Mémoire à l’intention du Comité de la concurrence de l’OCDE sur les programmes de conformité

Le 5 mai 2021

Sur cette page :

Sommaire

Le Bureau de la concurrence du Canada (« BCC ») offre depuis de nombreuses années des conseils aux communautés juridiques et au milieu des affaires sur les programmes de conformité à la Loi sur la concurrence. La version la plus récente de ses orientations a été publiée en 2015 et contient des exigences minimales, fondées sur des principes flexibles, afin de démontrer qu’un programme de conformité d’entreprise est crédible et efficace. Ces exigences sont établies pour soutenir la démarche du BCC concernant le crédit pour les programmes de conformité dont peuvent bénéficier les parties qui coopèrent dans le cadre du programme de clémence du Canada.

Les orientations du BCC soutiennent également la vision plus étendue de l’autorité en matière de conformité. Compte tenu du fait que la transformation vers le numérique s’accélère, les entreprises peuvent devoir faire face à des risques émergents ou changeants en matière de droit de la concurrence. Les principes contenus dans les directives du BCC sont suffisamment souples pour fournir une orientation significative aux entreprises, notamment en ce qui concerne leurs processus d’évaluation des risques et des programmes.

Les petites et moyennes entreprises (« PME ») canadiennes connaissent relativement peu le droit de la concurrence et leurs obligations en matière de conformité. Cette observation, ainsi que l’augmentation des activités de sensibilisation numériques et des événements virtuels au cours de la pandémie de COVID19, a fait en sorte de modifier la stratégie de promotion de la conformité du BCC de façon à l’orienter sur les ressources éducatives virtuelles expressément conçues pour les PME et les organisations qui les soutiennent, comme les chambres de commerce et les associations professionnelles. Au cours des derniers mois, le BCC a réalisé avec succès des formations virtuelles sur demande, des webinaires, des balados et des séances de formation en ligne afin de sensibiliser les PME à leurs obligations en matière de conformité. La promotion faite sur les médias sociaux et les partenariats avec le gouvernement et d’autres intervenants ont accru la portée de ces ressources.

Le BCC soutient la recherche en cours de l’OCDE sur la politique en matière de concurrence inclusive de tous les genres, ce qui comprend la conformité. Le BCC a pris des mesures préliminaires pour cibler certaines initiatives de sensibilisation et ressources éducatives en tenant compte des considérations de genre, de diversité et d’inclusion, et il a l’intention de continuer sur cette lancée à l’avenir.

Introduction

Le Bureau de la concurrence du Canada (« BCC ») est heureux de présenter ce mémoire dans le cadre de la table ronde sur les programmes de conformité en matière de concurrence. Le BCC est depuis longtemps un défenseur des mesures proactives de respect du droit de la concurrence par les entreprises. Depuis 1997, il publie des orientations de nature publique à l’intention des entreprises et de la communauté juridique concernant son approche à l’égard des programmes de conformité. Ces orientations ont évolué pour refléter les positions actuelles en matière de politiques d’application de la loi et pour s’adapter aux réalités commerciales et juridiques.

En 2015, le BCC a publié la version actuelle de son Bulletin sur les programmes de conformité d’entreprise (« Bulletin »). Ces orientations souples, fondées sur des principes, sont conçues pour définir les exigences minimales nécessaires à la réalisation d’un programme crédible et efficace de conformité à la Loi sur la concurrence. Au nombre des modifications clés du Bulletin se trouvent des conseils plus étendus sur la façon dont les entreprises peuvent évaluer leurs risques et une nouvelle section concernant l’évaluation de l’efficacité d’un programme existant. Les nouveaux éléments d’orientation donnent également des exemples concrets et des exemples de contenu pour un programme de conformité de base afin d’aider les entreprises à comprendre comment elles peuvent mettre en œuvre leurs contrôles en matière de conformité ou les renforcer.

En 2018, le BCC et le Service des poursuites pénales du Canada (« SPPC ») ont publié un Programme de clémence modifié incluant pour la première fois un crédit explicite pour un programme de conformité crédible et efficace. Si le BCC estime qu’un programme de conformité en place au moment où l’infraction a été commise était crédible et efficace et respectait la démarche définie dans le Bulletin, il considérera ce programme comme une circonstance atténuante lorsqu’il formulera sa recommandation sur la détermination de la peine au SPPC. Cette mesure a incité de façon concrète les entreprises à mettre en œuvre des contrôles efficaces à l’égard de la conformité en suivant les principes énoncés dans le Bulletin.

