Intervention présentée au CRTC concernant la méthode d’établissement des tarifs des services de télécommunication de gros

Le 13 août 2020

Sur cette page :

  1. Introduction
  2. Résumé
  3. Approche adoptée par le Bureau pour ce mémoire
  4. Éléments contextuels de l'instance
  5. Cadre économique et éléments en lien avec la concurrence à prendre en considération dans cette instance
  6. Évaluation des méthodes d'établissement des tarifs
  7. Conclusion

I. Introduction

  1. Le commissaire de la concurrence (le commissaire) souhaite intervenir dans l'instance introduite par l'Avis de consultation de télécom CRTC 2020‑131 (l'avis de consultation) et publiée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) le 24 avril 2020.
  2. Le commissaire transmet les commentaires du Bureau de la concurrence (le Bureau) en réponse à l'avis de consultationNote de bas de page 1. Le Bureau a émis ces commentaires dans le cadre du mandat du commissaire d'agir en qualité de défenseur des avantages d'un marché concurrentielNote de bas de page 2.
  3. Dans l'avis de consultation, le CRTC pose une série de questions visant à « déterminer les enjeux associés à la méthode d'établissement des tarifs des services de télécommunication de gros » au Canada. Dans son mémoire, le Bureau met en évidence les effets éventuels de méthodes particulières d'établissement des tarifs de gros sur la concurrence.
  4. Ainsi, les commentaires du Bureau portent principalement sur les questions posées aux paragraphes 18 et 19 de l'avis de consultation. Certains commentaires pourraient également se rapporter à d'autres questions mentionnées dans l'avis de consultation. À d'autres étapes de l'instance, le Bureau pourrait commenter les réponses données par d'autres parties à des questions posées dans l'avis de consultation, dans la mesure où ces réponses seraient liées à la concurrence ou pourraient avoir une incidence sur celle-ci.

II. Résumé

  1. L'accès de gros favorise la concurrence, pour ce qui est des services de télécommunications essentiels, au CanadaNote de bas de page 3. Il soutient la concurrence en permettant aux propriétaires de réseaux d'accéder aux structures de soutien et à l'infrastructure civile pour élargir et moderniser leurs réseaux ainsi qu'en permettant aux concurrents de gros de faire concurrence aux propriétaires de réseauxNote de bas de page 4. Plus il y a de concurrence, plus les prix sont bas, plus les consommateurs ont de choix et plus il y a d'innovation au sein de l'industrie canadienne des télécommunications.
  2. Il est complexe d'administrer un régime d'accès de gros. Les organismes de réglementation doivent créer, gérer et mettre à jour une approche réglementaire à volets multiples qui permet aux fournisseurs de services de se livrer une concurrence féroce pour attirer des clients, tout en minimisant les coûts d'un tel accès sur la santé et la qualité des réseaux de télécommunications au Canada.
  3. Cette instance est une occasion unique de parfaire cet équilibre. Bien que l'établissement des tarifs n'est pas le seul facteur qui régit la réussite de l'accès de gros, les incitatifs financiers alléchants qu'il crée le placent nécessairement au centre du régime. En adaptant adéquatement une approche d'établissement des tarifs, le CRTC peut positionner à la fois les régimes d'accès de gros et les réseaux de télécommunications du Canada de manière à assurer leur succès continu pour les décennies à venir.
  4. Ce mémoire analyse l'effet des cinq méthodes d'établissement des tarifs recensées dans l'avis de consultation sur la concurrence dans l'industrie canadienne des télécommunications. Au cours de cette analyse, le Bureau est guidé par des perspectives portant sur l'économie et la concurrence, qui sont complétées par divers points de vue obtenus lors de conversations avec des participants de l'industrie, des organismes de réglementation étrangers et des conseillers externes.
  5. À cette étape de l'instance, la position importante principale du Bureau est que l'établissement des tarifs devrait sciemment soutenir la concurrence que cherche à favoriser l'accès de gros. Aucune des méthodes particulières proposées jusqu'à maintenant dans cette instance ne se démarque en vue d'atteindre cet objectif, étant donné que chacune d'entre elles doit être considérée selon le produit ou le service particulier auquel elle sera appliquée.
  6. Toutefois, les méthodes les mieux placées pour promouvoir efficacement la concurrence sont celles qui :
    1. optimisent l'efficacité économique,
    2. reconnaissent la relation économique entre les tarifs de gros et de détails connexes et en tiennent compte,
    3. reconnaissent et minimisent l'asymétrie de l'information et
    4. évitent les différences indues de tarifs entre les types de réseaux.
  7. Ainsi, en plus de présenter son analyse initiale dans son mémoire, le Bureau est prêt à soutenir la conception et l'élaboration de propositions réglementaires plus détaillées dans les étapes ultérieures de cette instance ou lors d'instances subséquentes au besoin.

III. Approche adoptée par le Bureau pour ce mémoire

  1. Récemment, le Bureau a analysé l'établissement des tarifs de gros pour ce qui est des industries de l'Internet à large bande et des services sans fil mobiles au Canada. Pour appuyer son point de vue, lors de la préparation de ce mémoire, le Bureau a également consulté des participants locaux de l'industrie, des organismes de réglementation des communications étrangers et des conseillers externes ayant de l'expérience dans le domaine de l'établissement des tarifs de gros. Cette section du mémoire traite des efforts déployés pour établir le point de vue du Bureau dans cette instance.

Travail récemment effectué par le Bureau quant à l'établissement des tarifs de gros

  1. En août 2019, le Bureau a terminé son étude de marché sur les services à large bande (l'étude de marché)Note de bas de page 5. L'étude de marché fut une entreprise d'un an menée par le Bureau pour prendre le pouls de la concurrence au sein de l'industrie des services à large bande au Canada. En menant cette étude de marché, le Bureau a sondé des consommateurs comme des participants de l'industrie dans le but de mieux comprendre comment les fournisseurs de services Internet se concurrencent pour leurs parts du marché au Canada.
  2. Bien que l'étude de marché n'ait pas analysé les méthodes d'établissement des tarifs de gros, elle a résumé toute une panoplie d'opinions sur la pratique de l'établissement de tels tarifs au Canada. Plus particulièrement, l'étude de marché a indiqué ceci :

    « La question de savoir si ces taux sont appropriés donne lieu à un important débat au sein de l'industrie. Les concurrents dotés d'installations soutiennent que les concurrents des services de gros ont accès à leurs réseaux à des tarifs inférieurs à leurs propres coûts, ce qui mine les incitatifs à investir. Parallèlement, certains concurrents des services de gros citent des exemples où un concurrent doté d'installations a adopté des prix de détail inférieurs aux tarifs réglementés que devrait payer un concurrent des services de gros pour offrir les mêmes services au même client. Il s'agit d'un problème pointu : avec des tarifs trop bas, les concurrents dotés d'installations n'investiront pas; avec des tarifs trop élevés, les concurrents des services de gros ne pourront maintenir une discipline des prix sur le marché. » Note de bas de page 6 (citations internes omises)
  3. De ce point de vue, le Bureau est d'accord avec la caractérisation du problème d'établissement des tarifs de gros par le CRTC telle qu'exprimée dans l'avis de consultationNote de bas de page 7. Il convient donc que l'établissement de tarifs qui permettent une concurrence féroce tout en maintenant des investissements dans les réseaux de télécommunications de classe mondiale du Canada est un défi réel, mais incontournable pour notre avenir numériqueNote de bas de page 8.
  4. Le Bureau a présenté une analyse plus détaillée des méthodes d'établissement des tarifs de gros dans ses autres commentaires sur l'instance introduite par l'Avis de consultation de télécom 2019-57, Examen des services sans fil mobilesNote de bas de page 9. Dans ce mémoire, le Bureau a recommandé que les tarifs d'accès de gros des exploitants de réseaux mobiles virtuels soient établis selon une négociation commerciale garantie par l'arbitrage du CRTC. Cette recommandation a été faite dans le contexte des faits de cette instance et faisait partie d'une proposition plus vaste visant à encourager davantage de concurrence dans l'industrie du sans-fil au Canada.
  5. Dans la présente instance, le Bureau analyse plus généralement les méthodes d'établissement des tarifs considérant que l'avis de consultation cherche à obtenir des commentaires sur l'établissement des tarifs de gros pour ce qui est d'une plus vaste gamme de services de télécommunicationsNote de bas de page 10. Conscient que les méthodes d'établissement des tarifs de gros touchent à la fois une infrastructure passive et un accès aux réseaux actif, le Bureau s'inspire de ses travaux passés en mettant l'accent sur :
    1. l'accès aux réseaux actif, par opposition à l'accès à l'infrastructure passifNote de bas de page 11; et
    2. l'accès aux réseaux fixe, qui offre une gamme bien plus vaste de comparateurs internationaux d'établissement des tarifs de gros que l'accès sans fil mobile.

