Renforcer la transparence de la propriété effective des sociétés au Canada

Février 2020

Table des matières

Document de consultation : Renforcer la transparence de la propriété effective des sociétés au Canada

1. Aperçu

La grande majorité des sociétés au Canada respectent les lois et contribuent de façon positive à l'économie. Ils sont soutenus dans leurs efforts par un solide cadre de gouvernance d'entreprise qui accorde la priorité à la facilité de faire des affairesNote de bas de page 1, à la promotion de l'investissement, à la croissance économique et à l'efficacité du marché. En dépit de ce régime complet, certaines de ses caractéristiques rendent les sociétés vulnérables à l'exploitation par certains mauvais acteurs cherchant à dissimuler la propriété et le contrôle des sociétés à des fins illicites, y compris le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et l'évasion fiscale.

De récents examens et événements internationaux et nationaux ont mis en évidence la manière dont une plus grande transparence quant à la propriété et au contrôle des sociétés (c'est-à-dire, les bénéficiaires effectifs) pourrait renforcer les efforts d'application de la loi pour contrer l'utilisation abusive des véhicules de la société. Par exemple, les fuites des Panama Papers et des Bahamas de 2016 et la publication des documents Paradise Papers de 2017 ont mis en évidence l'ampleur et la facilité d'utilisation des sociétés et d'autres entités juridiques pour éluder ou éviter l'impôt et faciliter les activités criminelles comme le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et la corruption. Les sociétés ne devraient pas être utilisées pour des activités illégales, et les Canadiens ne devraient pas avoir à payer pour les conséquences économiques et autres conséquences découlant de leur mauvaise utilisation.

Le gouvernement du Canada sollicite les points de vue des Canadiens, des experts et des autres parties sur la manière de rendre l'information sur la propriété effective plus transparente en établissant un registre public (ou des registres publics) des renseignements sur la propriété effective des sociétés privées. Cette consultation vise à examiner comment l'accroissement de la transparence des sociétés au moyen d'un registre public pourrait permettre au Canada de lutter plus efficacement contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et l'évasion fiscale ou l'évitement fiscal, tout en équilibrant les problèmes de confidentialité et en maintenant sa réputation d'endroit attrayant pour investir et faire des affaires.

1.1 Contexte de la présente consultation

La gouvernance d'entreprise au Canada est un domaine de responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. En décembre 2017, les ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux ont convenu en principe d'apporter des modifications législatives à leurs lois respectives sur les sociétés afin d'exiger que toutes les sociétés relevant de leur compétence maintiennent des données exactes et à jour sur la propriété effective qui seraient mis à la disposition des organismes d'application de la loi, des administrations fiscales et d'autres autorités compétentes.

À l'automne 2018, le gouvernement du Canada a modifié la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) pour exiger que les sociétés privées constituées sous le régime fédéral créent et tiennent à jour un registre contenant certains renseignements sur les « particuliers ayant un contrôle important » (PCI). En 2019, afin d'améliorer la disponibilité de renseignements sur la propriété effective pour certaines administrations, la LCSA a été modifiée de façon à exiger que ces mêmes sociétés mettent leurs registres de PCI à la disposition de certains organismes d'enquête sur demande (sous réserve de certaines conditions). La Colombie-Britannique et le Manitoba ont adopté une loi semblable pour améliorer la disponibilité des renseignements sur la propriété effective dans leur province, et l'Assemblée législative de la Saskatchewan a récemment présenté son propre projet de loi sur la propriété effective. Les autres provinces et territoires continuent de travailler à la mise en œuvre de leurs propres mesures.

Puis, en juin 2019, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux participant à une réunion conjointe spéciale sur la lutte contre le blanchiment d'argent ont réaffirmé leur engagement à agir sur la transparence de la propriété effective. Ils ont convenu de coopérer pour lancer des consultations afin d'examiner comment rendre l'information sur la propriété effective plus transparente grâce à des initiatives telles que l'harmonisation de l'accès au moyen de registres publics pour lutter contre les crimes financiers tout en priorisant la compétitivité des entreprises, la protection des renseignements personnels et le respect des compétencesNote de bas de page 2.

Le Canada n'est pas le seul pays à lutter contre l'utilisation illégale de sociétés à des fins illicites; plusieurs pays ont ajouté des exigences en matière de transparence qui obligent leurs sociétés à recueillir et à enregistrer leurs renseignements sur la propriété effective, mais aussi à transmettre une partie ou la totalité de ces renseignements à un registre centralNote de bas de page 3, accessible aux autorités compétentes. De plus, certains pays rendent accessibles au public les renseignements sur la propriété effective contenus dans ces registres (c'est-à-dire, un registre public ou des registres publics).

Le but premier du modèle de registre central est de veiller à ce que les autorités aient un accès immédiat à des information exactes sur les entreprises qui se constituent en société dans un pays donné, permettant des enquêtes plus rapides sur les affaires nationales et internationales mettant en cause des sociétés, tout en réduisant au minimum le risque d'alerter les parties au cours d'une enquête. Si un registre est public, il pourrait aussi permettre à des tiers, comme la société civile, d'examiner les données et de signaler les écarts potentiels, contribuant ainsi à la qualité des données. Les registres publics pourraient également être utilisés par les entreprises financières et non financières pour faire preuve de diligence raisonnable à l'égard de la clientèle (comme l'exige la législation de nombreux pays contre le blanchiment d'argent, y compris au Canada) et favoriser un climat d'investissement plus ouvert. À l'inverse, la création d'un registre public pourrait aussi présenter des risques pour l'utilisation et l'utilisation abusive des renseignements liés à l'identité.

Au Canada, les questions et les considérations pertinentes concernant l'établissement d'un registre public de propriété effective ont fait l'objet d'un examen récent. Dans son examen de 2018 du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a recommandé, entre autres, que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires à la création d'un registre pancanadien de la propriété effective pour toutes les personnes morales et entités, accessible spécifiquement aux autorités compétentes et aux entités déclarantes qui ont des obligations de diligence raisonnable envers la clientèleNote de bas de page 4.