L’approche du Bureau en matière de conformité

Le BCC adopte une vision plus étendue de la conformité, en particulier dans un contexte d’accélération de la transformation numérique et compte tenu des risques associés au droit de la concurrence qui sont apparus pour les entreprises qui exercent leurs activités sur des marchés en constante évolution. En effet, les révisions de 2015 du Bulletin ont recadré l’introduction pour indiquer d’emblée que le Bureau « invite les entreprises à créer des programmes qui tiennent compte de leurs circonstances particulières ». Dans la section révisée du bulletin sur l’évaluation des risques, le Bureau conseille explicitement aux entreprises qu’elles « doivent être conscientes que les risques peuvent changer à mesure que leurs activités évoluent et que leurs programmes de conformité doivent être suffisamment souples pour pouvoir être adaptés. »

Dans le contexte des cartels, cela pourrait signifier que les entreprises qui élaborent ou utilisent des modèles d’établissement des prix selon des algorithmes doivent former de nouvelles catégories d’employés en matière de droit de la concurrence, comme des ingénieurs en conception logicielle. Cela peut également signifier que ces entreprises doivent modifier leurs processus et procédures afin de s’assurer que cet aspect de l’établissement des prix soit dûment contrôlé en termes de conformité. Ce ne sont là que quelques exemples des nouveaux aspects qui pourraient être pris en compte par les processus réguliers d’évaluation des risques et d’évaluation des programmes au sein d’un programme de conformité plus étendu.

Bien que, techniquement, le Bulletin se soit toujours étendu à l’ensemble du régime de droit de la concurrence dont le BCC assure et contrôle l’application, le contenu du bulletin a été mis à jour afin de couvrir de manière plus complète les infractions non liées aux cartelsNote de bas de page 1. Un programme de conformité crédible et efficace peut être pris en compte par le BCC dans sa décision de poursuivre une affaire au civil ou au criminel, lorsque les deux options sont possibles.

Bien entendu, de nombreuses entreprises peuvent ne pas être exposées à un risque juridique important lié à un comportement unilatéral si elles ne possèdent pas de pouvoir de marché. Cependant, comme les marchés dynamiques évoluent rapidement et que certains concurrents peuvent rapidement conquérir un marché qui est enclin à basculer, le droit de la concurrence doit être bien compris par tous les acteurs du marché. Ceci est particulièrement pertinent sur les marchés numériques où les concurrents peuvent passer d’une situation d’entreprise en démarrage à celle d’acteur dominant en un court laps de temps.

Le fil conducteur de tous les domaines concernés par les orientations en matière de conformité du BCC est que les entreprises doivent connaître les lois appliquées par le BCC, d’autant plus que les risques changent et se manifestent de plus en plus rapidement. Grâce à des orientations souples et à une approche globale, le BCC est bien placé pour promouvoir la conformité à l’égard de la Loi sur la concurrence et donner aux entreprises les renseignements dont elles ont besoin pour comprendre les règles et atténuer leurs risques.

Promouvoir la conformité par l’utilisation de la souplesse

En 20192020, le BCC a mené une recherche sur l’opinion publique (« ROP ») pour en savoir plus sur le niveau de connaissance et de compréhension des consommateurs, des entreprises, des décideurs et des responsables de la réglementation concernant ses activités. La ROP comportait des groupes de discussion et des enquêtes auprès de 1 500 participants à travers le Canada et a permis au BCC d’évaluer l’incidence de son travail sur leur comportement. La ROP a montré que, bien que les parties prenantes avaient une connaissance et une compréhension limitées à propos de notre organisation et de nos activités, certaines de leurs décisions ont été éclairées par notre travail de promotion, en particulier nos publications en ligne.

Les résultats de la ROP ont permis de cerner des lacunes et des possibilités concernant les activités de promotion de la conformité du BCC. Ils ont également montré que les PME étaient peu conscientes du travail du Bureau et des lois relatives à la concurrence qui les concernent. Il s’agit de types d’entreprises qui ne disposent généralement pas d’un avocat spécialisé en droit de la concurrence, interne ou externe. En général, les PME interrogées ont trouvé les ressources en ligne du BCC utiles. Étant donné que ces ressources peuvent, dans certains cas, constituer la principale ou l’unique source d’information des PME sur le droit de la concurrence et leurs obligations, elles sont particulièrement importantes pour promouvoir la conformité.

Simultanément, la pandémie de COVID19 a provoqué un changement fondamental, soit le passage à une sensibilisation en personne à la participation virtuelle dans tous les secteurs de l’économie. Pratiquement tous les événements en présentiel qui offrent normalement l’occasion de participer à des actions de sensibilisation ont été annulés, reportés ou transférés sur une plateforme virtuelle. De même, des formations et des réunions qui auraient normalement eu lieu en personne ont été annulées ou présentées en ligne.

