ACEM-2 — Critères applicables à la résolution de plaintes reliées à l'immunité des appareils et mettant en jeu les émissions fondamentales d'émetteurs de radiocommunications

1ère édition
Juin 1994

Avis sur la compatibilité électromagnétique

Introduction

La Loi sur la radiocommunication donne au Ministre des pouvoirs plus étendus que ceux qui étaient prévus dans la Loi sur la radio. Notamment, l'alinéa 5(1)l) stipule que :

« ... le ministre peut, compte tenu des questions qu'il juge pertinentes afin d'assurer la constitution ou les modifications ordonnées de stations de radiocommunication ainsi que le développement ordonné et l'exploitation efficace de la radiocommunication au Canada... décider de l'existence de tout brouillage préjudiciable et donner l'ordre aux personnes qui possèdent ou contrôlent tout appareil radio, matériel brouilleur ou matériel radiosensible qu'il juge responsable du brouillage, de cesser ou de modifier l'exploitation de cet appareil ou de ce matériel jusqu'à ce qu'il puisse fonctionner sans causer de brouillage préjudiciable ou sans en être contrarié; ... »

En vertu de ces pouvoirs, le Ministre peut statuer sur les plaintes de brouillage afférent à la sensibilité d'appareils radio ou de matériel radiosensible (MRS), et donner des ordres en vue de leur règlement.

Le présent avis a pour but d'informer les intéressés des critères purement techniques sur lesquels seront généralement fondées de telles décisions quand le Ministre devra intervenir afin de régler un problème de brouillage. Il ne limite aucunement la portée des pouvoirs conférés au Ministre en vertu de la Loi, et ne doit pas être interprété comme limitant l'étendue « des questions que le Ministre juge pertinentes » aux seules questions techniques. Les critères techniques eux-mêmes constituent une ligne directrice essentielle pour les inspecteurs du Ministère : ils sont indispensables au traitement uniforme des problèmes d'immunité partout au pays.

Contexte

La croissance rapide des besoins en communications du Canada au cours des vingt dernières années a entraîné une augmentation considérable du nombre de stations radio autorisées. En conséquence, la densité de sources de signaux radioélectriques s'est accrue de façon notable, surtout dans les zones urbaines. En outre, la mise en service rapide d'émetteurs radio portatifs personnels a modifié la répartition traditionnelle des champs électromagnétiques. Autrefois, les champs suffisamment intenses pour produire des problèmes de brouillage étaient restreints à de grandes zones assez bien définies, situées dans le voisinage d'émetteurs fixes à grande puissance. Aujourd'hui, il faut tenir compte des champs produits par de nombreux émetteurs portatifs de faible puissance. Bien que ces champs ont une faible portée et sont de courte durée, ils sont devenus très nombreux et sont répartis dans les zones urbaines, où l'on peut trouver du matériel électronique. En outre, on prévoit que l'expansion rapide actuelle de ces services se poursuivra dans la prochaine décennie.

Parallèlement à la croissance des services de radiocommunications, il y a eu une croissance phénoménale de la popularité et de l'utilisation des dispositifs électriques et électroniques offerts sur le marché canadien. En règle générale, ces dispositifs assurent efficacement une vaste gamme d'applications, du simple divertissement à la surveillance et à la régulation de systèmes essentiels au maintien de la vie. Ironiquement, les caractéristiques (faible consommation d'énergie, faible intensité des signaux, boîtier léger en plastique, microprocesseurs numériques à grande vitesse et portabilité) qui rendent ces dispositifs pratiques et économiques et qui ont contribué à les populariser, contribuent également à leur sensibilité aux champs électromagnétiques externes. De plus, en cherchant à réduire les coûts de fabrication de ces dispositifs, leurs concepteurs ont souvent oublié ou négligé de tenir compte de l'environnement électromagnétique dans lequel le matériel pourrait être utilisé. En conséquence, ces dispositifs peuvent mal fonctionner quand ils sont exposés aux rayonnements électromagnétiques que l'on trouve dans le voisinage des émetteurs radioélectriques.

Ces développements technologiques servent manifestement l'intérêt public, mais quand des systèmes partagent un même environnement en l'absence de mesures préventives adéquates, il existe un risque d'incompatibilité de fonctionnement. Quand de telles situations d'incompatibilité se présentent, il faut recourir à des critères qui permettent d'établir la cause du problème et qui peuvent être utilisés de façon équitable et uniforme à travers le pays.