2. Consultation

2.1 But de la consultation

Dans le cadre de cette consultation, les gouvernements s'efforcent de s'appuyer sur les mesures déjà mises en place pour assurer le suivi de la propriété effective des sociétés canadiennes. L'objectif global est de recueillir des commentaires sur les mesures possibles pour accroître davantage la transparence de la propriété effective au moyen d'un registre public (ou de registres publics) afin de réduire l'utilisation abusive des sociétés par des personnes pour cacher ou blanchir des capitaux, ou éviter ou éluder l'impôt, et ce, sans dissuader la grande majorité des bons citoyens de mener leurs activités courantes, ce qui représente le fondement d'une économie canadienne prospère.

Le gouvernement du Canada publie ce document de consultation afin d'entendre le point de vue des Canadiens sur l'adoption éventuelle d'un registre public de la propriété effective, qui — comme nous le verrons ci-dessous — pourrait prendre l'une des formes suivantes à l'aide de niveaux d'accessibilité variables. Vos mémoires nous aideront à évaluer ce qui suit :

  • le Canada devrait-il établir un registre public (ou des registres publics) de renseignements sur la propriété effective;
  • les moyens possibles d'atténuer les coûts de conformité pour les sociétés;
  • la meilleure manière de protéger la vie privée des renseignements personnels tout en permettant l'accès aux renseignements sur la propriété effective;
  • les options de collecte, de stockage, de communication et de modalités d'utilisation des renseignements sur la propriété effective;
  • les facteurs de vérification et de surveillance;
  • les répercussions possibles sur l'investissement, la croissance économique et la concurrence, entre autres facteurs.

En reconnaissant que le droit des sociétés est une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, notre objectif est de faire progresser une réponse coordonnée à l'échelle nationale qui renforce la transparence des entreprises, tout en respectant nos pouvoirs constitutionnels à l'égard des sociétés.

2.2 Processus de consultation

Les parties sont invitées à présenter leurs commentaires écrits sur le document de consultation d'ici le 30 avril 2020.

Les commentaires écrits peuvent être transmis par courriel à :

ic.beneficial.ownership-propriete.effective.ic@canada.ca

Les commentaires peuvent également être transmis par la poste à l'adresse suivante :

Consultation sur la transparence de la propriété effective
Innovation, Sciences et Développement économique Canada
Édifice C.D.-Howe
235, rue Queen, salle 1043A
Ottawa (Ontario) K1A 0H5

Sous réserve des considérations ci-dessous, Innovation, Sciences et Développement économique Canada et le ministère des Finances Canada ont l'intention de rendre publiques toutes les réponses des parties reçues et/ou peuvent fournir des résumés des mémoires des parties. Par conséquent, nous demandons aux parties qui soumettent des commentaires d'indiquer clairement le nom de la personne ou de l'organisation qu'il conviendra, le cas échéant, de considérer comme source des commentaires en question. Il serait préférable que les mémoires soient transmis par voie électronique en format PDF ou en texte clair afin de faciliter leur affichage en ligne.

Afin d'assurer le respect de la vie privée et la confidentialité, nous vous demandons, lorsque vous présentez vos observations, de nous indiquer si :

  • vous consentez à la communication de votre mémoire en tout ou en partie;
  • vous demandez que votre identité et tout élément permettant de vous identifier soient retirés avant la publication;
  • vous souhaitez qu'une partie de votre mémoire soit conservée en toute confidentialité (dans ce cas, indiquez clairement les parties confidentielles).

Les renseignements obtenus tout au long de ce processus de présentation de mémoires sont assujettis à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Si vous exprimez le désir que votre mémoire ou une partie de celui-ci soit considérée comme confidentielle, le gouvernement fera tout effort raisonnable pour protéger ces renseignements.

Le gouvernement sera responsable de la gestion des mémoires et des demandes faites en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

3. Introduction

3.1 Aperçu de l'enjeu

Les acteurs illicites utilisent divers moyens pour tenter de masquer leurs renseignements sur la propriété effective, y compris au moyen de sociétés fictives, de structures de propriété complexes, d'administrateurs et de prête-noms, de fiducies, d'actions au porteur et d'autres arrangements juridiques. Ces moyens transcendent souvent les frontières internationales, brouillent les pistes d'audit et empêchent les forces de l'ordre et les autorités compétentes d'obtenir les renseignements nécessaires pour enquêter sur les activités illégales.

Les bénéficiaires effectifs sont les personnes physiques qui, par des moyens directs ou indirects, ont la propriété ultime ou exercent un contrôle sur la sociétéNote de bas de page 5. Ils sont distincts des propriétaires juridiques, qui peuvent être soit une personne physique, soit une autre personne morale (comme une autre société ou une fiducie). La propriété effective peut être définie en fonction de l'intérêt de la propriété (par exemple, détenir directement ou indirectement plus qu'un certain pourcentage d'une société, par exemple, 25 %) ou au moyen de postes occupés au sein de la personne morale (donner à cette personne le contrôle sur les décisions stratégiques et exécutives) ou par d'autres moyens. Les bénéficiaires effectifs comprennent également les personnes physiques qui appuient les prête-noms, c'est-à-dire les personnes qui agissent à titre de propriétaires enregistrés d'actions d'une société ou qui occupent un poste de direction au nom d'un bénéficiaire effectif.

À l'échelle fédérale, la LCSA aborde actuellement ce défi en exigeant que certaines sociétés recueillent des renseignements sur les « particuliers ayant un contrôle significatif ». La loi définit ces personnes comme étant toute personne détenant ou contrôlant directement ou indirectement un nombre important d'actions d'une société (c'est-à-dire, 25 % des droits de vote ou de la juste valeur marchande des actions en circulation), ou qui a une influence directe ou indirecte qui, si elle était exercée, entraînerait le contrôle de fait de la société, entre autres circonstances. Ces exigences sont conformes aux normes internationales régissant la définition de la propriété effective, y compris celles établies par le Groupe d'action financière (GAFI).

La disponibilité de données opportunes et exactes sur les bénéficiaires effectifs des entreprises est essentielle pour permettre aux organismes d'application de la loi, aux administrations fiscales et aux autres autorités compétentes d'identifier les personnes physiques susceptibles d'être impliquées dans des activités suspectes. Si ces organismes ne peuvent pas obtenir ces renseignements (qu'ils proviennent des institutions financières, des registres des sociétés ou des dossiers des actionnaires d'une société), leurs efforts pour « suivre l'argent » dans les enquêtes ou les audits financiers impliquant des sociétés deviennent beaucoup plus difficiles.