Travaux supplémentaires menés par le Bureau pour guider ce mémoire

  1. Les efforts déployés par le passé par le Bureau pour comprendre l'établissement des tarifs de gros s'inscrivent dans le contexte de l'analyse de la concurrence dans des secteurs précis de l'industrie. Par conséquent, au moment de préparer ce mémoire, le Bureau a mené un examen plus approfondi de la littérature didactique et des pratiques internationales en matière d'établissement des tarifs de gros. Le Bureau a alors cherché une expertise et des points de vue en consultant divers participants du marché, au sein de l'industrie canadienne des télécommunications, en s'entretenant avec des organismes de réglementation des télécommunications étrangers et en embauchant des conseillers externes spécialisés dans l'établissement des tarifs de gros au Canada et à l'international.

IV. Éléments contextuels de l'instance

  1. Avant de commenter les méthodes d'établissement des tarifs, le Bureau souhaite aborder deux éléments clés qui mettent en contexte l'approche adoptée par le CRTC dans cette instance :
    1. le degré d'importance des comparaisons internationales; et
    2. le rôle de l'établissement des tarifs de gros comme composant unique au sein d'un régime plus vaste d'accès de gros.

Les comparaisons internationales doivent être recensées de manière sélective

  1. Dans l'annexe de l'avis de consultation, le CRTC discute des approches à l'établissement des tarifs adoptées par six compétences étrangères, soit l'Australie et les États‑Unis; la France, l'Allemagne et le Royaume‑Uni, qui étaient tous trois alors membres de l'Union européenne; et l'Union européenne (UE) elle-même. Le Bureau convient que les pratiques adoptées dans les autres compétences, y compris dans ces six compétences, peuvent être utiles à la présente instance.
  2. Par contre, il pourrait être difficile de transposer ces pratiques au contexte canadien. Relativement peu d'homologues internationaux ont une industrie des télécommunications semblable à celle du Canada. Fait important, le Bureau remarque que, contrairement à de nombreuses compétences étrangères, le Canada s'est doté d'une industrie des télécommunications à deux plateformes qui se caractérise par une couverture importante ainsi qu'une prise en charge de réseaux fondés tant sur le téléphone que sur le câbleNote de bas de page 12, Note de bas de page 13. Cela n'invalide pas les comparaisons internationales, mais réduit le nombre de compétences pouvant se comparer adéquatement au CanadaNote de bas de page 14.
  3. Ainsi, comme solution de rechange aux compétences mentionnées à l'annexe de l'avis de consultation, le Bureau a recensé six pays de l'OCDE qui présentent des environnements à deux plateformes robustes pour ce qui est de la téléphonie et de la câblodistribution. Ces comparateurs à deux plateformesNote de bas de page 15, recensés en fonction d'une approche exposée à l'annexe A de cette instance, sont la Belgique, le Danemark, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal et les États-Unis.
  4. Tous les pays sont différents. En raison de la vaste géographie du pays, les coûts sont élevés pour déployer les réseaux dans les communautés rurales et éloignées du Canada. Cela crée un contexte différent pour la relation entre l'établissement des tarifs de gros et les incitatifs à l'investissement qui peuvent être présents dans les compétences où les ménages sont répartis de manière plus dense.
  5. Cependant, les comparateurs à deux plateformes présentent des secteurs de télécommunications à forte présence de réseaux tant fondés sur la téléphonie que sur le câble, de même qu'à haute pénétration nationale de la large bande et ayant des réseaux par câble bien développés (tel que mesuré par la part de marché). Le Bureau souligne que de telles conditions ne sont pas toujours comblées par les six compétences visées par l'annexe de l'avis de consultation.

Réglementation des services de gros dans les compétences étrangères

  1. Après avoir déterminé les comparateurs à deux plateformes, le Bureau a analysé si ces pays appliquaient une réglementation d'accès de gros et de quelle manière. Cette analyse a aidé à déterminer dans quelle mesure les comparateurs à deux plateformes proposaient des comparaisons utiles pour l'examen des approches d'établissement des tarifs de gros.
  2. Parallèlement, le Bureau a examiné à quel point les comparateurs à deux plateformes différaient des secteurs des télécommunications bien développés non caractérisés par une possession intense de la large bande par des compagnies de téléphonie et de câblodistribution. Il est complexe d'établir des comparaisons entre différents produits et services soumis à une réglementation de gros au sein des compétences, et cela exige une connaissance approfondie de chaque pays. C'est pourquoi le Bureau a choisi une classification existante, publique et approfondie qui portait sur un grand nombre de pays et qui peut être vérifiée de manière indépendanteNote de bas de page 16. Cette classification, transmise par l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE)Note de bas de page 17, a permis au Bureau de sélectionner un vaste groupe de 29 pays, appelés les comparateurs à une plateformeNote de bas de page 18, ainsi qu'un plus petit groupe de six comparateurs à deux plateformes.
  3. Le Tableau 1 examine comment les comparateurs à deux plateformes et à une plateforme appliquent les règlements d'accès à la large bande de gros. Ce tableau présente la proportion des compétences qui appliquent le règlement aux compagnies de téléphonie et de câblodistribution séparément et comment ce traitement réglementaire varie entre les réseaux par cuivre torsadé, les réseaux en fibre jusqu'au nœud et les réseaux hybrides de fibre coaxiale (réseaux en place) ainsi que les réseaux tout en fibre (réseaux de nouvelle génération (NGA))Note de bas de page 19.

    Tableau 1 : Comment les compétences étrangères réglementent l'accès fixe de gros, par plateformeNote de bas de page 20
      Comparateurs à
    deux plateformes
    Comparateurs à
    une plateforme
      Réseaux en place Réseaux NGA Réseaux en place Réseaux NGA
    Compagnies de téléphonie 83 % 67 % 90 % 72 %
    Compagnies de câblodistribution 67 % 17 % 10 % 7 %
  4. Le Tableau 1 montre deux différences importantes entre les comparateurs à deux plateformes et les comparateurs à une plateforme :
    1. Il est rare de voir une réglementation de gros des compagnies de câblodistribution au sein des compétences des comparateurs à une plateforme, lorsqu'on compare à la situation des compétences des comparateurs à deux plateformes.
    2. Généralement, on remarque plus de réglementation de gros pour les réseaux en place que pour les réseaux NGA, dans les compétences tant des comparateurs à deux plateformes que des comparateurs à une plateforme. Bien qu'il s'agisse partiellement d'un enjeu de temporisation, cette différence incite à la prudence quant à la réutilisation de méthodes d'établissement des coûts appliquées aux réseaux en place aux réseaux NGA, et vice versa.
  5. Tout au long du mémoire, le Bureau concentre ses comparaisons internationales sur les compétences des comparateurs à deux plateformes en faisant référence à la façon dont ces compétences diffèrent des comparateurs à une plateforme. Cette comparaison côte à côte aide à déterminer la mesure dans laquelle les choix réglementaires varient en fonction de la structure de l'industrie.

La réglementation de gros ne se limite pas à l'établissement des tarifs

  1. Permettre, maintenir ou retirer l'accès de gros est une considération de principe plus vaste qui va au-delà de la portée de cette instance. Une telle décision devrait être prise uniquement dans le cadre d'une approche échelonnée, lors de laquelle le CRTC devrait prendre en considération les facteurs suivants :
    1. si les sociétés qui offrent un service possèdent un pouvoir de marché et
    2. quels moyens sont les plus appropriés pour restreindre un tel pouvoir de marché lorsqu'il est déterminéNote de bas de page 21.
    La considération de méthodes précises d'établissement des tarifs de gros n'intervient qu'à la deuxième étape et la portée de cette instance ne suffit pas pour aborder la première étape d'une telle analyse (à savoir si des sociétés possèdent un pouvoir de marché).
  2. Par conséquent, aux fins de cette instance, le Bureau présume que le scénario dont l'avis de consultation dépend est le résultat d'un tel processus échelonné. D'un point de vue critique, la réglementation des tarifs est rarement le seul résultat d'un tel processus échelonné. Les méthodes d'établissement des tarifs font plutôt généralement partie d'un ensemble plus vaste de recours visant à freiner le pouvoir de marché. Le Tableau 2 montre que la vaste majorité des compétences étrangères étudiées par le Bureau imposent des recours supplémentaires non liés au prix en plus de la réglementation tarifaire.

    Tableau 2 : Choix de recours ex ante au sein des compétences qui réglementent l'accès fixe de grosNote de bas de page 22
      Comparateurs à deux plateformes Comparateurs à une plateforme
      Réseaux en place Réseaux NGA Réseaux en place Réseaux NGA
    TransparenceNote de bas de page 23 100 % 100 % 96 % 94 %
    Non-discriminationNote de bas de page 24 100 % 100 % 100 % 100 %
    Accès obligatoireNote de bas de page 25 100 % 100 % 100 % 100 %
    Comptabilité analytiqueNote de bas de page 26 83 % 100 % 96 % 88 %
    Contrôles des prixNote de bas de page 27 100 % 100 % 90 % 91 %
    Séparation comptableNote de bas de page 28 53 % 67 % 81 % 85 %
  3. Bien que cette instance porte uniquement sur les recours de type contrôles des prix (c.-à-d. des méthodes d'établissement des tarifs de gros), l'expérience internationale montre que ces recours sont généralement combinés à d'autres outils réglementaires pour veiller à ce qu'un régime d'accès de gros respecte ses objectifs stratégiques. C'est pourquoi le Bureau est d'avis que le prochain examen des services filaires de gros constituera un forum approprié pour évaluer l'efficacité des recours non liés au prix.

