Rapport présenté au ministre des Transports et aux parties à la transaction aux termes du paragraphe 53.2(2) de la Loi sur les transports au Canada

Acquisition proposée de Viterra Limited par Bunge Limited

Le 22 avril 2024

Table des matières

  1. Introduction
  2. Législation
  3. Sources de renseignements sur lesquelles repose le présent rapport
  4. Parties à la transaction proposée
  5. La transaction proposée
  6. Contexte : La chaîne d’approvisionnement en grains au Canada
  7. Cadre d’analyse de la concurrence
  8. Analyse de l’intérêt relativement important
  9. L’achat des grains
  10. Produits à base d’oléagineux
  11. Silos terminaux dans les ports
  12. Constatations concernant l’empêchement ou la diminution de la concurrence

Sommaire

Introduction

Le présent rapport est remis au ministre des Transports (« le ministre ») à la suite de la décision du ministre selon laquelle l'acquisition proposée de Viterra Limited (« Viterra ») par Bunge Limited (« Bunge ») (la « transaction proposée ») (Bunge et Viterra seront désignées individuellement comme une « partie » et collectivement comme « les parties ») soulève des questions d'intérêt public en matière de transports nationaux, conformément au paragraphe 53.1(5) de la Loi sur les transports au Canada (« LTC »). Conformément au paragraphe 53.2(2) de la LTC, dans les 150 jours suivant la date à laquelle il est avisé (ou dans le délai plus long que le ministre peut lui accorder), le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») fait rapport au ministre et aux parties à la transaction des questions relatives à l’empêchement ou à la diminution de la concurrence qui pourrait en résulter.

Le commissaire a déterminé que la transaction proposée entraînerait vraisemblablement des effets anticoncurrentiels sensibles sur les marchés agricoles au Canada et une perte importante de rivalité entre Bunge et Viterra dans un certain nombre de marchés. L’examen du commissaire comprenait une analyse visant à déterminer si Bunge est en mesure d’influencer concrètement le groupe de sociétés G3 (« G3 ») par l’intermédiaire de son intérêt minoritaire dans G3 Global Holdings Limited Partnership (« G3 Global Holdings »). Plus particulièrement, le commissaire a conclu ce qui suit :

  1. Bunge a vraisemblablement la capacité d’influencer concrètement G3 par le biais de son intérêt minoritaire, et la capacité de l’entité combinée Bunge-Viterra d’accéder à des renseignements confidentiels de G3 et d’influencer le comportement économique de G3 soulèvera des préoccupations en matière de concurrence suite à la transaction proposée.
  2. La transaction proposée entraînerait vraisemblablement une diminution sensible de la concurrence pour l’achat de canola entre Bunge et Viterra dans certains marchés de l’Ouest canadien, en plus de réduire vraisemblablement la concurrence entre G3 et Viterra.
  3. La transaction proposée entraînerait vraisemblablement des effets anticoncurrentiels sensibles pour la vente d’huile de canola aux clients qui ne peuvent pas être approvisionnés par chemin de fer dans l’Est du Canada.

Approche

En évaluant les effets potentiels d'une fusion sur la concurrence, que ce soit en application de la Loi sur la concurrence ou du paragraphe 53.2(2) de la LTC, le commissaire évalue si une fusion ou un projet de fusion empêche ou diminue sensiblement la concurrence, ou aura vraisemblablement pour effet de le faire. L'approche analytique adoptée par le Bureau pour l'examen des fusions est exposée dans son document Fusions — Lignes directrices pour l'application de la loi. Le commissaire évalue les effets potentiels d'une transaction de fusion sur la concurrence en appliquant le critère défini à l'article 92 de la Loi sur la concurrence, en tenant compte des éléments à considérer indiqués à l'article 93 de la Loi sur la concurrence. La LTC ne prévoit pas d'analyse des gains en efficience conformément à l'article 96 de la Loi sur la concurrence. De ce fait, le commissaire n'a pas mené une analyse des gains en efficience en vertu de l'article 96 de la Loi sur la concurrenceNote de bas de page 1.

Le Bureau a évalué l’acquisition proposée en prenant en compte une vaste gamme de sources d'information, notamment :

  • des millions de documents, dont des documents stratégiques, de marketing et de planification d'activités des parties et de G3;
  • des observations, renseignements à l'appui et analyses fournis par les parties;
  • des millions de lignes de données détaillées reçues des parties, de G3, et d'autres sources;
  • des entrevues réalisées avec plus de 70 intervenants des marchés pertinents, y compris des agriculteurs, des distributeurs de produits agricoles, des clients, des propriétaires/exploitants de terminaux portuaires et des organismes de réglementation, ainsi que les commentaires et les observations reçus des intervenants des marchés pertinents.

Le Bureau a également fait appel à deux experts indépendants :

  1. Un expert en économie empirique, qui a fourni des avis et des analyses sur certains aspects des effets concurrentiels qui découleront vraisemblablement de la transaction proposée;
  2. Un expert en gouvernance d’entreprise, qui a fourni des avis et des analyses sur la mesure dans laquelle Bunge est en mesure d’influencer, ou a influencé, le cas échéant, les opérations de G3, et sur la forme que cette influence peut prendre.

Questions concernant l'empêchement ou la diminution possible de la concurrence

Bunge et Viterra sont des entreprises agricoles mondiales intégrées verticalement qui exploitent des activités d’envergure dans les domaines de l’achat, de la transformation, de la commercialisation et de l’exportation des grainsNote de bas de page 2 au Canada. La chaîne d’approvisionnement en grains est un élément essentiel de l’économie canadienne, car elle stimule la croissance économique et le commerce international, en plus de garantir l’approvisionnement alimentaire national du Canada. Au cours de la campagne agricole 2022-2023, les producteurs ont produit plus de 90 millions de tonnes de grains au Canada, dont du blé, du canola, du soja, de l’orge, du maïs, de l’avoine et du seigleNote de bas de page 3.

Les grains produits par les producteurs peuvent être vendus à des silos à grains primaires, qui stockent et entreposent le grain. Ils peuvent également être vendus à des silos de transformation, y compris des installations de trituration d’oléagineux, qui produisent des produits transformés comme des huiles et des tourteaux. Les produits céréaliers et oléagineux transformés et non transformés peuvent être vendus à des fabricants nationaux ou internationaux de produits alimentaires destinés aux humains et aux animaux. Les grains non transformés destinés à l’exportation sont fréquemment expédiés par l’intermédiaire de « silos terminaux » aux terminaux portuaires de l’Est et de l’Ouest canadien. Le maintien d’une saine concurrence dans la chaîne d’approvisionnement en grains est donc essentiel aux intérêts des Canadiens et Canadiennes.

L’analyse du commissaire a permis de cerner les préoccupations importantes suivantes en matière de concurrence qui découleraient vraisemblablement de la transaction proposée :

  1. La transaction proposée se traduira par la fusion de l’entreprise ayant le plus grand nombre d’installations de trituration d’oléagineux et de l’entreprise ayant le plus grand nombre de silos à grains primaires de l’Ouest canadien.
  2. Viterra est un concurrent important de Bunge et de G3 pour l’achat de canola dans l’Ouest canadien et la transaction proposée se traduira par une diminution sensible de la concurrence pour l’achat de canola dans les régions entourant les installations de trituration d’oléagineux de Bunge situées à Altona et à Nipawin.
  3. Bunge est vraisemblablement en mesure d’influencer concrètement G3 grâce à son intérêt minoritaire. G3 est l’un des concurrents de Viterra les plus importants et connaissant la croissance la plus rapide pour ce qui est de l’achat des grains dans un certain nombre de marchés de l’Ouest canadien, et les éléments de preuve examinés par le Bureau suggèrent que G3 est perçu comme un concurrent particulièrement agressif. La transaction proposée incitera davantage Bunge à influencer le comportement économique de G3 au détriment de la concurrence, notamment en influençant l’entrée, l’expansion et les stratégies d’innovation de G3 au Canada. Étant donné que Bunge a accès aux renseignements confidentiels et de nature délicate sur le plan de la concurrence de G3, la transaction proposée ouvrira une voie par laquelle le principal concurrent de G3 aurait la capacité d’accéder à des renseignements sur les stratégies économiques et concurrentielles de G3.
  4. La transaction proposée aurait vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement la concurrence pour la vente d’huile de canola raffinée dans l’Est canadien aux clients qui ne peuvent pas être approvisionnés par chemin de fer, et augmentera la capacité de Bunge à adopter une stratégie de forclusion partielle ou totale contre ses rivaux du marché de la distribution et du traitement ultérieur des produits d’huile de canola.

Dans ces marchés, le Bureau n’a pas conclu que l’entrée ou l’expansion de concurrents aurait vraisemblablement pour effet de limiter l’exercice d’un pouvoir de marché par l’entité fusionnée à la suite de la transaction proposée. Les barrières à l’entrée pour la construction ou pour l’expansion de silos à grains sont importantes, comme en témoigne la jurisprudence récente du Tribunal de la concurrenceNote de bas de page 4. Les entrants potentiels sont confrontés à des défis, notamment la disponibilité limitée des emplacements appropriés pour édifier un silo, l’accès aux réseaux de transport pour acheminer le grain et les coûts d’investissement élevés. Bien que l’entrée de nouvelles installations de trituration d’oléagineux ou l’expansion de celles existantes soit attendue dans certains marchés, cela n’aura pas d’incidence sur les conclusions du Bureau à l’égard des marchés susmentionnés, en raison de l’emplacement de ces projets.

Les parties peuvent proposer certaines mesures qu’elles sont prêtes à prendre pour répondre à ces préoccupations en vertu du paragraphe 53.2(5) de la LTC. En plus de fournir son rapport, le commissaire communiquera avec les parties concernant les engagements proposés et fournira au ministre son évaluation de la justesse de ces engagements pour répondre aux questions en matière de concurrence, conformément au paragraphe 53.2(6) de la LTC.

1. Introduction

Comme le prévoit le paragraphe 53.2(2) de la Loi sur les transports au Canada (LTC), le présent rapport expose les préoccupations du commissaire au sujet d'un empêchement ou d'une diminution possible de la concurrence découlant de l'acquisition proposée par Bunge Limited (« Bunge ») de Viterra Limited (« Viterra ») (la « transaction proposée») (Bunge et Viterra seront désignées individuellement comme une « partie » et collectivement comme « les parties »). Le présent rapport représente la quatrième fois que le ministre des Transports demande au commissaire de présenter un rapport dans le contexte d'une évaluation de l'intérêt public en vertu de la Loi sur les transports au Canada (« LTC »), et que le commissaire lui présente un tel rapport en vertu de la LTC. En 2019, 2020, et 2022, le commissaire a également présenté des rapports au ministre en vertu du paragraphe 53.2(2) de la LTC, détaillant les préoccupations en matière de concurrence soulevées par trois fusions dans l’industrie du transport aérienNote de bas de page 5.

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») est un organisme indépendant d'application de la loi qui est responsable, entre autres, d'assurer et de contrôler l'application de la Loi sur la concurrence. Le mandat du Bureau consiste à veiller à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et novateur. Le Bureau reconnaît que l’industrie agricole joue un rôle essentiel dans l’économie canadienne en stimulant la croissance économique et le commerce international et en garantissant l’approvisionnement alimentaire national du Canada. Le Bureau souligne également que les cultures oléagineuses sont particulièrement importantes pour le Canada, car le Canada est le chef de file mondial des exportations de canola et le canola canadien est utilisé dans des produits transformés, y compris des produits alimentaires et industriels.

Bunge et Viterra sont deux des plus importantes entreprises agricoles du Canada qui exploitent leurs activités dans les domaines de l’achat, de la transformation et de l’exportation et de la commercialisation des grains au Canada. Leurs actifs comprennent des silos à grains, des installations de trituration d’oléagineux et des silos terminaux dans les ports. De plus, Bunge détient un intérêt minoritaire dans une autre entreprise céréalière canadienne, G3, qui détient d’importants actifs de silos à grains et de silos terminaux au Canada. De ce fait, l'évaluation de la transaction proposée effectuée par le Bureau s'est avérée complexe et a compris la prise en compte d'une grande variété de sources d'informations, notamment :

  • des renseignements reçus des parties et d’autres participants du marché;
  • des informations recueillies lors des précédents examens de l’industrie agricole;
  • des entrevues avec divers participants aux marchés pertinents ainsi que les commentaires et les soumissions provenant d’autres intervenants;
  • l’analyse reçue des experts en économie empirique et gouvernance d’entreprise indépendants retenus par le Bureau.

Le commissaire a déterminé que la transaction proposée entraînera vraisemblablement une diminution sensible de la concurrence dans certains marchés agricoles au Canada. Le commissaire a conclu que la transaction proposée aura vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement la concurrence pour l’achat du canola dans les régions entourant les installations de trituration d’oléagineux de Bunge situées à Altona et à Nipawin, ainsi que pour la vente de produits d’huile de canola raffinée dans l’Est du Canada aux clients qui ne peuvent pas recevoir d’huile par chemin de fer.

En plus de ces conclusions concernant des diminutions sensibles de la concurrence, le commissaire a identifié des préoccupations supplémentaires selon lesquelles l’acquisition proposée de Viterra par Bunge aura pour effet de nuire à la concurrence en raison de la capacité de Bunge d’influencer concrètement G3, un rival de Viterra.

Le Bureau possède une expérience et une expertise considérables dans l'évaluation des questions de concurrence dans le secteur agricole, et, se fondant sur la Loi sur la concurrence, il a intenté des poursuites devant le Tribunal de la concurrence et des cours en matière d'application de la loi concernant la chaîne d’approvisionnement en grains afin de protéger la concurrence dans ce secteur pivot. Il s'agit notamment des examens en vertu des dispositions sur l'abus de position dominante (articles 78 et 79), des dispositions sur les fusions (article 92), des dispositions sur la collaboration entre concurrents (article 90.1). Un résumé des examens clés du Bureau dans le secteur agricole figure à l'annexe A.

Lorsqu'il évalue l'incidence d'une fusion pour déterminer si celle-ci aurait vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, le Bureau évalue les effets probables de la fusion sur les prix, la production et d'autres aspects de la concurrence, comme la qualité, le choix de produits et le service conformément à son document Fusions — Lignes directrices pour l'application de la loiNote de bas de page 6, à la lumière de la jurisprudence du Tribunal de la concurrence et des cours ainsi que des approches reconnues en matière de théorie et de pratique économiques concernant l'examen des transactions de fusion.

En se fondant sur une analyse des faits et des renseignements recueillis pendant cet examen, le commissaire est d’avis que :

  1. La transaction proposée entraînera la fusion de deux des plus grands acheteurs de canola au Canada, Bunge exploitant le plus grand nombre d’installations de trituration d’oléagineux au Canada et Viterra exploitant deux installations de trituration et le plus grand nombre de silos à grains dans l’Ouest canadien.
  2. Bunge a la capacité d’influencer concrètement G3 et reçoit des renseignements confidentiels de nature délicate sur le plan commercial de la part de G3. L’acquisition par Bunge du plus important concurrent de G3 incitera Bunge à user de cette influence et de l’accès aux renseignements confidentiels au détriment de la concurrence sur les marchés agricoles du Canada, en particulier compte tenu des éléments de preuve suggérant que G3 est un rival particulièrement agressif pour l’achat des grains. Cette situation risque de porter préjudice aux agriculteurs qui, autrement, bénéficieraient de la concurrence entre G3 et Viterra lorsqu’ils vendent leurs grains.
  3. Dans l’ensemble, Bunge et Viterra possèdent 7 des 14 installations de trituration d’oléagineux au Canada, et Bunge, Viterra et G3 combinés représenteront 33 % de la capacité des silos primaires dans l’Ouest canadien.
  4. La transaction proposée entraînerait vraisemblablement une diminution sensible de la concurrence dans certains marchés pertinents, comme une baisse des prix payés aux producteurs et une diminution des options par l’élimination de la concurrence entre Bunge et Viterra pour l’achat de canola dans les régions entourant les installations de trituration d’oléagineux d’Altona et de Nipawin appartenant à Bunge.
  5. Les parties sont deux des trois seuls producteurs d’huile de canola dans les installations de trituration d’oléagineux de l’Est du Canada, et la transaction proposée entraînerait aussi vraisemblablement une diminution sensible de la concurrence en ce qui concerne l’approvisionnement d’huile de canola dans l’Est du Canada aux clients qui ne peuvent pas être approvisionnés par chemin de fer.

Les sections suivantes décrivent le cadre analytique du Bureau, fournissent des renseignements généraux sur les marchés pertinents de la chaîne d’approvisionnement en grains et résument l'analyse que le commissaire a faite des questions relatives à la concurrence et à la transaction proposée.

2. Législation

En vertu de la Loi sur la concurrence, le commissaire a compétence pour examiner les transactions de fusion de toute taille et dans tout secteur d'activité afin de déterminer si elles ont ou auront vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. Au cours des trois derniers exercices, le commissaire a procédé à l'examen de 209 transactions annuelles en moyenne dans tous les secteurs d'activité au Canada. Conformément à la partie IX de la Loi sur la concurrence, les parties à des transactions proposées qui dépassent certains seuils légaux et réglementaires (et qui ne font l'objet d'aucune exemption) sont tenues d'aviser le Bureau et de fournir les renseignements prescrits avant d'effectuer leur transaction. Après avoir analysé une transaction envisagée, le commissaire peut :

  1. décider de ne pas présenter une demande au Tribunal de la concurrence en ce qui concerne la transaction envisagée;
  2. demander au Tribunal de la concurrence d'ordonner l'interdiction totale ou partielle d'une fusion ou d'imposer des mesures correctives pour régler les préoccupations en matière de concurrence découlant de la fusion;
  3. conclure avec les parties un règlement consensuel pour répondre aux préoccupations, lequel est enregistré auprès du Tribunal de la concurrence et a force d'ordonnance de ce dernier.

