Rapport sur l'examen de la politique nationale sur les pylônes d'antenne

Section B — Examen de la politique nationale sur les pylônes d'antenne

Introduction

Depuis la fin des années 1970, la technologie ne cesse de croître, particulièrement dans le secteur des services sans fil. Cette croissance est alimentée par l'accélération de la demande de communications toujours plus perfectionnées et l'amélioration de l'accès aussi bien au Canada qu'ailleurs dans le monde. Au départ, la majorité des abonnés aux services sans fil étaient des entreprises, mais la situation a changé depuis. Aujourd'hui, environ la moitié des Canadiens sont abonnés à un service sans fil, alors qu'un plus grand nombre encore profitent indirectement de tels services. En fait, les citoyens utilisent de plus en plus les services sans fil, que ce soit pour assurer leur sécurité personnelle, se divertir, s'instruire, travailler ou communiquer avec leur famille et leurs amis. Les consommateurs demandent donc un large éventail de services et l'accès à la nouvelle technologie, à la fois pour les services essentiels et les services non essentiels. Or, cette évolution de la nouvelle technologie sans fil a nécessité l'aménagement physique des terrains. Dans ce contexte, la politique des télécommunications doit évoluer dans le but d'offrir des choix aux consommateurs, tout en favorisant en même temps le respect de l'environnement, de la santé publique, des objectifs communautaires et des plans de développement.

Au cours des quelque 25 dernières années au Canada, la vaste majorité des antennes de radiocommunication et des bâtis d'antenne ont été établis, et les éléments rayonnants ou récepteurs ont été activés, sans que personne ne s'y oppose. De plus, certaines antennes ont été érigées sur l'ordre de représentants des administrations publiques ou locales qui voulaient améliorer l'accès aux services de radiocommunication, qu'il s'agisse de services commerciaux, publics, de sécurité ou de divertissement. Toutefois, les autorités responsables de l'utilisation du sol, les groupes communautaires et les citoyens n'ont pas toujours souscrit à ces projets.

Durant les années 1980, nous avons observé une augmentation régulière des types et du nombre de dispositifs et de services sans fil déployés un peu partout au pays. En particulier, nous avons assisté à l'émergence des premiers marchés de masse, soit les services de transmission par satellite pour terminaux récepteurs télévisuels, et au déploiement de la génération des communications cellulaires analogiques. L'infrastructure externe (antennes, bâtis) nécessaire pour offrir ces nouveaux services est apparue dans le paysage avec une régularité croissante – et elle était considérée comme étant envahissante sur le plan visuel par certains citoyens et par certains des employés chargés de la planification et des représentants élus des administrations municipales. En outre, des fonctionnaires municipaux et des membres du public ont soulevé d'autres préoccupations, comme celles liées à aux effets possibles de ces installations sur la santé et la sécurité et aux incidences économiques sur la valeur foncière des terrains. Dans la foulée de ces préoccupations, les représentants d'administrations municipales ont commencé à demander à l'organisme chargé de réglementer les communications de déterminer la mesure dans laquelle les administrations municipales pouvaient légalement gérer ou réglementer les répercussions que ces installations d'antenne pourraient avoir sur la santé, la sécurité, l'économie, l'environnement et l'esthétique.

Rapport Townsend

En décembre 1987, le ministère des Communications (MDC) de l'époque a publié une étude intitulée, Les municipalités canadiennes et la réglementation des antennes radio et des bâtis d'antenne (appelée ci-après l'étude sur les antennes). David A. Townsend, de concert avec Mary E. Hatherly, de la Faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick, a effectué les recherches et rédigé le rapport. Dans l'étude sur les antennes, les auteurs ont examiné bon nombre des questions de nature technique, pratique, réglementaire et constitutionnelle qui touchaient au choix de l'emplacement des antennes radio au Canada à la fin des années 1980. Ils se sont concentrés en particulier sur les questions qui étaient soulevées à ce sujet par des administrations municipales et des citoyens.

Premièrement, après avoir examiné à fond le droit constitutionnel canadien, les auteurs ont conclu que les gouvernements provinciaux n'avaient aucune compétence constitutionnelle directe en matière de radiocommunication qu'elles pouvaient déléguer aux municipalités sur leur territoire. Malgré cette constatation, ils ont aussi affirmé que :

... Cependant, un règlement municipal en bonne et due forme traitant du zonage local et n'ayant trait qu'incidemment aux radiocommunications peut coexister avec les lois fédérales à condition qu'il n'interdise ni ne restreigne indûment la prestation de services radio ou le fonctionnement de stations radio détenant une licence fédérale.

Cette conclusion à caractère constitutionnel allait tout à fait dans le sens de l'avis juridique que le ministère de la Justice avait donné (dans ses lettres d'avis juridique) au MDC et aux municipalités, et ce, dès le milieu des années 1970.