V. Cadre économique et éléments en lien avec la concurrence à prendre en considération dans cette instance

  1. Dans cette section de son mémoire, le Bureau établit les concepts clés non liés à la concurrence qui découlent de son examen de la théorie économique et des perspectives stratégiques de la concurrence pour ce qui est de l'établissement des tarifs de l'accès de gros en télécommunications. Ces concepts devraient guider le CRTC au moment de déterminer une méthode d'établissement des tarifs de grosNote de bas de page 29.
  2. L'objectif d'une réglementation économique est d'imiter les résultats d'un marché concurrentiel lorsqu'une industrie n'obtient pas ces résultats uniquement grâce aux forces de marchéNote de bas de page 30. Comme le secteur des télécommunications est une industrie de réseau, ses structures de coût et profils d'investissement tendent vers des marchés où l'infrastructure est concentrée et où les obstacles à l'entrée sont grandsNote de bas de page 31.
  3. La recherche d'autres bases de coûts, les échanges entre elles et les défis d'une mise en œuvre efficace et transparente de méthodes de coûts particulières ont été abordés de différentes manières. Certains pays ont réagi en imposant un accès obligatoire de gros au réseau pour promouvoir la concurrence « fondée sur les services » par les concurrents de gros. Par contre, d'autres pays, et particulièrement les États-Unis, ont plutôt opté pour limiter de plus en plus une telle réglementation afin de promouvoir la concurrence « fondée sur les installations », dont l'entrée de nouveaux propriétaires de réseauxNote de bas de page 32.
  4. Soyons clairs : le Bureau reconnaît que la concurrence des réseaux fondés sur les installations et des réseaux de gros joue un rôle important dans la détermination des résultats de marchéNote de bas de page 33. Le processus concurrentiel (la rivalité entre les entreprises, qui les pousse à travailler plus fort pour aller chercher des clients) est plus important pour les résultats de marché que l'identité ou la technologie de chaque concurrent. La concurrence en elle-même est l'objectif, car elle entraîne des prix bas, davantage de choix pour les consommateurs et un plus haut niveau d'innovation. Tous ces éléments sont essentiels à la prospérité des Canadiens.

L'efficience économique est la référence appropriée pour évaluer l'établissement des tarifs de gros

  1. Les marchés concurrentiels maximisent l'efficience économiqueNote de bas de page 34. Ainsi, pour déterminer la pertinence des méthodes d'établissement des tarifs dans cette instance, le CRTC devrait examiner comment chaque méthode pourrait influer sur l'efficience économique.
  2. L'efficience économique se sépare en trois composantes : efficiences allocative, productive et dynamique.
    1. Un marché atteint l'efficience allocative lorsqu'il répartit un produit à ceux qui lui accordent le plus de valeurNote de bas de page 35. Pour atteindre l'efficience allocative, la réglementation de gros devrait réduire au minimum les obstacles à l'entrée, permettant ainsi au processus concurrentiel d'offrir le prix le plus bas possible à la plus large gamme d'acheteurs possible.
    2. Un marché atteint l'efficience productive lorsqu'il propose un mélange donné de résultats économiques au prix le plus bas possibleNote de bas de page 36. Pour atteindre l'efficience productive, la réglementation du marché de gros devrait accorder des incitatifs à tous les fournisseurs pour qu'ils minimisent leurs coûts de prestation de produits et services pertinents.
    3. Un marché atteint l'efficience dynamique lorsqu'il minimise le coût du service à long terme en introduisant efficacement de nouveaux processus et technologiesNote de bas de page 37. Pour atteindre l'efficience dynamique, la réglementation du marché de gros devrait proposer des incitatifs appropriés aux fournisseurs pour qu'ils améliorent leurs produits et processus, dont des mises à niveau de réseau, une expansion de la capacité et des moyens novateurs de maximiser leur utilisation.
  3. Des compromis existent entre les efficiences allocative, productive et dynamique; aucune approche unique ne peut proposer les trois simultanémentNote de bas de page 38. Par exemple, une politique qui maximise l'efficience allocative en poussant à la baisse les tarifs d'accès de gros vers un coût marginal à courte échéance peut diminuer l'efficience dynamique en réduisant les incitatifs à l'investissementNote de bas de page 39. Dans le même ordre d'idées, des tarifs de gros très élevés peuvent améliorer l'efficience dynamique en maximisant les incitatifs à l'investissement, mais diminuer par le fait même l'efficience allocative en réduisant la capacité des concurrents d'offrir des prix suffisamment bas par rapport à leurs coûts.
  4. Du point de vue de l'efficience économique, il n'existe donc pas de méthode parfaite d'établissement des tarifs. Il est improbable que le CRTC, en sélectionnant ces méthodes, reproduise avec précision les compromis entre les divers types d'efficiences atteints par un marché parfaitement concurrentiel. Par contre, cela ne devrait pas empêcher le CRTC de chercher à maximiser l'efficience économique générale en examinant de manière explicite comment chaque méthode d'établissement des tarifs aura tendance à influer sur l'efficience économique.

L'intégration verticale peut influer sur les incitatifs à la tarification et les résultats concurrentiels

  1. À de nombreux égards, les propriétaires de réseaux de l'industrie canadienne des télécommunications sont verticalement intégrés. En effet, ils possèdent leurs propres installations en amont (p. ex. des réseaux d'accès), mais offrent aussi des services en aval, sur les marchés de détails, qui entrent en concurrence avec des concurrents de gros ne possédant pas d'installations semblables en amont. Ce type de structure de marché peut exercer une grande influence sur les incitatifs à la tarification de gros et au détail et, par conséquent, avoir une incidence sur les résultats concurrentiels des marchés de gros et au détail.
  2. Plus particulièrement, des incitatifs peuvent être prévus pour :
    1. adopter une conduite d'exclusion sur le marché de détail;
    2. augmenter les prix sur le marché de détail par suite des niveaux de tarification sur le marché de gros.
  3. Au moment de déterminer une approche d'établissement des tarifs de gros, ces incitatifs devraient primer afin que l'approche du CRTC ne crée pas ou ne renforce pas par inadvertance des incitatifs susceptibles de nuire aux bas prix, au choix des consommateurs et aux forts niveaux d'innovation rendus possibles par le processus concurrentiel.

Incitatifs menant à une conduite d'exclusion

  1. Dans les cas typiques où les vendeurs de gros sont peu nombreux, il peut y avoir un incitatif pour pousser ces vendeurs à adopter une conduite d'exclusionNote de bas de page 40, appelée « compression des marges », en :
    1. augmentant les tarifs de gros à des niveaux auxquels les concurrents de gros ne peuvent plus dégager de profit en aval;
    2. abaissant les prix de détail, sur le marché en aval, à des niveaux inférieurs aux tarifs de gros;
    3. optant pour une combinaison des deux stratégies, soit en augmentant les tarifs de gros et en abaissant les prix de détail simultanément pour créer entre eux une marge à laquelle un modèle d'affaires de gros ne serait pas rentableNote de bas de page 41.
  2. Dans chacun des cas, les profits des concurrents de gros sont compressés de telle sorte que leur influence concurrentielle peut être réduite ou éliminée. Dans certains cas, il se peut que ces concurrents soient le choix préféré de certains groupes de consommateurs finaux. Une telle conduite peut donc fondamentalement contrecarrer l'intention sous-jacente à l'accès de gros, qui est d'offrir davantage de concurrence et d'assurer des résultats plus intéressants du point de vue économique sur le marché.
  3. Chaque méthode d'établissement des tarifs de gros permet un comportement différent en matière de compression des marges. Par exemple, tel qu'exposé dans ce mémoire, un incitatif de compression des marges est moins probable pour ce qui est des méthodes de prix de détail minoré alors qu'il peut être davantage prévalent dans les méthodes qui établissent les tarifs de gros en fonction du coût ou de la négociation commerciale.
  4. La compression des marges peut aussi être abordée de manière ex ante par les organismes de réglementation. Une telle approche réglementaire peut prendre la forme d'une certaine description d'un test de reproductibilité économique (TRE)Note de bas de page 42.