Permettre aux particuliers la souplesse dont ils ont besoin pour investir dans de nouvelles entreprises, attirer des capitaux d'investissement et pénétrer de nouveaux marchés par l'entremise de sociétés légitimes renforce la compétitivité du Canada en tant qu'endroit où faire des affaires et contribue directement à la croissance de l'économie canadienne. Il y a des raisons justifiables pour lesquelles les investisseurs peuvent choisir de garder leurs placements confidentiels; toutefois, il faut tenir compte du fait que certains malfaiteurs exploitent les structures d'entreprise pour dissimuler leur identité et l'objectif véritable d'un compte ou d'un bien, ou les sources ou l'utilisation de fonds et de biens liés à une certaine entreprise.

3.2 Comment les entités juridiques peuvent être mal utilisées au Canada

Dans l'évaluation nationale des risques inhérents (ERIN) de 2015 du Canada, on a évalué les risques inhérents du pays en matière de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes et on a jugé que les vulnérabilités du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (régime de LRPC/FAT) des entités juridiques étaient « très élevées », étant donné la facilité relative avec laquelle la propriété effective peut être dissimulée. La vulnérabilité des entreprises est étroitement liée à la forte menace de blanchiment d'argent que représentent le crime organisé et le blanchiment d'argent professionnelNote de bas de page 6. Des sociétés privées créées dans les administrations canadiennes ont participé à des enquêtes sur l'application de la loi au pays et à l'étranger avec le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). 70 p. 100 des cas de blanchiment d'argent et 50 p. 100 des cas de financement d'activités terroristes concernaient des personnes morales. Parmi les exemples de ces cas, mentionnons le recours à des personnes morales pour acheter des biens immobiliers et d'autres biens, le blanchiment de produits de la criminalité par l'entremise de sociétés fictives au Canada, les fonds étant versés à des administrations étrangères, et le recours à des sociétés de façade pour superposer et légitimer des sources de revenus inexpliquées, les amalgamant et les masquant comme des profits d'entreprises légitimesNote de bas de page 7.

Pour éclairer les enquêtes, les organismes canadiens d'application de la loi, les administrations fiscales et autres administrations utilisent abondamment les registres des sociétés, que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux tiennent à jour pour toutes les entreprises qui se constituent en société dans leur administration respective. Bien que les données consignées dans ces registres varient selon l'administration, elles peuvent comprendre le nom, l'état civil, l'adresse enregistrée, le nom et l'adresse des administrateurs de l'entité, ainsi que les personnes qui possèdent un certain pourcentage des actions en circulation (dans certaines provinces). Toutefois, ces registres n'enregistrent pas les bénéficiaires effectifs des entreprises, ce qui peut compliquer la compréhension efficace de la propriété et du contrôle des sociétés canadiennes. L'Association canadienne des chefs de police, qui a exprimé des préoccupations au sujet de la rapidité et de la disponibilité de ces renseignements clés, a ouvertement demandé la création d'un tel registreNote de bas de page 8.

3.3 Risques pour les Canadiens

Les sociétés canadiennes risquent d'être utilisées pour faciliter des crimes comme le blanchiment d'argent et ses infractions sous-jacentes, le financement des activités terroristes et l'évasion fiscale. Si rien n'est fait, l'exploitation continue de ces entités se traduira par des gains pour les criminels, des pertes financières pour l'économie légitime et de graves coûts sociaux qui se font sentir à tous les ordres de gouvernement, au-delà de ceux qui sont associés aux régimes fiscaux, à l'application de la loi et à la justice pénale. Tel que l'ont souligné les Panama Papers et d'autres fuites d'information sur les activités à l'étranger, les flux financiers illicites à grande échelle peuvent miner la confiance du public envers les institutions et les programmes du gouvernement, comme les processus de réglementation des entreprises et des sociétés et les programmes fiscaux. L'exploitation d'entités juridiques peut aussi nuire à la réputation du Canada comme destination d'investissements, ainsi qu'à la crédibilité des entreprises canadiennes respectueuses des lois.

Comme nous le verrons plus loin : comme le Canada, nos homologues internationaux continuent de prendre des mesures pour renforcer leurs régimes de transparence des entreprises, y compris de nombreux pays du G20 et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui ont pris des mesures pour renforcer les cadres de transparence de la propriété effective au cours des dernières années.

En prenant des mesures pour assurer la transparence des entreprises, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux

peuvent :

  • préserver la réputation du Canada comme lieu d'affaires de calibre mondial, honnête et transparent;
  • empêcher les malfaiteurs d'utiliser abusivement les cadres juridiques pour dissimuler ou légitimer les activités illicites;
  • appuyer la bonne gouvernance des sociétés en améliorant la transparence sur la façon dont la propriété et le contrôle des sociétés sont exercés et en identifiant ceux qui les détiennent et les contrôlent;
  • assurer la croissance de l'économie canadienne légitime tout en prévenant la croissance de l'économie illicite;
  • lutter contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme, l'évasion fiscale ou l'évitement fiscal et d'autres activités illicites;
  • améliorer la mise en œuvre par le Canada de normes et de pratiques exemplaires internationales.

4. Propriété effective dans le contexte canadien

L'obligation de déclarer la propriété effective n'est pas nouvelle pour de nombreuses sociétés canadiennes. Des exigences en matière de déclaration existent depuis des années pour certaines sociétés dans des circonstances précises.

4.1 Exigences relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes

Depuis 2014, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) oblige les institutions financières, les courtiers en valeurs mobilières, les sociétés d'assurance-vie et les entreprises de transfert de fonds à recueillir des renseignements sur la propriétéNote de bas de page 9 effective auprès de leurs clients, à prendre des mesures raisonnables pour confirmer l'exactitude des renseignements recueillis et à tenir l'information à jour grâce à une surveillance continue. Si ces entreprises ne peuvent obtenir ces renseignements, elles doivent plutôt prendre des mesures raisonnables pour vérifier l'identité du cadre supérieur de la société et traiter les activités de cette entité comme étant à risque élevéNote de bas de page 10. Bien que ces mesures permettent de recueillir des renseignements sur la propriété effective auprès des sociétés, les institutions financières ont noté des difficultés à respecter ces exigences en pratique en raison du manque de sources fiables pour corroborer les données fournies par les sociétés.