Le BCC a déterminé que d’autres ressources en ligne étaient nécessaires afin de bien communiquer avec les Canadiens, en particulier avec des secteurs comme les PME, où l’on a constaté un manque de sensibilisation à la Loi sur la concurrence. Afin d’amplifier la portée de ses ressources, le BCC a cherché à collaborer avec des organisations qui soutiennent les entreprises, comme les chambres de commerce, les accélérateurs et incubateurs d’entreprises, et les associations professionnelles.

L’une de ces collaborations a précédé la pandémie et les conclusions de la ROP. Elle a démontré le potentiel de l’adoption d’approches novatrices en matière de sensibilisation et d’information. À l’automne 2019, le BCC a participé à un balado général sur la question de la concurrence destiné à une plateforme virtuelle de développement professionnel pour les comptables agréés canadiens, qui sont bien placés pour repérer les infractions éventuelles à la concurrence au sein d’une entreprise. Le balado a été consulté ou marqué d’un signet par plus de mille personnes dans les mois qui ont suivi sa diffusion. En tirant parti des exigences de formation annuelle de la profession comptable et de la facilité d’accès d’une plateforme virtuelle, les messages clés du BCC ont atteint un public plus vaste que celui des événements traditionnels en personne. Cela a permis de jeter les bases de l’utilisation de balados pour diffuser de l’information de sensibilisation, et le BCC est en train d’élaborer d’autres balados pour les PME, en particulier celles de l’économie numérique.

Le BCC a également établi des relations plus étroites avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux qui fournissent des services de première ligne aux entreprises et leur a dispensé une formation, par exemple en les guidant dans les programmes fédéraux de gestion des marchés publics, de subventions et de financement. Alors que le gouvernement canadien annonçait des mesures de relance liées à la pandémie, le BCC a vu la nécessité d’améliorer sa formation sur le truquage des offres destinée aux responsables des marchés publicsNote de bas de page 2. Afin de soutenir une approche proactive dans le nouvel environnement virtuel, le BCC a produit une vidéo de formation qui combine la narration vidéo par des agents officiels avec le contenu des diapositives qui seraient normalement présentées lors des séances de formation en personne. Le BCC s’est ensuite associé à un organisme à but non lucratif qui offre une formation aux responsables des achats à tous les niveaux de gouvernement au Canada pour distribuer la vidéo de formation sur demande et assurer le suivi à l’aide d’une séance de questions et réponses en direct.

Cette démarche s’est avérée fructueuse puisque la stratégie de formation en ligne en deux phases a attiré plus de participants qu’une séance de formation en personne habituelle. Cette approche de partenariat a également inspiré les initiatives de promotion de la conformité du BCC auprès des entreprises. Par exemple, le BCC a organisé une tournée de formation virtuelle à l’intention des équipes de conseillers d’autres organismes fédéraux offrant un soutien aux PME, dont bon nombre sont présents sur les marchés de l’économie numérique. L’objectif de cette formation était de fournir de l’information simple et générale sur les lois canadiennes en matière de concurrence, afin que ces conseillers puissent donner des conseils plus éclairés à leurs clients, ainsi que cerner et signaler les problèmes qui pourraient justifier une enquête plus approfondie ou des initiatives de promotion.

Outre une collaboration particulière lors d’événements virtuels ou la prestation de contenu, le BCC a cerné une occasion d’utiliser les médias sociaux pour diffuser des messages de base et promouvoir les ressources existantes. À divers moments de l’année, les PME font l’objet de campagnes de marketing et d’activités plus générales. Par exemple, la Semaine de la PME est une campagne canadienne annuelle appuyée par un certain nombre d’organisations publiques et privées de soutien aux entreprises. En planifiant une série de publication sur les médias sociaux pour coïncider avec cette campagne, le BCC a été en mesure d’accroître son engagement à l’égard de ses publications de promotion de la conformité par rapport au niveau moyen d’engagement pour ses activités sur les médias sociaux. D’ailleurs, certains de ces messages ont figuré parmi les contenus de médias sociaux les plus performants du BCC en 2020.

Les messages qui décrivent simplement les règles appliquées par le Bureau ont été particulièrement efficaces, ce qui démontre que le contenu de sensibilisation de base est un moyen efficace d’attirer l’attention, qui peut ensuite être dirigée vers des ressources existantes plus précises. Par exemple, les messages de sensibilisation diffusés sur les médias sociaux ont également servi à promouvoir une série de formations virtuelles sur la conformité lancée par le BCC à la fin l’année 2020. Alors que la première version portait sur les pratiques commerciales trompeuses, les prochaines versions comprendront un contenu en langage clair sur la collusion entre entreprises, le truquage des offres et l’abus de position dominante.