Des tarifs de gros élevés peuvent entraîner des prix de détail plus hauts

  1. Selon certaines méthodes d'établissement des tarifs, il est possible que les tarifs de gros dépassent les coûts défrayés par un propriétaire de réseau pour offrir des services de gros. Lorsque cela se produit, le propriétaire de réseau dégage une marge positive sur chaque vente réalisée par un concurrent de gros utilisant son infrastructure.
  2. En règle générale, l'existence de cette marge de gros incite à une augmentation des prix de détail. Des tarifs de gros élevés peuvent mener à des prix de détail élevés selon deux mécanismes. Le premier stipule qu'en augmentant les coûts d'accès aux réseaux des concurrents de gros, ces concurrents sont susceptibles de transférer au moins une partie de cette augmentation à leurs clients sous forme de prix plus élevés. Cela adoucit la concurrence de détail et ouvre la porte à l'augmentation des prix par les propriétaires de réseaux. Le deuxième mécanisme veut que, en créant une marge de gros (ou en l'augmentant), les propriétaires de réseaux soient portés à augmenter les prix de détail. La logique sous-jacente à ce mécanisme se fonde sur l'intuition mentionnée dans les ouvrages économiques portant sur la pression à la hausse des prix, telle qu'appliquée aux marchés verticalement intégrésNote de bas de page 43.
  3. La prémisse de ce concept veut que l'existence d'une marge de gros « protège » un propriétaire de réseau contre le risque de perte associé à l'augmentation des prix. Lorsque, à la suite d'une augmentation de prix, un client d'un propriétaire de réseau passe chez un concurrent de gros qui utilise les installations de ce propriétaire de réseau, ce dernier continue de dégager une certaine marge positive (soit la marge de gros) sur la consommation de ce client. Cela diffère de l'autre situation, dans laquelle le propriétaire de réseau ne dégage pas de marge de gros, car le propriétaire de gros perdrait simplement tout revenu associé à la consommation de ce client. Comme le propriétaire de réseau, appuyé par une marge de gros, continue de recevoir un certain montant de revenu de ce client, il est relativement plus intéressant d'augmenter les prixNote de bas de page 44.
  4. Pour compenser ces incitatifs, le CRTC devrait être conscient des approches qui augmentent la différence entre ce qu'il croit être un coût du propriétaire de réseau pour la prestation du service de gros et le tarif de gros associéNote de bas de page 45. Toutes choses égales, lorsque les propriétaires de réseaux dégagent une marge plus importante grâce à leur prestation de services de gros, cela a tendance à mener à des prix de détail plus élevés et à une réduction de la concurrence de détail provenant des propriétaires de réseaux, pour les raisons susmentionnées, et les concurrents de gros, par suite des coûts des intrants plus élevés.

L'asymétrie de l'information peut entraver le processus d'établissement des tarifs

  1. L'établissement des tarifs de gros est très complexe et repose sur beaucoup de données. Cela peut créer des situations d'asymétrie de l'information, dans lesquelles une partie du processus d'établissement des tarifs de gros a accès à une information plus abondante ou plus précise (p. ex. un propriétaire de réseau par rapport à ses coûts de gros réels) comparativement à une autre (p. ex. l'organisme de réglementation chargé de découvrir ces coûts et d'établir les tarifs de gros). Les asymétries de l'information constituent un défi pour les processus administratifs et peuvent donner lieu à des tarifs qui s'éloignent des résultats méthodologiques visés.
  2. La Phase II a été conçue, en se fondant en partie sur les règlements tarifaires de longue date, pour être mise en œuvre par le biais d'un processus adversatif. Dans le cadre de ce processus, les propriétaires de réseaux préparent des études portant sur leur architecture de réseau et les soumettent au public à des fins de commentaires, d'examen et d'approbation. Par contre, il peut être difficile, pour des tiers (qui ne possèdent, ni n'exploitent le réseau en question), d'évaluer de telles étudesNote de bas de page 46. Dans un tel cas, une asymétrie de l'information existe entre le propriétaire de réseau et les autres parties, notamment les intervenants essentiels au processus adversatif et l'agence de réglementationNote de bas de page 47 qui doit prendre appui sur l'information consignée dans le dossier d'instanceNote de bas de page 48.
  3. Deux stratégies sont nécessaires pour aborder ces asymétries. Tout d'abord, les méthodes d'établissement des tarifs choisies par le CRTC doivent tenir compte des considérations opérationnelles qui entourent ce qui constitue nécessairement un processus exigeant pour ce qui est de l'information et des données. Deuxièmement, et parallèlement, l'analyse comparative peut aider à recenser les situations dans lesquelles les tarifs sortent d'une variation raisonnable.

Les différences de tarif entre les types de réseaux peuvent créer des avantages concurrentiels

  1. Lorsque les tarifs de gros sont établis séparément pour les réseaux de câblodistribution et de téléphonie, toute différence de tarif en résultant peut influer sur la position concurrentielle de chacune des trois catégories de fournisseurs de deux manières :
    1. Les tarifs qui diffèrent de beaucoup entre les entreprises de câblodistribution et de téléphonie, dans chaque région, pourraient pousser les concurrents de gros à recruter des clients uniquement en raison d'une technologie moins coûteuseNote de bas de page 49. Selon le niveau des tarifs de gros, ce résultat pourrait frustrer la concurrence entre les propriétaires de réseaux, sur le plan du gros. Cela pourrait faire en sorte qu'une catégorie de concurrents approvisionne une part disproportionnée des abonnés aux services de gros de concurrentsNote de bas de page 50.
    2. Les tarifs qui compensent correctement une catégorie de propriétaires de réseaux, mais qui ne réussissent pas à compenser (ou qui surcompensent) l'autre pourraient affecter la rentabilité relative des investissements de réseau pour ces catégories de fournisseurs. Cela aurait nécessairement des effets sur la capacité des propriétaires de réseau de se livrer concurrence pour les consommateurs au détail.
  2. Il est donc important que toute prise en considération des méthodes d'établissement des tarifs veille à ce qu'elles conviennent aux deux plateformes et examine les effets possibles, sur la concurrence, du déséquilibre des tarifs de gros.

VI. Évaluation des méthodes d'établissement des tarifs

  1. Dans l'avis de consultation, le CRTC cherche à obtenir des commentaires sur cinq méthodes d'établissement des tarifs. Dans cette section du mémoire, le Bureau évalue les avantages et les inconvénients que ces méthodes d'établissement des tarifs de gros pourraient avoir sur la concurrence.
  2. L'annexe B présente un résumé de l'évaluation du Bureau pour chacune des cinq méthodes d'établissement des tarifs recensées par le CRTC.

Les approches de coûts partagent d'importantes similitudes

  1. Trois des cinq méthodes proposées dans l'avis de consultation sont des approches de coûts (soit l'utilisation continue de l'établissement des coûts de la phase II, l'établissement des coûts par une approche d'exploitant efficace et l'établissement des coûts par comptabilité). En fait, les approches de coûts sont prédominantes à l'échelle internationale. Le Tableau 3 illustre la fréquence, en date de 2018, à laquelle les organismes de réglementation appliquaient un certain nombre d'approches d'établissement des tarifs de gros, dont les cinq méthodes recensées par le CRTC.
  2. Comme le Tableau 3 le donne à penser, les approches de coûts sont les plus largement utilisées dans les deux groupes comparateurs, et cela est encore plus marqué dans le groupe des comparateurs à deux plateformes. Les approches de prix de détail minoré et de négociation commerciale ne sont pas utilisées par les compétences des comparateurs à deux plateformes et ne sont utilisées que très rarement dans les autres compétences.

    Tableau 3  : Approches de contrôle des prix d'accès dans les compétences où l'accès fixe de gros est obligatoireNote de bas de page 51
      Comparateurs deux plateformes Comparateurs
    une plateforme
      Réseaux en place Réseaux NGA Réseaux en place Réseaux NGA
    Établissement des coûts différentiels à long terme (y compris les méthodes comme la phase II et l'exploitant efficace)Note de bas de page 52 56 % 50 % 39 % 45 %
    Prix de détail minoréNote de bas de page 53 0 % 0 % 7 % 8 %
    Établissement des coûts par comptabilitéNote de bas de page 54 36 % 33 % 33 % 29 %
    Négociation commercialeNote de bas de page 55 0 % 0 % 10 % 9 %
    Autres et combinaisons 8 % 17 % 11 % 8 %
    TOTAL 100 % 100 % 100 % 100 %
  3. Les méthodes de coûts ont une caractéristique en commun, car elles cherchent à établir des tarifs de gros à un certain niveau par rapport à une base de coût adéquate. Vu cette caractéristique commune, les avantages et désavantages des trois méthodes de coûts ont des similitudes connexes. Ainsi, avant d'analyser plus en profondeur ces méthodes, ce mémoire discutera d'abord des grandes similitudes des approches de coûts.
  4. Du point de vue économique, lorsque des services de gros sont offerts à une mesure de coût appropriée :
    1. les propriétaires de réseaux reçoivent une compensation pour les coûts défrayés pour la prestation du service de gros, ce qui contribue aux efficiences productive et dynamiqueNote de bas de page 56;
    2. les concurrents de gros obtiennent l'accès au réseau à un prix qui se rapproche des coûts du propriétaire de réseaux visé, ce qui laisse suffisamment de place pour aider l'expansion d'une efficience allocative (c.-à-d. des prix plus bas et un plus grand nombre de clients desservis)Note de bas de page 57.
  5. Les approches de coûts comportent quatre aspects négatifs :
    1. La théorie économique n'a pas établi quelle base de coûts devrait se refléter dans les prix de gros (coût marginal, coût différentiel, etc.)Note de bas de page 58. Il en est ainsi parce que chaque base de coûts a des effets différents sur l'efficience économique. En fait, le choix d'une base de coût plutôt qu'une autre exigera des jugements de valeur en lien avec la valeur relative de chacune des trois formes d'efficience économique.
    2. Même lorsqu'il est possible de convenir d'une base de coûts appropriée, son estimation est complexe. La mise en œuvre adéquate d'une méthode de coûts exige une connaissance approfondie de la comptabilité, du génie, de l'économie et des règlementsNote de bas de page 59. Les résultats d'un processus d'établissement des tarifs en découlant peuvent donc être opaques, compliqués et grandement discutables pour ce qui est de leur exactitude.
    3. Il faut consacrer beaucoup d'efforts et de temps à l'élaboration et à la mise en œuvre des méthodes d'établissement des coûts, et c'est pourquoi les approches de coûts peuvent être rigidesNote de bas de page 60. À une époque où la technologie change et où les coûts et la demande peuvent changer de manière imprévue, il peut s'avérer impossible de mettre à jour rapidement et facilement les tarifs de gros fondés sur les coûts. Cela peut donner lieu à de nombreux départs au cours de la période où les tarifs sont rajustés pour refléter la nouvelle réalité (entre les tarifs de gros et les coûts sous-jacents réels).
    4. Les approches de coûts peuvent offrir un incitatif économique aux propriétaires de réseaux et les pousser à adopter une conduite de marché d'exclusionNote de bas de page 61. Une telle conduite peut contrecarrer l'intention sous-jacente à l'accès de gros, qui est d'offrir davantage de concurrence et d'assurer des résultats plus intéressants du point de vue économique sur le marché.