4.2 Exigences en matière de déclaration fiscale

L'Agence du revenu du Canada (ARC) recueille également des renseignements sur les entités juridiques en vertu des exigences générales en matière de production, comme le fait de savoir si une société est liée à une autre société ou si elle y est associée, et tous les actionnaires qui possèdent 10 % ou plus des actions (bien qu'il puisse s'agir d'autres personnes morales plutôt que de bénéficiaires effectifs)Note de bas de page 11. De plus, les institutions financières canadiennes doivent faire rapport à l'ARC sur certains comptes financiers qu'elles tiennent à jour pour les non-résidents du Canada, conformément à la Norme de déclaration commune (NDC) et à la La Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) aux États-Unis. Les institutions financières doivent également fournir des renseignements identificateurs sur les personnes non-résidentes qui contrôlent certaines sociétés qui tirent au moins 50 % de leur revenu brut de leurs placements ou de leurs opérations dans des actifs financiers ou lorsqu'il s'agit d'une entité de placement résidant dans un pays qui n'est pas assujetti à la NDC.

4.3 Exigences relatives aux valeurs mobilières

En vertu des dispositions de la législation canadienne sur les valeurs mobilières relatives aux alertes précoces et à l'offre publique d'achat, chaque acquéreur (personne) qui acquiert la propriété, le contrôle ou la direction, les titres avec droit de vote ou d'actions de 10 % ou plus des titres en circulation dans un émetteur assujetti doivent divulguer rapidement leur nom et adresse, le nombre d'actions, le pourcentage de propriété, entre autres détails sur l'opération. Ces exigences de déclaration s'appliquent également aux augmentations de propriété, de contrôle ou de direction de 2 % ou plus des titres en circulationNote de bas de page 12. Bien qu'elles aient été entreprises dans le but précis de promouvoir la transparence sur les marchés financiers canadiens, ces exigences illustrent comment, compte tenu de l'intérêt du public, la divulgation des renseignements sur les actionnaires peut être nécessaire pour prévenir l'utilisation abusive d'entités juridiques.

4.4 Exigences du droit des sociétés pour recueillir les renseignements sur la propriété effective

Le droit des sociétés est un domaine de responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les sociétés ayant la possibilité de se constituer en société à l'échelle fédérale, provinciale ou territorialeNote de bas de page 13. Bien que des exigences en matière de déclaration de l'information de la société soient en place dans l'ensemble de ces gouvernements, il y a des différences entre les administrations en ce qui concerne les exigences liées à la collecte, à la divulgation et à l'accès à cette information. En général, les registres d'entreprise existants n'ont pas toujours eu une fonction de vérification active, et il y a peu de moyens et de ressources en place pour veiller à ce que l'information recueillie soit exacte et à jour. En vertu du droit des sociétés dans la plupart des administrations canadiennes, les entités sont tenues de détenir des renseignements sur les actionnaires et les administrateurs, dont certains sont fournis aux registres des sociétés et rendus publics en ligne ou sur demande. Toutefois, à l'exception de sociétés constituées en sociétés privées sous le régime fédéral ou en vertu d'une loi de la Colombie-Britannique et du Manitoba, aucune exigence n'a été mise en place à ce jour pour recueillir ou vérifier des renseignements sur la propriété effective dans la majorité des provinces et des territoires.

5. La propriété effective dans le contexte international

5.1 Engagements mondiaux pour améliorer la transparence des entreprises

Plus récemment, on s'est aussi intéressé au recours à des sociétés de façade pour échapper aux sanctions internationales et pour financer la prolifération des marchandises dangereuses, ce qui a donné lieu à une concentration internationale accrue et soutenue sur l'importance de la transparence de la propriété des entreprises. Étant donné que les activités commerciales, financières et criminelles sont de plus en plus transnationales, la nécessité d'une coopération et d'une coordination internationales en réponse à ces problèmes continue de croître.

Le GAFI, l'organe mondial de normalisation dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, a établi des normes pour empêcher l'utilisation d'entités juridiques à des fins criminelles, notamment en mettant des renseignements sur la propriété effective des sociétés et des fiducies à la disposition des autorités compétentes, y compris les organismes d'application de la loi et les administrations fiscales. En tant que membre fondateur du GAFI, le Canada s'est engagé à s'harmoniser avec ces normes mondiales.

Plus précisément, les normes du GAFI prévoient que tous les pays devraient veiller à ce que les autorités compétentes disposent de renseignements « adéquats, exacts et en temps voulu » sur la propriété effective et le contrôle des personnes moralesNote de bas de page 14. Enfin, les pays devraient envisager des mesures pour faciliter l'accès aux renseignements sur la propriété effective par des entités du secteur privé ayant des obligations de diligence raisonnable de la part des clients pour vérifier la propriété. Pour mettre en œuvre cette exigence, les membres du GAFI pourraient exiger que les responsables des entreprises ou des registres des entreprises obtiennent et conservent des renseignements exacts et à jour sur la propriété effective, exiger des entreprises qu'elles prennent des mesures raisonnables pour obtenir et retenir des renseignements à jour, ou qu'ils utilisent une combinaison de renseignements obtenus d'institutions financières, de fournisseurs de services professionnels, d'administrations fiscales et de réglementation et de sociétés cotées en bourse.

Conformément aux normes du GAFI, les registres de propriété effective accessibles au public sont une option que certains pays ont mise en place pour régler le problème de la mise à la disposition de cette information par les administrations compétentes.

5.2 Efforts internationaux pour renforcer la propriété effective

Alors que la transparence des entreprises continue de retenir l'attention du monde, certains pays ont pris des mesures pour créer leurs propres registres de propriété effective. Le Royaume-Uni a été le premier pays à établir un registre public indépendant de la propriété effective pour les sociétés privées en 2016, fondé sur le concept de personnes ayant un contrôle important (PCI). Le Parlement britannique a également approuvé en 2018 un projet de loi exigeant que les territoires britanniques d'outre-mer (par exemple, les îles Caïmans et les îles Vierges britanniques) établissent des registres publics de propriété effective d'ici 2020.

La quatrième directive visant à répondre à la menace que représente le blanchiment des capitaux de l'Union européenne (mai 2015) a appelé les membres à exiger des sociétés qu'elles détiennent des informations sur leurs bénéficiaires effectifs et qu'elles les déclarent dans un registre central. La cinquième directive visant à répondre à la menace que représente le blanchiment des capitaux de l'Union européenne (juillet 2018) a par la suite étendu l'exigence d'un registre central, exigeant que ces registres soient accessibles au public et interconnectés les uns avec les autres d'ici le début de 2020. Tous les États membres de l'UE ont depuis mis en place des registres centraux conformément à la quatrième directive, mais, à ce jour, seuls quelques-uns (dont le Royaume-Uni, le Danemark et la Slovaquie) ont pleinement mis en œuvre l'engagement de rendre ces registres publics.