Deuxièmement, dans l'étude sur les antennes, les auteurs ont tenté d'établir des principes généraux au sujet de la nature et de la portée du pouvoir « accessoire » conféré par un règlement municipal. Ils ont établi ces principes au terme de leur examen du droit constitutionnel et de la jurisprudence, de la loi sur la radiocommunication de l'époque (Loi sur la radio) et de nombreuses questions historiques, pratiques et techniques. Ils ont exposé ces principes dans la section V du rapport, en les divisant en deux catégories : « absence de compétence » et « compétences effectives ».

Même si les principes énoncés dans l'étude sur les antennes ont été utiles aux municipalités, un certain nombre de responsables provinciaux et municipaux ont néanmoins conclu que la compétence « accessoire » ne leur permettrait pas de répondre comme il convient aux préoccupations au sujet de l'utilisation du sol qui étaient soulevées à l'échelle locale dans le cas de l'établissement d'installations d'antenne importantes. Ils ont donc demandé au MDC de les autoriser à jouer un plus grand rôle dans le processus d'autorisation des antennes radio.

Enjuin 1990, après avoir pris en considération les diverses options et en se fiant en partie au pouvoir législatif (clarifié) que lui conférait la (nouvelle) Loi sur la radiocommunication, promulguée enoctobre 1989, le MDC a modifié son processus d'autorisation des antennes dans le cas des installations d'antenne importantes. Il a mis en place un processus de notification et de consultation qui obligeait certains demandeurs d'installations d'antenne à consulter directement les autorités responsables de l'utilisation du sol, pour qu'elles puissent tenter d'influer sur le choix final de l'emplacement et certains autres aspects de l'antenne et de son bâti. Cette politique de consultation, qui a été révisée deux fois (dernière révision publiée en 1995) et complétée par d'autres règlements pris par d'autres ministères, comme Environnement Canada, est en vigueur depuis.

Réexamen de la question, 1997

Enjanvier 1997, Industrie Canada a fait appel à David Townsend, de la Faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick, pour réexaminer la question du choix de l'emplacement des antennes. Manifestement, la situation avait évolué à plusieurs égards durant les années 1990, et la pertinence de la politique de consultation municipale, créée en 1990, était remise en question à la lumière cette évolution. En particulier, le déploiement de nouvelles générations de services sans fil, comme la téléphonie mobile sous forme de services cellulaires numériques et de services de communications personnelles (SCP), avait entraîné une augmentation spectaculaire du nombre de demandes d'installation d'antennes dans les municipalités des principaux grands centres du Canada. Les municipalités se disaient préoccupées par un certain nombre d'aspects du processus de consultation en ce qui concerne le choix de l'emplacement des antennes des services de téléphonie cellulaire et des SCP, leurs bâtis en particulier et, dans une moindre mesure, par certains autres services radio.

Dans le cadre de ce réexamen, après avoir recueilli des données auprès d'un certain nombre de documents et de contacts, M. Townsend a présenté une série de séances d'information et de rapports verbaux à Industrie Canada portant sur la pertinence et la possibilité de la participation accrue des autorités locales aux processus d'autorisation des antennes.

Rapport Dobell

En 2002, le professeur émérite A.R. (Rod) Dobell, de l'Université de Victoria, s'est vu confier comme mandat d'examiner et de commenter les circonstances entourant l'autorisation de certaines antennes FM et de télédiffusion et de leurs bâtis, situés à Triangle Mountain en Colombie-Britannique. Il a abordé en particulier deux questions :

  1. déterminer si les autorisations des pylônes installés sur Triangle Mountain à Colwood, en Colombie-Britannique, ont été accordées ou non conformément aux règlements et aux procédures d'Industrie Canada;
  2. formuler des recommandations visant à modifier les procédures d'Industrie Canada pour examen dans le cadre du processus national de consultations sur les antennes (alors) annoncé.

Le professeur Dobell a conclu que les pylônes installés à Triangle Mountain avaient été autorisés conformément aux règlements et aux procédures d'Industrie Canada, mais il a soulevé un certain nombre de questions concernant les politiques et recommandé une série d'actions. Voici quelques-unes de ses conclusions et préoccupations :

  1. Les responsabilités d'Industrie Canada en matière de réglementation ne sont pas claires pour ce qui touche les procédures qui s'appliquent avant l'installation d'un pylône d'antenne pour une entreprise de radiodiffusion.
  2. Industrie Canada ne joue pas de rôle direct dans l'évaluation des préoccupations des collectivités au sujet du choix de l'emplacement des antennes. Il laisse ce rôle aux autorités locales responsables de l'utilisation du sol et au demandeur d'antenne.
  3. Les règlements et les politiques qu'utilisent Industrie Canada pour déterminer si des installations causent ou non un « brouillage préjudiciable », dans les situations visant des entreprises de radiodiffusion sont incomplets.
  4. Les politiques actuelles régissant le processus d'autorisation d'antennes sont inadéquates par rapport au processus de notification et de consultation des autorités locales responsables de l'utilisation du sol et des résidents.
  5. Les politiques et protocoles qu'utilisent actuellement Industrie Canada pour autoriser l'installation d'antennes de radiodiffusion mettent apparemment trop l'accent sur les aspects techniques, ce qui ne lui permet pas de prendre en considération comme il convient les autres aspects complexes comme ceux qui sont liés aux répercussions locales de l'installation.