Aux termes de la LTC, le commissaire est tenu de faire rapport au ministre et aux parties à la transaction des questions relatives à l’empêchement ou à la diminution de la concurrence qui pourrait en résulter. Le commissaire évalue les effets potentiels d’une transaction de fusion sur la concurrence en appliquant le critère défini à l’article 92 de la Loi sur la concurrence, en tenant compte des éléments à considérer indiqués à l’article 93 de la Loi sur la concurrence. En tant que phase préliminaire de la modernisation du régime de concurrence du Canada, certaines modifications apportées à la Loi sur la concurrence sont entrées en vigueur le 23 juin 2022 et le 15 décembre 2023.

Plus particulièrement, ces modifications ont eu pour effet d’éliminer l’exception fondée sur les gains en efficience prévue à l’article 96 de la Loi sur la concurrence, communément appelée la « défense des gains en efficience », qui empêchait le Tribunal de la concurrence de rendre une ordonnance contre une fusion anticoncurrentielle lorsque les parties pouvaient démontrer que les gains en efficience surpassaient les effets anticoncurrentiels de la fusion.

En vertu de l'article 92 de la Loi sur la concurrence, le Bureau évalue si une fusion ou un projet de fusion empêche ou diminue sensiblement la concurrence ou aura vraisemblablement cet effet. Un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence ne peut résulter que d'une fusion ayant vraisemblablement pour effet de créer, de maintenir ou d'augmenter la capacité de l'entreprise fusionnée d'exercer, unilatéralement ou en coordination avec d'autres entreprises, un plus grand pouvoir de marché.

L'article 93 comprend une évaluation des substituts de produits acceptables, des entraves à l'entrée, de la concurrence réelle qui continuerait de s'exercer sur le marché ou de tout autre facteur pertinent pour la concurrence dans un marché. L'approche analytique du Bureau en matière d'examen des fusions, y compris son évaluation des facteurs prévus à l'article 93, est exposée dans son document Fusions — Lignes directrices pour l'application de la loi et s'appuie sur la jurisprudence du Tribunal de la concurrence et des cours et peut comprendre les considérations suivantes :

  1. Définition du marché, y compris la définition des marchés de produits et des marchés géographiques pertinents concernés. Le Bureau définit les marchés afin d'identifier l'ensemble des produits que les clients considèrent comme des substituts à ceux offerts par les parties à la fusion, ainsi que l'ensemble ou les ensembles d'acheteurs susceptibles de faire face à un pouvoir de marché accru du fait de la fusion;
  2. Calcul des parts de marché et concentration sur les marchés pertinents. De façon générale, le commissaire ne s'inquiète pas de l'exercice unilatéral d'un pouvoir de marché lorsque la part de marché d'une entreprise issue d'une fusion serait inférieure à 35 %;
  3. Analyse des effets anticoncurrentiels fondée sur des techniques quantitatives et l'évaluation de divers facteurs, notamment l'efficacité des autres concurrents, le pouvoir compensateur détenu par les acheteurs, le fait que la transaction réalisée ou proposée contribuerait au renforcement de la position sur le marché des principales entreprises en place et la probabilité que la transaction entraîne l'élimination d'un concurrent dynamique et efficace;
  4. Analyse des entraves à l'entrée et de la probabilité que des concurrents potentiels s'implantent en temps opportun sur le marché pertinent, à une échelle et ampleur suffisantes pour limiter une hausse appréciable des prix (ou un autre exercice de pouvoir de marché) sur ce marché.

Un certain nombre de modifications à la Loi sur la concurrence actuellement à l’étude pourraient avoir une incidence sur l’analyse du Bureau au regard de l’article 92, mais l’examen de la transaction proposée par le Bureau a été effectué en tenant compte des normes actuellement établies dans la Loi sur la concurrence et la jurisprudence récente du Tribunal de la concurrence. Nonobstant le fait que la transaction proposée a été notifiée au Bureau avant l’entrée en vigueur des modifications en décembre 2023, en produisant son rapport au ministre et aux parties sur les questions relatives à l’empêchement ou à la diminution possible de la concurrence en vertu du paragraphe 53.2(2) de la LTC, le Bureau n’a pas procédé à une évaluation des gains en efficience aux termes de l’article 96 de la Loi sur la concurrence, étant donné que la LTC ne prévoit pas une telle évaluation.

Lorsqu'une transaction envisagée impliquant une entreprise de transport est soumise à un préavis de fusion obligatoire en vertu de la Loi sur la concurrence, le ministre doit également être avisé conformément à la LTC. Si le ministre est d'avis que la transaction envisagée soulève des questions d'intérêt public en matière de transports nationaux, il peut demander à l'Office des transports du Canada ou à une autre personne d'étudier ces questions. De plus, le paragraphe 53.2(2) de la LTC exige que le commissaire fasse rapport au ministre et aux parties à la transaction des questions relatives à l'empêchement ou à la diminution possible de la concurrence qui pourrait en résulter, et ce, dans les 150 jours suivant la date à laquelle le commissaire est avisé de la transaction envisagée en vertu de la Loi sur la concurrence, ou dans le délai plus long que le ministre peut lui accorder.

Après réception du rapport du commissaire, les parties à la fusion peuvent proposer au commissaire des mesures qu'elles sont disposées à prendre pour répondre à ses préoccupations, le cas échéant, et le commissaire doit fournir au ministre une évaluation de la justesse de ces mesures. Les parties doivent également discuter avec le ministre des mesures qu'elles sont prêtes à prendre pour répondre aux questions d'intérêt public relatives aux transports nationaux.

S'il estime qu'il est d'intérêt public d'approuver la transaction envisagée, compte tenu des révisions de cette transaction par les parties et des mesures qu'elles entendent prendre, le gouverneur en conseil peut, selon la recommandation du ministre, approuver la transaction et préciser les conditions qu'il juge appropriées. Il doit également indiquer les conditions sur l'empêchement ou la diminution possible de la concurrence et celles qui portent sur des questions d'intérêt public en matière de transports nationaux.

Le Tribunal de la concurrence ne peut rendre une ordonnance fondée sur l'article 92 de la Loi sur la concurrence à l'égard d’une transaction agréée en vertu du paragraphe 53.2(7) de la Loi sur les transports au Canada et à l’égard de laquelle le ministre des Transports certifie au commissaire le nom des parties.

3. Sources de renseignements sur lesquelles repose le présent rapport

L'évaluation du Bureau de la transaction proposée comprenait un examen des éléments suivants :

  • les préavis de fusion prévus par la Loi sur la concurrence fournis par les parties;
  • des millions de documents fournis par les parties en réponse à une demande de renseignements supplémentaires (« DRS ») émise par le Bureau, y compris les documents stratégiques, de marketing et de planification d'activités liés à l'établissement des prix, à l'entrée, à la capacité de Bunge d’influencer G3 et à d’autres dimensions de la concurrence;
  • des observations, renseignements à l'appui et analyses fournis par les parties, relativement à la transaction proposée de manière générale et à des aspects clés de l'analyse sur la concurrence du Bureau;
  • des millions de lignes de données transactionnelles détaillées, notamment les états financiers, ainsi que les données relatives aux transactions pour tous les produits pertinents, reçues des parties et de G3;
  • des documents stratégiques et bilans commerciaux fournis par G3;
  • des entrevues avec divers intervenants des marchés pertinents, y compris des agriculteurs, des distributeurs de produits agricoles, des clients, des propriétaires/exploitants de terminaux portuaires et des organismes de réglementation, ainsi que les commentaires et les mémoires reçus des intervenants des marchés pertinents.

Le Bureau a également fait appel à deux experts indépendants :

  1. Un expert en économie empirique, qui a fourni des avis et des analyses sur des effets concurrentiels qui découleront vraisemblablement de la transaction proposée;
  2. Un expert en gouvernance d’entreprise, qui a fourni des avis et des analyses sur la mesure dans laquelle Bunge est en mesure d’influencer, ou a influencé, le cas échéant, les opérations de G3, et sur la forme que cette influence peut prendre.

Les renseignements obtenus par le Bureau ou fournis à ce dernier dans le cadre de son examen sont protégés par l'article 29 de la Loi sur la concurrence. Le Bureau a le pouvoir discrétionnaire de communiquer ces renseignements seulement dans certaines circonstances, comme le prévoit l'article 29, et même lorsqu'il lui est permis de le faire, il doit réduire au minimum la mesure dans laquelle ces renseignements confidentiels sont communiqués. Le Bureau reconnaît que, pour s'acquitter de ses responsabilités et faire preuve d'intégrité en tant qu'organisme d'application de la loi, il est primordial qu'il préserve la confidentialité de ces renseignements.

3.1 Analyse de l’expert de l’intérêt minoritaire de Bunge dans G3

L’expert en gouvernance d’entreprise retenu par le Bureau a effectué une analyse des mécanismes formels et informels par lesquels Bunge pouvait influencer, et avait influencé, les opérations de G3.

Les renseignements pris en compte par cet expert comprenaient des documents fournis par Bunge et G3, tels que :

  • les accords formels régissant l’intérêt de Bunge dans G3 et ses relations avec lui, comme les conventions d’actionnaires et les accords commerciaux;
  • des documents reflétant les activités du conseil d’administration de G3, comme des procès-verbaux des réunions du conseil d’administration et des documents utilisés durant ces réunions;
  • des documents dans le cadre normal des affaires reflétant l’échange de renseignements entre Bunge et G3, ainsi que les décisions et les discussions internes de Bunge et de G3 sur les opérations et la stratégie de G3.

Sur la base de ces renseignements, l’expert a conclu que Bunge a la capacité d'influencer concrètement le comportement économique de G3 et qu’il a accès à des renseignements confidentiels sur G3 qui sont de nature délicate sur le plan de la concurrence. Les résultats de l’analyse de l’expert en gouvernance d’entreprise sont décrits à la section 8 du présent rapport.

3.2 Analyses de l'expert des effets anticoncurrentiels

L’expert en économie empirique retenu par le Bureau a effectué une analyse empirique des données au niveau des transactions afin d’évaluer certains aspects des effets anticoncurrentiels vraisemblables de la transaction proposée, y compris le calcul des parts de marché.

Les données analysées par l’expert retenu par le Bureau comprenaient des données compilant les achats de grains aux silos à grains et aux triturateurs d’oléagineux et des données sur des ventes d’huiles d’oléagineux et de tourteaux à base d’oléagineux, y compris des renseignements sur les prix, les revenus et les caractéristiques des produits au niveau des transactions. L’analyse de l’expert a porté sur des données détaillées sur les transactions compilées auprès des parties et de G3, ainsi que sur des données accessibles au public concernant la chaîne d’approvisionnement en grains au Canada.

À la lumière de ces renseignements, l’expert a effectué une analyse des secteurs d’où proviennent les achats de grains (« zones de tirage ») entourant les installations pertinentes ainsi qu’une analyse des ventes des parties de produits d’oléagineux au Canada. L’expert a également effectué des analyses de simulation de fusion dans certains marchés d’achat des grains, notamment en élaborant un modèle de concurrence entre les participants dans les secteurs pertinents qui se chevauchent, en adaptant le modèle à des dynamiques concurrentielles particulières dans les secteurs et en utilisant le modèle pour prédire les effets sur les prix de la transaction proposée. L’analyse de l’expert a tenu compte des principales caractéristiques des marchés pertinents, y compris de la substitution entre les acheteurs de grains.

Les résultats de l’analyse de l’expert en économie empirique sont décrits aux sections 9 à 11 du présent rapport.

4. Parties à la transaction proposée

Viterra est une entreprise agro-industrielle active dans 38 pays, dont les activités sont la manutention, la transformation, le raffinage et l’exportation des grains. Au Canada, Viterra est titulaire de licence pour 65 des 341 silos à grains primaires de l’Ouest canadien agréés par la Commission canadienne des grainsNote de bas de page 7. Viterra possède également des installations de trituration d’oléagineux, qui transforment le canola et le soja bruts pour produire des huiles et des tourteaux. Le canola et d’autres grains bruts provenant des silos de Viterra peuvent être exportés par l’intermédiaire des silos terminaux que Viterra exploite ou dans lesquels Viterra détient un intérêt dans les ports de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec.

Bunge est une entreprise agro-industrielle présente dans plus de 40 pays. Au Canada, Bunge possède des actifs d’achat des grains et de transformation de grains, notamment plus d’installations de trituration d’oléagineux que toute autre entreprise céréalière au Canada. Les installations de trituration et de raffinage d’oléagineux de Bunge produisent des huiles et des tourteaux à base d’oléagineux, et Bunge produit également des graisses et des huiles de spécialité pour l’industrie alimentaire. Bunge détient également un intérêt minoritaire de 25 % dans la société mère du groupe de sociétés G3, G3 Global Holdings. G3 a été fondé en 2015 comme coentreprise de Bunge et de Saudi Agricultural and Livestock Investment Company (« SALIC ») pour développer de nouvelles infrastructures de manutention et d’exportation de grains au Canada, notamment par la construction d’un nouveau silo terminal à Vancouver. G3 exploite 20 silos à grains au Canada, ainsi que des silos terminaux dans des ports de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec.

5. La transaction proposée

Le 13 juin 2023, Bunge a annoncé qu’il avait conclu un accord définitif de fusion avec Viterra dans le cadre d’une transaction en actions et en espèces. En vertu de cet accord, les actionnaires de Viterra recevront des actions de Bunge ainsi qu’une contrepartie en espèces.

Les parties font valoir que la transaction proposée générera des avantages et des gains en efficience importants, notamment des synergies découlant de l’intégration verticale, un meilleur accès aux marchés pour les producteurs grâce au regroupement des entreprises des deux parties et un renforcement de la capacité de relever les défis touchant la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire, comme la sécurité et la durabilité alimentaires. Le Bureau a examiné ces observations, et n’a pas été en mesure de conclure qu’elles répondaient pleinement aux préoccupations du commissaire concernant un empêchement ou une diminution potentiels de la concurrence, comme le prévoit le paragraphe 53.2(2) de la LTC. Lorsqu’il présente un rapport au ministre en vertu du paragraphe 53.2(2) de la LTC, le Bureau procède à une analyse qui se limite aux questions relatives à la concurrence, et il ne procède pas à une évaluation d’autres facteurs d’intérêt public.

6. Contexte : La chaîne d’approvisionnement en grains au Canada

Les agriculteurs canadiens ont produit plus de 90 millions de tonnes de grains, d’oléagineux et de légumineuses au cours de la dernière campagne agricole, y compris du blé, du canola, du soja, du maïs, de l’avoine, du seigle, de l’orge, des pois et d’autres grains. Le Canada est l’un des principaux producteurs d’un certain nombre de grains, dont le canola et le blé dur. Bien que la majorité des cultures soient cultivées dans l’Ouest canadien, il y a aussi une production importante de cultures, dont des cultures d’oléagineux, dans l’Est du Canada.

La transaction proposée combinerait deux des plus importantes entreprises de la chaîne d’approvisionnement en grains du Canada, Bunge étant propriétaire du plus grand nombre d’installations de trituration d’oléagineux et Viterra étant le plus grand exploitant de silos à grains primaires au Canada. De plus, Bunge détient un intérêt dans G3, qui est maintenant un des plus grands exploitants de silos à grains en importance au Canada. Viterra et G3 exploitent tous deux des silos terminaux dans des ports de l’Est et de l’Ouest du Canada.

Bunge et Viterra ont donc des intérêts à de multiples niveaux de la chaîne d’approvisionnement en grains au Canada, lesquels comprennent :

  • Achat des grains : L’acquisition des grains des producteurs par des exploitants de silos est généralement appelée « l’achat des grains ». Les silos à grains sont des installations de manutention et d’entreposage du grain. Habituellement, les producteurs livrent leur grain au silo par camion, et le silo achète le grain. Le personnel du silo classe, manutentionne et sépare le grain et peut aussi le nettoyer, le mélanger et le sécher. L’achat des grains peut aussi bien désigner les achats effectués par les « silos primaires » et les « silos de transformation ». Les silos à grains primaires entreposent habituellement le grain jusqu’à ce qu’il puisse être transporté par train jusqu’à sa prochaine destination, qui peut être une installation de transformation ou un terminal portuaire aux fins d’exportation. Les silos de transformation, comme les installations de trituration d’oléagineux, transforment davantage le grain brut en produits à valeur ajoutée. Les silos à grains sont normalement situés le long de « voies d’évitement », de courts tronçons de la voie ferrée conçus pour charger le grain dans des wagons en vue de le transporter jusqu’à sa destination. Dans certains cas, les producteurs peuvent aussi vendre le grain directement à des « silos terminaux », c’est à dire des installations d’entreposage du grain situées dans des terminaux portuaires qui sont habituellement la dernière destination du grain avant l’exportation.
  • Transformation : Différents grains et oléagineux peuvent être vendus à différentes installations de transformation des grains, comme des usines de trituration d’oléagineux, pour produire des produits à valeur ajoutée. Les installations de trituration d’oléagineux, les transformateurs les plus pertinents aux fins du présent rapport, triturent les oléagineux pour produire des huiles et des tourteaux. Les huiles peuvent être transformées pour produire divers produits, dont des produits alimentaires ou des carburants renouvelables. Les tourteaux sont un résultat du procédé de trituration des oléagineux qui est habituellement vendu comme intrant pour les produits destinés à l’alimentation des animaux.
  • Mise en marché et exportation : Les grains bruts et les produits transformés peuvent être vendus à des clients canadiens ou de l’étranger. Au cours de la dernière campagne agricole, plus de la moitié du volume des grains produits au Canada a été exportée vers diverses destinations, notamment aux États-Unis, en Europe et en Asie. Les silos terminaux situés dans les ports, qui appartiennent habituellement à des entreprises céréalières intégrées verticalement, reçoivent le grain par chemin de fer, par camion et par navire, et entreposent et manutentionnent le grain avant l’exportation. Les silos terminaux peuvent également manutentionner des tourteaux d’oléagineux.