Il est important de comprendre les expériences internationales pour déterminer si le modèle du registre public central est la bonne approche pour le Canada. Le Canada peut également apprendre de ses partenaires comment gérer les défis probables liés à la mise en œuvre (par exemple, vérifier les données, les interconnexions avec d'autres registres, déterminer si certains renseignements ne devraient pas être divulgués au public). Le registre de la Companies House du R.-U., l'un des plus importants exemples de registre public de propriété effective, fait l'objet d'un examen en détail dans l'annexe.

6. Étudier la manière de rendre l'information sur la propriété effective plus transparente

Les ministres responsables de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et la propriété effective se sont réunis le 13 juin 2019 à Vancouver pour discuter des moyens de coordonner une stratégie nationale de lutte contre le blanchiment d'argent. Lors de cette réunion, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont réaffirmé leur engagement à protéger l'intégrité de l'économie canadienne en améliorant la transparence de la propriété effective. À cette fin, les gouvernements ont convenu de collaborer pour lancer des consultations visant à rendre l'information sur la propriété effective plus transparente grâce à des initiatives telles que l'harmonisation de l'accès au moyen de registres publics, tout en respectant les compétences des sociétésNote de bas de page 15.

En s'appuyant sur la déclaration publique de juin 2019, le gouvernement propose aux parties de se poser des questions sur quatre thèmes généraux, soit 1) déterminer si le Canada devrait établir un registre public (ou des registres publics) de la propriété effective pour améliorer la transparence; 2) déterminer les caractéristiques qui rendraient efficace un registre public (ou des registres publics); 3) déterminer s'il devrait y avoir des limites à la divulgation publique de renseignements sur la propriété effective; 4) autres considérations entourant la création d'un registre public (ou des registres publics). Les parties sont invitées à soulever toute autre question qui pourrait aider à cette consultation.

6.1 Le Canada devrait-il établir un registre public (ou des registres publics) de la propriété effective?

Avantages éventuels d'un registre public

Rendre les renseignements sur la propriété effective des sociétés accessibles au moyen d'un registre public (ou de registres publics) pourrait soutenir les efforts mondiaux de lutte contre la corruption et décourager le mauvais usage des sociétés pour dissimuler des activités illicites comme le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et l'évasion fiscale ou l'évitement fiscal. L'accès public aux renseignements sur la propriété effective pourrait fournir un accès plus rapide aux organismes d'application de la loi et aux administrations fiscales enquêtant sur les crimes financiers transfrontaliers, et à des fins de contrôle fiscal civil et de recouvrement. L'accès public pourrait également permettre à des tiers qui examinent les données (par exemple, la société civile, les institutions financières) de signaler les incohérences pour appuyer la vérification des renseignements fournis. Une transparence accrue pourrait contribuer à la réputation du Canada en tant que destination sûre pour les investissements, et favoriser la confiance dans le marché. Des données plus ouvertes et accessibles peuvent accroître les informations disponibles pour les investisseurs potentiels et soutenir une prise de décision plus éclairée.

En même temps, le gouvernement est conscient des risques, comme les risques liés aux vols d'identité, aux fraudes et au harcèlement, qui deviennent plus graves, plus la portée de l'information sur les personnes qui est divulguée publiquement est grande. Bien que des renseignements limités sur les actionnaires inscrits de sociétés privées soient actuellement accessibles au public dans de nombreuses administrations canadiennes, toute nouvelle mesure de transparence doit être proportionnée à l'objectif et protéger la vie privée et la confidentialité des décisions d'affaires, et doit continuer à encourager un climat d'investissement solide. Il est important de continuer de reconnaître que la grande majorité des sociétés, des actionnaires et des particuliers ayant un contrôle significatif ne se livrent pas à des activités illicites.

Considérations relatives à la mise en œuvre

Reconnaissant ces avantages éventuels, il existe d'autres considérations concernant l'organisation d'un registre public (ou de registres publics), les mécanismes de déclaration, les responsabilités attribuées, les pouvoirs juridiques et les ressources nécessaires pour appuyer une mise en œuvre effective et efficace. La rapidité et la facilité d'accès seraient importantes pour maximiser l'utilité d'un registre public pour les organismes d'application de la loi, pour les administrations fiscales et pour les autres autorités compétentes. De plus, la prise de mesures raisonnables pour protéger la vie privée des investisseurs et atténuer le fardeau réglementaire des sociétés respectueuses des lois est également un facteur clé. Reconnaissant l'importance de prévenir les échappatoires et les possibilités d'arbitrage qui peuvent être exploitées dans l'ensemble des administrations, tous les efforts seront déployés pour promouvoir des mesures cohérentes et coordonnées, tout en respectant les rôles et les responsabilités des administrations à l'égard des sociétés.

Différentes approches pour un registre public

S'il est adopté au Canada, un registre public pourrait prendre diverses formes, comme un registre unique et centralisé ou un réseau de registres provinciaux et territoriaux indépendants accessibles par un seul portail, utilisant possiblement des registres d'entreprises existants ou d'infrastructures construites à des fins particulières. Un modèle hybride, où certaines provinces ou certains territoires participent à un registre central ou couplé, tandis que d'autres créent leur propre registre autonome peut également être réalisable. Quelle que soit l'approche, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient collaborer aux travaux liés à la collecte, au stockage, à la communication et aux conditions d'utilisation afin de produire un modèle de registre qui répond aux besoins des sociétés déclarantes, des administrations participantes et des utilisateurs finaux, et pour assurer la cohérence dans le type de données collectées et, lorsque possible, les mesures de validation utilisées. Si les lois provinciales et territoriales englobent les entités non constituées en société, comme les sociétés de personnes, ces données pourraient être incluses dans le ou les mêmes registres.

Questions pour commentaires du public :

  1. Le Canada devrait-il établir un registre public (ou des registres publics) de la propriété effective des sociétés, et pourquoi?
  2. Si l'on n'établit pas un registre public (ou des registres publics), le Canada devrait-il établir un registre central accessible uniquement aux autorités compétentes? Quels sont les avantages et les inconvénients d'avoir un registre central plutôt qu'un registre public (ou des registres publics)?