Il y a deux points de vue opposés concernant la nature du problème de la sensibilité au brouillage. Pour le propriétaire de matériel électronique, radio ou autre, il semble souvent que le problème ne surgit que lorsqu'un émetteur radio est mis en marche; en conséquence, celui-ci est d'avis que la solution logique du problème est l'interdiction de l'émission radio. À l'inverse, certains estiment qu'un appareil électronique qui n'est pas destiné à capter une émission radio n'est pas censé réagir à cette transmission; il faudrait évidemment donc, selon eux, qu'un tel appareil soit conçu et fabriqué de manière à ce qu'il soit insensible aux conditions radioélectriques ambiantes. De fait, toute solution efficace doit être fondée sur un compromis entre ces deux positions.

Critères applicables à la résolution de problèmes de brouillage

Il faut d'abord reconnaître que, en vertu de la Loi sur la radiocommunication, il existe deux catégories de matériel électronique. La première catégorie comprend le matériel radiosensible (MRS), que la Loi définit comme suit : « Dispositif, appareillage ou matériel autre qu'un appareil radio - dont l'utilisation ou le fonctionnement est contrarié par des émissions de radiocommunication ou peut l'être ». La seconde catégorie découle du fait que la définition précédente exclut les appareils radio. Les appareils radio peuvent également être brouillés par des signaux radio qui sont à l'extérieur des bandes qu'ils sont censés capter. Les problèmes de brouillage dus à des signaux dont la fréquence est dans la bande passante du récepteur radio ou voisine de celle-ci ne sont pas considérés comme des problèmes d'immunité, mais plutôt comme des problèmes découlant des caractéristiques de sélectivité et de sensibilité du récepteur radio. Dans ce cas, ces appareils sont régis par les règlements et normes sur les appareils radio pertinents, et les problèmes sont réglés par l'intermédiaire du processus d'assignation des fréquences. Il existe également une sous-catégorie d'appareils, les appareils audiovisuels domestiques, qui doit faire l'objet d'un traitement spécial. On reconnaît généralement qu'ils sont conformes à la définition du MRS, mais ils sont presque toujours associés ou, ordinairement, raccordés à des récepteurs de radiodiffusion ou de télédiffusion. En conséquence, les normes internationales d'immunité au brouillage les considèrent comme des appareils radio et les assimilent aux récepteurs de radiodiffusion. Pour éviter les problèmes découlant de cette disparité, ils seront traités, aux fins du présent document, comme une catégorie distincte d'appareils.

En conséquence, aux fins de l'application des critères utilisés pour établir la cause du brouillage, il y aura trois catégories d'appareils électroniques. La première catégorie comprend les appareils de réception des signaux de radiodiffusion sonore et télévisuelle. La seconde catégorie comprend les appareils connexes tels que les magnétophones, les magnétoscopes, les amplificateurs et les autres appareils similaires (une liste de ces dispositifs est présentée en annexe). La troisième catégorie comprend tous les appareils électroniques autres que radio. Les trois catégories seront respectivement nommées Récepteurs de radiodiffusion, Matériel connexe et Matériel radiosensible (MRS).

Le critère sur lequel sont fondées les décisions concernant les problèmes de brouillage s'appuie sur le principe que l'incidence globale doit être minimale tant sur ceux qui utilisent des émetteurs de radiocommunication que sur ceux qui se servent d'appareils électroniques. À cette fin, des valeurs limites de champ ont été fixées en tenant également compte des caractéristiques existantes de l'environnement électromagnétique et des caractéristiques d'immunité dont on peut raisonnablement doter le matériel électronique. Diverses sources ont été consultées lors du choix de ces valeurs, y compris les résultats de mesures d'immunité et de mesures environnementales et les normes d'immunité qui sont en vigueur dans d'autres paysNote 1 et sur la scène internationale. Les critères exposés dans le présent document sont fondés directement sur les limites d'immunité aux rayonnements prescrites dans les normes d'immunité, en vigueur ou en cours d'élaboration, de la Commission électrotechnique internationaleNote 2 Note 3, qui est l'organisme international de normalisation compétent.

