Lettre du Ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique au Commissaire de la concurrence

M. Matthew Boswell
Commissaire de la concurrence
Bureau de la concurrence
Place du Portage, phase I
50, rue Victoria
Gatineau (Québec)  K1A 0C9

 

Monsieur Boswell,

J'aimerais d'abord vous féliciter officiellement de votre nomination à titre de commissaire de la concurrence. J'ai pleinement confiance en votre capacité de diriger cette importante institution, qui est essentielle pour ce qui est de permettre au marché canadien d'être concurrentiel et novateur afin d'entraîner une incidence positive sur les entreprises et les consommateurs canadiens. Le Bureau de la concurrence a une longue et fière histoire de succès et se positionne comme l'un des principaux organismes de la concurrence dans le monde, et j'observerai avec intérêt le maintien de sa réussite dans l'exercice de ce rôle important.

Vous entrez en fonction à un moment crucial pour le Canada, alors que notre économie, de plus en plus axée sur les données, favorise des innovations essentielles et des possibilités inégalées en matière de croissance inclusive. Le gouvernement fédéral s'engage à faire du Canada un chef de file mondial en matière d'innovation. L'innovation numérique est essentielle à la croissance de l'économie, à la réduction des coûts pour les consommateurs, à la création d'emplois bien rémunérés et à l'attraction des investissements. À une époque où de nombreux Canadiens s'inquiètent de l'augmentation des coûts des biens et des services, je ne doute absolument pas de l'importance de la concurrence dans l'alimentation des industries novatrices et de la croissance et je suis conscient du rôle essentiel du Bureau de la concurrence dans cette quête.

En appliquant rigoureusement les lois canadiennes sur la concurrence, le Bureau favorise un marché où de nouveaux modèles d'affaires novateurs, stimulés par des idées et des technologies perturbatrices, prennent de l'essor sans être entravés par des pratiques anticoncurrentielles et favorisent ainsi l'innovation. Les mesures prises par le Bureau contre les pratiques commerciales trompeuses favorisent également la confiance des Canadiens à l'égard du marché numérique afin que ceux-ci puissent adopter ces nouvelles technologies avec confiance et qu'il y ait des progrès réels sur le marché. Enfin, à titre de conseiller et de défenseur de la concurrence, le Bureau veille à ce que les politiques et les règlements gouvernementaux appuient la concurrence et favorisent l'innovation autant que possible.

Dans un contexte où nous sommes confrontés à des défis sans précédent découlant des nouvelles technologies et de la numérisation de l'économie, je suis convaincu que votre vaste expérience et vos connaissances seront indispensables.

Je reconnais l'importance de l'indépendance du Bureau de la concurrence et que le travail du Bureau fait progresser des objectifs clés du gouvernement du Canada, notamment la promotion d'une économie concurrentielle et novatrice. En restant fidèle à nos rôles et responsabilités respectifs, je crois que nous pouvons collaborer dans l'atteinte de notre objectif commun qui consiste à favoriser une économie concurrentielle et novatrice au service des intérêts de tous les Canadiens. À cet égard, je profite de l'occasion pour soulever certaines des questions les plus urgentes à aborder, à mon avis, au cours de votre mandat.

Les progrès technologiques et la numérisation apporteront de nouvelles possibilités et de nouveaux défis pour tous les participants au sein du marché. Je constate que le Bureau de la concurrence a déjà été très actif dans ce domaine, que ce soit pour promouvoir la concurrence relativement aux plateformes de transport ou pour lutter contre les pratiques trompeuses en matière de prix en ligne. Ce travail continu sur les approches réglementaires proconcurrentielles et favorables aux consommateurs est bienvenu et essentiel.