6.2 Dans l'affirmative, quelles caractéristiques clés rendraient efficace un registre public (ou des registres publics)?

Obligations en matière de déclaration

Un registre public canadien (ou des registres publics) devrait tenir compte de l'étendue des personnes morales au Canada, tout en atténuant les coûts de conformité pour les entreprises canadiennes respectueuses des lois. La portée des entités juridiques qui établissent un rapport à un registre public pourrait englober toutes les sociétés privées constituées en personne morale en vertu des lois du Canada, des provinces et des territoires. Les renseignements sur la propriété effective versés dans un registre public devraient être conformes aux définitions actuelles de la propriété effective et aux obligations en matière de tenue de documents, comme celles qui étaient énoncées précédemment dans la LCSA pour les sociétés privées constituées sous le régime fédéralNote de bas de page 16.

En ce qui concerne les sociétés constituées en personne morale dans des administrations qui exigent qu'elles détiennent des renseignements sur la propriété effective, les coûts supplémentaires associés à la présentation de ces renseignements à un registre central (ou à des registres centraux) devraient être faibles. Cette constatation est étayée par une enquête menée en 2019 par le gouvernement du Royaume-Uni, qui a estimé que les coûts médians pour les entreprises qui soumettent à leur registre public les renseignements concernant leurs personnes ayant un contrôle important sont de 21 livres sterling avant et un montant semblable pour la mise à jour du registre lorsque ces renseignements ont été modifiésNote de bas de page 17.

Il convient également de souligner qu'un registre public (ou des registres publics) pourrait aussi appuyer directement la conformité réglementaire aux dispositions de « connaître le client » et de diligence raisonnable de la législation canadienne sur la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, en aidant les entités déclarantes du secteur privé (c'est-à-dire, les institutions financières) à s'acquitter de leurs obligations de recueillir des renseignements sur la propriété effective de leurs clients en vertu de la LRPCFAT. Bien qu'un registre public n'éliminerait pas la nécessité pour les entités déclarantes de faire preuve de diligence raisonnable, il pourrait réduire leur fardeau administratif dans le respect de leurs obligations d'obtenir et de vérifier les renseignements sur la propriété effective.

Coût d'accès

À l'heure actuelle, certaines administrations rendent leurs registres d'entreprise accessibles au public gratuitement, tandis que d'autres fonctionnent selon le principe du recouvrement des coûts (selon un modèle de frais de recherche ou d'abonnement, ou par le biais d'accords avec des prestataires de services privés pour gérer et exploiter le registre). Pour certaines provinces et certains territoires, les coûts de l'établissement d'un registre public de propriété effective peuvent nécessiter l'examen d'un modèle de financement approprié.

Vérification et surveillance

Bien qu'un registre public de la propriété effective pourrait être utile aux parties, l'absence de vérification pourrait limiter la valeur des données en l'absence de renseignements concordants. La vérification a été un défi très médiatisé dans le système britannique, et leur gouvernement s'efforce de le relever. Un registre public (ou des registres publics) de propriété effective, s'il est adopté, pourrait comprendre un mécanisme de validation ou de vérification d'identité pour s'assurer que les renseignements fournis par les entreprises sont exacts, complets et mis à jour en temps voulu. Une surveillance continue pourrait être effectuée après la déclaration, tandis que des tiers (tels que le grand public ou les entités déclarantes) pourraient être habilités à signaler les lacunes en vue d'un suivi ultérieur par les fonctionnaires responsables.

L'attribution de ces responsabilités aux registres des entreprises pourrait entraîner un changement important du rôle et du mandat des registres au Canada, ce qui aurait des répercussions sur leur structure, leurs pouvoirs et leurs besoins en ressources. Par ailleurs, les gouvernements pourraient confier ce rôle à un organisme distinct ayant un mandat clair d'application de la loi et de vérification. En outre, il pourrait y avoir des possibilités de collaboration avec d'autres partenaires (par exemple, les organismes de réglementation sur la LRPC/FAT, les organismes d'application de la loi, les institutions financières) pour corroborer les données déclarées au registre public.

Une autre question à prendre en considération est la mesure dans laquelle les sociétés et les administrateurs devraient assumer la responsabilité du non-respect des obligations en matière de déclaration (c'est-à-dire, défaut de déclarer, non-respect des délais, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse) et quelles mesures d'application de la loi pourraient être prises.

Questions pour commentaires du public :

  1. Quels sont les coûts de conformité supplémentaires auxquels les sociétés pourraient faire face si elles devaient transmettre leurs renseignements sur la propriété effective à un registre national, et comment ces coûts pourraient-ils être réduits?
  2. Devrait-on imposer des frais au public pour avoir accès à la totalité ou à une partie des renseignements sur la propriété effective et d'autres renseignements sur les entreprises, afin de couvrir les coûts de mise en œuvre, de vérification et d'application de la loi?
  3. Quels processus (le cas échéant) devraient être mis en place pour vérifier les renseignements sur la propriété effective fournis (par exemple, preuve d'identité pour les administrateurs, les bénéficiaires effectifs et/ou les dirigeants ou les mandataires d'une société)?
  4. Quels moyens pourraient être utilisés pour vérifier l'identité (par exemple, permis de conduire, passeport, ou identificateurs biologiques)?
  5. À quelle fréquence les sociétés devraient-elles être tenues de mettre à jour les renseignements fournis au registre?
  6. Dans quelles circonstances, le cas échéant, les sociétés devraient-elles être exemptées de fournir des renseignements sur la propriété effective dans un registre public?

6.3 Devrait-il y avoir des limites aux renseignements divulgués au moyen d'un registre public (ou des registres publics)?

Accès à l'information et Protection des renseignements personnels et Accès aux renseignements sur les bénéficiaires effectifs

Les types de renseignements accessibles au moyen d'un registre public devraient être évalués en fonction des attentes raisonnables en matière de protection de la vie privée, y compris le risque de rendre les particuliers ayant un contrôle significatif vulnérables au vol d'identité et à l'extorsion, ainsi que la possibilité que leurs renseignements personnels soient consultés par des collecteurs de données ou utilisés à mauvais escient par des acteurs étrangers. Ces préoccupations peuvent justifier l'adoption d'un modèle à plusieurs niveaux comportant divers niveaux d'accès en fonction de la personne qui consomme l'information. Certains renseignements pourraient être limités aux autorités compétentes, et peut-être à des entités du secteur privé ayant des obligations de propriété effective en vertu de la législation sur la lutte contre le blanchiment d'argent.

