Chapitre 12 du RPBB Objet et utilité proposé

12.01 Objet prévu par la Loi juin 2017

La protection offerte par la Loi sur les brevets s'étend à une grande partie, mais pas la totalité, des domaines de l'activité humaine. Les domaines auxquels elle s'applique sont dits « prévus par la Loi ».

L'article 2 de la Loi sur les brevets définit une invention comme suit :

Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité.

Pour être considéré comme prévu par la Loi, l'objet à protéger doit s'inscrire dans l'une des catégories définies à l'article 2 de la Loi sur les brevets. L'exigence qu'une invention soit prévue par la Loi peut être déterminée en se demandant si l'invention est ou n'est pas un « objet » approprié pour un brevet.

12.01.01 Réalisation

Pour l'application de la Loi sur les brevets, le terme « réalisation » concerne l'application d'une connaissance en vue d'obtenir un résultat souhaitéNote de bas de page 1. Pour être prévue par la Loi, une « réalisation » doit appartenir à ce que les tribunaux appellent « réalisation utile »Note de bas de page 2 et un « domaine de réalisations manuelles ou de production »Note de bas de page 3. Une réalisation doit être l'application pratique de la connaissanceNote de bas de page 4 et doit, par conséquent, être définie d'une manière qui donne un effet pratique à la connaissance. Il s'ensuit qu'une réalisation est généralement revendiquée soit comme une utilisation, soit comme une méthode.

Une revendication d'utilisation décrit généralement une manière ou un mode d'application de certains moyens en vue d'obtenir un résultat particulier sans prescrire en détail la façon d'obtenir le résultat. Par exemple, une revendication d'utilisation peut prendre la forme d'une « utilisation d'une source de chaleur pour faire bouillir de l'eau ». [Voir le chapitre 11 pour des directives supplémentaires sur les revendications d'utilisation.]

Une revendication de « méthode » décrit également un mode ou une manière d'obtenir un certain résultat, mais comprend les étapes particulières par lesquelles le résultat est obtenu. Par exemple, une revendication de méthode peut prendre la forme d'« une méthode de chauffage de l'eau comprenant les étapes de verser deux tasses d'eau dans un contenant en acier inoxydable, de placer le contenant sur une source de chaleur, et de faire chauffer l'eau jusqu'à ce que la température de l'eau atteigne 100 degrés Celsius ».

Qu'une méthode soit prévue ou non par la Loi n'est pas fonction du fait que le produit de la méthode est prévu ou non par la Loi.

12.01.02 Procédé

Un « procédé » concerne l'application d'une méthode sur un matériau ou des matériauxNote de bas de page 5. Un procédé peut être considéré comme un mode ou une méthode d'exécution au moyen duquel un résultat ou un effet est obtenu par réaction physique ou chimique, par l'action ou l'application d'un élément ou d'une force naturelle, ou par l'application d'une substance sur une autre. Comme dans le cas des méthodes, qu'un procédé soit prévu ou non par la Loi n'est pas fonction du fait que le produit du procédé est prévu ou non par la Loi.

12.01.03 Machine

Une « machine » est la réalisation sous forme mécanique et/ou physique d'une fonction ou d'un mode d'exécution destiné à accomplir un effet particulier, dans laquelle les parties de la machine coopèrent pour obtenir l'effet. Une machine peut être considérée comme tout dispositif qui transmet une force ou dirige l'application d'une force, ou comme un dispositif qui permet à l'énergie d'une source d'être modifiée et transmise en énergie ayant une forme différente et une fin différente. Une machine peut être revendiquée comme un dispositif, un appareil ou un système, par exemple.

12.01.04 Fabrication

Le terme « fabrication » a été défini de manière générale comme « un produit ou un procédé mécanique non vivant »; et comme étant le procédé de fabriquer (à la main, à la machine, industriellement, en grande série …) des objets ou une matière techniques (en grande quantité, selon l'usage contemporain) par l'application d'une énergie manuelle ou mécanique, ou l'objet ou la matière réalisés par ce procédéNote de bas de page 6.

12.01.05 Composition de matières

Une « composition de matières » s'entend d'une combinaison d'ingrédients, que la combinaison soit une union chimique ou un mélange physique, et elle inclut les composés, compositions et substances chimiques. Le terme « matières » implique que les ingrédients soient perceptibles dans l'espace et possèdent une masse mécanique. Dans l'arrêt Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), la Cour suprême a noté que la portée de cette catégorie doit être limitée d'une certaine façon, sous peine que les catégories « machine » et « fabrication » deviennent redondantesNote de bas de page 7.

12.02 Les inventions ne doivent pas être désincarnées– juin 2017

Une invention est une solution apportée à un problème pratique. Pour régler un problème pratique, la solution doit prendre une forme susceptible d'être en interaction directe avec le monde matériel et, par conséquent, permettre à la personne versée dans l'art d'obtenir le résultat ou le bénéfice attendu. Cette forme est désignée dans le présent recueil comme une « forme pratique » ou une « forme susceptible d'être mise en pratique ».

Une idée, une notion ou une découverte désincarnée qui sous-tend une invention ou y conduit n'est pas directement brevetable; pour qu'elle soit brevetable, elle doit être intégrée à une forme pratique. Une simple idée ou un simple concept intellectuel, si bien conçu ou structuré soit-il dans l'esprit, est désincarné et n'a pas la faculté d'interagir avec le monde matériel pour apporter une solution à un problème pratique. Dans l'arrêt Shell Oil Co. c. Canada (Commissaire aux brevets), la Cour suprême a noté ceci : [Traduction] « Une idée désincarnée n'est pas brevetable en soi. Mais elle le sera s'il existe une méthode pratique de l'appliquer »Note de bas de page 8. Dans l'arrêt Riello Canada Inc. c. Lambert, le tribunal a corroboré les observations de la décision Reynolds c. Herbert Smith & Co., Ltd., qui notait que [Traduction] « l'idée qui mène à l'invention […] ne fait pas partie de l'invention. L'idée, ou la reconnaissance d'un besoin, incite l'inventeur à faire quelque chose d'autre. C'est la fabrication de ce qui va au-delà qui est l'invention » et, de la même façon, [Traduction] « la découverte enrichit la somme du savoir humain, mais elle le fait seulement en levant le voile et en divulguant ce qui n'avait pas été vu auparavant ou l'avait été vaguement. L'invention enrichit aussi le savoir humain d'une autre manière que par la divulgation de quelque chose. L'invention implique nécessairement la suggestion d'un acte à accomplir, et cet acte doit donner naissance à un nouveau produit, à un nouveau résultat, à un nouveau procédé ou à une nouvelle combinaison en vue de réaliser un produit existant ou de produire un résultat existantNote de bas de page 9 ».