Chevauchement entre Bunge et Viterra

Bunge et Viterra sont actifs dans l’achat des grains au Canada. Bunge achète des grains principalement pour ses installations de trituration d’oléagineux. Les grains achetés par G3 sont achetés principalement à son réseau de 20 silos à grains primaires, dont 19 sont situés dans l’Ouest canadien, et G3 achète aussi des grains pour approvisionner des installations de trituration de Bunge. Viterra achète des grains par l’intermédiaire de son réseau composé de deux usines de trituration d’oléagineux et de plus de 60 silos à grains primaires, dont la majorité est située dans l’Ouest canadien. Une liste des silos primaires et des silos de transformation exploités par Bunge, Viterra et G3 est incluse à l’annexe C du présent rapport.

De plus, Bunge et Viterra sont actifs dans la transformation d’oléagineux pour produire des huiles et des tourteaux de canola et de soja. Viterra possède deux usines de trituration d’oléagineux, à Ste-Agathe, au Manitoba, et à Bécancour, au Québec. Bunge possède cinq usines de trituration situées à :

  • Hamilton (Ontario)
  • Altona (Manitoba)
  • Harrowby (Manitoba)
  • Nipawin (Saskatchewan)
  • Fort Saskatchewan (Alberta)

Les usines d’emballage des produits d’huile d’oléagineux raffiné de Bunge sont situées à Edmonton (Alberta) et à Oakville (Ontario). Bunge est également actif dans la production de graisses de spécialité par l’entremise d’une coentreprise avec une installation à Rexdale, en Ontario.

Viterra et G3 sont tous deux actifs dans l’exploitation de silos terminaux, des installations spécialisées pour la réception des expéditions de grains en vrac avant l’exportation dans les ports. Viterra détient un intérêt dans des silos terminaux ou les exploite dans les ports suivants, dont certains sont des coentreprises avec d’autres entreprises céréalières :

  • Vancouver (Colombie-Britannique)
  • Thunder Bay (Ontario)
  • Prince Rupert (Colombie-Britannique)
  • Montréal (Québec)

G3 exploite des silos terminaux dans les ports suivants :

  • Vancouver (Colombie-Britannique)
  • Thunder Bay (Ontario)
  • Hamilton (Ontario)
  • Trois-Rivières (Québec)
  • Québec (Québec)

7. Cadre d’analyse de la concurrence

7.1 Marchés pertinents

Le Bureau définit les marchés afin de déterminer l'ensemble des produits que les clients considèrent comme de proches substituts à ceux offerts par les parties à la fusion. La définition des marchés permet au Bureau de cerner les participants à un marché pertinent afin de déterminer les parts de marché et le niveau de concentration. Lorsque le Bureau conclut qu'une fusion peut soulever des problèmes de concurrence, il désigne généralement un ou plusieurs marchés pertinents sur lesquels la concurrence sera vraisemblablement empêchée ou diminuée.

Dans le cadre du présent examen, le Bureau a considéré que les parties pertinentes de la chaîne d’approvisionnement en grains pour une analyse plus approfondie étaient les suivantes :

  • L’achat des grains par les silos primaires et les installations de trituration d’oléagineux
  • La production et la vente de produits oléagineux transformés, y compris les huiles et les tourteaux
  • La manutention du grain aux silos terminaux dans les ports

Dans le premier cas, il s’agit d’un secteur de la chaîne d’approvisionnement en grains où Bunge et Viterra sont les acheteurs, plutôt que les vendeurs, des produits pertinents. Comme il est décrit dans la jurisprudence récente du Tribunal de la concurrence, le fait que la fusion se fasse entre les acheteurs d’un produit (ce qu’on appelle la théorie du préjudice du monopsone) ou les vendeurs d’un produit (ce qu’on appelle la théorie du préjudice du monopole) ne change pas de manière importante le cadre analytique de l’examen du Bureau. Cependant, dans l’optique d’une théorie du préjudice du monopsone, la préoccupation du Bureau est de savoir si l’érosion de la rivalité entraînera une baisse des prix pour les fournisseurs, tandis que dans l’optique d’une théorie du préjudice du monopole, la préoccupation du Bureau est de savoir si l’érosion de la rivalité entraînera une augmentation des prix payés par les clients.

Dans chaque marché de produits pertinent, le Bureau évalue également les dimensions géographiques du marché. En ce qui concerne l’achat des grains, dans le présent examen, l’expert en économie empirique du Bureau a analysé les zones de tirage des installations concernées où les grains sont achetés. Cette analyse aide à déterminer les emplacements des agriculteurs qui vendent leur grain aux installations des parties et qui, par conséquent, peuvent être les plus touchés par une fusion entre les parties. Le Bureau examine également d’autres éléments de preuve pertinents pour définir les marchés, y compris des renseignements sur les opinions, les stratégies et le comportement des acheteurs et des documents préparés par les parties à la fusion dans le cours normal des affaires.

Les limites pertinentes des marchés géographiques et des marchés du produit déterminés par le Bureau seront prises en compte dans l’analyse qui suit.

7.2 Effets anticoncurrentiels

Après avoir recensé les marchés pertinents, le Bureau s’emploie à repérer les marchés dans lesquels les activités des parties se chevauchent. Dans chaque cas, le Bureau a évalué le niveau de concentration dans le marché pertinent et a évalué l’efficacité de la concurrence restante, selon les preuves documentaires et autres. Le commissaire ne contestera généralement pas une fusion en se fondant sur des préoccupations en lien avec l'exercice unilatéral d'un pouvoir de marché lorsque la part de marché de l'entreprise fusionnée est inférieure à 35 % après la fusion.

L’expert en économie empirique du Bureau a effectué une simulation des fusions qui utilise un modèle pour estimer l’effet de la transaction proposée sur les prix qui seraient payés aux agriculteurs qui vendent leur canola aux installations des parties. Les simulations de l’expert ont incorporé l’analyse sur la capacité de Bunge d’influencer G3 ainsi que les bénéfices économiques que Bunge obtient en tant qu’actionnaire de G3.

7.3 Facteurs pris en compte pour déterminer s’il y a diminution ou empêchement de la concurrence

Conformément à l’article 93 de la Loi sur la concurrence, le Bureau tient généralement compte d’un certain nombre de facteurs lorsqu’il détermine si un fusionnement réalisé ou proposé aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, notamment :

  • la mesure dans laquelle des produits ou des concurrents étrangers assurent ou assureront vraisemblablement une concurrence réelle aux entreprises des parties au fusionnement réalisé ou proposé;
  • la mesure dans laquelle sont ou seront vraisemblablement disponibles des produits pouvant servir de substituts acceptables à ceux fournis par les parties au fusionnement réalisé ou proposé;
  • les entraves à l’accès à un marché, notamment les entraves réglementaires, et tous les effets du fusionnement, réalisé ou proposé, sur ces entraves;
  • la mesure dans laquelle il y a ou il y aurait encore de la concurrence réelle dans un marché qui est ou serait touché par le fusionnement réalisé ou proposé;
  • la possibilité que le fusionnement réalisé ou proposé entraîne ou puisse entraîner la disparition d’un concurrent dynamique et efficace;
  • le fait que le fusionnement réalisé ou proposé contribuerait au renforcement de la position sur le marché des principales entreprises en place;
  • tout effet du fusionnement réalisé ou proposé sur la concurrence hors prix ou par les prix, notamment la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs;
  • tout autre facteur pertinent à la concurrence dans un marché qui est ou serait touché par le fusionnement réalisé ou proposé.

Dans le cadre de l’évaluation de chacun de ces facteurs, le Bureau a examiné divers éléments de preuve, y compris des documents stratégiques et commerciaux, des analyses économiques et des entrevues menées auprès de participants du marché.

8. Analyse de l’intérêt relativement important

8.1 Approche analytique

Lorsqu’une ou plusieurs des parties à la fusion détiennent un intérêt minoritaire dans une entité qui participe à l’un des mêmes marchés que les parties à la fusion, le Bureau déterminera si l’intérêt est « relativement important ». Un intérêt « minoritaire » désigne un scénario où l’intérêt détenu est inférieur au niveau de « contrôle », comme défini dans la Loi sur la concurrenceNote de bas de page 8.

Du point de vue qualitatif, un « intérêt relativement important » est détenu dans la totalité ou une partie d'une entreprise lorsque le détenteur de l'intérêt minoritaire en retire la capacité d'influencer concrètement le comportement économique de l'entreprise, notamment les décisions ayant trait aux prix, aux achats, à la distribution, à la commercialisation, aux investissements, et au financement.

Pour déterminer si un intérêt minoritaire, une entente ou une autre relation particulière confère une influence concrète, le Bureau tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, notamment les suivants :

  • les droits de vote liés aux participations ou aux intérêts du détenteur minoritaire dans une association d’intérêts;
  • le statut du détenteur de l'intérêt minoritaire qui participe dans une société de personnes (c.‑à‑d. commandité ou commanditaire) ainsi que la nature des droits et des pouvoirs liés à cette participation;
  • les détenteurs du reste des actions ou des intérêts et leur répartition (si la participation de l'entreprise est partagée ou restreinte et si l'acquéreur est l'actionnaire le plus important);
  • la composition du conseil d'administration et le quorum aux réunions du conseil d'administration, la participation et les habitudes de vote antérieures (si le détenteur de l'intérêt minoritaire est en mesure d'obtenir un niveau de représentation suffisant pour influencer la décision ou d'empêcher l'adoption de résolutions par son vote dans une réunion ordinaire);
  • l'existence de droits de vote ou de veto spéciaux liés aux actions ou aux intérêts du détenteur de l'intérêt minoritaire (c.‑à‑d. l'étendue des droits d'approbation de l'actionnaire en ce qui a trait aux transactions qui ne surviennent pas dans le cours normal des affaires);
  • les conditions des conventions d'actionnaires ou des ententes de vote;
  • l'action bénéficiaire ou la participation aux bénéfices de l'intérêt minoritaire en comparaison avec la participation financière du détenteur de l'intérêt minoritaire;
  • l'étendue, le cas échéant, de l'influence du détenteur de l'intérêt minoritaire sur le choix des cadres ou des membres siégeant aux principaux comités;
  • le statut et l'expertise du détenteur de l'intérêt minoritaire par rapport à ceux des autres actionnaires;
  • les services (à titre de cadre, de conseiller ou autre) que le détenteur de l'intérêt minoritaire fournit à l'entreprise, le cas échéant;
  • les options de vente et d'achat ou autres droits de liquidité, le cas échéant, que le détenteur de l'intérêt minoritaire détient et dont il peut se servir pour influencer d'autres actionnaires ou cadres;
  • l'accès dont dispose le détenteur de l'intérêt minoritaire, s'il y a lieu, aux renseignements confidentiels sur l'entreprise;
  • la mesure dans laquelle le détenteur de l'intérêt minoritaire peut par ailleurs faire pression sur les processus décisionnels de l'entreprise.

L’analyse du Bureau d’un intérêt relativement important tient compte à la fois du contrôle « de jure », qui décrit la situation de contrôle légalement reconnue, généralement découlant d’accords formels, et du contrôle « de facto », qui décrit la situation pratique qui peut ne pas être légalement reconnue.

En règle générale, le Bureau ne considère pas qu’un intérêt de moins de 10 % des actions avec droit de vote d’une société constitue un intérêt relativement important, en l’absence d’autres relations. Un intérêt relativement important peut également être établi en vertu de conventions d’actionnaires, d’ententes de prêt par voie non conventionnelle qui confèrent une influence concrète ou d’autres ententes contractuelles. Le Bureau tiendra compte du contexte global de la relation entre les entités pour déterminer s’il y a un intérêt relativement important.

8.2 Analyse de l’intérêt de Bunge dans G3

Bunge détient un intérêt dans G3, une entreprise qui exploite des activités importantes à plusieurs niveaux de la chaîne d’approvisionnement en grains du Canada. Comme G3 a été désigné comme participant dans bon nombre des mêmes marchés que Viterra, le Bureau a analysé cet intérêt à la lumière du cadre décrit ci-dessus afin d’évaluer le préjudice potentiel à la concurrence découlant de la transaction proposée.

Le Bureau a également embauché un expert en gouvernance d’entreprise, qui a fourni des avis et des analyses sur la mesure dans laquelle Bunge est en mesure d’influencer, ou a influencé, le cas échéant, les opérations de G3, la forme que cette influence peut prendre ainsi que la nature et l’étendue de l’accès de Bunge aux renseignements confidentiels de G3.

Les renseignements pris en compte comprenaient une grande variété de renseignements fournis par Bunge et G3, notamment :

  • les accords formels régissant l’intérêt de Bunge dans G3 et ses relations avec lui, comme les conventions d’actionnaires et les accords commerciaux;
  • des documents reflétant les activités du conseil d’administration de G3, comme des procès-verbaux des réunions du conseil d’administration et des documents utilisés durant ces réunions;
  • des documents dans le cadre normal des affaires reflétant l’échange de renseignements entre Bunge et G3, ainsi que les décisions et les discussions internes de Bunge et de G3 sur les opérations et la stratégie de G3.

8.2.1 Structure des intérêts et des relations

La Commission canadienne du blé a été créée par le gouvernement fédéral au début du XXe siècle et a agi à titre d’acheteur et de vendeur exclusif de blé et d’orge dans l’Ouest canadien. Cette exclusivité a pris fin en 2012, et la Commission canadienne du blé a poursuivi ses activités sous le nom de CCB.

Créé en 2015, G3 a été conçu en tant que coentreprise entre Bunge et SALIC pour développer une nouvelle entreprise de manutention et d’exportation de grains au Canada qui comprendrait la construction d’un nouveau terminal d’exportation de grains à Vancouver ainsi que l’acquisition d’actifs de Bunge Canada et de la CCB. SALIC est une société mondiale d’investissement dans le secteur agroalimentaire détenue entièrement par le gouvernement saoudien par l’entremise du Public Investment Fund of Saudi Arabia. Au moment de cette transaction de coentreprise, les activités canadiennes de Bunge comprenaient ses installations de trituration et de raffinage d’oléagineux, ainsi que des silos à grains et un terminal portuaire au Québec. Dans le cadre de cette transaction, Bunge a accepté de fournir des actifs à G3, y compris le silo terminal portuaire et les silos à grains de l’Est du Canada de Bunge. De plus, Bunge, SALIC et une tierce partie ont construit un silo terminal à Vancouver dans le cadre d’une coentreprise distincte, mais connexe.

Depuis 2015, G3 a construit 12 silos primaires dans l’Ouest canadien et possède maintenant 19 silos à grains dans l’Ouest canadien, un silo à grains au Québec et cinq silos terminaux dans les ports de Vancouver, de Thunder Bay, de Hamilton, de Québec et de Trois-Rivières.

À l’heure actuelle, SALIC détient un intérêt de 75 % dans la société mère du groupe de sociétés G3, G3 Global Holdings, tandis que Bunge détient un intérêt de 25 %.

Les silos à grains de G3 et quatre de ses silos terminaux sont détenus par une filiale indirecte de G3 Global Holdings, G3 Canada Limited (« G3 Canada »), dans laquelle le Farmers Equity Trust détient un intérêt minoritaire. Le Farmers Equity Trust a été créé par la CCB pour offrir aux producteurs la possibilité de détenir un intérêt économique dans G3 Canada.

Le silo terminal de G3 au port de Vancouver est détenu par une autre filiale de G3 Global Holdings, G3 Terminal Vancouver Limited Partnership (« G3 Terminal Vancouver »), dans laquelle Western Stevedoring Company Limited détient un intérêt minoritaire. Western Stevedoring Company Limited est une entreprise qui fournit des services de manutention et de logistique aux ports maritimes.

Bunge et G3 ont également conclu un certain nombre d’accords commerciaux, notamment des accords commerciaux relatifs à l’achat et à la commercialisation de grains.

8.2.2 Nature et étendue de l’influence

Les droits des actionnaires des entités de G3 sont énoncés dans les conventions d’actionnaires. Bunge a le droit de nommer des membres des conseils d’administration de G3.

Le conseil d’administration est chargé de surveiller le rendement d’une société, d’établir sa stratégie et de nommer les membres de la haute direction. Les administrateurs et les membres du comité nommés par Bunge, à titre d’employés de Bunge, ont une expérience appréciable de l’industrie du grain.

Bien que les décisions du conseil d’administration et des comités soient souvent prises à la majorité des voix des administrateurs présents aux réunions du conseil d’administration, les conventions d’actionnaires précisent souvent les droits supplémentaires des actionnaires minoritaires, comme les « droits de veto » (c.-à-d. lorsque certaines décisions du conseil d’administration exigent le consentement unanime des administrateurs).

En vertu des conventions d’actionnaires régissant les activités de G3 Global Holdings, Bunge détient des droits de veto sur un certain nombre de décisions importantes relatives à des éléments fondamentaux de la position concurrentielle de G3 par l’entremise de ses positions en tant qu’actionnaire et en tant que membre du conseil d’administration de G3.

Le fait de détenir des droits de veto sur des décisions de cette nature donne à Bunge le pouvoir effectif d’influencer le comportement économique de G3, y compris sa stratégie concurrentielle et son entrée et son expansion dans de nouveaux marchés. L’examen du Bureau indique qu’il s’agit de décisions d’importance pour Bunge et G3.

Le Bureau a conclu que l’existence d’autres actionnaires, les obligations fiduciaires des administrateurs désignés par Bunge envers chaque entité de G3, et les dispositions relatives aux conflits d’intérêts dans les conventions d’actionnaires pertinentes n’atténuent pas sensiblement la capacité et l’intérêt de Bunge d’influencer le comportement économique de G3 et ne répondent pas aux préoccupations du Bureau en matière de concurrence. L’existence de droits de veto affaiblit la capacité des autres actionnaires à limiter l’influence de Bunge.