Une telle approche existe au Royaume-Uni, où Companies House ne divulgue qu'une partie des dates de naissance et des adresses résidentielles des administrateurs et des PSC, sous un contrôle strict, à certaines autorités publiques telles que la police. Companies House peut fournir d'autres renseignements non publics, comme les adresses électroniques fournies dans le cadre de la transmission électronique des renseignements sur les entreprises aux organismes d'application de la loi à la demande. Les personnes susceptibles d'être exposées à un risque élevé de violence ou d'intimidation en raison de leur inscription au registre du Royaume-Uni peuvent présenter une demande afin que certaines informations ne soient pas divulguées au public. Les adresses résidentielles habituelles des administrateurs et des PCI sont également divulguées aux organismes de référence à moins que ces personnes n'aient reçu une protection contre la divulgation de ces renseignements.

Questions pour commentaires du public :

  1. Quels sont les risques possibles pour les bénéficiaires effectifs de rendre leurs renseignements accessibles au moyen d'un registre public (ou de registres publics) (par exemple, le vol d'identité, l'accès par des gouvernements étrangers hostiles)?
  2. Certains renseignements sur la propriété effective fournis au registre devraient-ils être accessibles uniquement aux organismes d'application de la loi, aux administrations fiscales et autres? Devrait-on adopter un modèle d'accès à plusieurs niveaux fondé sur l'entité qui demande l'information? Quels renseignements devraient être retenus et dans quelles conditions?
  3. Les bénéficiaires effectifs devraient-ils pouvoir demander des exemptions pour que certains ou la totalité de leurs renseignements soient rendus publics, pour des raisons de sécurité, de protection de la vie privée quant à des décisions d'investissement légitimes ou pour des raisons semblables? Sur quoi ces demandes devraient-elles être fondées?
  4. Quelles autres organisations (par exemple, CANAFE, entités du secteur privé ayant des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent) devraient avoir accès aux renseignements non communiqués et dans quelles conditions?

6.4 Quels autres facteurs devrions-nous prendre en considération lors de l'évaluation de l'approche du registre (ou des registres) public(s)?

En plus des dispositions précises qui devraient être en place pour la mise en œuvre d'un registre public (ou de registres publics) des renseignements sur la propriété effective, nous invitons les participants à formuler des commentaires sur d'autres considérations importantes pour cette consultation. Notamment, l'efficacité globale des registres publics dans la lutte contre les flux financiers illicites, les effets sur le climat d'investissement, les pratiques exemplaires internationales dans l'exploitation des registres, ainsi que des obstacles législatifs ou politiques qui pourraient empêcher l'adoption d'un tel modèle au Canada.

Questions pour commentaires du public

  1. Dans d'autres administrations, les registres publics ont-ils démontré leur efficacité pour assurer l'exactitude des renseignements et appuyer les enquêtes menées par les organismes d'application de la loi, par les administrations fiscales, et par d'autres autorités compétentes?
  2. Dans d'autres administrations, les registres publics ont-ils réduit l'utilisation abusive des sociétés à des fins criminelles ou pour d'autres activités illicites?
  3. Les registres publics ont-ils eu un effet sur les niveaux d'investissement?
  4. Y a-t-il des pratiques exemplaires et des expériences internationales dont le Canada pourrait tirer des leçons s'il adoptait un registre public (ou des registres publics)?

Glossaire

Registre : Registre officiel des renseignements sur les bénéficiaires effectifs d'une société (par exemple, noms, dates de naissance, adresses), qui est préparé et tenu à jour par la société à son siège social ou à tout autre endroit au Canada désigné par le directeur, y compris dans un registre central.

Registre central (ou registres) : Une base de données contrôlée par le gouvernement qui contient des registres sur la propriété effective des entreprises. Le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires pourraient tenir leurs propres registres centraux ou communiquer leurs données à une base de données partagée couvrant plus d'une administration. Les renseignements contenus dans ces registres seraient mis à la disposition des organismes d'application de la loi, des administrations fiscales et d'autres autorités compétentes, mais pas du public.

Registre public (ou registres publics) : Type de registre central contrôlé par le gouvernement dans lequel la totalité ou une partie des données sur la propriété effective détenues sont accessibles au public. Au Canada, il pourrait s'agir d'un registre public unique et centralisé applicable à toutes les sociétés constituées sous les régimes fédéral, provinciaux et territoriaux. L'accès au registre peut comporter plusieurs niveaux et certaines données sont mises à la disposition des organismes d'application de la loi, des administrations fiscales et d'autres autorités compétentes, mais pas du public. Par ailleurs, le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires pourraient établir un réseau de registres indépendants de la propriété effective, idéalement accessibles au moyen d'un portail unique, en utilisant possiblement des registres d'entreprises contrôlés par le gouvernement ou une infrastructure construite à cette fin. Ce modèle pourrait également consister en une approche hybride dans laquelle certains gouvernements se joignent à un registre unique, tandis que d'autres tiennent leurs propres registres indépendants.

Annexe A : Résumé des questions

Le Canada devrait-il établir un registre public (ou des registres publics) de la propriété effective?

  1. Le Canada devrait-il établir un registre public (ou des registres publics) de la propriété effective des sociétés, et pourquoi?
  2. Si l'on n'établit pas un registre public (ou des registres publics), le Canada devrait-il établir un registre central accessible uniquement aux autorités compétentes? Quels sont les avantages et les inconvénients d'avoir un registre central plutôt qu'un registre public (ou des registres publics)?

Dans l'affirmative, quelles caractéristiques clés rendraient efficace un registre public (ou des registres publics)?