Conclusion sur les approches de coûts

Avantages
  • Elles sont plus susceptibles de maximiser l'efficience économique.
Désavantages
  • Le choix de la base de coûts est subjectif.
  • Il est difficile d'estimer les coûts de manière exacte.
  • Les tarifs en découlant ne s'adaptent pas de manière fluide aux changements du marché.
  • Elles créent des incitatifs à l'adoption d'un comportement d'exclusion.

Phase II – Établissement des coûts

  1. La phase II – établissement des coûts (phase II) a été élaborée au Canada comme méthode d'établissement des coûts différentiels pour établir les tarifs. C'est une approche de modélisation à long terme qui tient compte de manière continue des coûts réels du propriétaire de réseaux pour ce qui est de ses choix d'équipementNote de bas de page 62.
  2. La phase II se fie aux coûts « historiques » d'un propriétaire de réseaux et les combine avec des projections d'indicateurs, comme la durée de vie prévue de l'équipement, sa capacité par rapport à la croissance d'utilisation prévue, des facteurs d'ingénierie (moment où l'équipement doit être mis à niveau) et des facteurs financiers (p. ex. le coût du capital).
  3. Lors du procédé d'établissement des tarifs de la phase II, chaque propriétaire de réseau classe de l'information portant sur une série de facteurs spécifiques. Les intervenants proposent ensuite des valeurs alternatives pour ces facteurs et le CRTC établit le tarif de gros final pour ce propriétaire.
  4. La phase II comporte deux grands avantages :
    1. Appliquée correctement, la phase II permet aux propriétaires de réseaux de récupérer leurs coûts de prestation de services de gros, ce qui incite les efficiences productive et dynamique.
    2. Le processus de la phase II crée une méthode de découverte qui veille à ce que l'établissement des tarifs se fonde sur de l'information à jour.
  5. L'approche de la phase II comporte cependant trois aspects négatifs :
    1. Comme la phase II se fonde grandement sur les classements détaillés des propriétaires de réseaux et d'autres participants du marché, sa méthode de découverte fait face à d'importants défis d'asymétrie de l'informationNote de bas de page 63.
    2. La mise en œuvre de la phase II s'est avérée difficile et longue.
    3. Les résultats du processus de la phase II ont souvent été controversés, et certains propriétaires de réseaux ont allégué un « sérieux écart » entre les méthodes de la phase II et le coût de prestation des services de grosNote de bas de page 64.

Conclusion sur l'utilisation continue de l'établissement des coûts de la phase II

Avantages
  • Méthode propre au Canada élaborée au cours de plusieurs années d'utilisation.
  • Combinaison de l'approche de coûts et de certains coûts réels, ce qui représente un terrain d'entente entre la promotion de la concurrence et la compensation des propriétaires de réseaux.
Désavantages
  • Grands enjeux d'asymétrie de l'information; difficulté, pour les organismes de réglementation ou d'autres intervenants, de connaître les véritables coûts d'exploitation du réseau pertinent.
  • Mise en œuvre difficile et longue.

Établissement du tarif à l'aide du prix de détail minoré

  1. L'approche du prix de détail minoré est axée sur le prix plutôt que sur le coût. Elle consiste à établir les tarifs de gros à escompte par rapport à certains prix de détail observés, pour un ou plusieurs services étroitement liés en aval. Cette méthode est associée à un modèle économique appelé la règle de tarification factorielle efficaceNote de bas de page 65.
  2. Le prix de détail minoré comporte trois grands avantages :
    1. Une fois que l'organisme de réglementation a déterminé un escompte approprié, une approche de prix de détail minoré fondée sur une mesure de prix facilement observable (p. ex. revenu moyen par utilisateur) peut être facile à calculer et peut être mise à jour fréquemment en réponse aux conditions de marché changeantesNote de bas de page 66.
    2. En vertu d'une approche de prix de détail minoré, les propriétaires de réseaux ont peu de marge de manœuvre pour compresser la marge, car la marge pour l'intrant de gros en amont est établie par l'organisme de réglementationNote de bas de page 67, Note de bas de page 68.
    3. Les méthodes de prix de détail minoré en bonne et due forme ont tendance à veiller à ce que les incitatifs à l'investissement des propriétaires de réseaux soient préservésNote de bas de page 69.
  3. Les approches de prix de détail minoré comportent quatre aspects négatifs :
    1. Lorsque le prix de détail minoré fixe les tarifs de gros au-dessus d'un niveau de coût approprié, les propriétaires de réseaux dégagent une certaine marge sur les ventes au détail réalisées par les concurrents de gros, ce qui donne aux propriétaires de réseaux un incitatif pour augmenter les prixNote de bas de page 70.
    2. Lorsqu'appliqué à des marchés où la concurrence n'est pas vigoureuse, le prix de référence de détail minoré peut se fonder sur un prix supraconcurrentiel qui maintient une marge de marché liée au pouvoir. Cela correspond exactement à ce que la réglementation de gros vise à éliminerNote de bas de page 71.
    3. Il peut être difficile de déterminer un prix de référence en amont adéquat lorsque l'activité de réduction du prix et de groupage est forte, ce qui est fréquent dans le secteur des télécommunicationsNote de bas de page 72.
    4. Le prix de détail minoré offre un mécanisme transparent, aux participants de l'industrie, leur permettant d'influer sur les prix à la hausse par le biais de la coordination, car toute augmentation du prix de détail des services de propriétaires de réseaux se traduira par une augmentation connexe du tarif de grosNote de bas de page 73.
  4. Cela donne à penser que le prix de détail minoré convient probablement le mieux aux marchés où les offres sont transitionnelles ou immaturesNote de bas de page 74. Dans de tels cas, lorsque l'incertitude est grande au sujet des coûts et de la demande, le prix de détail minoré peut éviter les prédictions de coûts spéculatives ou inexactes en fin de compte. Par contre, pour les marchés établis et plus stables, les approches de prix de détail minoré ont tendance à peiner à atteindre l'efficience allocative.

Conclusion sur le prix de détail minoré

Avantages
  • Les tarifs de prix de détail minoré peuvent être faciles à calculer et peuvent rapidement s'adapter aux changements de marché.
  • Il laisse peu de place à la compression des marges.
  • Les incitatifs à l'investissement des propriétaires de réseaux sont souvent préservés.
Désavantages
  • Si les propriétaires de réseaux dégagent une marge sur leurs coûts de gros, ils seront enclins à augmenter les prix.
  • Si le marché n'est pas suffisamment concurrentiel, le prix de référence de détail minoré peut se fonder sur un prix supraconcurrentiel.
  • Il peut être difficile de déterminer le prix de référence en présence d'une importante activité de réduction des prix et de groupage.
  • Il offre un mécanisme transparent permettant la coordination des prix.

Établissement des coûts – Exploitant efficace

  1. Comme méthode d'établissement du coût différentiel à long terme, la phase II est inhabituelle chez les homologues étrangers du Canada. La plupart d'entre eux utilisent plutôt les approches de coûts différentiels à long terme de « l'exploitant efficace »Note de bas de page 75, qui reposent plus largement sur la modélisation d'un réseau hypothétique qui utilise des technologies efficaces pour desservir les clients de grosNote de bas de page 76.
  2. La modélisation de l'exploitant efficace comporte trois grands avantages :
    1. Comme les déterminations dépendent moins de l'information transmise par les propriétaires de réseaux, les enjeux d'asymétrie de l'information sont moins nombreux.
    2. L'approche de l'exploitant efficace encourage les efficiences tant productive que dynamique, du côté des propriétaires de réseaux, car ceux dont les coûts excèdent les coûts modélisés jouiront d'un incitatif financier pour améliorer son efficacité.
    3. Une fois qu'un modèle d'exploitant efficace est établi pour un service, il peut s'avérer relativement simple de le mettre à jour régulièrement par rapport aux résultats obtenus, comparativement aux approches fondées sur des coûts (historiques) qui ont réellement été encourus.
  3. La modélisation de l'exploitant efficace présente aussi deux aspects négatifs :
    1. La mise en œuvre des méthodes d'exploitant efficace n'est pas simple, à l'instar d'autres approches de modélisation économique. La modélisation de l'exploitant efficace exige une connaissance approfondie du domaine du génie et de l'économie en lien avec le réseau à modéliser. L'expérience vécue dans d'autres compétences indique qu'une courbe d'apprentissage initiale accompagne la toute première mise en œuvreNote de bas de page 77.
    2. Dans le contexte canadien, l'approche de l'exploitant efficace exigerait des choix stratégiques précis et d'autres choix de modélisation, pour refléter l'environnement concurrentiel à deux plateformes du Canada (et la réalité du Canada selon laquelle un certain nombre d'exploitants régionaux sont présents).
  4. Quoi qu'il en soit, le Bureau reconnaît la tendance internationale vers les méthodes d'exploitant efficace, qui s'exerce depuis deux décenniesNote de bas de page 78. Cette tendance peut exprimer un niveau d'aise avec ces défis opérationnels, que les organismes de réglementation ont par exemple surmonté en déléguant l'étude de l'exploitant efficace à un expert-conseil tiers jouissant d'une expertise pertinenteNote de bas de page 79.

