canadiens peuvent profiter d’un accès accru au système public de soins de santé. La concurrence met la population canadienne aux commandes et incite les innovateurs en matière de soins de santé à créer de nouvelles solutions qui aident les prestataires à mieux utiliser les ressources disponibles et à accroître l’accès à des services de meilleure qualitéNote de bas de page 18.

Argumenter en faveur de la concurrence

Les deux premiers rapports de cette étude portent sur les données et l’information relatives à la santéNote de bas de page 19, et sur les marchés publics de produits et services numériquesNote de bas de page 20. Ce rapport final réunit le dernier maillon de la chaîne des soins de santé publics au Canada : les prestataires de soins de santé.

Les prestataires de soins de santé travaillent avec les patients pour choisir le meilleur traitement pour un problème de santé particulier. Ainsi, les prestataires s’appuient sur une variété de produits et de services de soins de santé mis sur le marché par des entrepreneurs et des entreprises.

Les prestataires doivent donc être soutenus par un environnement politique de soins de santé qui leur permet de faire les meilleurs choix pour leurs patients. Afin de créer et d’entretenir cet environnement, les décideurs sont confrontés à une tâche difficile. La politique des soins de santé doit suivre le rythme de l’innovation pour soutenir les nouvelles technologies et les nouvelles formes de soins aux patients. Ce rapport recense les principales possibilités de faire progresser la politique des soins de santé afin que les prestataires de soins de santé puissent avoir recours aux nouveaux produits et services numériques.

Ces progrès sont tout aussi importants pour la concurrence. En adaptant leurs politiques aux dernières innovations, les prestataires de soins de santé, et de manière plus générale, le système public de soins de santé, peuvent favoriser la prochaine génération de produits et services numériques. Si les politiques ne suivent pas le rythme de l’innovation, les prestataires ne seront peut-être pas fortement incités à investir dans l’apprentissage et l’achat de nouvelles technologies. Cela peut créer une friction regrettable : les forces du marché travaillent constamment à la mise au point de nouveaux produits utiles, mais, si les politiques en place n’y sont pas propices, ces innovations risquent de ne pas atteindre les prestataires ou les patients. Cela peut se transformer en un cercle vicieux, dans lequel les entrepreneurs ne parviennent pas à s’imposer sur le marché et ont moins de raisons d’être compétitifs ou d’innover davantage.

Cette étude vise à motiver et à faciliter un processus politique qui favorise la concurrence. En travaillant ensemble, les décideurs, les prestataires de soins de santé et les innovateurs peuvent faire en sorte qu’un écosystème de soins de santé numériques sain et compétitif continue de se développer. Ainsi, toute la population canadienne pourra profiter des avantages de la concurrence, notamment des coûts moindres, un plus grand choix et une innovation accrue.

Précis d’information : Comment les prestataires de soins de santé sont rémunérés au Canada

Une partie de cette étude explore la façon dont les mécanismes de financement public des soins de santé du Canada influent sur l’adoption des technologies numériques en matière de santé. Ce document d’information explique comment certains prestataires de soins de santé, principalement les médecins, sont rémunérés dans le cadre de ces mécanismes de financement.

Distinction entre le système public et le système privé

Au Canada, les paiements pour les services de soins de santé se répartissent en deux grandes catégories, souvent appelées systèmes « public » et « privéNote de bas de page 21 ». Les prestataires de soins de santé sont payés par des fonds publics ou privés, en fonction du type de service qu’ils fournissent, du lieu où il est fourni et des personnes auxquelles il est fourniNote de bas de page 22.

Cette étude se concentre sur le système public. Dans ce système, chaque fois qu’un prestataire fournit des services de soins de santé spécifiques, ses services sont financés par un gouvernement provincial ou territorialNote de bas de page 23. Les régimes publics de santé définissent les conditions de paiement pour la prestation de services hospitaliers, médicaux et autres aux résidents du Canada. Ces services peuvent inclure les consultations auprès d’un médecin de famille, les vaccinations, les soins d’urgence et les interventions chirurgicales non esthétiques.

Le système privé fait référence aux services de soins de santé qui ne sont pas couverts par les régimes de santé publics. Ces services comprennent les médicaments sur ordonnance et les services psychologiquesNote de bas de page 24.

Les paiements des prestataires dans le système public

Les plans de santé publique sont financés par une combinaison de fonds fédéraux et provinciaux ou territoriaux.

Par le biais du Transfert canadien en matière de santéNote de bas de page 25, le gouvernement fédéral cherche à s’assurer que les plans publics de santé répondent à certains critères énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Au niveau central, les régimes de santé provinciaux et territoriaux visent à « fournir un accès raisonnable aux services hospitaliers et médicaux médicalement nécessairesNote de bas de page 26 ».

