Promotion et facilitation de prêts de la part de SAI auprès des débiteurs

Le

Question

Le Bureau du surintendant des faillites (BSF) est au fait de la pratique dans le marché des services-conseils en redressement financier d’encourager des débiteurs individuels (débiteurs) à contracter des prêts un peu avant, pendant ou immédiatement après une procédure d’insolvabilité. Le BSF a constaté que certains prêteurs proposent des prêts aux débiteurs pour verser le montant total des versements dus dans le cadre d’une proposition de consommateur, ainsi que des prêts censés améliorer leur cote de crédit. 

Le BSF est également au fait que certains syndics autorisés en insolvabilité (SAI) font la promotion de tels prêts ou facilitent ceux-ci. Parmi les activités de promotion et de facilitation, on trouve : faire des représentations auprès des débiteurs pour vanter les mérites des prêts sans discuter des inconvénients; diriger de façon systématique des débiteurs vers des prêteurs tiers spécifiques; aider les prêteurs à dénicher des clients en fournissant des renseignements sur les débiteurs; faire une présélection de candidats pour l’obtention de prêts pour le compte de prêteurs tiers; prendre des dispositions pour recevoir le montant du prêt directement du prêteur afin de satisfaire à une proposition de consommateur.

Position

Le BSF est d’avis que les SAI qui font la promotion ou la facilitation de tels prêts ne respectent pas le Code de déontologie des syndics (Code de déontologie) ni les rôles et les responsabilités des SAI aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) et des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité. En outre, de telles activités sont incompatibles avec les dispositions de la LFI qui appuient le réhabilitation des débiteurs et ont une incidence négative sur l’intégrité du système d’insolvabilité.

On ne devrait pas avoir à rappeler aux SAI la teneur et la portée de la Règle 49 qui s’applique aux scénarios en cause et stipule que le syndic ne verse, ni directement ni indirectement, de commission, de rémunération ou d’autre avantage à un tiers en vue d’exercer une activité professionnelle et il n’accepte, ni directement ni indirectement, le versement d’une commission par un tiers, d’une rémunération ou de tout autre avantage pour lui avoir confié un travail lié à une activité professionnelle.

Considérations

Le code de déontologie

Les SAI jouent un rôle essentiel dans le système d’insolvabilité canadien. Les SAI doivent exercer leurs fonctions avec honnêteté, intégrité et impartialité (articles 36 et 39 du Code de déontologie) et éviter les influences, les intérêts et les relations qui compromettent son jugement professionnel ou qui, aux yeux d’une personne avisée, donnent à croire qu’ils ont un tel effet (article 44 du Code de déontologie). Le fait de s’associer à un fournisseur de prêts pour offrir des produits d’emprunt à des débiteurs peut entraîner un conflit d’intérêts réel, perçu ou potentiel au regard des obligations professionnelles d’un SAI visant à équilibrer les intérêts des créanciers et des débiteurs, et peut être perçu comme pouvant nuire à l’impartialité du SAI .

Par ailleurs, l’utilisation de renseignements confidentiels recueillis dans le cadre de l’exercice de la profession de SAI , au bénéfice de ce dernier ou de celui d’un tiers est interdite (article 41 du Code de déontologie).

Effets sur le système d’insolvabilité

Le fait qu’un débiteur termine de payer une proposition de consommateur avant terme n’est pas en soi problématique. Par exemple, des paiements bonifiés ou un remboursement anticipé rendus possibles grâce à un bénéfice inattendu ou à un changement de circonstances qui améliore la capacité de payer du débiteur sont avantageux pour tous les intervenants. Toutefois, l’exécution intégrale d’une proposition de consommateur fondée uniquement sur la contraction d’une nouvelle dette peut être problématique. Ces prêts peuvent augmenter le coût total pour le débiteur, réduire le rendement pour les créanciers, prolonger la période de remboursement de la dette et entraver le réhabilitation financière du débiteur.