Conclusion sur l'établissement des coûts – exploitant efficace

Avantages
  • Il y a moins d'enjeux d'asymétrie de l'information comparativement à d'autres approches de coûts.
  • Il offre un incitatif financier permettant aux exploitants inefficaces d'atteindre des efficiences productive et dynamique.
  • Une fois le modèle de l'exploitant efficace établi, sa mise à jour est raisonnablement facile.
Désavantages
  • La mise en œuvre initiale de la modélisation de l'exploitant efficace demande un effort considérable.
  • L'approche de l'exploitant efficace devra être adaptée aux réalités du marché au Canada (environnement à deux plateformes, concurrents régionaux, etc.)

Établissement des coûts par comptabilité

  1. L'établissement des coûts par comptabilité (ECC) est conçu pour calculer les coûts pertinents d'un exploitant précis en se fondant sur les données comptables historiques de cet exploitant. Des méthodes de répartition, notamment la comptabilité par activités, sont utilisées pour répartir les coûts directs, indirects et auxiliaires des produits et services offerts par cet exploitantNote de bas de page 80. Comme les méthodes d'ECC partent des coûts d'ensemble et répartissent chacun à une catégorie de coût, elles sont souvent appelées soit établissement des coûts intégralement distribués (CID), soit établissement des coûts intégralement répartis (CIR).
  2. L'ECC comporte deux grands avantages :
    1. Il s'agit de la forme traditionnelle de la méthode d'établissement des coûts utilisée dans l'industrie des télécommunications dans les années 1970 et 1980, notamment au Canada. On l'appelait alors établissement des coûts de la phase IIINote de bas de page 81. Elle était bien établie et comprise.
    2. Il tient intégralement compte des données comptables sur les coûts historiques réels de l'exploitant en question. Il garantit donc que l'exploitant recevra une compensation complète pour ses coûts.
  3. À la suite de l'arrivée de la concurrence dans le secteur, les organismes de réglementation, au Canada et dans les compétences étrangères, ont recensé un certain nombre de désavantages à l'ECC et l'ont graduellement remplacé par les méthodes de la phase IINote de bas de page 82 et de l'exploitant efficace et d'autres méthodes prospectives :
    1. L'ECC est moins susceptible d'entraîner une efficience allocative. La théorie économique préfère généralement la comptabilité analytique actuelle, par opposition à l'examen des coûts historiquesNote de bas de page 83, car les coûts actuels reflètent de manière plus exacte les coûts économiques sous-jacents de la prestation de l'accès de gros. Se fier à l'ECC introduit donc un risque important selon lequel les tarifs de gros pourraient s'éloigner de beaucoup des coûts économiques actuels. Cela aurait des effets négatifs sur l'efficience économique.
    2. L'ECC comporte un défi inhérent; il s'agit de l'asymétrie de l'information connexe qui risque d'entraîner d'autres déviations par rapport aux coûts économiques. Comme l'ECC repose sur les coûts précis d'un exploitant précis, cet exploitant connaîtra ses coûts bien mieux que l'organisme de réglementation et les autres participants du marché. Par conséquent, il sera à même de répartir les coûts de la manière qui lui semble la plus avantageuse.
  4. La théorie économique préfère généralement la comptabilité analytique actuelle, par opposition à une approche historique, pour établir les tarifsNote de bas de page 84. Il en est ainsi parce que la modélisation économique aborde plus directement le cœur du problème de l'établissement des tarifs en évaluant les coûts économiques sous-jacents de la prestation de l'accès de gros, plutôt que les coûts réels répartis et déterminés par un système comptable. Se fier à l'ECC introduit donc un risque important selon lequel les tarifs de gros pourraient s'éloigner de beaucoup des coûts économiques actuels. Cela aurait des effets négatifs sur l'efficience économique.

Conclusion sur l'établissement des coûts par comptabilité

Avantages
  • Il compense complètement les coûts du propriétaire de réseaux.
  • Il est bien établi et bien compris.
Désavantages
  • Comme les tarifs se fondent sur l'information de coût historique, l'ECC peut entraîner d'importantes déviations par rapport aux coûts économiques actuels et avoir des effets négatifs connexes sur l'efficience économique.

Négociation commerciale

  1. Pour qu'une approche de négociation commerciale à l'établissement des tarifs soit possible, chaque propriétaire de réseau et chaque concurrent de gros doit déterminer un tarif de gros. Il existe différents modèles de négociation. Certains peuvent exiger que les participants de l'industrie établissent pour eux-mêmes un tarif de gros. D'autres peuvent comporter une certaine forme de médiation, d'arbitrage ou encore d'autre surveillance ou participation réglementaire en cours de processus.
  2. Les deux principaux avantages de la négociation commerciale sont les suivants :
    1. Contrairement aux approches de coûts, la négociation commerciale n'oblige pas les parties à produire et à analyser d'importantes quantités d'informationNote de bas de page 85.
    2. Les négociations commerciales peuvent structurer les tarifs de gros d'une manière plus réactive aux changements de marché sous-jacents, par exemple, en précisant des tarifs qui réagissent à une variété de facteurs.
  3. La négociation commerciale présente aussi deux aspects négatifs :
    1. Rien ne garantit qu'un tarif de gros en découlant sera efficace d'un point de vue économique. Le prix pourrait même plutôt refléter la différence de pouvoir de négociation entre le propriétaire de réseau et le concurrent.
    2. Une approche fondée uniquement sur la négociation commerciale ne garantit pas que les propriétaires de réseaux et les concurrents de gros seront en mesure de trouver des modalités mutuelles sur lesquelles établir un contrat. Les propriétaires de réseaux ont des incitatifs évidents les poussant à conclure un contrat abaissant leurs profits en deçà du montant qu'ils gagneraient s'ils ne le signaient pas. Cela pourrait vouloir dire que les propriétaires de réseaux refuseraient de conclure une entente avec des concurrents de gros s'ils croyaient qu'un tel refus leur permettrait de dégager des profits plus importants en faisant concurrence uniquement à leur rival ou à leurs rivaux ayant des installations. Évidemment, cela irait à l'encontre de l'objectif de la réglementation de l'accès de gros, qui est de faciliter l'entrée pour accroître la concurrence.
  4. Il appert donc que toute approche d'établissement des tarifs fondée sur les négociations commerciales exige une certaine forme de garantie. En effet, il est difficile d'imaginer comment la négociation commerciale pourrait agir comme mécanisme d'établissement des tarifs pour la prestation de l'accès obligatoire au réseau de gros sans garantie.

Arbitrage de l'offre finale comme garantie de la négociation commerciale

  1. Selon les approches actuelles du CRTC en matière d'établissement des tarifs de gros, pour les télécommunications, les tarifs proposés font acte de garantie et les tarifs établis par négociation commerciale sont permis (p. ex. ententes hors tarif). Dans le contexte de la radiodiffusion, par contraste, l'arbitrage de l'offre finale (AOF) sert de garantie aux négociations commercialesNote de bas de page 86.
  2. Il est possible de se fier à l'AOF comme garantie permettant de recourir à la négociation commerciale pour établir les tarifs en vertu d'un accès obligatoire au réseau de gros. Cela comporte d'ailleurs deux grands avantages :
    1. Chaque partie est fortement incitée à proposer sa meilleure offre à l'arbitre, car, autrement, la proposition de l'autre partie pourrait sembler plus raisonnable à l'arbitre qui déterminera les tarifs de gros en fin de compte. Ainsi, l'AOF peut donner un résultat optimal du point de vue économiqueNote de bas de page 87.
    2. Chaque partie est en mesure de présenter son cas de la manière qu'elle juge la plus persuasive. Cela permet la coexistence de différentes approches méthodologiques.
  3. Dans ces circonstances, le recours à l'AOF comporte trois aspects négatifs :
    1. Les déterminations par AOF exigent que l'arbitre ait une grande expertise. Dans la version originale d'un arbitrage (sur les salaires, dans une ligue de baseball majeure), le rendement et la rémunération des joueurs comparables sont observables. L'arbitre peut donc évaluer le caractère raisonnable des offres concurrentesNote de bas de page 88. Dans le contexte réglementaire, même avec une expertise suffisante dans les domaines de l'économie, de la comptabilité, du génie et des lois, les asymétries de l'information pourraient remettre en question la capacité de l'arbitre d'évaluer les forfaits d'offres complexesNote de bas de page 89.
    2. Sans méthode clairement établie, la préparation des offres pour l'AOF peut comporter beaucoup d'incertitude et, pour les participants non propriétaires de réseaux, de grands désavantages liés à l'asymétrie de l'information.
    3. Comme l'AOF se fait séparément pour chaque négociation commerciale bilatérale, elle peut s'avérer extrêmement longue. Cela est particulièrement vrai vu les nombreux jumelages « propriétaire de réseau/concurrent de gros » qui existent pour chaque offre de gros obligatoire.
  4. La négociation commerciale garantie par l'AOF peut constituer une bonne façon de résoudre un différend d'établissement des tarifs, particulièrement lorsque le nombre de propriétaires de réseaux et les concurrents de gros sont peu nombreux et lorsqu'aucune méthode d'établissement des tarifs convenue n'a été déterminée.