Il faut souligner que le couplage des champs électromagnétiques au MRS ne se produit normalement pas par réception directe des rayonnements par les circuits du MRS. Aux fréquences en jeu, les rayonnements brouilleurs sont ordinairement captés par les câbles de raccordement, les câbles de commande et les cordons d'alimentation, qui font fonction d'antennes et qui les transmettent par conduction au matériel. En conséquence, la méthode la plus efficace de régler les problèmes d'immunité consiste souvent à poser des filtres aux entrées du dispositif brouillé. Il est donc possible de soutenir qu'un critère de résolution des problèmes d'immunité pourrait être fondé sur le niveau de tension aux bornes du dispositif. Cependant, la configuration des câbles d'entrée joue un rôle critique dans le couplage entre le champ électrique ambiant et les câbles d'entrée; l'exploitant de l'émetteur n'a aucune influence sur cette configuration, qui peut toutefois être modifiée à volonté par le propriétaire du matériel brouillé. Comme il semble déraisonnable d'établir un critère qui tiendrait une partie responsable du problème alors que l'autre partie pourrait y remédier en tout temps, cette solution a été rejetée. Toutefois, l'importance du filtrage nécessaire est directement proportionnelle à l'intensité du champ électrique auquel le dispositif et ses câbles d'entrée sont exposés. En conséquence, un critère fondé sur l'intensité de champ est une mesure efficace de la contribution de l'émetteur au problème, tout en fournissant un cadre stable en vue de la résolution du problème, sans affrontement entre les parties.

La détermination de la cause par le Ministre sera fondée sur les valeurs de champ exposées dans le tableau ci-dessous. Les employés du Ministère utiliseront une procédure normalisée qui définit les méthodes et les appareils utilisés aux fins de la mesure des champs.

VALEUR DE CHAMP
TYPE DE MATÉRIEL VALEUR DE CHAMP
dBµV/m V/m
Récepteurs de radiodiffusion 125 1,83
Matériel connexe 125 1,83
Matériel radiosensible 130 3,16

Si l'intensité du signal transmis excède, sur les lieux où se trouve le matériel touché, la valeur de champ applicable, la transmission sera considérée comme la cause du problème. Si l'intensité est inférieure à la valeur de champ applicable, le manque d'immunité du matériel touché sera considéré comme la cause.

Les critères ci-dessus ne s'appliquent pas aux problèmes de brouillage liés aux émissions des émetteurs AM, FM et TV. Ces problèmes relèvent des dispositions des Règles et procédures sur la radiodiffusion.

Publication autorisée par Industrie Canada

S.N. Ahmed
Le Directeur général des Programmes techniques

Annexe

Matériel connexe

Le matériel connexe est le matériel radiosensible qui est souvent ou exclusivement utilisé de concert avec du matériel radio pour généralement constituer un système audiovisuel domestique polyvalent. Étant donné que ce matériel, qui n'est pas du matériel radio en soi, est normalement raccordé à du matériel radio, par exemple à un syntonisateur ou à un récepteur de radiodiffusion, ou peut comporter un syntonisateur, les normes d'immunité l'assimilent normalement aux récepteurs de radiodiffusion auxquels il est associé et le traitent en conséquence. C'est pourquoi les critères applicables à la résolution de problèmes d'immunité sont les mêmes dans le cas du matériel connexe et des récepteurs de radiodiffusion. Cependant, étant donné que la Loi sur la radiocommunication définit le matériel connexe comme du matériel radiosensible et non comme du matériel radio, ils sont considérés, pour fins de clarté, comme appartenant à une catégorie distincte dans le présent document.

Exemples d'appareils de la catégorie du matériel connexe :

  • Magnétoscopes
  • Magnétophones
  • Platines tourne-disque
  • Câblosélecteurs
  • Amplificateurs audio
  • Lecteurs de disques compacts

Notes en bas de page

Retour à la référence de note en bas de page 1 Comité Européen de Normalisation Électrotechnique (CENELEC) -- Norme EN500821:Matériel résidentiel générique, Norme EN55020: Récepteurs de radiodiffusion et detélévision et équipements associés.

Retour à la référence de note en bas de page 2 Commission électrotechnique internationale -- Comité International Spécial sur les Perturbations Radioélectriques (CISPR) Publication 20 --Limites et méthodes de mesure des caractéristiques d'immunité des récepteurs de radiodiffusion et de télévision et équipements associés.

Retour à la référence de note en bas de page 3 Commission électrotechnique internationale --Comité d'Étude 77-- Projet de Comité 77 (Secrétariat)141 --Norme générique immunité pour les environnements industriels (sic), commerciaux et de l'industrie légère.