La définition d'« invention » implique de façon implicite qu'un objet prévu par la Loi doit avoir une existence physique, ou manifester un effet ou un changement décelableNote de bas de page 10.

12.03 Objet exclu de la brevetabilité juin 2017

Il ressort de la définition de l'invention à l'article 2 de la Loi sur les brevets que tout ne peut pas être breveté. En ce qui concerne l'article 2, la Cour suprême a noté dans l'arrêt Harvard College c. Canada que « [e]n choisissant de définir ainsi le mot invention, le législateur a indiqué qu'il avait clairement l'intention d'inclure certains objets comme étant brevetables et d'exclure d'autres objets pour le motif qu'ils ne relèvent pas de la Loi »Note de bas de page 11.

Les sections suivantes exposent diverses proscriptions prévues par la Loi et la jurisprudence à la portée de l'objet brevetable en vertu de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

12.03.01 Principes scientifiques et conceptions théoriques

Le paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets prévoit :

Il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

Ce paragraphe a été interprété par les tribunaux comme excluant notamment de la brevetabilité les formules mathématiquesNote de bas de page 12, les phénomènes naturels et les lois de la nature.

Les exclusions visées à ce paragraphe s'appliquent dans le cas où une personne cherche à monopoliser l'objet exclu de manière générale; elles ne s'appliquent pas, par exemple, à un principe scientifique, une loi de la nature ou une formule mathématique qui sous-tend l'exécution d'une forme pratique de l'invention.

Le Bureau des brevets considère que de simples principes scientifiques et conceptions théoriques ne constituent pas une invention au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets. Par conséquent, les revendications considérées comme visant des principes scientifiques ou des conceptions théoriques seront désignées comme étant irrégulières au sens du paragraphe 27(8) et de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

12.03.02 Méthodes de traitement médical ou de chirurgie

Une méthode ou un procédé de chirurgie ou de thérapie sur des humains ou des animaux sont exclus de la portée de la définition de l'invention énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

Une description détaillée des méthodes médicales et chirurgicales se trouve au chapitre 17.

12.03.03 Formes de vie supérieures

La Cour suprême du Canada a établi que les formes de vie supérieures ne sont pas brevetables étant donné qu'elles ne sont ni des fabrications ni des compositions de matière au sens de la définition de l'invention énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevetsNote de bas de page 13.

Une description détaillée des formes de vie supérieures se trouve au chapitre 17.

12.03.04 Formes d'énergie

Les formes d'énergie, telles que les régions du spectre électromagnétique, les courants électriques et les explosions, ne sont pas considérées comme des objets au sens de la portée de la définition de l'invention énoncée à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

Les formes d'énergie ne sont pas considérées comme des fabrications ou des compositions de matières dans le sens prévu par la Loi sur les brevets. Les signaux électromagnétiques et acoustiques sont également considérés comme des formes d'énergie et ne comprennent pas de matière même si le signal peut être transmis par un support physique. Ainsi, les revendications de signaux électromagnétiques et acoustiques ne constituent pas un objet prévu par la Loi au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

Plus particulièrement, un signal électromagnétique ou acoustique n'est pas considéré comme une réalisation (c.-à-d. n'est pas une méthode ou une utilisation en soi) ou un procédé (c.-à-d. n'est pas un mode ou une méthode d'exécution au moyen duquel un résultat ou un effet est obtenu par réaction physique ou chimique; par l'action de l'application d'un élément d'une force naturelle; ou par l'application d'une substance sur une autre). Un signal électromagnétique ou acoustique n'est pas non plus une machine, puisqu'il ne s'agit pas d'une réalisation sous forme mécanique de toute fonction ou de tout mode d'exécution conçu en vue d'obtenir un effet particulier, pas plus qu'une composition de matières, puisqu'il ne s'agit pas d'un composé, d'une composition ou d'une substance chimique. Un signal électromagnétique ou acoustique est considéré comme n'étant pas en soi un produit matériel et n'est donc pas non plus une fabrication.

12.03.05 Caractéristiques présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique

Les caractéristiques d'une invention présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique sont considérées, sur le plan pratique, comme ne pouvant pas influencer le fonctionnement de l'invention. Ces caractéristiques ne peuvent pas modifier le mode de fonctionnement de la forme pratique de l'invention qui constitue la solution au problème.

Dans le cas où l'invention semble viser un objet présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique, la revendication est irrégulière au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevetsNote de bas de page 14.

Dans le cas d'une invention où la solution à un problème pratique nécessite l'obtention d'un résultat ou d'un effet présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique, le fait que la finalité de l'invention soit de produire un résultat ou un effet non prévu par la Loi n'a pas d'incidence sur la brevetabilité de l'invention Note de bas de page 15. Dans de tels cas, la forme pratique de l'invention ne réside pas exclusivement dans son intérêt intellectuel ou esthétique puisque la solution à un problème pratique donne lieu à une nouvelle fonctionnalité.

12.03.06 Imprimés

Les imprimés d'intérêt purement intellectuel ou esthétique, comme une œuvre littéraire, sont exclus de toute brevetabilité pour les raisons énoncées en 12.03.05. Cependant, dans le cas où l'imprimé confère une nouvelle fonctionnalité au support sur lequel il est imprimé, une revendication de cet objet peut être considérée comme prévue par la Loi. Pour que l'imprimé et le support soient considérés comme une forme pratique d'une invention, ils doivent apporter une solution à un problème pratique relié à l'utilisation de l'imprimé en général, qui ne soit pas fondée sur le contenu exclusivement intellectuel ou esthétique de l'imprimé lui-même.