De la même façon, le fait qu’un débiteur cherche des produits d’emprunt pour améliorer sa cote de crédit vers la fin d’une procédure d’insolvabilité n’est pas en soi problématique. Par exemple, un débiteur peut décider d’utiliser ces produits d’emprunt de manière indépendante et de leur propre gré. Dans ces circonstances, les SAI devraient exposer pleinement les mérites et les inconvénients de chaque option aux débiteurs qui envisagent de tels prêts. De plus, les SAI ne devraient pas systématiquement faire la promotion et faciliter une entreprise ou produit particulier auprès des débiteurs.

Pratiques dans d’autres juridictions

Dans son Review of the monitoring and regulation of insolvency practitioners (en anglais seulement) de 2018, l’Insolvency Service du Royaume-Uni a relevé des pratiques liées aux « prêts pour une sortie plus rapide d’une procédure » auprès de personnes assujetties à un accord volontaire individuel en vigueur, une procédure qui s’apparente aux propositions de consommateur au Canada. De tels prêts sont proposés aux débiteurs pour les aider plus tard, et pour prétendument  améliorer leur cote de crédit. L’Insolvency Service n’a pas trouvé de preuves à l’appui de cette allégation. En réalité, il a constaté que les « prêts pour une sortie plus rapide d’une procédure » peuvent durer plus longtemps que l’accord volontaire individuel initial, coûter considérablement plus aux débiteurs et accroître le risque de conflit d’intérêts pour les praticiens en insolvabilité.

En outre, le Woolard Review de 2021 (en anglais seulement), commandé par la Financial Conduct Authority (FCA), a fourni des détails sur d’autres produits offerts aux débiteurs pour prétendument améliorer leur cote de crédit, appelés communément des produits « bâtisseurs de crédit » et « petits montants croissants ». Ces produits ont été considérés par nombre de groupes de défense des consommateurs du Royaume-Uni comme « controversés » et comme étant un possible « chemin vers l’endettement », d’après ce rapport. La FCA a été invitée à se pencher sur l’efficacité des produits « petits montants croissants » et restreindre, s’il y a lieu, l’utilisation de termes comme « bâtisseurs de crédit ».

Réhabilitation des débiteurs

Le système d’insolvabilité est conçu pour permettre aux personnes honnêtes, mais malchanceuses qui éprouvent des difficultés financières extrêmes d’être libérées de leurs dettes, moyennant certaines conditions, afin de bénéficier d’un « nouveau départ ». De nombreuses dispositions de la LFI favorisent également la réhabilitation des débiteurs et ont été mises en place pour aider les débiteurs à éviter de se retrouver à nouveau en situation d’insolvabilité.

Les SAI sont responsables du Programme de consultations en matière d’insolvabilité qui est un volet essentiel de la réhabilitation des débiteurs. Les consultations en matière d’insolvabilité aident les débiteurs et les renseignent sur la gestion financière, notamment l’utilisation prudente du crédit à la consommation et les principes d’établissement d’un budget, et les aident à élaborer des stratégies gagnantes pour atteindre des objectifs financiers et surmonter les revers financiers. L’idée que des SAI fassent la promotion ou facilitent des prêts aux débiteurs pour l’unique motif d’améliorer une cote de crédit, sans que les SAI n’exposent pleinement les inconvénients, entre également en conflit avec les principes sous-jacents soutenus par les SAI dans le cadre du Programme de consultations en matière d’insolvabilité.

Conclusion

Le BSF est d’avis que les SAI qui font la promotion ou la facilitation de prêts enfreignent la LFI et ses Règles. On s’attend à ce que les SAI cesse cette pratique, laquelle a une incidence négative sur la profession de SAI et l’intégrité du système d’insolvabilité. Le BSF continuera de surveiller la situation et prendra les mesures de conformité appropriées, y compris des enquêtes sur la conduite professionnelle, pour traiter des cas de non-conformité.