Bien que les administrateurs aient une obligation fiduciaire à l’égard de l’entité dont ils sont membres du conseil d’administration, il pourrait y avoir concertation à l’égard d’un plan d’action qui nuit à la concurrence et un plan d’action qui est dans l’intérêt supérieur de l’entreprise. De même, il peut ne pas y avoir de conflit d’intérêts dans une telle démarche. Un comportement coordonné entre deux entités qui donnent l’apparence d’être des concurrents sur le marché peut être dans l’intérêt de ces deux entités, mais pas dans celui de leurs clients et de leurs fournisseurs.

De plus, les intérêts supérieurs d’une entreprise sont subjectifs, et le choix d’une action stratégique parmi plusieurs solutions de rechange est fréquemment un exercice ambigu et spéculatif. Les administrateurs nommés par un actionnaire ont donc un certain pouvoir discrétionnaire pour défendre ou voter des stratégies d’entreprise qui peuvent s’harmoniser avec les intérêts de cet actionnaire.

Enfin, les autres accords commerciaux et financiers entre Bunge et G3 mentionnés ci-dessus fournissent un canal supplémentaire par lequel Bunge et G3 interagissent dans le marché. Les accords commerciaux et financiers importants entre Bunge et G3 pourraient aussi fournir à Bunge une position de négociation forte dans ses relations avec G3. L’examen du Bureau suggère que les interactions entre Bunge et G3 dans le cadre de ces accords peuvent également inclure des discussions sur la dynamique concurrentielle, y compris les prix pratiqués par Bunge et Viterra, concurrent de G3.

8.2.3 Accès aux renseignements confidentiels

L’accès à des renseignements confidentiels est un facteur particulièrement important dans l’évaluation de l’incidence qu’un intérêt minoritaire peut avoir sur la concurrence. Les renseignements confidentiels de nature délicate sur le plan de la concurrence peuvent comprendre des renseignements sur les prix, les coûts, la capacité, les plans stratégiques et les stratégies de mise en marché. L’accès aux renseignements stratégiques, opérationnels et financiers confidentiels d’un concurrent peut permettre à une entreprise d’agir de diverses façons au détriment de la concurrence, notamment en coordonnant la tarification ou d’autres comportements stratégiques, en s’accaparant de ressources limitées, ou en obtenant un avantage dans des négociations contractuelles avec le rival ou des tiers.

Dans son examen des renseignements obtenus de Bunge et de G3, le Bureau a évalué l’accès de Bunge aux renseignements confidentiels de nature délicate sur le plan de la concurrence de G3. En sa qualité d’actionnaire, les administrateurs nommés par Bunge au conseil d’administration de G3 reçoivent des renseignements délicats sur le plan de la concurrence et non publics, notamment des documents du conseil d’administration et de gouvernance. L’information comprend des renseignements financiers, stratégiques et concurrentiels détaillés. D’autres employés de Bunge qui ne sont pas les administrateurs de G3 ont également reçu ces renseignements.

Le Bureau a constaté que ses préoccupations concernant l’échange de renseignements confidentiels ne sont pas atténuées par les politiques et les accords relatifs à ces renseignements. Même s’il y avait des limites à l’échange de renseignements, les employés de Bunge qui participent à la prise de décisions liées au conseil d’administration de G3 continueraient d’avoir accès à ces renseignements et d’en prendre connaissance.

À la suite de la fusion de Bunge avec Viterra, le risque de préjudice concurrentiel découlant de cet accès à des renseignements confidentiels sera grandement amplifié étant donné que les activités de Viterra et de G3 se chevauchent dans un certain nombre de marchés de la chaîne d’approvisionnement agricole au Canada.

8.3 Conclusion sur l’intérêt relativement important

L’expert en gouvernance d’entreprise du Bureau a conclu ce qui suit :

  • Bunge a la capacité d’influencer concrètement la stratégie de G3 et certains aspects de ses activités, notamment en ce qui concerne des éléments clés de sa stratégie concurrentielle;
  • Même si les accords commerciaux entre G3 et Bunge sont conclus sans lien de dépendance, ils procurent à Bunge une solide position de négociation dans ses relations avec G3;
  • Les directeurs et les membres des comités de Bunge ont accès à des renseignements confidentiels de nature délicate sur le plan de la concurrence sur G3, qui seraient utiles pour la planification stratégique et opérationnelle de l’entité fusionnée.

Sur la base des renseignements obtenus de Bunge et de G3, y compris les conventions d’actionnaires pertinentes, les avis et l’analyse fournis par l’expert en gouvernance d’entreprise du Bureau, et d’autres renseignements obtenus dans le cadre de son enquête, le Bureau a conclu que, même si Bunge ne « contrôle » pas G3, comme défini au paragraphe 2(4) de la Loi sur la concurrence, l’intérêt que Bunge détient dans G3 est un intérêt relativement important qui lui permet d’influencer concrètement le comportement économique de G3.

L’acquisition proposée de Viterra, le concurrent de G3, renforcera l’intérêt de Bunge à influencer le comportement économique de G3 au détriment de la concurrence. Bunge aura la capacité et la motivation d’influencer les stratégies de G3 en ce qui concerne l’investissement, l’entrée et l’expansion, ainsi que d’autres facteurs qui ont une incidence sur sa stratégie concurrentielle générale dans les marchés pertinents.

Même en l’absence d’influence concrète, un intérêt minoritaire peut avoir une incidence sur les incitatifs concurrentiels du titulaire de l’intérêt. Un acquéreur qui détient une position minoritaire dans une entreprise et qui acquiert un concurrent de cette entreprise pourrait être moins incité à livrer concurrence à l’entreprise dans laquelle il détient l’intérêt. Si l’acquéreur augmente ses prix et perd par conséquent ses ventes, il bénéficiera, par son intérêt minoritaire, des ventes qui affluent vers l’entreprise dans laquelle il détient un intérêt minoritaire. En fait, l’entreprise récupérera une partie des ventes détournées vers l’entreprise dans laquelle elle détient un intérêt minoritaire et pourrait donc être plus incitée à augmenter son propre prix qu’elle ne le ferait en l’absence de l’intérêt minoritaire. Dans son évaluation d’un intérêt minoritaire, le Bureau tient compte de l’ampleur du détournement entre les produits des entreprises et des bénéfices réalisés sur ces ventes détournées. Le Bureau examine également la probabilité, l’importance et l’incidence d’un tel changement sur les incitatifs du détenteur d’intérêt minoritaire.

Les ramifications de cette constatation en ce qui concerne les marchés sur lesquels Bunge, G3 et Viterra exploitent leurs activités seront abordées dans chaque section relative à ces marchés ci-dessous.

En vertu de la Loi sur la concurrence, un « fusionnement », communément appelé « fusion », est défini comme l’établissement d’un « contrôle ou d’un intérêt important sur la totalité ou une partie d’une entreprise d’un concurrent, d’un fournisseur, d’un acheteur ou d’une autre personne ». Lorsque le Bureau conclut qu’une transaction proposée créerait un intérêt relativement important, il évaluera la transaction proposée comme répondant à cette définition.

Lorsque le Bureau évalue l’incidence d’un intérêt relativement important existant détenu par l’une des parties à la fusion, il examinera de même les répercussions de la fusion si la partie à la fusion et l’entité dans laquelle elle détient un intérêt agissent comme une seule entité sur le marché.

9. L’achat des grains

La production de cultures par les producteurs est la première et la plus importante étape de la chaîne d’approvisionnement en grains au Canada. Les producteurs canadiens ont produit plus de 90 millions de tonnes de cultures au cours de la campagne agricole de 2022-2023, et ils comptent parmi les plus importants producteurs de plusieurs cultures au monde, y compris le blé et le canola. Environ les trois quarts des cultures ont été produits dans l’Ouest canadien et le quart dans l’Est canadien.

L’achat de ces cultures par les entreprises de manutention du grain est appelé « l’achat des grains » et l’achat direct du grain auprès des producteurs se fait habituellement aux « silos primaires » et aux « silos de transformation ». Dans l’Ouest canadien, ces installations sont agréées par la Commission canadienne des grains. Comme décrit dans la Loi sur les grains du Canada, un silo primaire reçoit du grain directement des producteurs à des fins de stockage ou d’expédition, et un silo de transformation reçoit et entrepose le grain en vue de sa préparation industrielle ou de sa transformation. Les installations de trituration d’oléagineux sont un exemple de « silos de transformation ».

Les silos à grains sont habituellement reliés aux réseaux de transport par des voies d’évitement ferroviaires et sont habituellement reliés aux voies du CP ou du CN dans l’Ouest canadien. Le grain est transporté des silos primaires par chemin de fer vers diverses destinations, y compris les ports pour l’exportation et les silos de transformation pour la transformation ultérieure.

Les producteurs vendent leur grain aux silos et reçoivent un prix au comptant, généralement fondé sur le volume (en tonnes métriques ou en boisseaux) et les caractéristiques du grain, y compris son grade. Les silos à grains affichent habituellement les prix qu’ils offrent pour la livraison du grain, mais les producteurs vendent également leur grain aux silos en vertu de diverses ententes contractuelles, y compris des contrats à terme plusieurs mois à l’avance ou en fixant un prix cible auquel ils vendront leur grain aux silos.

Au Canada, Bunge exploite deux silos à grains primaires situés à Dixon et Nicklen Siding, en Saskatchewan, et cinq installations de trituration d’oléagineux situées à :

  • Fort Saskatchewan (Alberta)
  • Nipawin (Saskatchewan)
  • Altona (Manitoba)
  • Harrowby (Manitoba)
  • Hamilton (Ontario)

Comme il a été mentionné précédemment, Bunge détient un intérêt relativement important dans G3, qui exploite 20 silos à grains primaires, dont 19 sont situés dans l’Ouest canadien.

Les installations de manutention du grain de Viterra comprennent 66Note de bas de page 9 silos à grains primaires agréés dans l’Ouest canadien ainsi que des installations de trituration d’oléagineux à Sainte-Agathe (Manitoba) et Bécancour (Québec).

En avril 2021, Viterra a annoncé la construction d’une nouvelle usine de trituration de canola à Regina, en Saskatchewan. L’usine aura une capacité de trituration annuelle ciblée initiale de 2,5 millions de tonnes métriques, ce qui en ferait, au moment de son annonce, la plus grande installation de trituration de canola intégrée au monde.

Lors de l’annonce en 2021, l’usine devait devenir pleinement opérationnelle à la fin de 2024 ou au début de 2025. Toutefois, au début de 2024, la construction de l’usine ne semblait pas avoir commencé et elle n’ouvrira pas ses portes à l’intérieur du délai prévu au départ. Compte tenu de l’emplacement de l’usine de trituration de Regina, sa présence n’aurait pas d’incidence sur les conclusions du Bureau sur les marchés de l’origine du canola dont il est question ci-dessous.

9.1 Marchés pertinents

Dans la jurisprudence récente concernant l’acquisition d’un silo à grains primaire par une entreprise céréalière concurrente, le Tribunal de la concurrence a conclu que le marché de produits pertinent dans de tels cas était l’achat des grains. Cependant, il a fait remarquer que le « prix au comptant » qu’un producteur reçoit pour le grain comprend deux composantes :

  • le prix à terme, qui reflète le prix du marché mondial des produits de base pour le grain et qui échappe au contrôle du silo;
  • le prix de base, qui correspond à la différence entre le prix au comptant que le producteur reçoit et le prix à terme du grain.

Le Tribunal de la concurrence a également examiné séparément les répercussions de cette fusion sur différentes cultures, comme le blé et le canola, et a défini les marchés pertinents comme étant l’achat d’une culture spécifique. Bien que les entreprises céréalières ne mélangent pas différents grains au silo, les silos à grains primaires peuvent généralement acheter et entreposer plus d’une récolte à la fois et passer d’une culture à l’autre, selon leurs capacités d’entreposage et leurs débouchés et la disponibilité des cultures sur le marché local.

Dans son analyse, le Bureau a tenu compte de la façon dont la dynamique d’achat peut différer en ce qui concerne différentes cultures. Par exemple, les triturateurs de canola sont une solution de rechange aux silos à grains primaires pour l’achat de canola, mais pas pour d’autres cultures. La question de savoir si une entreprise achète ou non un grain à un silo donné peut dépendre de sa capacité de transformer ou de commercialiser ce grain sur les marchés en aval. Le Bureau considère qu’au sein d’un marché, le débit global des acheteurs de grains et la preuve de leurs achats réels de grains différents sont par conséquent pertinents pour évaluer l’incidence de la transaction proposée sur la concurrence.

En plus des cultures qu’ils acceptent, les silos à grains peuvent être différenciés par le nombre de « places de wagons » qu’ils ont le long des voies d’évitement pour le chargement de wagons avec du grain. Les silos plus récents peuvent avoir des « voies ferrées en boucle », qui peuvent charger le grain dans les trains sans découpler les wagons de la locomotive. Cela peut accroître considérablement l’efficacité d’un silo pour le chargement du grain aux fins de transportNote de bas de page 10.

En ce qui concerne le marché géographique, conformément à la jurisprudence récente du Tribunal de la concurrence, le Bureau a conclu que les marchés pertinents sont locaux. Le Tribunal de la concurrence a conclu que la plupart des exploitations agricoles livrent le grain aux silos à moins de 100 km de leurs cultures et que, en règle générale, les silos qui sont plus près de la récolte d’un producteur sont plus attrayants pour la livraison de cette récolte.

Dans le cas des installations de trituration d’oléagineux, la région d’où proviennent les grains est susceptible d’être plus vaste, et les producteurs pourraient être disposés à contourner des silos plus proches pour vendre leurs produits à un triturateur. Le Bureau a constaté que les installations de trituration d’oléagineux pertinentes achètent le canola dans une région plus vaste que les silos primaires. Bien que les triturateurs puisent une partie importante du canola dans un rayon de 100 km, ils en tirent aussi de 200 km à 300 km.

L’expert en économie empirique du Bureau a effectué une analyse des zones réelles de tirage par silo et par installation de trituration à partir de données confidentielles. Lorsque ces écarts varient selon les cultures et l’emplacement, cela a été intégré à l’analyse du Bureau.

En plus de la distance et du prix, un certain nombre de facteurs peuvent influencer le choix de l’acheteur de grain par le producteur, notamment les caractéristiques du grain à vendre, le moment de la vente, la relation avec l’exploitant du silo et les conditions routièresNote de bas de page 11. Les cultures spéciales, dont certains types de canola, peuvent être assujetties à des conditions d’achat spéciales, comme des contrats dans le cadre desquels le producteur accepte de cultiver un certain nombre d’acres et de les vendre à un acheteur particulier.

L’offre d’oléagineux aux installations de trituration des parties dans l’Est du Canada est assujettie à des considérations quelque peu différentes. Par exemple, tandis qu’une partie du canola est cultivée dans l’Est du Canada, une partie importante du canola trituré aux usines de Hamilton et de Bécancour est expédiée depuis l’Ouest canadien. Le soja cultivé dans l’Est du Canada semble transporté sur de plus grandes distances que les cultures de l’Ouest du Canada et peut également être acheminé aux silos terminaux exploités par les entreprises céréalières dans les ports. Les installations de trituration d’oléagineux de l’Est du Canada achètent aussi du soja auprès de vendeurs aux États-Unis.

9.2 Effets concurrentiels et concentration sur les marchés pertinents

Le Bureau a examiné les achats de grains pertinents dans les zones locales de chaque installation de Bunge et de G3 et a évalué les niveaux relatifs de concentration et d’autres preuves d’effets concurrentiels dans chaque zone.

L’Ouest canadien

Bunge possède le plus grand nombre de triturateurs de canola de l’Ouest canadien. À l’heure actuelle, Viterra ne possède qu’un seul triturateur de canola dans l’Ouest canadien, mais il achète également du canola par l’entremise de son réseau de silos à grains primaires, qui est le plus important de l’Ouest canadien.

Le Bureau a évalué le marché pour l’achat de canola dans la région entourant chaque triturateur de canola de Bunge, y compris des preuves qualitatives montrant que les parties sont des concurrents pour l’achat de canola dans les régions entourant chaque triturateur de canola de Bunge. Des preuves documentaires montrent que les concurrents surveillent les prix du canola offerts par les autres concurrents, et que les triturateurs de canola sont considérés comme des concurrents particulièrement importants dans l’établissement des prix du canola. De telles preuves montrent que les prix de Bunge à Altona ont eu une grande influence sur les prix dans toute la région d’Altona.

Le Bureau a évalué le marché pour l’achat de canola dans la région autour de chaque triturateur à canola de Bunge et a conclu que les parts de marché des parties sont probablement particulièrement importantes autour des triturateurs de Bunge situés à Altona et à Nipawin, plus de 45 % autour de Nipawin et 60 % autour d’Altona.

L’expert en économie empirique du Bureau a effectué une analyse de simulation de fusion et a conclu que la fusion entraînerait vraisemblablement une diminution des prix payés aux producteurs par les installations achetant du canola dans les régions de Nipawin et d’Altona. Selon la jurisprudence récente du Tribunal de la concurrence, les producteurs considéraient une diminution de prix de 10 cents par boisseau par les acheteurs dans un marché comme étant une diminution de prix appréciableNote de bas de page 12.

Le Bureau est d’avis que les diminutions de prix estimées par son expert aux installations de Bunge et Viterra dans les régions d’Altona et Nipawin auraient vraisemblablement mené à des effets anticoncurrentiels sensiblesNote de bas de page 13.

Si l’on tient compte du volume des achats dans ces régions, l’incidence globale de ces effets sur les prix est probablement de 7 à 9 millions de dollars dans la région d’Altona et de 8 à 10 millions de dollars dans la région de Nipawin en pertes annuelles de revenus agricoles.

Le Bureau a également tenu compte de l’incidence de la transaction proposée sur l’achat d’autres grains, qui ne sont pas achetés par Bunge, mais qui sont achetés par G3 et Viterra. Il y a des preuves que G3 et Viterra se livrent concurrence dans la région autour de chacune des 19 installations de G3 dans l’Ouest canadien. Selon la région, ils peuvent se livrer concurrence pour acheter non seulement du canola, mais aussi du blé, du blé dur, du seigle, de l’orge, des pois, du maïs et du soja.