À titre d'exemple, le commissaire aux brevets a confirmé que chacun des éléments suivants était brevetable : un matériel textile portant des repères permettant une précision accrue au cours d'un procédé de fabrication,Note de bas de page 16 une mise en page de journal où des blancs sont prévus pour faciliter la lecture du journal lorsqu'il est plié, une mise en page de texte sur une suite de pages pour faciliter le processus de reliure et la présentation d'un texte sur un billet qui permet au billet d'être divisé soit horizontalement, soit verticalement de manière que tous les renseignements figurent sur les deux moitiésNote de bas de page 17.

Dans chacun des exemples précédents, l'imprimé a conféré à la combinaison une nouvelle fonctionnalité mécanique. L'invention ne reposait pas sur le contenu même de l'imprimé. Dans le cas où l'imprimé ne présente qu'un intérêt intellectuel ou esthétique, il peut être désigné par l'appellation commode d'« objet descriptif non fonctionnel ».

Le terme « imprimé » ne devrait pas être restreint au procédé classique d'imprimerie « encre sur papier », mais devrait comprendre tout moyen d'affichage d'information.

Exemple :

Une demande décrit un billet de loterie à gratter où les zones à gratter sont disposées en labyrinthe et l'utilisateur doit gratter des cellules pour déterminer s'il peut avancer jusqu'à la fin du labyrinthe.

Revendication :

  1. Un billet de loterie à gratter comprenant un motif ou plusieurs sentiers qui s'entrecroisent pour définir un labyrinthe, lesdits sentiers étant divisés en cellules individuelles, chaque cellule comprenant un indicateur de direction et chaque cellule étant couverte par une matière opaque à gratter, où lorsque les indicateurs de direction définissent un sentier partant d'une première cellule du labyrinthe jusqu'à une cellule finale du labyrinthe, le billet de loterie est un « billet gagnant ».

Analyse :

Personne versée dans l'art (PVA)

La PVA est considérée comme une personne qui est versée dans la conception de billets de loterie à gratter; la PVA possède également des connaissances dans le domaine de la commercialisation.

Connaissances générales courantes (CGC) de la PVA

La PVA considérerait qu'un support sur lequel des renseignements sont couverts par une matière opaque à gratter relève des CGC. L'usage d'un tel support dans le domaine des billets de loterie à gratter comprenant divers scénarios de jeu serait également considéré comme relevant des CGC.

Le problème

La PVA, ayant lu le mémoire descriptif et tenant compte de ses CGC, considérerait que le problème à régler grâce à l'invention revendiquée est de fournir une variante aux billets de loterie à gratter.

La solution

La solution au problème est de fournir le motif ou la pluralité de sentiers qui s'entrecroisent pour définir un labyrinthe.

Quels sont les éléments essentiels?

L'élément essentiel (c.-à-d. l'élément qui fournit la solution au problème) est le motif ou la pluralité de sentiers qui s'entrecroisent pour définir un labyrinthe.

La revendication est-elle prévue par la Loi?

Cet élément essentiel ne confère aucune nouvelle fonctionnalité au support sur lequel il est imprimé; il s'agit simplement d'un imprimé présentant un intérêt exclusivement intellectuel ou esthétique. La revendication vise un objet non prévu par la Loi et est, par conséquent, non conforme à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

12.03.07 Beaux-arts

Les « beaux-arts » ont été décrits comme ceux qui « tien[nen]t uniquement à […] la réflexion intellectuelle ou au sens esthétique »Note de bas de page 18. Les beaux-arts sont par conséquent un objet non brevetableNote de bas de page 19. Le terme est interprété comme incluant des activités telles que les exercices, la danse, le théâtre, l'écriture, l'enseignement, la coiffure, la cosmétologie, l'arrangement floral, la peinture et la pratique d'instruments de musique. En général, tout produit issu des beaux-arts sera lui aussi non prévu par la Loi.

Les beaux-arts et les produits qui en sont issus ne sont pas des formes pratiques d'invention, car ils ne constituent la solution d'aucun problème pratique. Généralement, les caractéristiques qui distinguent un produit des beaux-arts présenteront un intérêt purement intellectuel ou esthétique.

La non-brevetabilité des beaux-arts ne s'étend pas aux matériaux et aux instruments inventifs utilisés dans la pratique des beaux-arts. Par exemple, une méthode artistique de peinture et le tableau qui en résulte sont des objets non prévus par la Loi, alors qu'un chevalet inventif sur lequel on pose une toile serait brevetable. De la même manière, les peintures, les pinceaux, etc., utilisés en relation avec l'art visé (mais qui n'en sont pas dérivés comme les tableaux) sont tous des objets prévus par la Loi.

12.03.08 Schémas, plans, règles et processus intellectuels

Un schéma, un plan ou une règle visant l'exécution d'une opération, l'obtention d'un résultat, le contrôle d'une méthodeNote de bas de page 20 et un procédé constitué exclusivement d'une série d'opérations purement mentalesNote de bas de page 21 (par ex., l'exécution de calculs, le traitement de données ou de renseignements en vue de produire des données ou des renseignements présentant un intérêt différent purement intellectuel ou esthétique) sont désincarnés (abstraits) et ne sont pas des formes pratiques d'une invention, sans égard à leur reproductibilité.

12.03.09 Jeux

Une façon de jouer à un jeu ou à un sport n'apporte pas de solution à un problème pratique, et, par conséquent, toute méthode de jeu n'est pas un objet prévu par la Loi. Cela s'applique autant dans le cas où une méthode revendiquée se distingue par des règles spécifiques qui s'appliquent au jeuNote de bas de page 22, que lorsque des actes doivent être accomplis en vue d'obtenir des résultats spécifiques reliés au jeu.