Examen de la politique nationale sur les pylônes d'antenne

Le 31 octobre 2002, l'honorable Allan Rock, alors ministre de l'Industrie, a annoncé qu'il entendait confier à une partie indépendante le mandat de mener une étude approfondie et des consultations publiques sur le contexte relatif aux processus d'autorisation, de nature réglementaire, des antennes de radiocommunication et de leurs bâtis. Enmars 2003, le ministre Rock a annoncé qu'il avait choisi une équipe de chercheurs de l'Université du Nouveau-Brunswick (UNB), dirigée par le professeur David Townsend, de la Faculté de droit de l'UNB, pour mener à bien l'examen de la politique nationale sur les pylônes d'antenne. Cette équipe était composée des membres suivants : Keith Culver, directeur du Centre for Social Innovation Research (UNB); Paul Howe, professeur adjoint au Département de sciences politiques; Stephen Grant, professeur à la Faculté d'administration; Veronica McGinn et Mark Doucette, représentant le Centre for Property Studies (UNB); Mark Gallagher, de xwave Solutions Inc., société du groupe Aliant.

Le ministre Rock a aussi annoncé qu'il avait mis sur pied un comité d'experts, appelé le Comité consultatif national sur les pylônes d'antenne, ayant comme mandat de conseiller les responsables de l'examen de la politique pendant toute la durée des activités de consultation et de recherche. Le Comité consultatif national sur les pylônes d'antenne se composait des personnes suivantes : Rod Dobell, professeur émérite de politique publique à l'Université de Victoria; Mary McBride, épidémiologiste à la British Columbia Cancer Agency; Frank Leonard, maire de Saanich, en Colombie-Britannique; Nick Makale, président du Telecommunication Ad Hoc Committee de la ville de Calgary; Roger Poirier, directeur exécutif du Wireless Information Resource Centre et président de RBP Associates; Christine Racine, experte-conseil en planification urbaine à Montréal; William (Bill) Rowat, président de l'Association des chemins de fer du Canada; David A. Townsend, professeur de droit à l'Université du Nouveau-Brunswick, chargé de présider le comité. Le comité consultatif s'est réuni une fois par mois et a donné des conseils sur un large éventail de questions liées aux consultations publiques et à l'industrie de la radiocommunication.

Aux termes de l'accord de recherche, le professeur Townsend soumet le présent rapport à Industrie Canada dans lequel il formule des recommandations visant à améliorer les processus d'autorisation des antennes au Canada. Plus particulièrement, il formule des recommandations touchant aux questions suivantes.

Questions liées à l'orientation de la politique

  1. De quelle façon le processus de consultation local concernant le choix de l'emplacement d'un pylône d'antenne particulier peut-il être amélioré?
  2. Quels sont les délais dont devraient être assortis le processus d'approbation du choix de l'emplacement d'un pylône d'antenne particulier et le processus de règlement des différends connexes?
  3. Quels renseignements seraient les plus utiles aux membres du public concernés et quelle est la meilleure façon de leur communiquer ces renseignements?
  4. De quels moyens dispose-t-on pour évaluer rapidement si les installations proposées sont susceptibles de créer des champs de radiofréquences excédant les limites d'exposition établies dans les zones d'habitation et d'activité humaines?
  5. Les autorités locales responsables de l'utilisation du sol et les promoteurs d'antenne pourraient-ils établir des protocoles portant sur la planification et le choix de l'emplacement des bâtis d'antenne, des lignes directrices régissant les aspects visuels et des mécanismes de règlement des différends?
  6. De quelle façon et dans quelle mesure l'utilisation partagée de pylônes peut-elle contribuer à réduire le nombre de pylônes?
  7. Existe-t-il des preuves qui démontrent que l'emplacement des pylônes d'antenne a des répercussions sur la valeur des propriétés?