Les diverses initiatives entreprises pour soutenir la stratégie de promotion de la conformité du BCC continuent d’évoluer. Les résultats de la ROP ont orienté les efforts sur des activités de sensibilisation générales, soutenues par un contenu en termes simples qui permet à des publics comme les PME de saisir les éléments de base de leurs obligations de conformité. Grâce à ces connaissances de base, ils sont ensuite en mesure de comprendre les conseils techniques plus spécifiques que le BCC publie depuis de nombreuses années.

Soutenir la recherche sur les nouveaux enjeux de conformité

La BCC a pris des mesures pour intégrer l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) dans son travail. L’ACS+ est un processus analytique qui évalue les inégalités systémiques, y compris la façon dont divers groupes de personnes peuvent faire l’expérience des politiques, des programmes et des initiatives. Le processus vise à aider les fonctionnaires à poser des questions, à remettre en question les hypothèses et à déterminer les répercussions éventuelles de divers facteurs de diversité dans leur travail. L’ACS+ va audelà du genre pour inclure une variété de facteurs d’identité, y compris la race, l’orientation sexuelle et les handicaps. D’autres recherches et développements dans ce domaine éclaireront l’approche du Bureau en matière d’application de la loi, de promotion et de conformité.

Ce travail a maintenant dépassé les frontières du Canada. Le document Initial results from OECD research (résultats préliminaires d’une recherche de l’OCDE) indique que le sexe peut avoir une incidence sur le respect de la réglementation et que les hommes et les femmes semblent réagir différemment aux programmes de dénonciation. Cette recherche suggère que la présence de femmes dans les structures de gestion d’entreprise comme les conseils d’administration peut rendre une entreprise moins susceptible de s’engager dans un comportement anticoncurrentiel, comme la collusion.

Le BCC et le gouvernement du Canada soutiennent d’autres recherches de l’OCDE sur le thème de la politique de concurrence fondée sur l’inclusion des genres. Étant donné que les premiers résultats démontrent que le genre et la diversité peuvent avoir un impact à la fois sur les processus de conformité comme les programmes de dénonciation et sur la propension d’une entreprise à adopter un comportement anticoncurrentiel, les projets de recherche supplémentaires en cours présenteront un intérêt certain pour les autorités de la concurrence, qui évalueront de manière critique leurs orientations, et pour les entreprises, qui évalueront leurs risques et leurs propres protocoles de conformité.

Le BCC a pris des mesures préliminaires pour cibler les activités de promotion et de défense de la conformité en tenant compte des principes de genre, de diversité et d’inclusion. Par exemple, le BCC entreprend des actions de sensibilisation ciblées auprès des chambres de commerce et des organisations de soutien aux entreprises qui se concentrent sur les entrepreneurs et les propriétaires d’entreprises LGBT+, les minorités et autres groupes sousreprésentés en quête d’équité. Le BCC a également traduit certaines ressources éducatives dans des langues qui rendront le contenu plus accessible aux populations croissantes de nouveaux arrivants au Canada, comme l’espagnol, le chinois, le pendjabi, l’arabe et le tagalog.

Conclusion

La promotion de la conformité et la défense des intérêts sont une partie importante de la vision stratégique du BCC. À la lumière des résultats de la ROP qui ont révélé un manque de sensibilisation des PME aux lois sur la concurrence, les efforts de sensibilisation sont plus importants que jamais. De plus, les ressources sont de plus en plus consultées de manière virtuelle et le BCC prend des mesures pour adapter ses activités de promotion et de sensibilisation à cette réalité en évolution.

Au cours des derniers mois, le BCC a constaté que des messages simples, rédigés dans un langage clair, peuvent trouver un écho auprès des publics cibles. Malgré sa simplicité, le contenu de base peut être puissant, car il peut aider les entreprises à commencer à cerner leurs propres risques en matière de conformité et à prendre les mesures appropriées. Il peut s’agir d’obtenir un avis juridique, de consulter des orientations plus détaillées sur certains sujets ou de communiquer avec un organisme pour obtenir des renseignements complémentaires.

L’évaluation critique des nouvelles initiatives peut se révéler tout aussi importante que les initiatives ellesmêmes. Un processus d’évaluation périodique, qu’il soit officiel ou ponctuel, peut contribuer à optimiser l’utilisation de ressources limitées et à améliorer l’efficacité des campagnes de promotion et des ressources éducatives qui seront lancées ultérieurement.