Les instruments utilisés dans la pratique d'un jeu donné peuvent, en soi, être brevetables (par ex., une table ou une pièce de jeu de conception spéciale, un plateau de jeu doté d'une fonction mécanique particulière ou une combinaison de ces éléments qui est brevetable en elle-même).

12.04 Utilité juin 2017

L'article 2 de la Loi sur les brevets exige d'une invention qu'elle soit utile. L'utilité au sens de la Loi sur les brevets peut être considérée comme une exigence pour qu'une invention soit opérationnelle, contrôlable et reproductible de sorte que les objectifs de l'invention soient atteints de façon prévisibleNote de bas de page 23.

Sauf dans le cas où l'utilité est l'essence même de l'invention (par ex. de nouvelles utilisations de composés existants), un demandeur n'est pas tenu d'énoncer explicitement l'utilité de l'invention dans sa demande.Note de bas de page 24 Cependant, si l'utilité d'une invention est mise en doute, l'utilité doit être démontrée ou avoir fait l'objet d'une prédiction valable (voir 12.04.03) à la date de dépôt de la demandeNote de bas de page 25. Le seuil à franchir pour établir l'utilité est en général peu élevéNote de bas de page 26 la « moindre parcelle » d'utilité sera suffisanteNote de bas de page 27. Cependant, dans le cas où le mémoire descriptif énonce une promesse explicite, l'utilité sera évaluée en fonction de cette promesseNote de bas de page 28(voir 12.04.02).

L'utilité est un aspect essentiel de l'invention. Toutefois, à l'exception de nouvelles utilisations de composés existants, il n'est pas nécessaire que l'utilité soit explicitement définie dans les revendicationsNote de bas de page 29. Pour s'appliquer à un mode de réalisation utile, une revendication doit définir l'élément ou la combinaison d'éléments inventifs nécessaires au fonctionnement approprié de l'invention dans ses finalités recherchéesNote de bas de page 30. Une caractéristique nécessaire au fonctionnement de l'invention, dont la présence implicite est comprise par la personne versée dans l'art, n'a pas besoin d'être explicitement définieNote de bas de page 31.

12.04.01 Caractère contrôlable et reproductible

Pour qu'une invention soit jugée avoir une utilité, elle doit être contrôlable et reproductible de façon fiableNote de bas de page 32; le résultat souhaité doit invariablement suivre la mise en pratique de l'invention et ne doit pas être laissé au hasard. Il faut noter que l'idée selon laquelle le « résultat souhaité doit invariablement suivre » peut s'entendre d'un taux de succès acceptable dans une méthode particulière de production de masse de nature répétitive. Par exemple, si une méthode est connue et reconnue dans un domaine particulier comme ayant un taux de succès particulier ou un certain pourcentage de rejets, le résultat souhaité suit invariablement, tant que le taux de réussite de la méthode se situe à l'intérieur de ces paramètres généralement acceptés ou si la méthode produit un pourcentage de rejets qui s'inscrit dans le cadre de ces paramètres connus.

Les inventions qui sont le fruit du hasard et qui ne peuvent pas être reproduites de manière fiable sont dénuées d'utilitéNote de bas de page 33. Une invention qui s'appuie sur le jugement ou le raisonnement de l'exécutant est réputée dénuée de reproductibilité et, par conséquent, d'utilitéNote de bas de page 34. Certaines opérations purement mentales faisant appel à des moyens de vérification et de détection donnent des résultats précis et prévisibles et n'entraînent pas que la réalisation ou le procédé qui s'appuie sur eux soit dénué d'utilité. Dans tous les cas où une personne est appelée à effectuer une interprétation subjective, toutefois, le résultat sera assujetti à des facteurs tels que l'intuition, la créativité, la conjecture et l'approximation, et le résultat ne sera pas contrôlable ou reproductible objectivement. L'absence de contrôle et de reproductibilité est amplifiée si le jugement subjectif fait appel au système de valeurs, aux croyances, aux intérêts ou aux préférences d'une personne.

12.04.02 Utilité promise de l'invention

Il y a absence d'utilité lorsque « l'invention ne fonctionnera pas, soit dans le sens où elle ne fonctionnera pas du tout, soit de manière plus large, dans le sens où elle ne pourra pas faire ce que le mémoire descriptif promet qu'elle fera »Note de bas de page 35; « lorsque les résultats promis sont obtenus conformément aux instructions du mémoire descriptif, l'invention est utile selon l'emploi de ce terme en droit des brevets »Note de bas de page 36.

Comme discuté en 12.04, dans la plupart des cas, un demandeur n'est pas tenu d'énoncer l'utilité d'une invention. Cependant, dans le cas où un inventeur promet qu'une invention apportera un avantage particulier (par ex., qu'elle améliorera l'exécution ou l'efficience de quelque chose ou qu'elle sera utile dans une finalité jusque-là inconnue), et que cet avantage est considéré comme étant une utilité explicitement promise, c'est effectivement cette utilité que l'invention doit avoir. Les règles en matière de promesse constituent une exception au seuil de « parcelle d'utilité » susmentionné. Reconnaissant que l'utilité doit être énoncée dans le mémoire descriptif lorsqu'elle est l'essence même de l'invention (par ex., de nouvelles utilisations de composés existants), dans les cas où un demandeur n'est pas tenu de décrire l'utilité particulière de son invention, mais néanmoins promet expressément un résultat spécifique, le demandeur devra respecter cette promesse; « lorsque l'inventeur doit prouver l'utilité de son invention, […] le fait que l'invention ait respecté le seuil de la moindre parcelle n'est d'aucun secours pour établir son utilité lorsqu'une promesse, une fois faite, ne peut être remplieNote de bas de page 37 ».