Conclusion sur la négociation commerciale

Avantages
  • Elle exige possiblement moins d'information, comparativement aux méthodes d'établissement des coûts.
  • Les contrats peuvent être structurés de manière à permettre une mise en œuvre souple.
  • Elle incite à être raisonnable dans les négociations et les offres finales.
Désavantages
  • Il n'est pas garanti que les tarifs négociés seront économiquement efficaces; ils peuvent simplement représenter le pouvoir de négociation relatif des parties.
  • Rien ne garantit que le propriétaire de réseau et le concurrent de gros concluront un contrat sans garantie efficace, ce qui confère beaucoup d'importance au processus de garantie.
  • Il peut être difficile de trouver des médiateurs et arbitres efficaces pour soutenir le processus de négociation. Des connaissances approfondies sont nécessaires, et il existe des asymétries de l'information.

VII. Conclusion

  1. L'examen du Bureau permet de conclure qu'il n'existe pas de méthode parfaite d'établissement des tarifs de gros. Par exemple, bien que les méthodes de coûts s'ancrent solidement dans la théorie économique, elles peuvent être rigides et difficiles à mettre en œuvre. Or, cela augmente le risque qu'elles entraînent des tarifs aux antipodes de l'objectif d'une méthode bien spécifique.
  2. Cependant, dans son avis de consultation, le CRTC ne propose aucune méthode totalement inadéquate. Par exemple, bien qu'il soit moins certain que les approches de prix de détail minoré ou de négociation commerciale puissent atteindre des résultats qui maximisent l'efficacité économique, il pourrait être possible de compléter ces méthodes par des garanties et des références afin d'améliorer la confiance envers leurs résultats.
  3. Ces conclusions soulignent que les règles détaillées régissant la manière dont une méthode donnée sera mise en œuvre sont peut-être plus importantes que le cadre méthodologique. Le Bureau est prêt à soutenir la conception et l'élaboration de propositions plus détaillées, plus détaillées dans les étapes ultérieures de cette instance ou lors d'instances subséquentes au besoin.
  4. Pour cette instance, le représentant désigné du commissaire est :

    Greg Lang
    Directeur des dossiers spéciaux et conseiller stratégique
    Direction de la politique, de la planification et de la promotion

    Bureau de la concurrence
    15e étage, 50, rue Victoria
    Gatineau (Québec) K1A 0C9

    Greg.Lang@cb-bc.gc.ca

Annexe A : Comparateurs internationaux

Compétences comparées

  1. L'annexe de l'avis de consultation comprend une analyse des approches à l'établissement des tarifs utilisées pour des services de gros précis en Australie, dans l'Union européenne, en France, en Allemagne, au Royaume‑Uni et aux États‑UnisNote de bas de page 90.
  2. Au Canada, l'accès fixe est un environnement à deux plateformes caractérisé par une pénétration relativement élevée et l'utilisation de réseaux d'accès possédés et exploités par des entreprises de téléphonie et de câblodistribution de longue dateNote de bas de page 91. Le Canada se classe au 10e rang (ex aequo) parmi les 37 États membres de l'OCDE pour ce qui est de la pénétration de la large bande fixe et au 4e rang pour la part d'abonnés à la plateforme câblée.
  3. Les pays n'ont pas tous une structure similaire. De nombreuses compétences étrangères présentent des taux de pénétration et d'utilisation beaucoup plus faibles pour ce qui est des réseaux câblésNote de bas de page 92. Vu l'importante différence, ces pays pourraient ne pas se comparer fidèlement au Canada.
  4. Par conséquent, le Bureau a identifié un ensemble de compétences à deux plateformes comparables qui, comme le Canada :
    1. sont membres de l'OCDE;
    2. connaissent un niveau relativement élevé de développement dans le secteur des télécommunicationsNote de bas de page 93;
    3. démontrent de forts taux de participation des plateformes tant de téléphonie que de câblodistribution dans les services à large bande, tel indiqué par la proportion d'inscriptions à la large bande fixe fournie par les réseaux câblés.
  5. Plus particulièrement et pour générer un groupe gérable, le Bureau a identifié les États membres se trouvant à la fois dans la moitié supérieure des pourcentages de pénétration de la large bande de l'OCDE et dans le tiers supérieur des parts de large bande par câble.
  6. Les résultats de cette analyse, exposés au tableau A‑1, montrent qu'en plus du Canada, les États membres de l'OCDE qui respectent ces critères sont la Belgique, le Danemark, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal et les États-Unis. Le seuil précis de comparabilité entre ces pays pourrait faire l'objet d'un débat, mais le Bureau est d'avis que les comparaisons avec ces environnements de télécommunications à deux plateformes bien développés sont instructives.

    Tableau A-1 : Environnements de large bande à deux plateformes au sein de l'OCDE Note de bas de page 94
    État membre de l'OCDE Pénétration de la large bande fixe Part câblée de la
    large bande fixe
    Classement (moitié supérieure
    ombragée)
    Proportion (population,
    et non ménages)
    Classement (tiers supérieur
    ombragé)
    Part
    Suisse 1 46 % 15 28 %
    France 2 44 % 27 15 %
    Pays-Bas 3 43 % 7 47 %
    Danemark 3 43 % 11 34 %
    Norvège 5 42 % 15 28 %
    Allemagne 5 42 % 21 23 %
    Corée du Sud 5 42 % 27 15 %
    Belgique 8 40 % 5 52 %
    Royaume-Uni 8 40 % 23 20 %
    Canada 10 39 % 4 55 %
    Suède 10 39 % 24 17 %
    Islande 10 39 % 35 0 %
    Portugal 13 38 % 12 33 %
    Grèce 13 38 % 35 0 %
    Luxembourg 15 37 % 30 10 %
    Australie 16 35 % 22 21 %
    États-Unis 17 34 % 1 65 %
    Nouvelle-Zélande 17 34 % 32 4 %
    Hongrie 19 32 % 6 50 %
    Estonie 19 32 % 19 25 %
    Finlande 19 32 % 19 25 %
    Japon 19 32 % 24 17 %
    Espagne 19 32 % 26 16 %
    République tchèque 24 31 % 15 28 %
    Slovénie 25 30 % 14 29 %
    Irlande 25 30 % 18 26 %
    Autriche 27 28 % 10 35 %
    Israël 27 28 % 13 30 %
    Italie 27 28 % 35 0 %
    Lituanie 27 28 % 33 3 %
    Slovaquie 27 28 % 27 15 %
    Lettonie 32 27 % 33 3 %
    Pologne 33 20 % 8 41 %
    Chili 34 18 % 3 55 %
    Turquie 35 17 % 31 7 %
    Mexique 36 15 % 9 38 %
    Colombie 37 14 % 2 61 %

Services comparables pertinents

  1. Au Canada, l'accès fixe à la large bande de gros est obligatoire en fonction de deux combinaisons de caractéristiques d'architecture et de service :
    1. L'accès fixe de gros est obligatoire de manière groupée à ce qui est appelé « réseaux en place » dans ce mémoire. Pour les plateformes des grandes compagnies de téléphonie titulaires, « en place » signifie la ligne d'abonné numérique (LAN) sur paire de fils de cuivre torsadé et la LAN sur fibre jusqu'au nœud (FJAN). Pour les plateformes des grandes compagnies de câblodistribution titulaires, « en place » signifie un hybride fibre et câble coaxial. Le caractère « groupé » sur lequel l'accès fixe en place est obligatoire fait référence à des transferts vers des points d'interconnexion nationaux ou régionaux.
    2. L'accès fixe de gros est obligatoire de manière non groupée à ce qui est appelé « réseaux NGA » (ou réseaux tout en fibre) dans ce mémoire. Le caractère « non groupé » fait référence à des transferts vers des points d'interconnexion nationaux ou régionaux.
  2. L'accès fixe à la large bande de gros est obligatoire dans de nombreuses autres compétences, dont la majeure partie des environnements à deux plateformes et à une plateforme décrits ci-dessus. Par contre, le ou les produits précis ainsi obligatoires diffèrent d'un pays à l'autre, chacun ayant des caractéristiques géographiques et techniques uniques. Afin d'établir de vastes comparaisons entre les pays, pour déterminer quelles approches à l'établissement des tarifs de gros prévalent et connaître les recours connexes qui les accompagnent, il est nécessaire d'établir quels produits d'accès fixe à la large bande de gros obligatoires sont comparables.
  3. L'ORECE fait des rapports selon les bases de données sur la comptabilité réglementaire qu'il maintient à cette finNote de bas de page 95. Ces rapports cartographient les produits de gros régis offerts par les participants de l'ORECE aux groupes de produits, au sein des marchés de gros désignés par l'Union européenne, en 2014, comme ceux qui peuvent présenter des caractéristiques justifiant la réglementation ex anteNote de bas de page 96. Par exemple :
    • Marché 1 : Terminaison d'appel de gros, sur des réseaux individuels de téléphonie publique, à un endroit fixe
    • Marché 2 : Terminaison d'appel vocal de gros sur des réseaux mobiles individuels
    • Marché 3a) : Accès local de gros fourni à un lieu fixe
    • Marché 3b) : Accès central de gros fourni à un lieu fixe, pour des produits de marché de masse
    • Marché 4 : Accès de gros de qualité fourni à un lieu fixe
  4. Les produits à accès fixe à la large bande de gros au sein des compétences participantes de l'ORECE se trouvent dans les groupes de produits déterminés pour les marchés 3a), 3b) et 4. Le tableau A‑2 recense des groupes de produits et leurs descriptions; de plus, il indique s'ils ont été inclus comme produits comparables en fonction de ceci dans les tableaux 1 à 3 :