Les gouvernements provinciaux et territoriaux jouent un rôle plus direct dans le paiement des prestataires. Chaque province décide des services de soins de santé qui sont couverts par son régimeNote de bas de page 27. Elle décide également des tarifs que les prestataires de soins de santé seront payés pour ces services. Les types de services qui sont généralement couverts pour un médecin dans les systèmes publics du Canada comprennent l’aide chirurgicale et l’anesthésie, la chirurgie mineure, la chirurgie majeure, les consultations et visites, les services diagnostiques et thérapeutiques, les services obstétricaux et les services spéciauxNote de bas de page 28.

Mode de rémunération des différentes professions de la santé

Cette étude se concentre principalement sur les médecins qui travaillent dans le système public de soins de santé. Ces prestataires sont le plus souvent des indépendantsNote de bas de page 29. Comme d’autres entreprises, de nombreux prestataires paient une partie ou la totalité de leurs propres frais généraux. Cela peut inclure des éléments tels que la location de bureaux, les systèmes informatiques et le personnel administratif. Les prestataires paient ces montants à partir des recettes qu’ils tirent de la prestation de services dans le cadre du système public.

D’autres professionnels sont payés différemment. Dans le système public, les membres du personnel infirmier reçoivent le plus souvent des salaires négociés entre leur gouvernement provincial ou territorial et leur syndicatNote de bas de page 30. D’autres contributeurs au système public de soins de santé du Canada peuvent être rémunérés par un salaire ou un salaire horaire.

La rémunération à l’acte est le modèle de paiement dominant pour les médecins

Les prestataires qui sont des travailleurs indépendants sont rémunérés selon les accords négociés entre leur association professionnelle respective et le gouvernement provincial ou territorial où ils travaillent. Le plus courant de ces modèles de paiement est appelé « rémunération à l’acte ». La rémunération à l’acte rémunère les prestataires à des taux fixes chaque fois qu’ils effectuent une tâche médicale, par exemple, des procédures médicales ou des consultations avec des patientsNote de bas de page 31,Note de bas de page 32.

Les prestataires indépendants peuvent être rémunérés selon plusieurs autres modèles. Parfois appelés « méthodes de paiement alternatives en clinique », ces modèles incluent ce qui suitNote de bas de page 33 :

  • Capitation : Les prestataires sont payés un honoraire fixe par patient pendant la période où ils le traitent (par exemple, un montant donné par patient et par année). Ce taux peut être ajusté en fonction de la situation de chaque patient, qui pourrait affecter la quantité de soins dont il a besoin (par exemple, l’âge, la maladie, etc.).
  • Salaire : Les prestataires reçoivent un salaire pour une période donnée de la part de leur employeur, par exemple, une clinique de soins de santé primaires ou un hôpital.
  • Combiné : Ce modèle combine le plus souvent la capitation ou le salaire et la rémunération à l’acte, de sorte que les prestataires sont payés soit par un taux de capitation de base, soit par un salaire, plus des honoraires supplémentaires pour certaines consultations ou procédures.
  • Regroupé : Ce modèle de paiement paie un montant unique pour l’ensemble des soins liés à une affection ou à un événement médical pendant une période déterminée. Par exemple, les paiements regroupés pourraient couvrir une intervention chirurgicale et 90 jours de soins postopératoires pour une prothèse articulaireNote de bas de page 34.

La figure 1 montre qu’à l’échelle du Canada, environ 70 % à 75 % des paiements cliniques ont été effectués dans le cadre d’un régime de rémunération à l’acte. Toutefois, l’utilisation de la rémunération à l’acte varie selon les provinces ou les territoires, certains ayant davantage recours à ce modèle que d’autresNote de bas de page 35. Les gouvernements provinciaux et territoriaux fixent au bout du compte le modèle de rémunération et les barèmes d’honoraires utilisés dans leurs administrations.

Figure 1 : Pourcentage du total des paiements cliniques par la rémunération à l’acte par année financière, de 1999-2000 à 2019-2020.

  • Figure 1 : Pourcentage du total des paiements cliniques par la rémunération à l’acte par année financière, de 1999-2000 à 2019-2020Note de bas de page 36
    Figure 1 : Pourcentage du total des paiements cliniques par la rémunération à l’acte
    Répartition en pourcentage du total des paiements cliniques par année financière Nouvelle-Écosse Alberta Territoires du Nord-Ouest Canada
    1999–2000 72,7 98,7 89,4
    2000–2001 71,6 97,2 87,1
    2001–2002 70,2 93,2 83,9
    2002–2003 67,9 91,3 83,2
    2003–2004 64,1 90,9 2,6 80,6
    2004–2005 58,1 89,2 5,6 79,7
    2005–2006 56,5 87,8 3,9 79,0
    2006–2007 53,6 88,4 5,6 77,4
    2007–2008 52,8 86,6 6,2 74,7
    2008–2009 50,8 85,3 3,7 72,1
    2009–2010 57,1 85,6 3,7 72,6
    2010–2011 55,7 85,2 6,2 71,8
    2011–2012 54,9 85,6 5,6 71,2
    2012–2013 54,0 86,0 4,1 70,6
    2013–2014 53,4 86,1 3,7 71,2
    2014–2015 53,0 86,6 4,2 71,7
    2015–2016 51,8 86,8 4,4 72,1
    2016–2017 51,4 86,8 3,2 72,5
    2017–2018 45,5 87,0 2,9 72,5
    2018–2019 43,5 87,5 2,8 72,5
    2019–2020 40,3 87,4 3,2 72,0