Le mémoire descriptif doit être lu en ayant à l'esprit que « ce ne sont pas toutes les déclarations que l'on trouve dans un brevet au sujet des avantages qui peuvent être considérées comme une promesse. Un objectif n'est pas nécessairement une promesseNote de bas de page 38 ». « Les règles en matière de promesse exigent que l'inventeur respecte une norme élevée uniquement dans le cas où une promesse a été faite de façon claire et non ambiguëNote de bas de page 39 ». Il n'est pas suffisant de simplement qualifier une promesse d'« explicite » si cela ne peut être étayé que par des déductions équivoques ou des indications ambiguësNote de bas de page 40 ». Une promesse d'utilité ne doit pas être inférée du langage utilisé dans le mémoire descriptif. Elle doit plutôt se trouver expressément et sans équivoque dans le langage clair du mémoire descriptifNote de bas de page 41. « [T]out énoncé de l'utilité ne figurant pas dans la partie du mémoire descriptif consacré aux revendications […] devrait être considéré comme un simple énoncé d'avantage, à moins que l'inventeur n'indique clairement et sans équivoque que cela fait partie de l'utilité promiseNote de bas de page 42 ».

L'examinateur doit donc évaluer attentivement le mémoire descriptif avant de décider que le demandeur a fait une promesse explicite d'utilité et doit avoir à l'esprit que tout brevet ne comprend pas une promesse explicite d'obtenir un résultat spécifiqueNote de bas de page 43. Toutefois, lorsque les revendications d'un brevet mentionnent un résultat ou un avantage, cela sera généralement considéré comme une promesse d'utilitéNote de bas de page 44.

Dans le cas où une telle promesse explicite est présente, l'effet de la promesse explicite doit être attentivement évalué pour chacune des revendications. « Il est également maintenant établi en droit que certaines promesses peuvent être interprétées comme imposant des exigences en matière d'utilité à chacune des revendications d'un brevet, tandis que d'autres promesses peuvent viser uniquement un sous-ensemble de revendications. Dans chaque affaire, il s'agit d'interpréter de façon appropriée les revendications pertinentesNote de bas de page 45. »

Une invention n'a besoin que d'une seule utilisation pour être brevetable. Dans le cas où plusieurs utilisations sont explicitement promises, le demandeur doit établir l'utilité de chacune par la démonstration ou la prédiction valable à la date de dépôt. Par exemple, s'il promet explicitement qu'une composition sera utile comme médicament, le demandeur doit établir qu'elle est utile dans le traitement d'au moins une maladie à la date de dépôt. Toutefois, s'il promet qu'elle sera utile comme médicament pour le traitement de nombreuses maladies, le demandeur doit établir son utilité pour le traitement de chacune des maladies à la date de dépôt.

12.04.03 Démonstration ou prédiction valable

L'utilité de l'invention doit être établie à la date de dépôt de la demande de brevet au moyen d'une démonstration ou d'une prédiction valableNote de bas de page 46. Dans le cas où l'examinateur d'une demande a des motifs raisonnables de croire que la demande n'est pas conforme à l'exigence d'utilité au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets et qu'en réponse, le demandeur fournit des données établissant l'utilité, les données doivent démontrer que l'utilité de l'invention a été établie à la date de dépôt. « À moins que l'inventeur ne soit en mesure d'établir, au moyen d'une démonstration ou d'une prédiction valable, l'utilité de l'invention au moment de la demande de brevet, le commissaire est tenu “en droit” de refuser le brevetNote de bas de page 47. » « L'utilité et la prédiction valable sont des questions de fait et doivent évidemment être étayées par la preuveNote de bas de page 48. »

La démonstration de l'utilité relève des modes de réalisation de l'invention dont le fonctionnement aux fins promises par le demandeur a été montré. Dans le cas où l'utilité d'une invention doit être établie par une démonstration, la démonstration doit avoir eu lieu à la date de dépôt, mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit comprise dans la descriptionNote de bas de page 49. Les données établissant la démonstration de l'utilité à la date de dépôt peuvent être fournies après la date de dépôt par le demandeur par voie d'un affidavit.

Dans le cas où un demandeur est appelé à établir l'utilité et propose de démontrer que l'invention était utile à la date de dépôt, cette utilité démontrée doit être établie par l'expérimentation et la mise à l'essai de tous les modes de réalisation de l'invention ou de tous les membres du genre revendiqué, par exemple, et ne peut s'appuyer sur des assertions littérales stipulant que l'invention revendiquée est utile.

Lorsqu'un demandeur n'est pas en mesure de démontrer l'utilité de l'invention, il doit s'appuyer sur une prédiction valable pour établir l'utilité. L'utilité établie au moyen d'une prédiction valable se rapporte aux modes de réalisation de l'invention dont l'utilité n'a pas été démontrée, mais pour lesquels il existe, dans toute la portée de l'invention revendiquée, un fondement factuel justifié pour pouvoir prédire cette utilité. Autrement dit, il n'est pas nécessaire que l'utilité ait été démontrée à la date de dépôt de la demande de brevet, mais le fondement scientifique sur lequel repose l'utilité doit avoir été établi par une prédiction valable à la date de dépôt.

Il convient de mentionner que la doctrine de la prédiction valable est d'application générale dans tous les domaines où la protection par un brevet peut être recherchée, et elle a été appliquée, par exemple, dans le domaine mécaniqueNote de bas de page 50.

12.04.04 Exigences de la prédiction valable

Pour qu'une prédiction soit réputée « valable », elle doit remplir les exigences suivantes :

  1. la prédiction doit avoir un fondement factuel;
  2. à la date de dépôt de la demande de brevet, l'inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permet d'inférer du fondement factuel le résultat souhaité;
  3. la divulgation doit être suffisanteNote de bas de page 51.

Le fondement factuel comprend généralement les faits concernant l'invention qui sont fournis par le demandeur dans la description et les dessins, les principes scientifiques pertinents et les renseignements relevant des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art. Le raisonnement clair et valable peut être considéré comme l'analyse établissant comment le demandeur comble logiquement l'écart entre le fondement factuel et l'utilité prétendue de l'invention.