Collecte de données

Le professeur Townsend et l'équipe d'examen de la politique de l'UNB ont recueilli les données nécessaires au moyen de cinq sources principales :

  1. des consultations publiques en ligne menées à l'aide d'un site Web de type assemblée électronique;
  2. des entrevues en personne et en groupes de réflexion avec des dirigeants de collectivités locales qui étaient au coeur de la controverse soulevée par le choix de l'emplacement des antennes;
  3. des entrevues en personne et au téléphone avec des représentants choisis d'associations communautaires, de ministères et de l'industrie des communications;
  4. des mémoires demandés à des intervenants (dont bon nombre ont été diffusés sur le site Web);
  5. des travaux de recherche indépendants sur la politique publique pour comparer comment les autres pays réglementent les bâtis d'antenne.

Données provenant de sources électroniques

Le 3 septembre 2003, nous avons lancé publiquement un site Web novateur de type forum de discussion en ligneNote1. Le site a fonctionné activement entre le 3 septembre et le 24 octobre 2003 en vue de diffuser et de recueillir des données. Nous l'avons réouvert ennovembre 2003 dans le but de diffuser les mémoires reçus jusqu'à maintenant et de faire brièvement le point sur les diverses activités de collecte de données et les autres activités relatives à l'examen de la politique nationale sur les pylônes d'antenne. Nous avons envoyé à la plupart de ceux qui étaient inscritsNote2 un avis par courriel pour les informer de la réouverture du site pour qu'ils puissent prendre connaissance en ligne de l'état d'avancement de l'examen de la politique

Lorsqu'il était en activité, le site Web permettait aux membres du public, et aux autres parties intéressées, d'approfondir les questions touchant au choix de l'emplacement des antennes et de faire connaître leurs vues au sujet des améliorations susceptibles d'être apportées aux politiques d'approbation des pylônes d'antenne d'Industrie Canada. Il était conçu de manière à donner l'impression au visiteur qu'il participait à une véritable assemblée publique. Les personnes qui souhaitaient en apprendre davantage au sujet des questions touchant à l'installation des pylônes d'antenne au Canada pouvaient prendre connaissance à la fois des renseignements généraux et des opinions soumises par les autres. Les gens qui voulaient plutôt faire connaître leurs vues sur le sujet électroniquement pouvaient le faire de quatre façons. Ils pouvaient remplir et soumettre le questionnaire du sondage en ligneNote3, prendre part à un forum de discussion en ligneNote4, présenter un mémoire pour diffusion sur le site ou exprimer leur avis en envoyant un courriel à l'une ou l'autre des adresses antenna@unb.ca ou antenne@unb.caNote5.

Nous avons reçu environ 1 000 communications provenant de sources électroniques, dont 5 p. 100 en français. Trois cent vingt (320) utilisateurs se sont inscrits au site Web pour participer aux forums de discussion ou remplir le questionnaire. Sur ce nombre, 235 ont rempli et soumis le questionnaire, et 165 ont pris part à l'un ou l'autre des forums de discussion, leurs commentaires étant consultés environ 6 800 fois. Le public et les radioamateurs ont participé principalement au moyen du questionnaire et des forums de discussion en ligne. La participation de l'industrie a été faible, et celle du secteur public n'a été que légèrement plus élevée. Nous avons reçu aussi de nombreux courriels aux adresses électroniques créées pour l'examen, soit entre 600 et 700 messages. Les auteurs de la moitié d'entre eux voulaient faire connaître leur avis sous une forme ou une autre, c'est-à-dire faire valoir les questions qui devraient être abordées dans le cadre de l'examen de la politique.

Mémoires

Nous avons reçu soixante-quinze (75) mémoires, dans le cadre de l'examen. La plupart des mémoires ont été transmis au moyen du site Web. La presque totalité des participants ont rempli en ligne le questionnaire. Toutefois, six personnes nous ont demandé de leur faire parvenir le questionnaire par la poste. L'une d'entre elles nous l'a retourné de la même façon.

Données provenant des entrevues en personne et au téléphone

Au cours de l'examen de la politique, nous avons effectué de nombreuses entrevues afin de compléter l'information recueillie par l'entremise du site Web. Même si nous avons surtout rencontré des représentants du gouvernement fédéral et de l'industrie, nous avons néanmoins tenu des réunions avec un large éventail de personnes dans les quatre coins du pays (municipalités, gouvernements provinciaux, citoyens, groupes de citoyens, radioamateurs, associations). Au printemps 2003, nous avons effectué une enquête sur le terrain à New Maryland, au Nouveau-Brunswick, d'une importance particulière pour l'examen de la politique. Nous avons interviewé individuellement des habitants pour obtenir leur avis sur l'installation d'un pylône de téléphonie cellulaire, d'une hauteur de cent mètres, dans leur collectivité un an auparavant. Dans le rapport, intitulé New Maryland Tower Site Investigation, nous avons analysé les opinions exprimées durant les interviews et les avis recueillis dans les articles de journaux et les éditoriaux écrits par les médias locaux pendant la controverseNote6.