    Tableau A-2 : Services de comparaison dans les bases de données sur la comptabilité réglementaire de l'ORECE
    Nom du produitNote de bas de page 97 DescriptionNote de bas de page 98

    Équivalent tarifé canadien le plus près

    Inclure comme comparable pour l'accès haute vitesse de gros? Cartographie (Tableaux
    1 à 3)?
    Marché 3a) Accès local de gros fourni à un lieu fixe Accès haute vitesse de gros dégroupé    
    M3a_ULL Service de ligne locale dégroupée sur réseau en cuivre Telco : LAN en place.
    Câble : -
    Non.  
    M3a_SLU

    Sous-ligne locale dégroupée sur réseau en cuivre

    - Non.  
    M3a_SA Service d'accès partagé sur réseau en cuivre Telco : LAN en place.
    Câble : -
    Non.  
    M3a_fiberLLU Ligne locale en fibre dégroupée - Non.  
    M3a_VULA(FTTC)

    VULA sur fibre vers le réseau de boîtiers

    Telco : AHV de gros (FJAN).
    Câble : AHV de gros (AIT).
    Oui. En place.
    M3a_VULA(FTTH)

    VULA sur fibre vers le réseau maison

    Telco : FTTP (xPON).
    Câble : FTTP (RFoG/xPON).
    Oui. NGA.
    M3a_DF Fibre noire sur réseau d'accès - Non.  
    M3a_DA Accès aux conduits sur réseau d'accès Telco : tarifs des conduites de la structure de soutien
    Câble : -
    Non.  
    Marché 3b) Accès central de gros fourni à un lieu fixe, pour des produits de marché de masse Accès haute vitesse de gros groupé/dégroupéNote de bas de page 99    
    M3b_Acc_Leg Composant d'accès du service à haut débit sur réseau d'accès en cuivre (du bureau central jusqu'au local client) Telco : AHV de gros (LAN/FJAN).
    Câble : AHV de gros (AIT).
    Oui. En place.
    M3b_backhaul Composant de bande passante de raccordement du service à haut débit - Non.  
    Marché 4 Accès de gros de qualité fourni à un lieu fixe      
    M4_Active_Leg Segment de terminaison sur le réseau en cuivre en place Telco : AHV de gros (FJAN).
    Câble : AHV de gros (AIT).
    Oui. En place.
    M4_Active_NGA Segment de terminaison sur le réseau FTTx Telco : FTTP (xPON).
    Câble : FTTP (RFoG/xPON)
    Oui. NGA.
    M4_Passive Accès à l'infrastructure passive (fibre noire) - Non.  
  5. Le tableau A‑2 illustre comment, pour les compétences européennes, huit des 13 groupes de sous-marchés des marchés 3a), 3b) et 4 n'ont pas d'équivalent tarifé proche au Canada (p. ex. sous-ligne locale dégroupée) ou n'étaient pas des produits d'accès haute vitesse de gros sur le plan des données ou du réseau, par opposition au réseau physique de couche 1. Ces produits n'ont pas été inclus comme produits comparables dans les tableaux 1 à 3.
  6. Parmi les cinq sous-marchés restants :
    • Trois (VULA FTTC dégroupé, accès en place groupé et accès en place actif) sont cartographiés sur l'accès haute vitesse de gros en place et ont été inclus en tant que « réseaux en place » dans les tableaux 1 à 3;
    • Deux (VULA FTTH dégroupé et NGA actif) sont cartographiés sur l'accès haute vitesse de gros de prochaine génération et tout en fibre et ont été inclus en tant que « réseaux NGA » dans les tableaux 1 à 3.
  7. Les caractéristiques géographiques peuvent différer de beaucoup entre les fournisseurs et les compétences, rendant ainsi impossible toute comparaison directe.
  8. Finalement, nous remarquons qu'aucun règlement d'accès fixe à la large bande de gros ne semble exister aux États-Unis pour ce qui est des produits de « réseaux en place » et de « réseaux NGA » susmentionnés. Bien que les États-Unis aient obligé la ligne locale dégroupée et d'autres recours réglementaires en lien avec l'infrastructure du réseau téléphonique public commuté en place, ils ne les ont pas transférés de manière générale vers un accès au réseau fixe en mesure d'atteindre les cibles de service de base du CRTCNote de bas de page 100.

Annexe B : Résumé des conseils du Bureau

Résumé des conseils du Bureau
Méthode d'établissement des tarifs Avantages Désavantages
Qualités attribuables à chaque méthode de coûts
  • Elles sont plus susceptibles de maximiser l'efficience économique.
  • Le choix de la base de coûts est subjectif.
  • Il est difficile d'estimer les coûts de manière exacte.
  • Les tarifs en découlant ne s'adaptent pas de manière fluide aux changements du marché.
  • Elles créent des incitatifs à l'adoption d'un comportement d'exclusion.
Étape II – Établissement des coûts
  • Méthode propre au Canada élaborée au cours de plusieurs années d'utilisation.
  • Combinaison de l'approche de coûts et de certains coûts réels, ce qui représente un terrain d'entente entre la promotion de la concurrence et la compensation des propriétaires de réseaux.
  • Grands enjeux d'asymétrie de l'information; difficulté, pour les organismes de réglementation ou d'autres intervenants, de connaître les véritables coûts d'exploitation du réseau pertinent.
  • Mise en œuvre difficile et longue.
Prix de détail minoré
  • Les tarifs de prix de détail minoré peuvent être faciles à calculer et peuvent rapidement s'adapter aux changements de marché.
  • Il laisse peu de place à la compression des marges.
  • Les incitatifs à l'investissement des propriétaires de réseaux sont souvent préservés.
  • Si les propriétaires de réseaux dégagent une marge sur leurs coûts de gros, ils seront enclins à augmenter les prix.
  • Si le marché n'est pas suffisamment concurrentiel, le prix de référence de détail minoré peut se fonder sur un prix supraconcurrentiel.
  • Il peut être difficile de déterminer le prix de référence en présence d'une importante activité de réduction des prix et de groupage.
  • Il offre un mécanisme transparent permettant la coordination des prix.
Établissement des coûts – Exploitant efficace
  • Il y a moins d'enjeux d'asymétrie de l'information comparativement à d'autres approches de coûts.
  • Il offre un incitatif financier permettant aux exploitants inefficaces d'atteindre des efficiences productive et dynamique.
  • Une fois le modèle de l'exploitant efficace établi, sa mise à jour est raisonnablement facile.
  • La mise en œuvre initiale de la modélisation de l'exploitant efficace demande un effort considérable.
  • L'approche de l'exploitant efficace devra être adaptée aux réalités du marché au Canada (environnement à deux plateformes, concurrents régionaux, etc.).
Établissement des coûts par comptabilité
  • Il compense complètement les coûts du propriétaire de réseaux.
  • Il est bien établi et bien compris.
  • Comme les tarifs se fondent sur l'information de coût historique, l'ECC peut entraîner d'importantes déviations par rapport aux coûts économiques actuels et avoir des effets négatifs connexes sur l'efficience économique.
Négociation commerciale
  • Elle exige possiblement moins d'information, comparativement aux méthodes d'établissement des coûts.
  • Les contrats peuvent être structurés de manière à permettre une mise en œuvre souple.
  • Elle incite à être raisonnable dans les négociations et les offres finales.
  • Il n'est pas garanti que les tarifs négociés seront économiquement efficaces; ils peuvent simplement représenter le pouvoir de négociation relatif des parties.
  • Rien ne garantit que le propriétaire de réseau et le concurrent de gros concluront un contrat sans garantie efficace, ce qui confère beaucoup d'importance au processus de garantie.
  • Il peut être difficile de trouver des médiateurs et arbitres efficaces pour soutenir le processus de négociation. Des connaissances approfondies sont nécessaires, et il existe des asymétries de l'information.

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