La date pertinente pour déterminer si la prédiction est « valable » est la date de dépôt de la demandeNote de bas de page 52. Dans le cas où le demandeur revendique une date de priorité, sa revendication n'est valide que dans la mesure où le document ou les documents justificatifs sont suffisants pour établir l'utilité de l'invention. Bien que le demandeur soit autorisé à ajouter dans la demande, à la date de dépôt, des éléments qui n'étaient pas inclus dans le ou les documents de priorité, dans le cas où ces éléments sont nécessaires pour établir l'utilité d'un mode de réalisation de l'invention, ce mode de réalisation ne bénéficie pas de la date de priorité.

Il est important d'avoir à l'esprit que la « prédiction valable » n'implique pas la certitude; toutefois, une prédiction valable ne doit pas être diluée au point d'inclure les vœux pieux ou les simples spéculationsNote de bas de page 53. Par conséquent, dans l'évaluation de l'utilité en fonction de la prédiction valable, il faut bien mettre l'accent sur le caractère « valable » de la prédiction, la question étant de savoir si la prédiction est « valable » ou « spéculative ». Dans l'arrêt Monsanto Co. c. Canada (Commissaire aux brevets), le juge Pigeon a exprimé l'absence de certitude dans les termes suivants : « [s]i le breveté peut faire une prédiction valable et structurer une revendication qui n'excède pas les limites dans lesquelles la prédiction demeure valable, il a alors le droit de le faire. Naturellement, il prend ainsi le risque qu'un défendeur puisse établir que la prédiction n'est pas valable ou que certains corps visés par les mots qu'il a employés n'ont pas d'utilité ou […] qu'une promesse qu'il a faite dans son mémoire descriptif est fausse sous un aspect importantNote de bas de page 54.

12.04.04a Fondement factuel

L'évaluation du fondement factuel suffisant pour qu'il y ait prédiction valable doit être menée au cas par cas, et elle dépendra de facteurs tels que les suivants :

  1. la portée des revendications;
  2. l'état de la technique;
  3. la nature de l'invention et sa prévisibilité;
  4. la mesure dans laquelle le demandeur a exploré le domaine revendiqué, par exemple en effectuant des expériences qui fournissent un fondement factuel à l'utilité affirmée.

Un fondement factuel ne signifie pas nécessairement des données expérimentalesNote de bas de page 55 et même s'il peut être fourni par voie d'exemples, il n'est pas absolument nécessaire qu'il en soit ainsi. Le fondement factuel pourrait se trouver dans des lois ou des principes scientifiques reconnus, dans des données faisant partie de l'état de la technique et auxquelles renvoie la description ou encore dans des renseignements relevant des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art.

Le terme « fondement factuel » implique d'étayer et de prouver. Comme il a été mentionné en 12.04.03, « l'utilité et la prédiction valable sont des questions de fait et doivent évidemment être étayées par la preuveNote de bas de page 56 ». Dans la description, des déclarations simples et non corroborées alléguant que l'invention fonctionnera ne sont pas considérées comme factuelles. De la même façon, même si un demandeur peut inclure dans sa demande des « exemples prophétiques », ceux-ci n'ont aucune valeur quant au fondement factuel d'une prédiction valable. Un exemple prophétique est par définition une déclaration de ce qui pourrait être, plutôt que de ce qui est, et n'est donc pas factuel.

12.04.04b Raisonnement clair et valable

Le raisonnement clair et valable lie le fondement factuel à l'utilité prétendue de l'invention. La personne versée dans l'art doit être en mesure de comprendre comment le raisonnement clair et valable lie le fondement factuel à l'utilité prétendue de l'invention.

12.04.04c Divulgation suffisante et prédiction valable

Pour qu'il y ait divulgation suffisante de la prédiction valable, la description doit fournir des renseignements suffisants permettant à la personne versée dans l'art, à la lumière de ses CGC, de comprendre le fondement de la prédiction valable et d'être en mesure de prédire que l'invention fonctionnerait dans toute sa portée une fois qu'elle serait réaliséeNote de bas de page 57.

En ce qui concerne ce qui doit être divulgué pour répondre aux exigences du troisième volet de la règle de la prédiction valable, ce sont le fondement factuel et le raisonnement clair et valable qui doivent être divulguésNote de bas de page 58. La mesure dans laquelle le fondement factuel et le raisonnement clair et valable doivent être décrits dans la description originale doit être évaluée au cas par cas. Les éléments du fondement factuel ou du raisonnement clair et valable qui peuvent se trouver dans des lois ou des principes scientifiques reconnus ou qui seraient évidents pour une personne versée dans l'art à la lumière des connaissances générales courantes n'ont pas, de façon générale, à être divulgués dans le mémoire descriptif. Les données qui font partie de l'état de la technique pourraient, en fonction des circonstances spécifiques, être divulguées de manière suffisante par simple renvoi au document qui les contient. Dans ce cas, ces documents de référence doivent être identifiés de façon appropriéeNote de bas de page 59.

Dans le cas où une prédiction valable se fonde sur d'autres renseignements qui ne sont pas accessibles au public, ces renseignements doivent être compris dans la descriptionNote de bas de page 60 au moment du dépôt. Contrairement à la preuve démontrant l'utilité, un demandeur ne peut fournir une preuve après la date de dépôt pour divulguer de façon suffisante une prédiction valable, même si la preuve a été générée avant la date de dépôt. Les explications fournies pendant l'examen en ce qui concerne la nature du raisonnement clair et valable ne peuvent être considérées que dans la mesure où elles servent à expliquer pourquoi une personne versée dans l'art aurait compris le raisonnement clair et valable en se basant sur la description telle que déposée et de ses connaissances générales courantes.

Puisque la divulgation s'adresse à une personne versée dans l'art, la divulgation doit permettre à cette personne de faire une prédiction valable. Il ne suffit pas que la description divulgue des données qui permettent de faire une prédiction valable seulement lorsqu'elles sont interprétées à la lumière de renseignements qui ne sont pas accessibles au public (par ex., un savoir-faire privatif exclusif aux demandeurs), ou seulement lorsqu'elles sont interprétées par un expert ayant un degré de connaissance qui dépasse les connaissances attendues de la personne versée dans l'art.