Dans chacune de ces régions, le Bureau a examiné la preuve qualitative de la concurrence entre G3 et Viterra, y compris la preuve documentaire montrant que G3 est un concurrent particulièrement agressif dans l’établissement des prix pour l’achat des grains, comme il est mentionné plus en détail à la section 9.3.

Les données dont dispose le Bureau sur d’autres cultures n’étaient pas aussi complètes que celles disponibles sur le canola. Toutefois, l’analyse du Bureau a montré que, compte tenu de tous les renseignements pertinents, y compris la nature de l’intérêt de Bunge dans G3, la diminution prévue du prix d’autres grains résultant de la fusion des parties ne constituerait vraisemblablement pas une diminution appréciable.

L’Est du Canada

Étant donné que Bunge et Viterra possèdent deux des trois installations de trituration d’oléagineux dans l’Est du Canada, le Bureau a également examiné si la transaction proposée aurait vraisemblablement des effets sensibles sur la concurrence dans l’achat de canola ou de soja dans l’Est du Canada.

Comme nous l’avons décrit ci-dessus, le canola destiné aux triturateurs des parties dans l’Est du Canada provient souvent de l’Ouest canadien. Le Bureau n’a trouvé aucune preuve que les parties sont des concurrents importants dans les activités d’achat de canola dans l’Est du Canada.

En ce qui concerne le soja, Bunge n’achète pas directement d’importantes quantités de soja auprès des producteurs de l’Est du Canada. L’analyse effectuée par le Bureau des renseignements recueillis au cours de son examen, y compris des données concernant les achats de Bunge, de Viterra et de G3, indique bien que les graines de soja utilisées dans les installations de trituration des parties dans l’Est du Canada soient achetées auprès d’un large éventail de sources, les parties achètent en grande partie du soja de différentes sources. D’après l’analyse que fait le Bureau de ces achats et d’autres éléments de preuve, la transaction proposée n’entraînerait vraisemblablement pas de préoccupations importantes en matière de concurrence en ce qui concerne l’achat de soja dans un marché quelconque de l’Est du Canada.

9.3 Concurrence réelle restante et suppression d’un concurrent vigoureux et efficace

La transaction proposée représente la fusion de deux des plus grands acheteurs de canola dans l’Ouest canadien par le regroupement de Bunge et de Viterra. Il représente également l’acquisition du plus important exploitant de silos primaires de l’Ouest canadien, Viterra, par Bunge, qui détient un intérêt important dans une autre des plus grandes sociétés céréalières de l’Ouest canadien.

L’Ouest canadien abrite 341 silos à grains primaires agréés par la Commission canadienne des grains. Viterra est titulaire de licence pour 65 et G3 19 de ces silos, ce qui représente environ le quart de tous les silos à grains primaires de l’Ouest canadien. Viterra et G3 sont titulaires d’environ un tiers de toute la capacité des silos primaires de l’Ouest canadien. De plus, Bunge possède quatre et Viterra une des 11 installations de trituration d’oléagineux de l’Ouest canadien.

Bien qu’un certain nombre d’entreprises céréalières exploitent leurs activités dans l’Ouest canadien, plus de la moitié des silos primaires agréés appartiennent à seulement cinq entreprises : Viterra, G3, Parrish & Heimbecker Limited (« Parrish & Heimbecker »), Cargill Limited (« Cargill ») et Richardson Pioneer Limited (« Richardson »). Les silos à grains primaires pour lesquels ces entreprises sont titulaires de licence représentent plus des trois quarts de la capacité totale des silos primaires dans l’Ouest canadien.

Étant donné que les marchés pour l’achat des grains sont locaux, la concurrence réelle qui subsiste doit être évaluée à l’échelle locale. Dans toutes les régions pertinentes susmentionnées, les éléments de preuve du Bureau prêtent à penser qu’il y aura probablement d’autres acheteurs de canola ou d’autres grains disponibles pour les producteurs après la transaction proposée. Cela comprend généralement un certain nombre de silos appartenant à d’autres grandes sociétés céréalières dont il a été question plus haut, comme Cargill et Richardson.

En ce qui concerne les marchés situés à proximité de la frontière canado-américaine, en particulier autour de l’installation de trituration d’Altona, le Bureau a conclu qu’il existe des preuves que les agriculteurs peuvent traverser la frontière pour vendre du grain à des acheteurs aux États-Unis, y compris des installations de trituration du canola. Le Bureau a tenu compte de ces ventes transfrontalières potentielles dans son évaluation des éléments de preuve, y compris dans le calcul des effets sur les prix, et n’a pas conclu que les achats de grain par les acheteurs américains modifieraient ses conclusions en ce qui concerne les marchés dont il est question ci-dessus.

Le Bureau a également examiné des éléments de preuve de la concurrence provenant de silos de transformation autres que les installations de trituration d’oléagineux, comme les usines de minoterie et les entreprises de maltage qui achètent des cultures comme le blé et l’orge. Bien que ces installations ne semblent pas jouer un rôle aussi important sur les marchés de l’achat des autres grains que les triturateurs dans l’achat de canola, dans les marchés où G3 et Viterra se livrent concurrence pour acheter ces autres grains, ces acheteurs peuvent augmenter le nombre de solutions de rechange offertes aux agriculteurs après la fusion.

En vertu de l’article 93 de la Loi sur la concurrence, le Bureau envisage également le retrait d’un concurrent particulièrement dynamique et efficace, comme un concurrent qui joue un rôle perturbateur en ce qui concerne les prix.

L’information examinée par le Bureau indique que G3 joue souvent un rôle perturbateur relativement à l’achat des grains dans l’Ouest canadien. G3 est perçu comme un concurrent qui s’acharne à gagner des parts de marché exploitées par des entreprises céréalières établies comme Viterra, et qui offre des prix d’achat du grain plus élevés aux producteurs.

L’analyse des éléments de preuve par le Bureau, y compris les documents d’affaires de Viterra portant sur le cours normal des affaires, indique que dans presque tous les secteurs où Viterra et G3 sont en concurrence, G3 est un concurrent particulièrement vigoureux et souvent un chef de file en matière de prix.

Bien que la transaction proposée ne sous-tende pas l’acquisition de G3, l’analyse du Bureau de l’intérêt relativement important démontre qu’elle peut avoir une incidence significative sur les aspirations de Bunge en raison de son intérêt dans G3. Grâce à son intérêt relativement important dans G3, Bunge continuera d’avoir la capacité d’influencer la stratégie concurrentielle de G3. Si Bunge acquiert les actifs de Viterra, le principal concurrent de G3, Bunge sera d’autant plus incité à réduire la force concurrentielle de G3 avec le temps.

9.4 Entrée et expansion sur les marchés pertinents

Dans le même esprit que la jurisprudence récente du Tribunal de la concurrence, le Bureau a conclu que les barrières à l’entrée ou à l’expansion pour l’achat des grains aux silos sont importantes. Le Tribunal a conclu que les obstacles comprenaient des coûts d’immobilisations de 40 à 50 millions de dollars pour la construction d’un silo, ainsi que la nécessité de trouver un lieu où la demande est suffisante et un emplacement convenable permettant un accès ferroviaire et routier adéquat. L’entrée est peu probable dans un horizon de moins de deux ans.

Cargill, la coentreprise AGT Foods et Federated Co-operatives Limited (« FCL »), Richardson et Louis Dreyfus (« Louis Dreyfus ») ont annoncé un certain nombre de projets de construction d’installations de trituration d’oléagineux dans l’Ouest canadien ou d’agrandissement des installations existantes. L’examen du Bureau a indiqué que cette expansion est en partie attribuable aux attentes de l’industrie à l’égard de la demande émergente de biocarburants produits à partir d’oléagineux.

Bien qu’on ait annoncé de nouveaux projets de construction et d’agrandissement, les installations de transformation des oléagineux, comme les silos à grains primaires, exigent des investissements importants et un accès aux cultures et aux réseaux de transport. Les récents projets de trituration ont des coûts vraisemblables variant de 350 millions de dollars US à plus de 2 milliards de dollarsNote de bas de page 14. Au moins un projet annoncé a déjà été annulé en raison de « pressions inflationnistesNote de bas de page 15 ».

L’examen du Bureau indique que les dépenses en immobilisations et les délais d’exécution de ces projets sont considérables et qu’il est peu probable que l’entrée dans le marché se fasse à l’intérieur d’un horizon de moins de trois ans. Les projets d’agrandissement des usines existantes peuvent exiger moins de temps entre la planification et l’achèvement. La majorité des entreprises qui ont annoncé des projets de trituration d’oléagineux sont déjà des acteurs du marché de la trituration d’oléagineux au Canada.

Le Bureau a tenu compte des emplacements, de la propriété et du moment prévu pour l’entrée de ces nouvelles installations et de ces agrandissements, y compris dans le calcul des effets sur les prix, et il a conclu qu’aucun des projets d’entrée et d’expansion annoncés n’aura vraisemblablement d’incidence sur ses conclusions en ce qui concerne les secteurs d’Altona et de Nipawin susmentionnés. Les emplacements de ces projets sont généralement trop éloignés de ces régions pour avoir une incidence importante sur les options offertes aux agriculteurs.

Les renseignements recueillis au cours de l’examen du Bureau indiquent également que l’accès aux marchés pour la vente de grain peut constituer une barrière à l’entrée et à l’expansion pour les actifs de l’achat des grains. Par exemple, les entreprises qui n’ont pas de silos terminaux dans les ports ou de liens facilitant la commercialisation sur les marchés d’exportation peuvent avoir de la difficulté à acheminer le grain qu’elles achètent à des acheteurs finaux.

Lorsqu’il évalue l’incidence d’une fusion sur un concurrent particulièrement dynamique et efficace, le Bureau détermine également si la fusion peut empêcher le concurrent de prendre de l’expansion ou d’entrer sur le marché, ou marginaliser autrement son importance concurrentielle.

G3 est le concurrent qui connaît la croissance la plus rapide dans l’Ouest canadien. À la suite de son établissement en 2015, il a rapidement commencé à construire et à acquérir des silos à grains et a construit plus de 12 silos depuis 2015. De plus, les nouvelles constructions de G3 ont souvent été de grandes installations, avec des voies ferrées en boucle pour un fonctionnement plus efficace.

L’information examinée par le Bureau indique que G3 continue d’avoir des plans d’expansion de ses activités dans la chaîne d’approvisionnement en grains au Canada, et d’introduire des innovations susceptibles d’améliorer son efficacité et la qualité des services qu’elle offre aux agriculteurs.

L’intérêt relativement important de Bunge dans G3 lui permet d’influencer ses plans d’entrée et d’expansion au Canada. L’acquisition par Bunge du principal concurrent de G3, Viterra, augmentera la motivation de Bunge à freiner la croissance de G3 dans des marchés de produits ou des zones géographiques où Viterra est déjà présent, au détriment de la concurrence.

9.5 Conclusions sur l’achat des grains

La transaction proposée représente le regroupement de multiples acheteurs importants de grains dans l’Ouest canadien et entraînerait vraisemblablement une diminution sensible de la concurrence pour l’achat de canola dans certains marchés, ainsi que de graves répercussions sur la concurrence pour les achats d’autres grains.

En tant qu’acheteur important de canola, y compris par son intérêt relativement important dans G3, Bunge, par l’entremise de la transaction proposée, obtiendra les actifs de la plus grande entreprise de silos à grains de l’Ouest canadien, ce qui se traduira par une diminution sensible de la concurrence pour l’achat de canola dans la région d’Altona, au Manitoba et de Nipawin, en Saskatchewan. L’expert en économie empirique du Bureau a conclu que la fusion de Bunge et de Viterra dans ces régions entraînera vraisemblablement des transferts de profits agricoles perdus de 15 à 19 millions de dollars par année dans ces régions.

En tant que deux des plus grandes sociétés céréalières au Canada, G3 et Viterra représentent des acheteurs importants de grains dans un certain nombre de régions de l’Ouest canadien. Étant donné que la transaction proposée ne représente pas une acquisition de G3, mais plutôt une acquisition de Viterra par une entité ayant un intérêt important dans G3, le Bureau a examiné plus largement l’incidence de la fusion sur la compétitivité de G3. En se fondant sur l’ensemble des éléments de preuve, bien que le Bureau ne puisse conclure que la transaction proposée aura vraisemblablement des effets anticoncurrentiels sensibles sur les marchés locaux où Viterra et G3 sont en concurrence, la transaction proposée aura pour effet à long terme d’accroître l’incitation de Bunge à réduire la compétitivité de G3 en ce qui a trait à l’achat des grains dans l’ensemble du Canada, y compris les plans d’entrée, d’expansion et d’innovation de G3 dans les marchés pertinents.

En tant que concurrent qui a récemment connu une forte croissance sur les marchés concernés, G3 représente une présence perturbatrice et une menace concurrentielle pour d’autres entreprises céréalières de l’Ouest canadien. En tant que concurrent particulièrement vigoureux et efficace qui offre des prix agressifs, G3 impose une contrainte concurrentielle à Viterra sur les marchés partout au Canada. En se fondant sur l’analyse par le Bureau de renseignements pertinents, y compris des renseignements sur la stratégie concurrentielle historique de G3, en l’absence de la fusion, G3 demeurerait vraisemblablement un concurrent dynamique et innovateur au Canada.

La transaction proposée présente donc un risque de préjudice concurrentiel non seulement dans les régions où G3 et Viterra sont en concurrence, mais plus largement en ce qui concerne la rivalité entre les deux entreprises dans l’Ouest canadien, y compris en ce qui concerne les dimensions de la concurrence comme les prix, l’innovation, l’entrée et la qualité du service.

10. Produits à base d’oléagineux

Les oléagineux représentent une part très importante de l’industrie agricole canadienne. Le canola représentait environ 20 % des grains cultivés au Canada au cours de la campagne agricole 2022-2023, et le soja, environ 7 %. La grande majorité du canola a été cultivé en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta, tandis que la production de soja est concentrée en Ontario, au Manitoba et au Québec.

Les installations de trituration d’oléagineux (ou « triturateurs ») comme celles exploitées par les parties produisent des huiles et des tourteaux à base d’oléagineux à partir de soja et de canola. Comme nous l’avons vu plus haut, dans l’Est du Canada, les installations de trituration des parties produisent à la fois des huiles et des tourteaux de soja et de canola. Dans l’Ouest canadien, elles produisent des huiles et des tourteaux de canola. Les installations de trituration qui triturent à la fois le soja et le canola peuvent transformer les deux matières premières en alternance selon la disponibilité des intrants et les conditions du marché.

Certaines installations de trituration d’oléagineux utilisent des procédés d’extraction chimique pour extraire l’huile des oléagineux, tandis que d’autres utilisent un procédé mécanique. Le procédé mécanique est souvent appelé « extraction par pression ». Parmi les installations des parties, seule l’installation de trituration de Viterra à Sainte-Agathe utilise un procédé mécanique. Une fois l’huile extraite d’un oléagineux, la matière solide restante est moulue en farine. Les tourteaux sont parfois désignés comme des sous-produits du procédé de trituration.

Les huiles à base d’oléagineux sont des intrants dans les produits alimentaires, industriels et les biocarburants. Les tourteaux à base d’oléagineux sont couramment utilisés comme source de protéines dans les aliments pour animaux.

Les huiles à base d’oléagineux produites par trituration font habituellement l’objet de procédés de raffinage plus poussés, y compris la démucilagination, la décoloration et la désodorisation. Les produits couramment vendus comprennent l’huile qui a seulement été démucilaginée (huile brute démucilaginée) ou l’huile qui a été raffinée en huile « RBD » ( raffinée, blanchie, et désodorisé). Ces dernières peuvent être emballées et vendues pour des utilisations telles que la friture, ou utilisées comme intrants dans des ingrédients de produits de seconde transformation comme la margarine.

Les installations de trituration de chacune des parties ont des capacités de raffinage sur place ou sont situées à proximité d’un site de raffinage. En plus de ses capacités de raffinage, Bunge exploite deux usines d’emballage pour ses produits d’oléagineux raffinés, à Edmonton (Alberta) et à Oakville (Ontario), et détient un intérêt majoritaire dans une coentreprise (Bunge Loders Croklaan) qui exploite une usine de raffinage d’huile spécialisé à Toronto.

Les marchés pertinents pour les huiles à base d’oléagineux et les tourteaux sont décrits plus en détail ci-dessous.

10.1 Marchés pertinents

Huiles à base d’oléagineux

Les huiles à base d’oléagineux produites au Canada sont destinées à diverses utilisations, y compris l’alimentation, la production de biocarburant, les produits industriels ou l’exportation. Habituellement, les produits à base d’huile brute sont des intrants pour la poursuite du raffinage. Les achats destinés à l’industrie alimentaire seront des produits raffinés, comme l’huile RBD. Les usages alimentaires de l’huile peuvent comprendre la friture dans les restaurants ou les services alimentaires, ou l’utilisation comme intrant dans d’autres produits comme les produits de boulangerie-pâtisserie.

Les renseignements recueillis par le Bureau au cours de son examen laissent entendre qu’il y a une distinction entre les « huiles concrètes » (qui sont solides à température ambiante), comme l’huile de noix de coco et l’huile de palme, et les « huiles douces » (qui sont liquides à température ambiante) comme l’huile de canola et l’huile de soja. Les huiles douces ne sont généralement pas substituables aux huiles concrètes.

Dans le cas des « huiles douces », l’information examinée par le Bureau laisse entendre que différentes huiles douces peuvent être substituées aux fins de certaines applications, de sorte que l’huile de canola et de soja, ou d’autres huiles douces comme l’huile de tournesol, peuvent se trouver sur le même marché. Cependant, l’examen du Bureau a également révélé qu’il y a souvent des obstacles à la substitution, des différences qualitatives, et des différences de prix importantes entre les différents produits d’huile douce, notamment entre l’huile de canola et l’huile de soja. Par conséquent, le Bureau a considéré l’huile de soja et l’huile de canola comme des produits distincts aux fins de son examen.