Les obstacles à la concurrence

Principaux points à retenir

  • Au Canada, les prestataires de soins de santé sont confrontés à des obstacles qui limitent la manière dont ils peuvent fournir des services de soins de santé numériques.
    • Premièrement, le modèle actuel de rémunération à l’acte peut dissuader les médecins d’adopter des outils numériques de soins de santé.
    • Deuxièmement, les prestataires peuvent trouver ardu ou impossible de fournir des services au-delà des frontières provinciales et territoriales.
    • Enfin, d’autres règles régissant le mode d’exercice des professionnels peuvent entraver leur adoption des technologies numériques de soins de santé.
  • Ces obstacles affectent le paysage des soins de santé numériques au Canada — limitant la concurrence, l’innovation et le choix pour les patients canadiens.

Tout au long de cette étude, le Bureau a rencontré des dizaines d’intervenants de l’industrie, y compris des gouvernements, des organismes de réglementation et des organismes de santé pancanadiens, et a reçu des commentaires écrits de beaucoup d’autres. Une grande partie de ces commentaires portait sur le rôle des décideurs pour permettre aux prestataires de soins de santé de tirer pleinement parti de la concurrence et de l’innovation dans le secteur de la santé numérique au Canada.

Grâce à ces consultations, le Bureau a relevé trois obstacles importants à la concurrence. En s’attaquant à ces obstacles, les décideurs peuvent faire en sorte que les prestataires de soins de santé soient en mesure de fournir des soins de santé numériques innovants, ce qui se traduira par de meilleurs résultats en matière de santé et par une plus grande commodité pour les patients et les prestataires. À son tour, cela stimulera l’innovation et le développement de nouveaux produits et services de soins de santé numériques.

Les trois obstacles relevés par le Bureau sont les suivants :

Obstacle 1 : Les modèles de paiement peuvent limiter l’adoption des outils numériques en matière de soins de santé

Les soins de santé au Canada sont en train de passer de soins entièrement dispensés en personne à un mélange hybride de soins en personne et de soins virtuels. Pour faciliter cette transition, le Bureau a compris que les décideurs doivent trouver un juste équilibre entre encourager l’utilisation des nouvelles technologies et garantir la prestation de soins appropriés aux patients. C’est l’atteinte de cet équilibre qui fera en sorte que les prestataires de soins et les patients puissent tirer pleinement parti des technologies numériques de manière sécuritaire et efficace.

Dans le contexte actuel, les prestataires ne disposent pas de mécanismes de financement adéquats pour réaliser des investissements dans les nouvelles technologies numériques de soins innovantes. Cela signifie qu’ils ne sont pas en mesure de tirer pleinement parti des produits et services compétitifs pour offrir la meilleure qualité de soins à leurs patients.

Certains exemples rapportés par les intervenants montrent que certaines technologies ne sont pas financées dans le cadre des modèles de rémunération à l’acte existants. Voici deux exemples importants :

  • Surveillance à distance des patients : Il existe des outils numériques qui collectent et envoient des données d’un patient à un prestataire de soins de santé en utilisant l’Internet. Ces outils permettent aux prestataires de suivre de près les patients qui souffrent de maladies chroniques ou qui se remettent d’une intervention médicale. Des études indiquent que la surveillance à distance des patients peut améliorer les résultats des soins de santé en améliorant la qualité de vie, en diminuant les hospitalisations et en réduisant les coûts des soins de santéNote de bas de page 37.
    Cependant, le Bureau a appris que les prestataires n’étaient généralement pas payés pour utiliser ces outils. Lorsque c’est le cas, les prestataires assument le coût d’achat de ces produits, mais ne reçoivent aucune compensation financière pour leur utilisation. Face à cette situation économique, de nombreux prestataires peuvent choisir de renoncer à l’utilisation de la surveillance à distance des patients et de se contenter des soins traditionnels en personne. Il s’agit d’une situation où les marchés concurrentiels ont donné lieu à une innovation importante, mais où les modèles de paiement existants ne fournissent pas l’incitation financière nécessaire pour que les médecins et les patients profitent de cette innovation.
  • Messagerie sécurisée : Seules quelques provinces au Canada paient les prestataires pour envoyer et recevoir des messages sécurisés avec les patients. Ce mode de soins peut être utilisé pour des interactions simples qui ne nécessitent pas de visite au cabinet du médecin, comme le renouvellement d’une ordonnance, la mise à jour de l’information sur les symptômes et les questions de suivi.
    L’utilisation des outils de messagerie sécurisée a doublé entre 2019 et 2020. Même si les prestataires ne sont souvent pas rémunérés pour fournir ce service, le pourcentage de prestataires utilisant ce mode de communication est passé de 18 % en mars 2020 à 36 % en mai 2021Note de bas de page 38.
     