  1. Quels sont les coûts de conformité supplémentaires auxquels les sociétés pourraient faire face si elles devaient transmettre leurs renseignements sur la propriété effective à un registre national, et comment ces coûts pourraient-ils être réduits?
  2. Les administrateurs d'une société devraient-ils être tenus responsables du non-respect des obligations du registre de la propriété effective de la société?
  3. Devrait-on imposer des frais au public pour avoir accès à la totalité ou à une partie des renseignements sur la propriété effective et d'autres renseignements sur les entreprises, afin de couvrir les coûts de mise en œuvre, de vérification et d'application de la loi?
  4. Quels processus (le cas échéant) devraient être mis en place pour vérifier les renseignements sur la propriété effective fournis (par exemple, preuve d'identité pour les administrateurs, les bénéficiaires effectifs et/ou les dirigeants ou les mandataires d'une société)?
  5. Quels moyens pourraient être utilisés pour vérifier l'identité (par exemple, permis de conduire, passeport, ou identificateurs biologiques)?
  6. À quelle fréquence les sociétés devraient-elles être tenues de mettre à jour les renseignements fournis au registre?
  7. Dans quelles circonstances, le cas échéant, les sociétés devraient-elles être exemptées de fournir des renseignements sur la propriété effective dans un registre public?

Devrait-il y avoir des limites aux renseignements divulgués au moyen d'un registre public (ou des registres publics)?

  1. Quels sont les risques possibles pour les bénéficiaires effectifs de rendre leurs renseignements accessibles au moyen d'un registre public (ou de registres publics) (par exemple, le vol d'identité, l'accès par des gouvernements étrangers hostiles)?
  2. Certains renseignements sur la propriété effective fournis au registre devraient-ils être accessibles uniquement aux organismes d'application de la loi, aux administrations fiscales et autres? Devrait-on adopter un modèle d'accès à plusieurs niveaux fondé sur l'entité qui demande l'information? Quels renseignements devraient être retenus et dans quelles conditions?
  3. Les bénéficiaires effectifs devraient-ils pouvoir demander des exemptions pour que certains ou la totalité de leurs renseignements soient rendus publics, pour des raisons de sécurité, de protection de la vie privée quant à des décisions d'investissement légitimes ou pour des raisons semblables? Sur quoi ces demandes devraient-elles être fondées?
  4. Quelles autres organisations (par exemple, CANAFE, entités du secteur privé ayant des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent) devraient avoir accès aux renseignements non communiqués et dans quelles conditions?

Quels autres facteurs devrions-nous prendre en considération lors de l'évaluation de l'approche du registre (ou des registres) public(s)?

  1. Dans d'autres administrations, les registres publics ont-ils démontré leur efficacité pour assurer l'exactitude des renseignements et appuyer les enquêtes menées par les organismes d'application de la loi, par les administrations fiscales, et par d'autres autorités compétentes?
  2. Dans d'autres administrations, les registres publics ont-ils réduit l'utilisation abusive des sociétés à des fins criminelles ou pour d'autres activités illicites?
  3. Les registres publics ont-ils eu un effet sur les niveaux d'investissement?
  4. Y a-t-il des pratiques exemplaires et des expériences internationales dont le Canada pourrait tirer des leçons s'il adoptait un registre public (ou des registres publics)?

Annexe B : Exemple d'un registre public : Le registre britannique des personnes ayant un contrôle important

En 2016, le Royaume-Uni a lancé son registre des personnes ayant un contrôle important. Les entreprises britanniques, Societates Europaeae Note de bas de page 18 et les sociétés à responsabilité limitée doivent tenir un registre de leurs PCI respectives et le déposer au registre public central de Companies HouseNote de bas de page 19. Ce registre est accessible au public et interrogeable, et peut être consulté gratuitement. Les PCI comprennent actuellement toute personne qui, entre autres facteurs, détient plus de 25 % des actions ou des droits de vote d'une société, a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres du conseil d'administration, ou a le droit d'exercer ou exerce une influence ou un contrôle important sur une entreprise. Les renseignements figurant dans le registre (par exemple, le nom de chaque PCI; la date de naissance partielle (mois/année); la nationalité; l'adresse du lieu de service; l'adresse résidentielle; la date à laquelle la personne est devenue une PCI; la manière dont le contrôle est exercé) sont mis à la disposition du public, mais certaines données (y compris la date de naissance complète et l'adresse résidentielle) ne le sont pasNote de bas de page 20. Les entreprises doivent également mettre leur registre de la PCI à la disposition de leurs bureaux pour inspection à la demande, alors que le défaut de fournir des renseignements exacts sur le registre de la PCI et de se conformer aux avis constitue une infraction criminelle passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans.

Le registre de la PCI est largement utilisé par les organismes d'application de la loi pour éclairer les enquêtes criminelles, par les institutions financières pour faire preuve de diligence raisonnable à l'égard de clients éventuels et par les organisations de la société civile pour la recherche. Bien que les parties aient généralement trouvé que le registre de la PCI était une ressource utile, ils ont soulevé des préoccupations quant à l'exactitude des données, signalant que les données du registre n'étaient pas définitives et n'éliminaient pas la nécessité d'obtenir des renseignements concordants sur la propriété effective d'autres sourcesNote de bas de page 21.

Bien que Companies House effectue des vérifications de base des présentations des sociétés, elle ne vérifie pas l'identité des personnes qui exercent un contrôle significatif ou qui font preuve d'une diligence raisonnable sous d'autres formes, ce qui augmente le risque de saisir des renseignements inexacts. Cette lacune est particulièrement problématique pour une petite proportion d'entreprises qui s'inscrivent directement auprès de Companies House (sans avoir recours à un tiers fournisseur de services) et qui n'ont pas de compte bancaire au Royaume-Uni, où elles seraient autrement assujetties à la diligence raisonnable de leur institution financière, notamment en fournissant des renseignements sur leur propriété effective. Companies House a relevé des cas de faux renseignements, y compris des rapports de vérification frauduleux, des personnes nommées frauduleusement ou des entreprises fournissant de fausses adressesNote de bas de page 22.

Depuis l'introduction du registre de la PCI en 2016, Companies House a pris des mesures pour améliorer l'exactitude des données, notamment en présentant une fonction permettant aux tiers de signaler les erreurs soupçonnées, en plus d'exiger que les entités déclarantes déclarent les inexactitudes dans les données sur la propriété effective des clients. Dans le cadre d'une consultation tenue de mai à août 2019, le gouvernement du Royaume-Uni a sollicité des commentaires sur les mesures proposées pour introduire des exigences de vérification de l'identité pour les administrateurs d'entreprises, les PCI et les intermédiaires, ainsi que de nouvelles approches pour améliorer la conformité et décourager l'utilisation mésuséNote de bas de page 23.