Dans les catégories de l’huile de canola et de l’huile de soja, il peut y avoir d’autres distinctions en ce qui concerne les produits spécialisés comme les huiles sans-OGM et les huiles de canola à teneur élevée en acide oléique. Il existe de plus petits marchés pour ces produits spécialisés. L’examen du Bureau n’a pas laissé entendre que la transaction proposée présentait des problèmes de concurrence propres à ces produits.

Une proportion importante des huiles à base d’oléagineux produites au Canada sont exportées. Environ 73 % de l’huile de canola et 36 % de l’huile de soja produite au Canada ont été exportés en 2022. Les importations d’huile de canola étaient minimes, soit moins de 2 % du volume consommé au Canada. En revanche, les importations d’huile de soja sont importantes, environ 33 % du volume d’huile de soja qui est consommé au CanadaNote de bas de page 16.

Cela donne à penser que les huiles de soja produites au Canada font probablement face à la concurrence de celles produites aux États-Unis, mais que ce n’est peut-être pas le cas pour l’huile de canola.

De nombreux consommateurs d’huile à base d’oléagineux doivent s’approvisionner en la faisant transporter par camion, car ils n’ont pas la possibilité de la faire transporter par train pour des raisons logistiques liées à des facteurs comme l’accès ferroviaire ou la taille des expéditions. Lorsque les clients s’approvisionnent en huile en la faisant transporter par camion, leur capacité de s’approvisionner depuis un lieu d’origine plus distant peut être limitée en raison de l’augmentation des coûts causée par les frais de transport.

Les renseignements examinés par le Bureau, y compris les données sur les ventes des parties, donnent à penser que la grande majorité des ventes domestiques des huiles à base d'oléagineux des parties sont destinées à des clients de l’Est du Canada. Les ventes de Bunge semblent être plus concentrées en Ontario, tandis que celles de Viterra sont plus concentrées au Québec, mais l’analyse du Bureau a indiqué que les clients en Ontario et au Québec considèrent les producteurs de produits oléagineux dans les deux provinces comme étant des options.

L'examen du Bureau suggère qu'il existe une concurrence limitée de la part d'autres producteurs de l'Ouest canadien pour fournir de l'huile de canola aux clients de l'Est du Canada, et que les coûts de transport représentent un obstacle important à une telle fourniture. Il semble que certains volumes de canola produits dans l’Ouest canadien soient transportés par chemin de fer vers l’Est du Canada. Toutefois, rien ne semble indiquer que cette offre représente une option pour les clients qui s'approvisionnent en huiles oléagineuses par camion dans l'Est du Canada.

L’examen du Bureau laisse entendre que le marché de l’approvisionnement en huile de canola dans l’Est du Canada est peut-être un marché régional, la concurrence la plus étroite se livrant entre les producteurs de l’Ontario et ceux du Québec pour approvisionner les clients qui peuvent seulement recevoir les livraisons par camion.

Tourteaux à base d’oléagineux

Les tourteaux à base d’oléagineux sont principalement vendus comme intrants dans les produits destinés à l’alimentation des animaux. Les renseignements recueillis au cours de l’examen du Bureau indiquent que les tourteaux de canola et les tourteaux de soja ont des profils nutritionnels différents, en raison de leurs caractéristiques différentes, comme la teneur en protéines et en gras. En raison de ces différences, les tourteaux à base de soja sont préférés pour la volaille et les tourteaux de canola pour les ruminants. Les tourteaux de canola et les tourteaux de soja peuvent également être remplacés par d’autres sources de protéines, comme les drêches sèches de distillerie. L’examen du Bureau a indiqué qu’un mélange de ces sources de protéines pourrait être utilisé selon les conditions du marché et le contenu nutritionnel souhaité de l’aliment.

On peut faire une distinction supplémentaire dans les tourteaux basée sur leur procédé de production, à savoir ceux produits au moyen d’un procédé de trituration chimique et ceux produits avec l’extraction par pression. L’examen du Bureau a révélé que les tourteaux produits avec l’extraction par pression ont une teneur plus élevée en gras et qu’ils peuvent ne pas concurrencer de près les tourteaux produits par d’autres procédés de trituration.

Une proportion importante des tourteaux à base d’oléagineux produits au Canada sont exportés. Près de 90 % du tourteau de canola produit au Canada en 2023 a été exporté et très peu de tourteau de canola a été importé. Les exportations de tourteau de soja sont beaucoup plus faibles, représentant environ 24 % de la production. Le volume de tourteau de soja importé au Canada en 2023 était à peu près équivalent à celui produit au Canada qui reste au Canada.

Comme dans le cas des huiles à base d’oléagineux, cette information donne à penser qu’il y a d’importantes importations de tourteaux de soja, mais moins d’importations de tourteaux de canola.

Comme dans le cas des huiles à base d’oléagineux, certains clients ont indiqué que les coûts de transport sont un obstacle à l’approvisionnement depuis un point d’origine plus distant, car certains doivent faire transporter le produit par camion. Les marchés pour les tourteaux à base d’oléagineux sont donc susceptibles d’être des marchés régionaux. Cependant, les clients de l’Est et de l’Ouest du Canada ont indiqué qu’ils considéraient comme des options les sources de protéines produites dans le Nord des États-Unis.

10.2 Concentration du marché et concurrence réelle restante

Huiles à base d’oléagineux

Au Canada, Bunge est l’entreprise qui possède le plus grand nombre de triturateurs d’oléagineux. Bunge et Viterra détiennent présentement probablement moins de 35 % de la capacité de trituration du canola au Canada. Comme il a été mentionné précédemment, Viterra a annoncé la construction d’une usine de trituration de canola à Regina. Elle deviendrait la plus grande au monde. Après cette expansion, ainsi que l’expansion et l’entrée dans le marché de triturateurs concurrents, la part combinée de Bunge et de Viterra de la capacité de trituration du canola au Canada dépasserait probablement 40 %.

Dans l’Est du Canada, la part combinée de Bunge et de Viterra de la capacité de trituration du canola dépasse probablement 70 %. Il existe peu d’information sur la taille des marchés de l’huile dans l’Est du Canada. Cependant, les parties représentent deux des trois installations de trituration de l’Est du Canada, ce qui représente une part importante de la capacité de trituration, et il y a peu de preuves étayant une concurrence de la part de triturateurs américains ou de triturateurs de l’Ouest canadien appartenant à des concurrents de la vente d’huile de canola dans cette région. Le seul concurrent restant au Québec et en Ontario après la transaction proposée sera l’usine de trituration d’ADM à Windsor.

Dans l’Ouest canadien, les parties représentent une plus petite part de la capacité de trituration et font face à la concurrence d’un certain nombre de triturateurs appartenant à de grands concurrents. Bien que les parties puissent représenter une part plus importante de la capacité de trituration à la suite de l’ouverture de l’installation de trituration de Viterra à Regina, compte tenu des autres entrées et expansions prévues qui devraient précéder l’ouverture de cette usine, ils continueront probablement de faire face à une concurrence des triturateurs appartenant à Cargill, Louis Dreyfus, Richardson et ADM.

Tourteaux à base d’oléagineux

Comme il a été mentionné ci-dessus, le marché pour les tourteaux d’oléagineux est probablement régional, en raison des frais de transport. Bien que les données disponibles soient insuffisantes pour calculer la part des ventes de tourteaux des parties sur une base plus régionale, le Bureau a conclu qu’il y aurait probablement encore une concurrence efficace de la part d’un certain nombre de fournisseurs de protéines au Canada et aux États-Unis à la suite de la transaction proposée.

Dans l’Ouest canadien, le seul chevauchement entre les installations de trituration des parties s’observerait dans le sud du Manitoba. Cependant, l’examen du Bureau a indiqué que les triturateurs des parties font probablement face à de la concurrence pour l’approvisionnement en sources de protéines aux États-Unis. Les triturateurs des parties peuvent aussi ne pas être les concurrents les plus proches les uns des autres en raison des différences entre les tourteaux produits avec l’extraction par pression de l’installation de trituration de Viterra à Sainte-Agathe.

L’examen du Bureau a également révélé que les fournisseurs de protéines du Nord-Est des États-Unis et de l’Est du Canada se livrent concurrence. Dans l’Est du Canada, les renseignements recueillis par le Bureau donnent à penser que Viterra vend plus de tourteaux au Québec et que Bunge en vend plus en Ontario.

10.3 Entrée et expansion sur les marchés pertinents

Comme il a été mentionné ci-dessus, malgré les coûts d’immobilisations importants et les autres obstacles, un certain nombre de nouvelles installations de trituration ou d’agrandissement des installations existantes ont été annoncées dans l’Ouest canadien, notamment par Viterra, Cargill, Federated Cooperates et AGT Foods, Louis Dreyfus, et Richardson.

Selon l’information évaluée par le Bureau, la demande d’huile à base d’oléagineux semble être le moteur de cette expansion. Toutefois, l’augmentation de la production d’huiles se traduira également par une augmentation de la production de tourteaux. Compte tenu de cette expansion, il est probable que l’on produira davantage d’huiles et de tourteaux de canola dans l’Ouest canadien pour les marchés intérieurs et d’exportation. Les renseignements recueillis par le Bureau au cours de son examen prêtent à penser que les participants de l’industrie s’attendent à ce que cette entrée et cette expansion augmentent la disponibilité de tourteaux.

Le Bureau s’est demandé si la transaction proposée avait une incidence sur la probabilité que Viterra construise une installation de trituration de canola à Regina et, par conséquent, si la transaction proposée pourrait avoir une incidence sur la probabilité d’une rivalité accrue de la part de Viterra à l’avenir. Les renseignements examinés par le Bureau n’indiquaient pas que la transaction proposée aurait vraisemblablement une incidence sur la construction de cette installation.

Il convient de signaler qu’aucune des entrées prévues ne concerne l’Est du Canada ni la trituration du soja.

10.4 Théorie du préjudice verticale

Le Bureau a également examiné une théorie du préjudice verticale liée aux produits à base d’huile d’oléagineux. Les fusions verticales peuvent entraîner des effets anticoncurrentiels lorsque les parties à la fusion exploitent leurs activités à différents niveaux d’une chaîne d’approvisionnement et que la fusion donne aux parties à la fusion la capacité et la motivation de limiter ou d’éliminer l’accès de leurs concurrents aux intrants ou aux marchés (« forclusion »).

La forclusion des intrants se produit lorsque l'entreprise fusionnée refuse de fournir des intrants à des fabricants rivaux qui lui font concurrence sur le marché en aval. La forclusion du client se produit lorsque l'entreprise fusionnée refuse d'acheter les intrants d'un rival en amont. La forclusion peut être totale, comme le refus d’approvisionner, ou partielle, comme l’augmentation des prix pour les concurrents en aval.

Lorsqu'il examine les effets vraisemblables de forclusion d'une opération de fusion non horizontale, le Bureau considère trois questions interdépendantes :

  1. si l'entreprise fusionnée a la capacité de nuire à ses rivaux;
  2. si l'entreprise fusionnée a un intérêt ( c.‑à‑d. si c'est rentable) à le faire;
  3. si les actes de l'entreprise fusionnée seraient suffisants pour empêcher ou diminuer sensiblement la concurrence.

Dans l’industrie de l’huile à base d’oléagineux, les huiles produites par les installations de trituration sont des intrants de produits transformés, comme la margarine et les graisses spéciales. Bunge est présent sur le marché en aval pour ces produits, contrairement à Viterra.

Le Bureau a enquêté sur des préoccupations selon lesquelles Bunge pourrait se montrer réticent à fournir des huiles à base d’oléagineux raffinées à des conditions concurrentielles aux clients de produits à base d’huile raffinée que Bunge considère comme des concurrents. Cela pourrait comprendre les distributeurs de produits à base d’huile raffinés et les producteurs de produits transformés.

L’examen de l’information effectuée par le Bureau donne à penser que Bunge pourrait se montrer réticent à fournir des huiles à base d’oléagineux raffinées à des clients qu’il considère comme des concurrents directs pour la distribution et la transformation ultérieure de l’huile.

L’examen de l’information effectué par le Bureau donne à penser qu’après la transaction proposée, Bunge aura la capacité de nuire à ses rivaux sur ces marchés qui ne peuvent pas être approvisionnés par chemin de fer, car il contrôlera deux des trois installations de trituration de canola dans l’Est du Canada. De plus, Bunge a un intérêt à désavantager ces concurrents, car il leur fait directement concurrence pour la distribution de produits à base d’huile de canola raffinée et de seconde transformation. Il y a donc des preuves que la transaction proposée pourrait permettre à Bunge de désavantager les clients de cette région qui peuvent acheter des produits à base d’huile raffinée uniquement par camion et que Bunge considère comme des concurrents.

10.5 Conclusion sur les produits à base d’oléagineux

Le Bureau a conclu que la transaction proposée aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’approvisionnement en huile de canola dans l’Est du Canada aux clients qui peuvent recevoir ces produits uniquement par camion. Les parties représentent deux des trois seules usines de trituration de canola de l’Est du Canada, où de nombreux clients sont approvisionnés par camion et ne peuvent s’approvisionner dans des usines de trituration plus éloignées.

À la suite de la transaction proposée, Bunge aura la capacité augmentée de limiter l’offre d’huile raffinée aux clients qu’il considère comme ses concurrents sur les marchés en aval pour la distribution et la transformation ultérieure de l’huile.

La transaction proposée n’aurait vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne la production et la vente de tourteaux de canola et de soja. Il existe d’autres fournisseurs de tourteaux à base d’oléagineux accessibles aux clients de l’Est et de l’Ouest canadien, y compris des fournisseurs situés aux États-Unis. On prévoit également une expansion importante dans l’Ouest canadien, ce qui augmentera la disponibilité des tourteaux à base d’oléagineux en tant que sous-produit des activités accrues de trituration.

La transaction proposée n’aurait aussi vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’huile de canola dans l’Ouest canadien ou l’huile de soja. Bien que la taille totale du marché des produits à base d’huile de canola dans l’Ouest canadien soit inconnue, les parties font concurrence à plusieurs autres fournisseurs d’huile de canola, et plusieurs de ces concurrents planifient d’importantes nouvelles entrées et expansions dans un proche avenir. En ce qui concerne l’huile de soja, il y a des preuves d’une concurrence importante de la part des fournisseurs aux États-Unis.

11. Silos terminaux dans les ports

Des quantités importantes des grains produits au Canada ont été exportées vers les marchés étrangers au cours de la campagne agricole 2022-2023Note de bas de page 17. La grande majorité de ces exportations passent par les silos terminaux des ports canadiensNote de bas de page 18.

Comme le décrit la Loi sur les grains du Canada, les silos terminaux sont des installations conçues pour recevoir le grain d’un autre silo et le nettoyer, l’entreposer et le traiter avant qu’il ne soit réacheminé en aval. Les silos terminaux des ports peuvent recevoir le grain par train, par camion ou par bateau et l’entreposer avant son exportation vers la destination finale.

En règle générale, les marchandises peuvent être expédiées par les terminaux portuaires dans des conteneurs (conteneurisées), de façon non conteneurisée ou sous forme de « marchandises en vrac » solides ou liquides. Les silos terminaux sont utilisés pour faciliter l’expédition du grain en vrac solide, tandis que d’autres terminaux, comme les terminaux à conteneurs, seraient utilisés pour l’expédition de marchandises conteneurisées.

La Commission canadienne des grains autorise les silos terminaux au Canada par licence. Les silos terminaux ayant des licences sont situés dans des ports de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l’Ontario, du Manitoba et de la Colombie-Britannique. Certains sont situés dans des ports maritimes, tandis que d’autres sont situés sur le fleuve Saint-Laurent ou sur les Grands Lacs.

La plupart des silos terminaux agréés sont exploités par des entreprises de manutention du grain intégrées verticalement, parfois dans le cadre d’ententes de coentreprise regroupant plusieurs entreprises. Comme nous l’avons indiqué plus haut, Viterra détient un intérêt dans des silos terminaux ou les exploitent dans des ports à Vancouver, Prince Rupert, Thunder Bay et Montréal, certains dans le cadre d’ententes de coentreprise avec d’autres entreprises céréalières. G3 exploite des silos terminaux dans des ports à Vancouver, Thunder Bay, Hamilton, Trois-Rivières et Québec.

Bunge n’exploite pas directement des silos terminaux; cependant, étant donné son intérêt relativement important dans G3, le Bureau a enquêté pour déterminer si la transaction proposée présente le risque d’entraver la concurrence en ce qui concerne les silos terminaux dans les ports.

11.1 Marchés pertinents

Le Bureau a considéré que le marché de produits pertinent était la capacité des silos terminaux autorisés par licence par la Commission canadienne des grains. Les produits qui sont expédiés en vrac par les silos terminaux peuvent aussi parfois être expédiés par des terminaux à conteneurs. Toutefois, le Bureau comprend que la grande majorité des grains au Canada sont expédiés par des silos terminaux et que l’expédition de marchandises conteneurisées représente une part relativement petite du marché et peut être plus couramment utilisée pour les grains de spécialité. Étant donné que les parties n’exploitent pas de terminaux à conteneurs, le fait de considérer uniquement les silos terminaux n’exclut pas les chevauchements pertinents et la concurrence avec les terminaux à conteneurs n’aurait aucune incidence sur les conclusions du Bureau à l’égard de ces marchés.

Les intervenants ont indiqué que les silos terminaux peuvent expédier du tourteau à base d’oléagineux ainsi que des grains. Toutefois, les exploitants de terminaux pourraient ne pas préférer les tourteaux en raison de la difficulté supplémentaire rattachée à leur traitement supplémentaire aux silos terminaux. De façon générale, le Bureau a considéré que le marché pertinent était la manutention des grains par les silos terminaux, mais lorsque cela était pertinent, il a tenu compte de l’incidence de l’expédition de tourteau à base d’oléagineux, comme expliqué ci-dessous. Il convient de noter que les silos terminaux n’expédient pas d’huiles à base d’oléagineux, et que les activités des parties ne semblent pas se chevaucher en ce qui concerne la manutention des huiles à base d’oléagineux destinées à l’exportation.