    Certains intervenants ont dit au Bureau que certains gouvernements provinciaux et territoriaux hésitaient à payer pour ce type de messages parce qu’ils craignaient une utilisation excessive. Pour lutter contre une éventuelle utilisation excessive, les provinces et territoires pourraient envisager d’imposer des limites raisonnables aux services virtuels, plutôt que de les interdire complètement. Cela pourrait faciliter la communication et permettre aux prestataires et aux patients de gagner en efficacité, ce qui éviterait aux patients de se rendre chez le médecin et permettrait aux prestataires de voir davantage de patients.

D’autres modèles de rémunération pourraient être plus appropriés pour les soins de santé numériques

Une étude récente de Santé Canada suggère que la rémunération à l’acte n’est peut-être pas le meilleur modèle de paiement pour encourager l’adoption de solutions de soins virtuelsNote de bas de page 39. Pour approfondir ce travail, le Bureau a entrepris sa propre analyse économique de diverses méthodes de paiement :

Rémunération à l’acte

Dans le cadre des modèles de rémunération à l’acte existants, les prestataires sont payés pour chaque procédure ou consultation effectuée. Cela signifie que les revenus des prestataires sont directement liés au nombre de procédures ou de consultations effectuées, et pas nécessairement à l’efficacité de ces traitements.

De plus, les systèmes de rémunération à l’acte sont rigides en ce sens qu’ils exigent des payeurs qu’ils dressent la liste de tous les types de procédures ou de consultations autorisées, ainsi que le tarif autorisé pour chacune. Deux effets en découlent :

  • Premièrement, si une procédure ou une consultation ne figure pas sur la liste, les prestataires ne seront pas payés pour l’effectuerNote de bas de page 40. Lorsque l’innovation est rapide, il peut s’écouler un certain temps avant que les nouveaux traitements ne soient approuvés et couverts par les régimes publics de santé. Tout retard associé peut être mesuré selon le nombre de patients qui se voient refuser les avantages de ces nouveaux traitements.
  • Deuxièmement, si les rémunérations à l’acte versées aux prestataires ne couvrent pas suffisamment le coût d’une consultation donnée ou de la technologie requise, les prestataires pourraient perdre de l’argent et être moins enclins à proposer des services de santé numériques innovantsNote de bas de page 41.
Capitation

La capitation paie aux prestataires un honoraire fixe pour chaque patient pris en charge. Ce système peut encourager les prestataires à prendre en charge davantage de patients, augmentant ainsi l’accès aux soins. En s’éloignant d’un barème d’honoraires, les paiements par capitation peuvent encourager les prestataires à adopter des technologies susceptibles de rendre les interactions avec les patients plus efficaces. Cela peut améliorer l’accès aux soins en permettant à un prestataire donné de voir plus de patients.

Cependant, la capitation peut également encourager les prestataires à préférer les patients en meilleure santé, réduisant ainsi l’accès aux soins pour ceux qui en ont le plus besoin. Étant donné que les modèles de capitation paient un honoraire fixe par patient et que les patients en bonne santé utilisent naturellement moins le système de soins de santé, les prestataires peuvent être incités à sélectionner des patients en meilleure santé. Les examens des pratiques fondées sur la capitation ont également montré que les modèles de paiement par capitation n’ont pas réduit l’utilisation des hôpitaux malgré les incitations à le faireNote de bas de page 42.

Salaires

Les méthodes fondées sur le salaire versent aux prestataires un revenu fixe, quel que soit le nombre de patients traités. Ces modèles peuvent bien fonctionner dans les zones moins peuplées où les modèles de rémunération à l’acte et de capitation seraient moins attrayants pour les prestataires. De plus, comme les prestataires salariés ne sont peut-être pas aussi incités à effectuer le plus grand nombre possible de procédures ou de consultations, ils peuvent passer plus de temps avec les patients et faire plus de soins préventifs. Ces soins préventifs peuvent, à leur tour, améliorer la qualité des soins et conduire à de meilleurs résultats en matière de santéNote de bas de page 43.

Toutefois, les prestataires salariés pourraient ne pas avoir la même incitation financière que les prestataires rémunérés selon d’autres méthodes à utiliser les outils numériques pour accroître leur propre efficacité, réduire les coûts et augmenter le choix et la commodité pour les patients. En effet, le fait de voir plus de patients, ou de voir le même nombre de patients à un coût réduit, n’entraînera aucun gain financier pour le prestataire.

Combiné

Les modèles combinés sont généralement une forme de capitation ou de salaire combinée à la rémunération à l’acte. L’objectif de ce modèle est de combiner les avantages de chaque méthode tout en limitant les inconvénientsNote de bas de page 44.