Bien qu'un demandeur ne soit généralement pas tenu de formuler une théorie sur le fonctionnement de l'invention, si l'utilité de l'invention est fondée sur une prédiction valable, et que le raisonnement clair et valable dépend d'une compréhension de la théorie sur le fonctionnement de l'invention, il peut ne pas être possible de présenter un raisonnement clair et valable de façon appropriée sans la divulgation de cette théorie.

Il est important de noter que l'exigence de divulgation dans le cadre de la règle de la prédiction valable et l'exigence de suffisance de la divulgation sont des exigences distinctes et séparablesNote de bas de page 61. L'exigence de divulgation dans le cadre de la règle de la prédiction valable est liée à l'exigence d'utilité d'une invention au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets; elle ne se rapporte pas à l'exigence de suffisance de la divulgation au sens du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. [Voir le chapitre 9 pour une discussion sur le caractère suffisant.]

Exemple 1

Une demande décrit l'utilisation d'une solution contenant des cellules et un polymère biocompatible formant un hydrogel qui peut être réticulé pour produire, lorsqu'injecté à un patient, l'équivalent d'un tissu (lequel comporte une structure tridimensionnelle en réseau ouvert où sont dispersées des cellules). La description indique que tout polymère biocompatible formant un hydrogel qui peut être réticulé convient pour créer l'équivalent d'un tissu. Sont également divulgués des renseignements détaillés concernant les types préférés de polymères biocompatibles formant un hydrogel qui peut être réticulé, qui peuvent servir; et les caractéristiques structurelles spécifiques de chacun de ces types de polymères qui font en sorte que ces polymères conviennent à l'utilisation. Plus particulièrement, la description démontre qu'un équivalent d'un tissu est créé avec succès à l'aide d'un polymère à base d'alginate de calcium et des ostéoblastes.

Revendications
  1. Une utilisation d'une solution contenant un polymère et des cellules pour l'injection d'une suspension cellulaire à un animal dans des conditions qui permettent une réticulation de cette solution à l'intérieur de l'animal en vue de former une structure tridimensionnelle en réseau ouvert où sont dispersées des cellules, cette solution comprenant un biopolymère biocompatible formant un hydrogel qui peut être réticulé par des liaisons covalentes, ioniques ou hydrogènes afin de créer un hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert qui emprisonne des molécules d'eau pour former un gel, mélangé à des ostéoblastes.

  2. L'utilisation de la revendication 1 dans laquelle le biopolymère biocompatible formant un hydrogel est l'alginate de calcium.

Analyse : La revendication 1 englobe l'utilisation de tout biopolymère biocompatible formant un hydrogel qui peut être réticulé afin de créer un hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert pour administrer des ostéoblastes à un patient, alors que la revendication 2 est restreinte à l'utilisation d'alginate de calcium comme biopolymère. Dans le cas où l'utilité de l'invention est mise en doute, le demandeur doit être en mesure d'établir qu'il a démontré l'utilité de l'invention ou qu'il en a fait une prédiction valable à la date de dépôt. Dans ce cas, l'examinateur remet en question l'utilité de l'invention et souligne que la description démontre que l'alginate de calcium convient comme biopolymère pour créer l'hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert souhaité. Par conséquent, l'utilité de la revendication 2 est considérée comme établie par la démonstration et est conforme à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Ce qui n'a toutefois pas été démontré, en ce qui concerne la revendication 1, est l'utilisation d'autres polymères convenables, outre l'alginate. Compte tenu de cela, il est évident que l'utilité de la revendication 1 dans toute sa portée n'a pas été démontrée et doit, par conséquent, être établie sur le fondement d'une prédiction valable.

Pour que la prédiction soit « valable », la prédiction doit avoir un fondement factuel, un raisonnement clair et valable duquel le résultat souhaité peut être inféré du fondement factuel, et il doit y avoir une divulgation suffisante du fondement factuel et du raisonnement clair et valable.

Le fondement factuel divulgué dans la description comprend le fait que l'alginate, qui est un biopolymère pouvant être réticulé pour former un hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert, a été utilisé avec succès pour obtenir le résultat souhaité (c.-à-d. la création d'un équivalent d'un tissu). De plus, dans ce cas, la capacité d'un biopolymère de former un hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art puisqu'elle n'est pas unique au polymère à base d'alginate, considérant que bien d'autres biopolymères connus ont cette propriété commune de pouvoir établir des liaisons covalentes, ioniques ou hydrogènes.

Le raisonnement clair et valable établit que des caractéristiques structurelles spécifiques liées à la biocompatibilité et à la réticulation doivent être présentes pour qu'un polymère puisse former un hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert. Considérant que l'alginate possède ces caractéristiques structurelles et forme l'équivalent d'un tissu, le demandeur affirme que d'autres polymères ayant les mêmes caractéristiques structurelles spécifiques produiraient également un hydrogel tridimensionnel en réseau ouvert et donneraient le même résultat. Compte tenu du fondement factuel, le raisonnement clair et valable est considéré comme valable et les exigences des premier et deuxième volets de la règle de la prédiction valable sont respectées. Considérant que des éléments du fondement factuel et du raisonnement clair et valable qui ne relevaient pas des CGC de la PVA étaient divulgués dans la description au moment du dépôt, l'exigence de divulgation suffisante est également respectée. Par conséquent, la revendication 1 satisfait à l'exigence d'utilité au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

Exemple 2

Une demande décrit une méthode de contrôle des mauvaises herbes dans un champ de blé dans laquelle les plants de blé comprenant un gène muté d'acétohydroxyacide synthase (AHAS) présentent une tolérance accrue à l'imazapyr, un herbicide de type imidazolinone. La description indique subséquemment que toute mutation dans le domaine A du gène AHAS dans le plant de blé confère au blé une résistance à l'imazapyr. Cette mutation du blé permet de cibler des mauvaises herbes de façon sélective lorsque l'herbicide imazapyr est utilisé dans un champ comprenant des mauvaises herbes et des plants de blé mutants. Le gène AHAS de type sauvage (SEQ ID No 1) et un gène AHAS mutant qui présente une seule substitution nucléotique dans le domaine A (SEQ ID No 2) sont divulgués. La description démontre que les plants de blé comprenant un gène mutant SEQ ID No 2 sont résistants à l'herbicide imazapyr, alors que les plants de blé comprenant un gène AHAS de type sauvage non modifié (SEQ ID No 1) présentent une sensibilité à l'herbicide. La demande ne mentionne aucune autre mutation dans le domaine A du gène AHAS, et n'inclut aucun renseignement concernant la raison pour laquelle le demandeur croit que toute mutation de ce genre entraînerait une tolérance accrue à l'herbicide imazapyr.