La destination des exportations déterminera habituellement si les grains sont exportés par les ports de l’Est ou de l’Ouest canadien. Par exemple, les grains destinés à l’Asie passent habituellement par les ports de l’Ouest canadien, tandis que les grains destinés à l’Europe passent habituellement par les ports de l’Est du Canada. Bien que les sociétés de commercialisation des grains puissent exporter des grains vers de multiples destinations, il est peu probable qu’elles alternent entre les ports de l’Est et de l’Ouest lorsqu’elles examinent leurs options d’exportation d’une expédition particulière.

L’information examinée par le Bureau indiquait également que les entreprises céréalières ne considéraient pas les ports des États-Unis comme des substituts aux ports de l’Est ou de l’Ouest canadien, et qu’elles ne considéraient pas le port de Halifax comme un substitut aux ports de l’Ontario et du Québec.

Les considérations relatives à chacune des régions géographiques pertinentes sont présentées ci-dessous.

L’Ouest canadien

En Colombie-Britannique, il y a des silos terminaux à Prince Rupert, Surrey et Vancouver. Ces silos terminaux se distinguent dans une certaine mesure. Par exemple, l’examen du Bureau a révélé que le silo terminal de Prince Rupert, qui appartient en partie à Viterra, est quelque peu différent des silos situés plus au sud parce qu’il n’est accessible que par le CN, plutôt que par le CN et le CP. Toutefois, malgré ces différences, le Bureau a conclu, à la lumière de son examen des éléments de preuve, que tous les silos terminaux de la Colombie-Britannique se trouvent vraisemblablement dans le même marché. Même si le port de Prince Rupert devait être considéré comme un marché distinct, les conclusions du Bureau demeureraient inchangées.

L’Est du Canada

Dans l’Est du Canada, l’utilisation des silos terminaux est régie par une dynamique plus complexe, parce que les terminaux sont différenciés par la taille des navires qu’ils peuvent accueillir, leur desserte par un service ferroviaire ou leur inaccessibilité en hiver.

Les silos terminaux situés le long des Grands Lacs, comme celui de Hamilton, sont fréquemment utilisés pour transporter le grain le long de la Voie maritime du Saint-Laurent vers des ports plus à l’est, comme ceux de Montréal et de Québec, où il peut être exporté à l’aide de plus gros naviresNote de bas de page 19. Les ports des Grands Lacs sont inaccessibles en hiver et la taille des navires qu’ils peuvent accueillir est habituellement limitée. Les ports des Grands Lacs sont donc moins susceptibles d'être des substituts aux ports du Saint-Laurent, et constituent plutôt des moyens d’y accéder.

Les silos terminaux des ports situés le long du fleuve Saint-Laurent au Québec sont plus susceptibles d’être la destination du grain avant l’exportation. Ils peuvent être différenciés par la taille des navires qu’ils peuvent accueillir. Par exemple, le silo terminal de G3 à Québec peut charger des navires « Panamax », tandis que le silo terminal de Viterra à Montréal ne le peut pas.

Les silos terminaux des ports situés le long du fleuve Saint-Laurent au Québec peuvent recevoir du grain par navire en provenance des ports des Grands Lacs situés plus en amont de la Voie maritime du Saint-Laurent, par camion ou par train. Étant donné que l’accès ferroviaire permet une livraison efficace du grain et que les navires ne peuvent voyager à partir des ports des Grands Lacs pendant une bonne partie de l’année, l’accès ferroviaire est également un facteur de différenciation entre les silos terminaux. Les silos terminaux de Baie-Comeau et de Port-Cartier n’ont pas accès au réseau ferroviaire et doivent donc accepter le transport du grain par camion ou par navire à partir des ports situés plus en amont du fleuve Saint-Laurent, y compris les ports des Grands Lacs et de Montréal.

En raison de la dynamique complexe qui régit l’utilisation des silos terminaux dans l’Est du Canada, notamment leur inaccessibilité saisonnière, le Bureau a envisagé divers scénarios de marché possibles, en incluant tous les silos terminaux en Ontario et au Québec, tous les silos terminaux des Grands Lacs, et les silos terminaux du Saint-Laurent avec accès ferroviaire.

11.2 Concentration du marché et concurrence réelle restante

L’Ouest canadien

Dans l’Ouest canadien, Viterra détient des intérêts dans des silos terminaux à Vancouver et à Prince Rupert, tandis que G3 possède un silo terminal à Vancouver. L’analyse de la capacité des silos terminaux agréés dans le marché pertinent de l’Ouest canadien effectuée par le Bureau suggère que Viterra et G3 détiennent une part combinée de 42 % de la capacité des silos terminaux de l’Ouest canadienNote de bas de page 20.

Il y a un certain nombre de silos terminaux agréés en Colombie-Britannique, y compris le silo terminal d’Alliance Grain Terminal (qui appartient à Paterson Grain, Parrish & Heimbecker et au North West Terminal Ltd.), le silo terminal de Fraser Grain Terminal (qui appartient à Parrish & Heimbecker et à GrainsConnect Canada), le silo terminal de Richardson, le silo terminal de Cargill et le terminal de Fibreco Export Inc.

L’Est du Canada

Dans l’Est du Canada, Viterra et G3 possèdent chacun des silos terminaux sur les rives des Grands Lacs et le long du Saint-Laurent. Leur part de la capacité totale des silos terminaux en Ontario et au Québec est de 32 %. Toutefois, compte tenu des utilisations et des capacités différentes de ces silos terminaux décrits ci-dessus, le Bureau a également considéré qu’il s’agit de marchés plus étroits.

La part combinée de Viterra et de G3 dans la capacité des silos terminaux des Grands Lacs est de 29 %. Leur part de la capacité totale des silos terminaux du Saint-Laurent est de 37 % et celle des silos terminaux du Saint-Laurent accessibles par rail, de 81 %.

Il reste des concurrents dans les ports des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, dont Parrish & Heimbecker qui a des silos terminaux à Goderich et à Hamilton, Cargill, qui a des silos terminaux à Sarnia et à Baie-Comeau, Sollio Agriculture, qui a un silo terminal à Québec, et Richardson, qui a des silos terminaux à Thunder Bay, à Hamilton et à Sorel.

11.3 Entrée et expansion sur les marchés pertinents

Les barrières à l’entrée dans le marché pour y établir un silo terminal sont importantes. L’espace pour aménager de nouvelles installations dans les ports est limité, le procédé de délivrance de permis et de construction peut s’échelonner sur plusieurs années, et les coûts d’immobilisations sont considérables. Les barrières à l’expansion sont probablement moins importantes que les barrières à l’entrée, mais il reste d’importants obstacles en matière de capitaux et de réglementation.

Récemment, il y a eu de nouvelles entrées dans le domaine des silos terminaux au Canada. Toutefois, cela démontre le long délai requis pour recevoir les approbations et la construction dans ce marché. Par exemple, Sollio Agriculture a inauguré un silo terminal à Québec en 2021 après avoir entrepris la construction en 2018, et l’exploitation du silo de Fraser Grain Terminal a commencé ses activités en 2022 alors que le permis de projet avait été accordé en 2018. Le silo terminal de G3 à Vancouver a ouvert ses portes en 2020 après le début des travaux de construction en 2017Note de bas de page 21.

L’intérêt relativement important de Bunge dans G3, combiné à la transaction proposée, pourrait lui donner la capacité et l’intérêt d’influer sur la force de concurrence de G3 en ce qui concerne les projets d’entrée, d’expansion et d’innovation dans le domaine des silos terminaux à l’avenir.

11.4 Dynamique de l’industrie et utilisation de la capacité

L’examen de la preuve dans cette affaire, effectué par le Bureau, laisse entendre que les parties ne perçoivent pas le marché comme un marché où les exploitants de silos terminaux se font concurrence pour offrir une capacité de manutention du grain à leurs silos terminaux.

De nombreuses entreprises céréalières au Canada sont intégrées verticalement et choisissent d’exporter le grain qu’elles achètent par l’entremise de leurs propres silos terminaux. Comme nous l’avons vu plus haut, l’accès à la capacité des terminaux semble constituer une barrière à l’entrée et à l’expansion dans l’industrie de la manutention du grain, car l’achat des grains de l’intérieur du Canada est influencé par la nature et l’étendue de l’accès aux options de commercialisation. Les entreprises céréalières qui ne sont pas intégrées verticalement disposent de différentes options, comme vendre le grain sur le marché domestique, exporter le grain par l’entremise du silo terminal d’une autre entreprise ou exporter le grain par camion ou par train.

L’information examinée par le Bureau, y compris l’information reçue des parties et d’autres intervenants, donne à penser que les entreprises céréalières utilisent peu les silos terminaux de tiers dans le paysage actuel, et en particulier, peu de tiers utilisent les terminaux de Viterra et de G3 dans l’Est et l’Ouest du Canada. Les ententes à long terme sur le débit en transit ne semblent pas être courantes, pas plus que les ententes sur l’utilisation de la capacité « de façon ponctuelle ».

Le Bureau a également tenu compte de la preuve concernant l’utilisation de la capacité des silos terminaux dans l’Est et l’Ouest du Canada. L’utilisation de la capacité peut varier en fonction d’un certain nombre de facteurs, y compris la production agricole au cours d’une année donnée, la demande sur les marchés d’exportation et les restrictions saisonnières d’accès aux ports. Comme il a été mentionné ci dessus, on prévoit également un certain nombre de changements dans l’industrie des oléagineux au Canada, dont certains pourraient avoir une incidence sur l’utilisation de la capacité aux silos terminaux. L’expansion de la capacité intérieure de trituration du canola pourrait réduire les exportations de canola, mais pourrait aussi accroître les exportations de tourteau de canola, deux produits qui peuvent être expédiés par l’entremise des silos terminaux.

De façon générale, les éléments de preuve examinés par le Bureau laissent entendre qu’il y a une capacité excédentaire aux silos terminaux des ports de l’Est et de l’Ouest canadien.

11.5 Conclusions sur les silos terminaux dans les ports

Les parties détiendront un pourcentage important de la capacité des silos terminaux dans certaines régions pertinentes après la transaction proposée. De plus, les barrières à l’entrée et à l’expansion dans ces marchés sont considérables, et l’accès aux silos terminaux constitue un obstacle à l’accès aux marchés d’exportation pour les entreprises qui se font concurrence dans l’achat du grain au Canada. L’intérêt de Bunge dans G3 combiné à la transaction proposée peut avoir une incidence sur la force de concurrence de G3 en ce qui concerne l’entrée, l’expansion et l’innovation dans le marché à l’avenir, y compris en ce qui concerne les silos terminaux.

Toutefois, le Bureau a conclu que la transaction proposée n’aura vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’utilisation de la capacité des silos terminaux dans toute région pertinente au Canada, et ce, pour les raisons suivantes :

  • Les dynamiques de l’industrie indiquent que les parties ne sont pas très actives actuellement dans l’offre de capacité de silos terminaux à des tiers, ce qui signifie que la transaction proposée n’aura vraisemblablement pas pour effet de diminuer sensiblement la concurrence en réduisant les options d’utilisation de silos terminaux par des tiers offertes;
  • Il reste des concurrents dans chaque région où la part des parties sera importante après la transaction proposée;
  • L’analyse de la capacité montre qu’il y a une capacité excédentaire importante aux silos terminaux dans les ports de l’Est et de l’Ouest du Canada.

12. Constatations concernant l’empêchement ou la diminution de la concurrence

Le commissaire a conclu que la transaction proposée aura vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement la concurrence pour l’achat du canola dans les régions entourant les installations de trituration de Bunge situées à Altona et à Nipawin, ainsi que pour l’approvisionnement en huile de canola dans l’Est du Canada aux clients qui peuvent seulement recevoir les livraisons par camion.

En plus de ces constatations relatives à une diminution sensible de la concurrence, le Bureau a conclu que Bunge a la capacité d’influencer concrètement le comportement économique de G3 et d’accéder aux renseignements confidentiels de G3 qui sont délicats sur le plan de la concurrence. La transaction proposée se traduira par l’acquisition par Bunge de Viterra, le plus important concurrent de G3, ce qui incitera Bunge à utiliser ces renseignements confidentiels et sa capacité à influencer le comportement de G3 d’une manière qui aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans les marchés agricoles au Canada.

Annexe A : Examens du Bureau de la concurrence dans l’industrie agricole

Au fil des décennies, le Bureau a effectué de nombreux examens du secteur agricole, dont plusieurs ont donné lieu à des demandes au Tribunal de la concurrence en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence. En outre, le Bureau a mené des enquêtes en vertu des dispositions sur l’abus de position dominante concernant les pratiques unilatérales (articles 78 et 79), des dispositions sur les fusions (article 92) et des dispositions sur la collaboration entre concurrents (article 90.1).

Certains exemples d’examens effectués par le Bureau dans ce secteur sont résumés ci-dessous.

United Grain Growers Limited/Agricore Cooperative Ltd. – Fusion

En novembre 2001, United Grain Growers Limited a fait l’acquisition d’Agricore Cooperative Ltd. et a commencé à exploiter ses activités sous le nom d’Agricore United. Le Bureau a conclu que cette transaction aurait vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’achat et la manutention du grain dans certains marchés locaux de l’Ouest canadien, l’achat et la transformation de canola au Canada et les services de manutention du grain au terminal portuaire. Le Bureau et les parties à la fusion ont conclu deux ententes distinctes par voie de consentement en vertu des articles 92 et 105 de la Loi sur la concurrence afin de répondre aux préoccupations du Bureau à l’égard de ces marchés. Les consentements exigeaient des dessaisissements, notamment le dessaisissement d’un terminal céréalier au port de Vancouver et des silos à grains dans l’Ouest canadien.

James Richardson International Limited/Saskatchewan Wheat Pool Inc. – Fusion

En 2005, James Richardson International Limited (« JRI ») et le Saskatchewan Wheat Pool ( « SWP »), avec leurs sociétés affiliées, 6362681 Canada Ltd. et 6362699 Canada Ltd., ont conclu une série d’ententes visant à créer des coentreprises pour des services de commercialisation et de manutention du grain et l’exploitation de leurs terminaux de manutention du grain respectifs dans le port de Vancouver. Le Bureau a déposé une demande de contestation de la coentreprise. La coentreprise a par la suite été dissoute et la demande a été retirée.

Saskatchewan Wheat Pool/United Grain Growers Limited – Fusion

En novembre 2006, le SWP a annoncé son intention de présenter une offre non sollicitée pour acquérir tous les titres en circulation de United Grain Growers Limited, exploité sous le nom d’Agricore United. À la suite de son examen, le commissaire a conclu que la transaction aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans le marché des services de manutention du grain aux terminaux portuaires sur la côte Ouest du Canada et dans certains marchés des services de manutention du grain dans l’Ouest canadien. En mars 2007, le commissaire et Saskatchewan Wheat Pool ont conclu une entente par voie de consentement en vertu de laquelle SWP a accepté de vendre à Cargill Ltd. neuf silos à grains intérieurs et un silo terminal dans le port de Vancouver.

James Richardson International Limited/Agricore United – Fusion

En juin 2007, le commissaire a conclu que l’acquisition de certains silos à grains d’Agricore United de SWP par JRI aurait pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans certains marchés en ce qui concerne les services de manutention du grain dans l’Ouest canadien. Le commissaire et JRI ont conclu une entente par voie de consentement en vertu de laquelle JRI a accepté de vendre son silo à grains primaire situé à Glossop (Manitoba) et le silo à grains primaire d’Agricore United situé à Swan River (Manitoba) afin de contrer la vraisemblable diminution sensible de la concurrence dans ces marchés locaux.

Dow/DuPont – Fusion

En décembre 2015, E.I. du Pont de Nemours and Company (« DuPont ») et Dow Chemical Company (« Dow ») ont conclu une entente et un plan de fusion. Après avoir effectué un examen, le commissaire a conclu que la fusion aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence pour ce qui est de l’offre de certains produits, dont des produits agricoles (herbicides contre les mauvaises herbes à feuilles larges et additifs d’herbicides de contact pour les cultures de céréales) au Canada. En juin 2017, le commissaire, Dow et DuPont ont conclu une entente par voie de un consentement en vertu de laquelle les parties ont convenu de vendre certaines immobilisations et entreprises liées aux herbicides utilisés par les céréaliculteurs canadiens dans la culture de céréales, dont le blé, l’avoine et l’orge.

Bayer AG/Monsanto – Fusion

En septembre 2016, Bayer AG (« Bayer ») et Monsanto Company (« Monsanto ») ont conclu un accord en vertu duquel Bayer a proposé d’acquérir Monsanto. Le Bureau a effectué un examen approfondi et a conclu que cette acquisition aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’approvisionnement en semences et traits de canola, en semences et traits de soja, en traitements de semences pour protéger les cultures contre les nématodes et en semences de carottes. En mai 2018, le commissaire et Bayer AG ont conclu une entente par voie de consentement en vertu de laquelle Bayer a accepté de vendre des actifs, y compris son entreprise de semences et traits de canola, son entreprise de semences et traits de soja, son entreprise de semences de carotte, son entreprise de semences et traits pour protéger les cultures contre les nématodes, son entreprise d’herbicides à base de glufosinate d’ammonium, les traits de canola incluant le trait de tolérance au désherbant LibertyLink, les actifs liés au désherbant Centurion et à l’exploitation agricole numérique au Canada.