Regroupé

Les modèles regroupés impliquent souvent le paiement d’un montant forfaitaire pour l’ensemble des soins liés à une affection ou à un événement médical pendant une période déterminéeNote de bas de page 45. Comme les prestataires ne peuvent pas recevoir de paiements supplémentaires pour des procédures ou des consultations additionnelles, ce modèle incite les équipes de soins à faire les investissements nécessaires pour fournir des soins de haute qualité de la manière la plus efficace possible.

Les méthodes de paiement créent des incitations financières qui peuvent réduire l’adoption du numérique

En fin de compte, le mode de paiement choisi aura un effet important sur le type et la quantité de traitements qu’un prestataire offrira. Pour que le système de santé du Canada puisse bénéficier de la concurrence et de l’innovation engendrées par les technologies numériques en matière de soins de santé, les prestataires doivent être correctement rémunérés pour fournir des soins numériques, quel que soit leur mode de rémunération.

Obstacle 2 : Exigences en matière de délivrance de permis d’exercice dans les provinces et les territoires

La structure actuelle du Canada en matière de délivrance de permis d’exercice de la médecine peut empêcher les prestataires d’exercer leurs activités au-delà des frontières provinciales et territoriales. Certains intervenants ont dit au Bureau que les exigences en matière de délivrance de permis d’exercice dans les diverses provinces et territoires ne sont pas claires et prêtent à confusion, à tel point qu’ils ont évité de fournir des soins virtuels entre les provinces et territoires.

Une initiative australienne visant à promouvoir les soins virtuels entre les territoires montre qu’il est possible d’obtenir de meilleurs résultats pour les patients lorsque les prestataires de soins de santé peuvent exercer plus largementNote de bas de page 46. Cette initiative vise à améliorer spécifiquement le traitement des personnes vivant dans les régions rurales et éloignées du pays, ainsi que des personnes souffrant de maladies chroniques. Plus généralement, le fait de permettre aux prestataires de servir des patients dans plusieurs provinces ou territoires peut ouvrir la voie à de nouveaux modèles commerciaux. En encourageant des méthodes compétitives de prestation de soins, la population canadienne peut tirer profit d’une stimulation de l’innovation et d’une amélioration de la productivité.

Pour cette étude, le Bureau s’est concentré sur les processus de délivrance de permis d’exercice aux médecins. Toutefois, des obstacles similaires à la délivrance de permis d’exercice s’appliquent souvent à d’autres professionnels, tels que les infirmières, les pharmaciens et d’autres prestataires de soins de santéNote de bas de page 47.

Les exigences actuelles en matière de délivrance de permis d’exercice créent trois obstacles importants pour les prestataires qui souhaitent exercer leur profession au-delà des frontières provinciales ou territoriales :

  • Fardeau administratif : Les processus de délivrance de permis d’exercice dans chaque province ou territoire peuvent être compliqués et longs. En Ontario, par exemple, les médecins ont signalé que plus de 40 documents sont nécessaires pour demander et obtenir un permis d’exerciceNote de bas de page 48.
  • Exigences variables : Les professionnels qui sont qualifiés pour exercer dans une province ou un territoire peuvent avoir à suivre une formation supplémentaire pour exercer dans une autre partie du pays.
  • Coût : Les processus de délivrance de permis d’exercice au Canada peuvent être coûteux. Les coûts annuels peuvent à eux seuls dissuader les médecins d’obtenir des permis d’exercice dans plusieurs provinces et territoires. La figure 3 montre les frais de permis d’exercice pour chaque territoire et province du Canada; si un médecin voulait exercer dans les 13 provinces et territoires, les frais dépasseraient 18 000 $ par an.

Figure 2 : Frais annuels des permis d’exercice pour les médecins dans les provinces et territoires du Canada, 2022.

Le défi pour les régulateurs

L’élaboration d’un système de délivrance de permis d’exercice dans les provinces et les territoires représente un défi pour les décideurs. Chaque province ou territoire peut avoir des besoins différents en matière de santé et d’administration. Il est primordial de trouver un équilibre entre la qualité des soins, la sécurité des patients et l’accès équitable aux soins, surtout lorsqu’il s’agit de favoriser la prestation de soins virtuels dans tout le pays.

La nature multijuridictionnelle des soins de santé au Canada rend difficile la gestion de questions telles que les plaintes et la surveillance des soins. Bien que le Bureau comprenne l’importance de ces questions, il est essentiel de trouver un juste équilibre pour tirer pleinement parti des avantages que la concurrence peut apporter aux patients, notamment une plus grande innovation, un plus grand choix et une plus grande commodité.

Malgré les efforts déployés précédemment pour simplifier les processus de délivrance de permis d’exercice entre les provinces et territoires, peu de progrès ont été réalisés. Historiquement, la Fédération des ordres des médecins du Canada (FOMC) a mené ces efforts pour simplifier les processus de délivrance de permis d’exercice au CanadaNote de bas de page 50. Au cours de la pandémie de COVID-19, la FOMC a poursuivi son travail sur diverses initiatives visant à simplifier et à harmoniser les processus de délivrance de permis d’exercice, notamment un processus de délivrance de permis d’exercice accéléréNote de bas de page 51, une politique de télémédecineNote de bas de page 52, un permis national unique et un permis portableNote de bas de page 53. Toutefois, à l’automne 2021, la FOMC aurait suspendu ses travaux sur le permis national et la portabilité des permis d’exerciceNote de bas de page 54. Aucune information publique n’est disponible sur les raisons de la suspension de ces travaux. Plus récemment, en 2021, la FOMC a publié un cadre visant à accélérer la délivrance de permis d’exercice aux médecins titulaires d’un enregistrement complet dans une autre province ou un autre territoire par les « voies traditionnellesNote de bas de page 55 ». Il n’existe pas de données publiques sur la façon dont cela a affecté les processus de délivrance de permis d’exercice au Canada.

À la suite de la pandémie de COVID-19, certaines provinces et certains territoires du Canada ont adopté des solutions à court terme pour répondre au besoin de mobilité entre les provinces et territoires. Il s’agissait notamment d’accords de délivrance de permis d’exercice temporaires permettant aux prestataires d’offrir des soins virtuels au-delà des frontières provinciales et territoriales. Par exemple, le Manitoba et le Nunavut ont signé une entente temporaire qui permet aux médecins autorisés au Manitoba de servir des patients au Nunavut par télémédecine sans avoir à obtenir un permis d’exercice territorialNote de bas de page 56.

Plus récemment, certaines provinces et certains territoires ont pris des mesures pour empêcher les soins entre les provinces et territoires, invoquant des problèmes de qualité des soins et de sécurité. Par exemple, le Yukon Medical Council autorisait auparavant tous les médecins de l’extérieur de la province à offrir des soins virtuels aux patients du YukonNote de bas de page 57. Au début de l’année 2022, il a mis à jour sa politique afin d’exiger la délivrance du permis d’exercice du Yukon pour que tous les médecins de premier recours puissent y exercer leur professionNote de bas de page 58. L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario a récemment proposé des mesures similairesNote de bas de page 59.

Obstacle 3 : Autres facteurs limitant les soins virtuels

De plus, les intervenants ont signalé d’autres politiques susceptibles de restreindre l’utilisation des soins virtuels. Il y a notamment :

Le champ de pratique

Certains intervenants ont dit au Bureau que la réglementation du champ de pratique pourrait restreindre la capacité des prestataires qualifiés, comme les infirmières praticiennes et les pharmaciens, à offrir des soins de santé virtuels à leurs patients.

La réglementation relative au champ de pratique dicte les services que les prestataires peuvent fournir à leurs patients, en fonction de leurs aptitudes, de leurs compétences et de leur formation. Ces règlements sont établis par divers décideurs, notamment les gouvernements et les ordres professionnels autoréglementés.

De nombreux intervenants ont indiqué au Bureau que l’élargissement de la réglementation du champ de pratique pour certains prestataires, comme les infirmières praticiennes et les pharmaciens, pourrait améliorer l’accès aux soins au Canada. Par exemple, en élargissant le champ de pratique des infirmières praticiennes ou des pharmaciens pour leur permettre de fournir des soins virtuels dans des circonstances appropriées, on réduirait la charge de travail des médecins, ce qui améliorerait l’accès de la population canadienne aux soins de santé.

L’élargissement du champ de pratique pourrait accroître les types de services qu’un prestataire peut offrir, ce qui lui permettrait d’être compétitif en utilisant une gamme plus large de produits et de services. Lorsque des professionnels qui offrent des services comparables sont autorisés à opérer indépendamment les uns des autres, la concurrence qui en résulte peut faire baisser les coûts et améliorer l’accèsNote de bas de page 60.

D’une manière générale, le Bureau a entendu dire que les régulateurs pourraient fournir davantage d’indications sur les services qu’un prestataire est autorisé à fournir par voie numérique afin de favoriser l’utilisation des soins de santé numériques. De tels mouvements amélioreraient la concurrence pour tous les services inclus, ce qui permettrait aux patients de bénéficier d’une innovation, d’un choix et d’une commodité accrus.

Prescription et demande de tests de suivi

Parmi d’autres prestataires qualifiés, les médecins doivent pouvoir demander des examens de suivi et prescrire des traitements à leurs patients par-delà les frontières provinciales et territoriales. Par exemple, une demande de test médical ou une ordonnance fournie par un médecin dans une province ou un territoire peut ne pas être reconnue par les prestataires d’une autre province ou d’un autre territoire. La reconnaissance mutuelle de ces documents médicaux faciliterait les soins virtuels dans tout le Canada.

Orientation professionnelle peu claire

Des orientations peu claires ou inexistantes de la part des ordres professionnels autoréglementés pourraient empêcher les prestataires d’offrir des services numériques. Le manque d’information ou la crainte d’une mauvaise utilisation peuvent dissuader les prestataires de proposer des solutions de santé numériques à leurs patients. Par exemple, certains intervenants ont dit au Bureau qu’il y a peu d’indications de la part des ordres professionnels autoréglementés sur ce qui est autorisé en matière de soins virtuels. Par conséquent, ces prestataires peuvent éviter complètement de proposer des soins de santé numériques.

Recommandations

Les décideurs doivent permettre aux prestataires de soins de santé d’exploiter au mieux les forces de la concurrence. Les politiques favorables à la concurrence permettront aux prestataires de soins de santé d’offrir des produits et des services de la meilleure qualité à leurs patients. Ces politiques permettront aux prestataires d’optimiser leur utilisation de la technologie et d’offrir les meilleurs choix de soins à leurs patients, qu’il s’agisse d’un outil ou d’un service numérique, ou d’une visite en personne.

Le Bureau a formulé trois recommandations principales pour favoriser une meilleure concurrence entre les prestataires de soins de santé au Canada :

Recommandation 1 : Revoir les modèles de paiement des prestataires

Les décideurs peuvent mieux faciliter l’utilisation appropriée des soins de santé numériques en veillant à ce que les modèles de paiement rémunèrent correctement les prestataires pour l’utilisation de solutions de soins de santé modernes et innovantes.

Les provinces et territoires du Canada peuvent prendre trois mesures principales pour permettre aux prestataires de soins de santé d’offrir les meilleurs soins à leurs patients :

  1. Développer les codes de facturation et les programmes numériques afin de promouvoir l’adoption de technologies innovantes utiles.
    À l’heure actuelle, les codes de facturation des provinces et territoires du Canada ne tiennent pas compte de toutes les technologies innovantes. Cela peut freiner les prestataires dans l’adoption de technologies telles que la surveillance à distance et la messagerie sécurisée. Pour que la population canadienne puisse bénéficier de la concurrence pour les produits et services numériques, les gouvernements devraient élargir les codes de facturation pour couvrir les technologies innovantes efficaces.
  2. Utiliser les leçons tirées de la pandémie de COVID-19 pour étendre les politiques de facturation des soins virtuels à court terme.
    Les gouvernements ont réagi à la pandémie de COVID-19 en promulguant des codes de facturation temporaires pour permettre les soins virtuels dans tout le Canada. À court terme, les gouvernements devraient, le cas échéant, étendre et mettre à jour ces codes de facturation sur une base plus permanente. La mise à jour des codes de facturation pour refléter les leçons tirées des soins de santé numériques pendant la pandémie normalisera le modèle hybride de soins en personne et virtuels. Cela permettra aux prestataires de soins de santé de bénéficier d’un soutien politique pour tirer parti de la concurrence et investir dans les technologies et les produits et services nécessaires pour soutenir la nouvelle normalité.
  3. Réformer les modèles de rémunération à long terme pour permettre la numérisation des soins de santé et favoriser l’obtention de meilleurs résultats en matière de santé.
    À plus long terme, les gouvernements devraient envisager de réformer le mode de rémunération des prestataires dans le contexte plus large de la transformation des soins de santé. Les modèles actuels de rémunération à l’acte peuvent limiter l’adoption des nouvelles technologies numériques de santé. Les décideurs devraient envisager de s’orienter vers d’autres modèles de paiement qui peuvent mieux encourager les prestataires de soins de santé à adopter plus pleinement les technologies numériques en matière de soins de santé.

Bien que ces recommandations portent principalement sur la rémunération des médecins, les gouvernements devraient également étudier la manière dont les autres professionnels de la santé sont rémunérés. Un tel examen devrait se concentrer sur les possibilités de modifier ou d’actualiser les modèles de paiement afin d’encourager financièrement d’autres prestataires à utiliser les soins virtuels.

Recommandation 2 : Harmoniser les règles de délivrance des permis d’exercice aux prestataires au Canada

L’harmonisation des règles de délivrance des permis d’exercice favorisera la capacité des prestataires à travailler au-delà des frontières provinciales et territoriales dans les situations appropriées. Permettre aux prestataires de servir des patients dans plusieurs provinces ou territoires peut ouvrir de nouveaux modèles commerciaux, ce qui peut stimuler l’innovation et améliorer la productivité.

Les régulateurs de tout le Canada devraient donc travailler ensemble pour améliorer les processus de délivrance des permis d’exercice et permettre aux prestataires, notamment aux médecins, d’offrir des soins virtuels dans plus d’une province ou d’un territoire. Une première étape de l’harmonisation pourrait consister à créer un cadre régional ou entre les provinces pour la délivrance de permis d’exercice aux prestataires de soins de santé. Ce cadre doit être complété par des politiques qui précisent dans quels cas il est acceptable de fournir des soins entre les provinces et territoires.

De nombreuses organisations de santé pancanadiennes sont déjà favorables à la délivrance de permis d’exercice relevant de plusieurs autorités. Par exemple, en 2021, un certain nombre d’intervenants clés, comme l’AMC, la Société de la médecine rurale du Canada, le Collège des médecins de famille du Canada, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et les médecins résidents du Canada, ont écrit des lettres officielles aux ministres de la santé provinciaux et territoriaux pour les inciter à envisager un permis d’exercice nationalNote de bas de page 61.

La lettre indique que la pandémie de COVID-19 a révélé les lacunes et les faiblesses préexistantes du système de soins de santé du Canada, ainsi que la nécessité pour les professionnels de la santé de pouvoir exercer leur profession au-delà des frontières provinciales et territoriales :

La COVID-19 nous a montré qu’il est temps d’agir. La prestation de soins de santé à toute la population canadienne nécessite une approche nationale en matière de délivrance de permis d’exerciceNote de bas de page 62.

Les médecins sont déjà favorables au permis d’exercice national. Selon un sondage réalisé en 2019 par l’AMC, 91 % des médecins sont favorables à un système de permis d’exercice national qui leur permettrait de pratiquer dans toutes les provinces et tous les territoires au CanadaNote de bas de page 63.

En outre, chaque ordre des médecins provinciaux et territoriaux a déjà convenu d’une norme nationale pour l’obtention d’un permis d’exercice, appelée la norme canadienneNote de bas de page 64. Selon le Conseil médical du Canada, « la norme canadienne établit l’ensemble d’exigences qui rend un candidat automatiquement admissible à l’obtention d’un permis d’exercice sans restriction dans chaque province et territoire du CanadaNote de bas de page 65 ». Malgré cela, les ordres professionnels autoréglementés travaillent individuellement et nécessitent des permis d’exercice distincts à chaque niveau provincial et territorial.

À l’échelle internationale, d’autres pays dotés de systèmes de gouvernance fédérés ont mis en œuvre avec succès un système national de permis d’exercice. En particulier, le Conseil des gouvernements australiens (Council of Australian Governments) a établi le système national d’enregistrement et d’accréditation en 2010 (National Registration and Accreditation Scheme) afin qu’il y ait un permis d’exercice national pour les prestataires enregistrésNote de bas de page 66.

Le Bureau est conscient des pressions actuelles sur le système de soins de santé résultant de la pandémie de COVID-19. À court terme, les gouvernements pourraient envisager d’étendre des accords pangouvernementaux limités pour permettre la mobilité des prestataires. À plus long terme, l’obtention d’un permis d’exercice national permettra aux prestataires et à la population canadienne de tirer profit d’une innovation et d’un choix accrus en matière de soins de santé.

Recommandation 3 : Moderniser les politiques pour faciliter la prestation numérique des soins de santé

Certaines politiques au niveau provincial et territorial peuvent restreindre les services que les prestataires peuvent offrir sous forme numérique. De même, le manque d’orientation entourant ces politiques pourrait dissuader les prestataires d’offrir des soins virtuels. Il peut s’agir de politiques s’appliquant par exemple au champ de pratique, à la capacité de prescription ou à la possibilité de demander des tests de suivi.

Pour que les patients profitent des avantages de la concurrence, notamment d’une innovation et d’un choix accrus, les régulateurs doivent revoir et moderniser leurs politiques afin de faciliter les soins numériques en :

  • veillant à ce que les politiques de soins virtuels ne restreignent pas inutilement l’utilisation et l’adoption de solutions numériques en matière de soins de santé;
  • donnant aux prestataires la possibilité d’utiliser le meilleur mode de soins pour leurs patients;
  • adaptant les politiques existantes pour permettre l’utilisation des soins de santé numériques, le cas échéant.

Prochaines étapes

La politique gouvernementale joue un rôle essentiel pour veiller à ce que le secteur public des soins de santé profite de la concurrence. Pour tirer pleinement parti des avantages que la concurrence peut offrir tant aux prestataires qu’aux patients, les décideurs doivent tenir compte de l’impact que les politiques pourraient avoir sur la concurrence, et minimiser les effets négatifs dans la mesure du possibleNote de bas de page 67. Les prestataires et les patients pourront ainsi profiter d’une innovation accrue et d’un meilleur accès aux soins.

Le Bureau de la concurrence invite les décideurs à examiner et à prendre en considération les recommandations formulées dans ce rapport. La mise en œuvre de ces recommandations permettra d’améliorer les incitations liées à la rémunération et à la mobilité des prestataires de soins de santé au Canada. Cela encouragera les prestataires à mieux tirer parti des forces de la concurrence, ce qui pourrait se traduire par une baisse des coûts, une augmentation de l’innovation et un meilleur choix pour les prestataires et les patients.

Le Bureau se réjouit de pouvoir continuer à travailler avec les décideurs afin de s’assurer que les politiques soutiennent la concurrence et l’innovation dans ce secteur important.

Comment communiquer avec le Bureau de la concurrence

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la Loi sur la concurrence, la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation (s’applique aux produits autres que les denrées alimentaires), la Loi sur l’étiquetage des textiles, la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux ou sur le programme d’avis écrits du Bureau ou encore pour déposer une plainte en vertu de ces lois, veuillez communiquer avec le Centre des renseignements du Bureau de la concurrence.

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