Comme vous le savez, beaucoup de commentaires ont été entendus partout dans le monde, tant des observations que des manifestations d'inquiétude, sur les répercussions d'une économie en évolution en ce qui concerne la loi et les politiques en matière de concurrence et les activités d'application des autorités de la concurrence. Certains analystes ont fait des parallèles entre l'économie numérique émergente et d'autres époques où les préoccupations quant à l'abus de position dominante ont mené à des actions de démantèlement antitrust par les autorités de réglementation. D'autres ont soulevé la nécessité possible de nouveaux outils et mécanismes pour éviter les abus dans un environnement numérique qui facilite l'accumulation de données. D'autres encore ont remis en question les façons traditionnelles d'évaluer le préjudice dans une ère d'algorithmes et de publicités numériques. Il n'y a pas de consensus sur ce qui devrait être fait afin d'y répondre, mais il est certain que les questions soulevées sont parmi les plus intéressantes et les plus importantes de notre époque.

Je manquerais à mes responsabilités en tant que ministre de ne pas garder en tête dans quelle mesure notre système convient au marché actuel et futur, en vue d'assurer que notre infrastructure concurrentielle soit efficace et puisse s'adapter à une économie moderne et changeante.

Le bien-être des citoyens canadiens doit demeurer au cœur de tous nos programmes et politiques. De plus, alors que nous continuons de construire une économie plus innovante et axée sur les données, nous devons examiner attentivement comment nous pouvons promouvoir la concurrence et créer un environnement sain, en particulier pour nos petites et moyennes entreprises, pour la prospérité et l'innovation. Dans un contexte où les entreprises cherchent de plus en plus à établir un avantage concurrentiel au moyen des données et de leur utilisation, nous devons examiner comment nous pouvons continuer à gérer les risques et les effets néfastes de leur utilisation abusive et de l'émergence potentielle de monopoles de données. Bien qu'il y ait eu beaucoup d'emphase sur la protection de la vie privée et sur l'infrastructure numérique, nous devons également réfléchir aux possibles distorsions du marché et perturbations imprévues dans le cadre desquelles des abus de pouvoir sur le marché peuvent se produire dans la collection, le traitement et l'utilisation des données.

L'accumulation grandissante de données a de façon justifiée, fait croître les attentes des citoyens en matière de transparence et de contrôle quant à l'utilisation, au traitement et à la transférabilité de leurs renseignements. Il sera important de comprendre le rôle que le droit et la politique de la concurrence peuvent jouer pour encourager la confiance, l'innovation et la concurrence.

À cette fin, je pense qu'il est essentiel d'examiner les récentes tendances, les pratiques de marché émergent ainsi que les approches internationales pour veiller à ce que nos lois, politiques et pratiques s'adaptent au dynamisme du marché. Cette mesure est essentielle pour garder la confiance des citoyens au fur et à mesure que ces perturbations se produisent. Je demanderais au Bureau de la concurrence de collaborer avec les responsables de politiques du Secteur des stratégies et politiques d'innovation de mon ministère afin d'examiner notamment les questions essentielles suivantes :

  • les répercussions de la transformation numérique sur la concurrence;
  • les enjeux émergents pour la concurrence liés à l'accumulation, à la transparence et au contrôle des données;
  • l'efficacité des outils existants relatifs à la politique en matière de concurrence et des cadres du marché;
  • l'efficacité des processus d'enquête et judiciaires existants.

Selon moi, ce travail d'analyse visant à examiner la Loi sur la concurrence et les activités connexes jouera un rôle important dans notre stratégie globale sur les données et le numérique, alors que nous cherchons à examiner les cadres du marché afin de jeter les fondements d'une relation de confiance avec les citoyens et de réagir aux changements importants en cours.

Mon ministère a maintenu une relation symbiotique et productive avec le Bureau de la concurrence au fil des années, et je suis convaincu qu'il en sera de même pendant toute la durée de votre mandat, alors que nos fonctionnaires examineront ces questions et d'autres questions urgentes.

Je vous partage mes meilleurs vœux pour ce nouveau début.

Je vous prie d'agréer, Monsieur Boswell, l'expression de mes sentiments les meilleurs,

 

L'honorable Navdeep Bains, C. P., député,