BASF/Bayer AG – Fusion

En 2017, BASF SE (« BASF ») a proposé d’acheter certains actifs agricoles de Bayer à la suite de l’acquisition de Monsanto par Bayer. Le Bureau a conclu que cette acquisition aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’approvisionnement en semences et traits de canola au Canada. En juin 2018, conformément à un consentement signé par le commissaire et BASF, BASF a accepté de vendre son système de production du trait de canola Clearfield à un acheteur jugé acceptable par le commissaire.

La Coop fédérée/Cargill – Fusion

En mars 2018, Cargill Limited (« Cargill ») a annoncé qu’il vendrait à La Coop fédérée (« LCF ») ses actifs de grains et les actifs d’intrants agricoles de détail en Ontario, ainsi que ses intérêts dans South West Ag Partners, Incorporated, représentant 50 % de la propriété de cette dernière. Le Bureau a conclu que la transaction aurait vraisemblablement pour effet de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’approvisionnement au détail d’engrais et de produits de protection des cultures dans certains marchés locaux de l’Ontario. En novembre 2018, le commissaire et les parties ont conclu une entente par voie de consentement en vertu de laquelle LCF a accepté de céder les points de vente au détail de Cargill à Alliston, Harrow, Tilbury et Waterford à des acheteurs jugés acceptables par le commissaire.

Parrish & Heimbecker/Louis Dreyfus – Fusion

En septembre 2019, Parrish & Heimbecker a annoncé faire l’acquisition de dix silos à grains primaires auprès de Louis Dreyfus. En décembre 2019, le Bureau a déposé une demande auprès du Tribunal de la concurrence pour contester l’acquisition par l’entreprise d’un silo à grains primaire à Virden, au Manitoba. La demande sollicitait une ordonnance obligeant P&H à vendre son silo de Moosomin, en Saskatchewan, ou le silo nouvellement acquis à Virden. En octobre 2022, le Tribunal a rejeté la demande du Bureau et a conclu que malgré des éléments de preuve selon lesquels Parrish & Heimbecker détenait déjà une puissance commerciale préexistante, il n’y avait pas de motifs suffisants pour conclure que l’acquisition du silo à grains de Virden, au Manitoba, diminuerait sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’achat de blé et de canola dans cette région.

Federated Co-operatives Limited /Blair’s – Fusion

En février 2021, FCL et Blair’s Family of Companies (« Blair’s ») ont annoncé qu’ils formeraient une coentreprise. Le Bureau a conclu que la transaction aurait vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en ce qui concerne l’approvisionnement en intrants agricoles (comme les engrais, les produits de protection des cultures et les semences) dans la région de Lipton, en Saskatchewan. En juillet 2021, le commissaire a signé un consentement avec les parties en vertu duquel FCL et Blair’s ont convenu de céder l’emplacement de détail de Blair’s situé à Lipton, ainsi que deux établissements satellites, à un acheteur jugé acceptable par le commissaire.

Farmers Business Network – Enquête

En mars 2022, le Bureau de la concurrence a annoncé la conclusion d’une enquête approfondie concernant des allégations de comportement anticoncurrentiel de grossistes et de fabricants d’intrants agricoles dans l’Ouest canadien. L’enquête visait à déterminer si certains grossistes et fabricants d’intrants agricoles se livraient à un comportement anticoncurrentiel et s’ils travaillaient ensemble ou de leur propre chef pour désavantager, restreindre ou bloquer la fourniture d’intrants agricoles à Farmers Business Network Canada Inc. (« FBN »). Le comportement a été examiné en vertu de l’article 90.1 (collaborations entre concurrents pouvant faire l’objet d’un examen au civil) et de l’article 79 (abus de position dominante) de la Loi sur la concurrence. Bien que les éléments de preuve laissaient entendre que certains participants au marché communiquaient dans le but d’influencer les fournisseurs d’intrants agricoles relativement à leurs transactions avec FBN, le Bureau a déterminé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le comportement violait les articles pertinents de la Loi sur la concurrence et a clos son enquête.

Annexe B : Dispositions pertinentes de la Loi sur les transports au Canada et de la Loi sur la concurrence

Loi sur les transports au Canada (L.C. 1996, ch. 10)

Examen des fusions et acquisitions

Avis

53.1 (1) La personne qui doit, au titre du paragraphe 114(1) de la Loi sur la concurrence, donner avis au commissaire de la concurrence d’une transaction portant sur une entreprise de transport qu’elle se propose de conclure est tenue, à la date à laquelle elle lui en donne avis et, en tout état de cause, au plus tard à la date à laquelle elle est tenue de le faire :

(a) d’en donner avis au ministre;

(b) s’agissant d’une entreprise de transport aérien, d’en donner également avis à l’Office.

Renseignements

(2) L’avis donné au ministre ou à l’Office comprend, sous réserve des règlements, les renseignements exigés au titre du paragraphe 114(1) de la Loi sur la concurrence. Il comprend en outre les renseignements relatifs à l’intérêt public en matière de transports nationaux exigés au titre des lignes directrices que le ministre établit et publie. Ce dernier peut, après réception de l’avis, exiger de la personne l’ayant donné qu’elle fournisse des renseignements supplémentaires.

Lignes directrices

(2,1) Les lignes directrices sont élaborées de concert avec le Bureau de la concurrence et comprennent les facteurs qui peuvent être pris en compte pour établir si la transaction soulève des questions d’intérêt public en matière de transports nationaux.

Loi sur les textes réglementaires

(3) Les lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires.

Aucune question d’intérêt public

(4) S’il estime que la transaction ne soulève aucune question d’intérêt public en matière de transports nationaux, le ministre en avise la personne qui lui a donné l’avis mentionné au paragraphe (1), dans les quarante-deux jours suivant celui-ci. Dans ce cas, les articles 53.2 et 53.3 ne s’appliquent pas à la transaction.

Question d’intérêt public

(5) S’il estime que la transaction soulève des questions d’intérêt public en matière de transports nationaux, le ministre peut, au titre de l’article 49, déléguer à l’Office la charge d’étudier ces questions ou, au titre de l’article 7.1 de la Loi sur le ministère des Transports, charger une personne de les étudier.

Rapport

(6) L’Office ou la personne, selon le cas, fait rapport au ministre dans les cent cinquante jours suivant la date où celui-ci l’a chargé de l’étude ou dans le délai plus long qu’il peut lui accorder.

Interdiction

53.2 (1) Il est interdit de conclure la transaction visée au paragraphe 53.1(1), sauf si le gouverneur en conseil l’a agréée et, dans le cas où elle porte sur une entreprise de transport aérien, si l’Office a conclu qu’elle donnerait lieu à une entreprise de transport aérien ayant la qualité de Canadien au sens du paragraphe 55(1).

Rapport du commissaire

(2) Dans les cent cinquante jours suivant la date où le commissaire de la concurrence est avisé de la transaction au titre du paragraphe 114(1) de la Loi sur la concurrence ou dans le délai plus long que le ministre peut lui accorder, il fait rapport au ministre et aux parties à la transaction des questions relatives à l’empêchement ou à la diminution de la concurrence qui pourrait en résulter.

Publication

(3) Le rapport est rendu public aussitôt après sa réception par le ministre.

Questions d’intérêt public et questions relatives à la concurrence

(4) Après réception du rapport du commissaire et de tout rapport fait aux termes du paragraphe 53.1(6), mais avant de recommander au gouverneur en conseil d’agréer la transaction, le ministre :

a. consulte le commissaire au sujet de tout chevauchement entre les questions soulevées dans le rapport de celui-ci et les questions d’intérêt public en matière de transports nationaux soulevées, selon lui, par la transaction;

b. demande aux parties d’étudier :

i. avec lui les questions d’intérêt public en matière de transports nationaux soulevées, selon lui, par la transaction,

ii. avec le commissaire les questions relatives à l’empêchement ou à la diminution de la concurrence qui, selon celui-ci, pourrait résulter de la transaction.

Prise de mesures par les parties

(5) Les parties à la transaction informent :

a. le ministre, après s’être entretenues avec lui au sujet des questions visées au sous-alinéa (4)b)(i), des mesures qu’elles sont disposées à prendre pour répondre à ces questions;

b. le commissaire, après s’être entretenues avec lui au sujet des questions visées au sous-alinéa (4)b)(ii), des mesures qu’elles sont disposées à prendre pour répondre à ces questions.

Elles peuvent proposer des modifications à la transaction.

Opinion du commissaire

(6) Le ministre, avant de recommander au gouverneur en conseil d’agréer la transaction, obtient l’opinion du commissaire sur la justesse des engagements proposés par les parties pour répondre aux questions visées au sous-alinéa (4)b)(ii) et sur l’effet, le cas échéant, des modifications à la transaction proposées sur ces questions.

Agrément du gouverneur en conseil

(7) Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, agréer la transaction selon les conditions qu’il estime indiquées s’il est convaincu que celle-ci servirait l’intérêt public, compte tenu, le cas échéant, des modifications proposées par les parties et des mesures qu’elles sont disposées à prendre. Il précise celles des conditions qui portent sur l’empêchement ou la diminution éventuels de la concurrence et celles qui portent sur des questions d’intérêt public en matière de transports nationaux.

Modification des conditions

(8) Le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, modifier ou annuler les conditions de l’agrément à la demande de toute personne tenue de s’y conformer. Si ces conditions portent sur la concurrence, le ministre consulte le commissaire avant de présenter sa recommandation.

Observations du commissaire

(9) Si le ministre lui délègue, au titre de l’article 49, la charge d’enquêter sur une question pour l’aider à faire la recommandation prévue aux paragraphes (7) ou (8), l’Office avise le commissaire de la tenue de l’enquête et lui donne la possibilité de présenter des observations.

Obligation de se conformer aux conditions

(10) Toute personne assujettie aux conditions visées aux paragraphes (7) ou (8) est tenue de s’y conformer.

Loi sur la concurrence (L.R.C. (1985), ch. C-34)

Ordonnance en cas de diminution de la concurrence

92 (1) Dans les cas où, à la suite d’une demande du commissaire, le Tribunal conclut qu’un fusionnement réalisé ou proposé empêche ou diminue sensiblement la concurrence, ou aura vraisemblablement cet effet :

a) dans un commerce, une industrie ou une profession;

b) entre les sources d’approvisionnement auprès desquelles un commerce, une industrie ou une profession se procure un produit;

c) entre les débouchés par l’intermédiaire desquels un commerce, une industrie ou une profession écoule un produit;

d) autrement que selon ce qui est prévu aux alinéas a) à c),

le Tribunal peut, sous réserve des articles 94 et 95 :

e) dans le cas d’un fusionnement réalisé, rendre une ordonnance enjoignant à toute personne, que celle-ci soit partie au fusionnement ou non :

(i) de le dissoudre, conformément à ses directives,

(ii) de se départir, selon les modalités qu’il indique, des éléments d’actif et des actions qu’il indique,

(iii) en sus ou au lieu des mesures prévues au sous-alinéa (i) ou (ii), de prendre toute autre mesure, à condition que la personne contre qui l’ordonnance est rendue et le commissaire souscrivent à cette mesure;

f) dans le cas d’un fusionnement proposé, rendre, contre toute personne, que celle-ci soit partie au fusionnement proposé ou non, une ordonnance enjoignant :

(i) à la personne contre laquelle l’ordonnance est rendue de ne pas procéder au fusionnement,

(ii) à la personne contre laquelle l’ordonnance est rendue de ne pas procéder à une partie du fusionnement,

(iii) en sus ou au lieu de l’ordonnance prévue au sous-alinéa (ii), cumulativement ou non :

    (A) à la personne qui fait l’objet de l’ordonnance, de s’abstenir, si le fusionnement était éventuellement complété en tout ou en partie, de faire quoi que ce soit dont l’interdiction est, selon ce que conclut le Tribunal, nécessaire pour que le fusionnement, même partiel, n’empêche ni ne diminue sensiblement la concurrence,

    (B) à la personne qui fait l’objet de l’ordonnance de prendre toute autre mesure à condition que le commissaire et cette personne y souscrivent.

Preuve

(2) Pour l’application du présent article, le Tribunal ne conclut pas qu’un fusionnement, réalisé ou proposé, empêche ou diminue sensiblement la concurrence, ou qu’il aura vraisemblablement cet effet, en raison seulement de la concentration ou de la part du marché.

Éléments à considérer

93 Lorsqu’il détermine, pour l’application de l’article 92, si un fusionnement, réalisé ou proposé, empêche ou diminue sensiblement la concurrence, ou s’il aura vraisemblablement cet effet, le Tribunal peut tenir compte des facteurs suivants :

a) la mesure dans laquelle des produits ou des concurrents étrangers assurent ou assureront vraisemblablement une concurrence réelle aux entreprises des parties au fusionnement réalisé ou proposé;

b) la déconfiture, ou la déconfiture vraisemblable de l’entreprise ou d’une partie de l’entreprise d’une partie au fusionnement réalisé ou proposé;

c) la mesure dans laquelle sont ou seront vraisemblablement disponibles des produits pouvant servir de substituts acceptables à ceux fournis par les parties au fusionnement réalisé ou proposé;

d) les entraves à l’accès à un marché, notamment :

(i) les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international,

(ii) les barrières interprovinciales au commerce,

(iii) la réglementation de cet accès,

et tous les effets du fusionnement, réalisé ou proposé, sur ces entraves;

e) la mesure dans laquelle il y a ou il y aurait encore de la concurrence réelle dans un marché qui est ou serait touché par le fusionnement réalisé ou proposé;

f) la possibilité que le fusionnement réalisé ou proposé entraîne ou puisse entraîner la disparition d’un concurrent dynamique et efficace;

g) la nature et la portée des changements et des innovations sur un marché pertinent;

g.1) les effets de réseau dans le marché;

g.2) le fait que le fusionnement réalisé ou proposé contribuerait au renforcement de la position sur le marché des principales entreprises en place;

g.3) tout effet du fusionnement réalisé ou proposé sur la concurrence hors prix ou par les prix, notamment la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs;

h) tout autre facteur pertinent à la concurrence dans un marché qui est ou serait touché par le fusionnement réalisé ou proposé.

Exception

94 Le Tribunal ne rend pas une ordonnance en vertu de l’article 92 à l’égard :

a) d’un fusionnement en substance réalisé avant l’entrée en vigueur du présent article;

b) d’une fusion réalisée ou proposée aux termes de la Loi sur les banques, de la Loi sur les associations coopératives de crédit, de la Loi sur les sociétés d’assurances ou de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, et à propos de laquelle le ministre des Finances certifie au commissaire le nom des parties et certifie que cette fusion est dans l’intérêt public ou qu’elle le serait compte tenu des conditions qui pourraient être imposées dans le cadre de ces lois;

c) d’une fusion – réalisée ou proposée – agréée en vertu du paragraphe 53.2(7) de la Loi sur les transports au Canada et à l’égard de laquelle le ministre des Transports certifie au commissaire le nom des parties;

d) d’une fusion – réalisée ou proposée – constituant une entente, au sens de l’article 53.7 de la Loi sur les transports au Canada, autorisée par le ministre des Transports en application du paragraphe 53.73(8) de cette loi, dans la mesure où l’autorisation n’a pas été révoquée.

Annexe C : Liste de silos primaires et silos de transformation de Bunge, G3 et Viterra au Canada

Liste de silos primaires et silos de transformation de Bunge, G3 et Viterra au Canada
Compagnie Station Province Type de silo
Bunge Canada Fort Sask Alb. Transformation
Bunge Canada Altona Man. Transformation
Bunge Canada Harrowby Man. Transformation
Bunge Canada Hamilton Ont. Transformation
Bunge Canada Dixon Sask. Primaire
Bunge Canada Nicklen Siding Sask. Primaire
Bunge Canada Nipawin Sask. Transformation
G3 Canada Limited Carmangay Alb. Primaire
G3 Canada Limited Irricana Alb. Primaire
G3 Canada Limited Morinville Alb. Primaire
G3 Canada Limited Rycroft Alb. Primaire
G3 Canada Limited Stettler Alb. Primaire
G3 Canada Limited Vermilion Alb. Primaire
G3 Canada Limited Wetaskiwin Alb. Primaire
G3 Canada Limited Bloom Man. Primaire
G3 Canada Limited Glenlea Man. Primaire
G3 Canada Limited Saint-Denis Qc Primaire
G3 Canada Limited Colonsay Sask. Primaire
G3 Canada Limited Kindersley Sask. Primaire
G3 Canada Limited Leader Sask. Primaire
G3 Canada Limited Maidstone Sask. Primaire
G3 Canada Limited Melfort Sask. Primaire
G3 Canada Limited Melville Sask. Primaire
G3 Canada Limited Pasqua Sask. Primaire
G3 Canada Limited Prairie West Sask. Primaire
G3 Canada Limited Saskatoon Sask. Primaire
G3 Canada Limited Swift Current Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Acheson Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Bow Island Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Camrose Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Cassils Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Crossfield Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Fort Macleod Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Grimshaw Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Indus Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Killam Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Lethbridge Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Redcoat Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Sexsmith Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Smoky River Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Star Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Stettler Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Taber Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Tempest Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Trochu Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Vegreville Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Vermilion Alb. Primaire
Viterra Canada Inc. Fort St John C.-B. Primaire
Viterra Canada Inc. Agassiz Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Beausejour Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Binscarth Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Boissevain Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Brandon Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Carman Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Fannystelle Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Plum Coulee Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Roblin Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Rosser Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Souris East Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Ste Agathe Man. Transformation
Viterra Canada Inc. Ste Agathe Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Tucker Man. Primaire
Viterra Canada Inc. Becancour Qc Transformation
Viterra Canada Inc. Balgonie Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Belle Plaine Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Biggar Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Booth Siding Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Brada Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Canora Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Carnduff Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Cupar Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Fairlight Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Foam Lake Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Grenfell Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Gull Lake Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Humboldt Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Ituna Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Kamsack Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Kindersley Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Lloydminster Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Luseland Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Melfort Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Moose Jaw Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Moose Jaw Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. NaicamNote de bas de page 22 Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Rosetown Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Saskatoon Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Strongfield Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Swift Current Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Tisdale Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Valparaiso Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Wadena Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Waldron Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. Weyburn Sask. Primaire
Viterra Canada Inc. White Star Sask. Primaire