Revendication
  1. Une méthode de contrôle des mauvaises herbes dans un champ, comprenant :
    1. a) faire pousser dans un champ un plant de blé présentant une tolérance accrue à l'herbicide imazapyr;
    2. b) mettre en contact le plant de blé et des mauvaises herbes dans le champ avec une quantité suffisante d'herbicide imazapyr; où le plant de blé comprend un gène AHAS comprenant une mutation dans le domaine A.

Analyse : la demande revendique qu'une méthode de contrôle des mauvaises herbes dans un champ de blé à l'aide de l'herbicide imazapyr sera plus efficace si les plants de blé dans le champ traité comprennent n'importe quelle mutation dans le domaine A du gène AHAS. La description démontre qu'une mutation particulière dans le domaine A du gène, comme le montre SEQ ID No 2, réussit à offrir une résistance aux plants de blé lorsqu'ils sont exposés à l'herbicide imazapyr. Ce qui n'a pas été démontré, mais qui est couvert par la revendication, est que toutes les mutations possibles dans le domaine A conféreraient l'utilité de résistance à l'herbicide imazapyr. Compte tenu de cela, il est évident que l'utilité de la revendication dans toute sa portée n'a pas été démontrée et, puisque l'examinateur met en doute l'utilité, elle doit être établie sur le fondement d'une prédiction valable.

Le fondement factuel divulgué indique que le gène AHAS est lié à l'herbicide imazapyr et qu'une mutation spécifique dans le domaine A, comme le montre SEQ ID No 2, confère une tolérance accrue audit herbicide. Ces faits, à eux seuls, ne suffisent toutefois pas à faire une prédiction valable de l'utilité de toutes les mutations possibles dans le domaine A. La personne versée dans l'art, à la lumière de ses CGC et des renseignements fournis dans la description, reconnaîtrait la complexité et l'imprévisibilité de l'expression génétique, et, par conséquent, n'extrapolerait pas que la mutation spécifique dans le domaine A, que montre SEQ ID No 2, est un prédicteur raisonnable voulant que toutes les mutations possibles dans le domaine A conféreraient une telle tolérance. Ainsi, la demande ne divulgue pas un raisonnement clair et valable.

Par conséquent, en l'absence d'un raisonnement clair et valable, la personne versée dans l'art ne peut pas faire une prédiction valable que toutes les mutations du domaine A du gène AHAS auraient l'utilité divulguée. Ainsi, la revendication est irrégulière au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets puisque l'utilité n'a pas été établie sur le fondement d'une démonstration ou d'une prédiction valable de la revendication dans toute sa portée.

De plus, et indépendamment de l'irrégularité au sens de l'article 2, le mémoire descriptif, dans la mesure où il porte sur des revendications définissant toutes les mutations dans le domaine A du gène AHAS (autre que la mutation que montre SEQ ID No 2), et leurs utilisations en matière de résistance à l'herbicide imazapyr dans les plants de blé, n'est pas conforme au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, parce qu'il ne décrit pas d'une façon exacte et complète l'invention alléguée et son application ou utilisation, afin de permettre à la personne versée dans l'art d'utiliser l'invention alléguée, dans toute la portée des revendications. Cela nécessiterait une expérimentation excessive de la part de la personne versée dans l'art pour identifier toutes les mutations qui permettraient à un plant de blé d'avoir une tolérance accrue à l'herbicide imazapyr.

12.05 Rapports du Bureau sur l'utilité juin 2017

Dans le cas où il existe des éléments de preuve de l'inutilité de l'objet revendiqué, ou dans le cas où un examinateur met en doute l'utilité prétendue et estime que le demandeur n'a pas établi l'utilité, par la démonstration ou la prédiction valable, une irrégularité sera soulevée au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets. Une irrégularité peut également être soulevée dans le cas où la description ne réussit pas à démontrer l'utilité de la revendication dans toute sa portée, ou à en faire une prédiction valable.

Dans le cas où un examinateur estime que l'utilité n'est pas établie par une prédiction valable, l'examinateur doit fournir des arguments à l'appui expliquant en détail comment l'irrégularité est liée aux trois volets de la règle de la prédiction valable énoncée en 12.04.04.

Il convient de noter que la preuve de l'inutilité peut être établie en tout temps. Il n'y aucune exigence que cette preuve de l'inutilité existe à la date de dépôt de la demande.

Tel qu'il a déjà été mentionné, il convient de s'assurer de ne pas confondre l'exigence de divulgation dans le cadre de la règle de la prédiction valable avec l'exigence de suffisance au sens du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. L'examinateur peut déterminer qu'il existe une irrégularité distincte et indépendante au sens du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets si la description ne réussit pas à divulguer l'invention de façon suffisante, ou si la personne versée dans l'art n'est pas en mesure d'utiliser l'invention sans nécessiter une expérimentation excessive et sans avoir à exercer aucun génie inventif. Dans le cas où les deux irrégularités sont présentées dans le rapport de l'examinateur, le rapport doit clairement spécifier les deux irrégularités et présenter pour chacune des arguments distincts à l'appui.

À l'occasion, l'examinateur peut être en présence d'une invention alléguée qui contredit des principes scientifiques connus. À moins que le fonctionnement approprié de l'invention puisse être établi par une démonstration (et que le demandeur puisse montrer qu'elle était, dans les faits, démontrée à la date de dépôt), les revendications définissant l'invention sont considérées comme irrégulières au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets.