Démêler l'environnement du financement d'amorçage et de début de croissance au Canada

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Table des matières

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Introduction

L'accès aux capitaux et le soutien connexe – notamment le mentorat, l'accès aux réseaux et les services de développement des affaires – sont essentiels à la croissance et à la réussite de bon nombre d'entreprises canadiennes. Les entreprises à fort potentiel aux stades précoces sont souvent décrites comme progressant selon une gradation ascendante du financement où une multiplicité d'options s'offre aux divers stades du parcours d'une entreprise, du démarrage à la mise à l'échelle. Ce financement peut provenir d'abord du capital tiré des économies d'un entrepreneur ou de ses amis ou sa famille, progressant par divers stades d'accès des capitaux providentiels aux capitaux d'amorçage, en passant par les programmes d'accélérateurs d'entreprises et les subventions et contributions du gouvernement qui visent à soutenir les entreprises aux stades précoces. Au fur et à mesure que les entreprises traversent leur cycle de vie, certaines vont solliciter du capital de risque (CR) pour financer une croissance accrue, s'acheminant vers la sortie au moyen d'une acquisition ou d'un premier appel public à l'épargne.

Cet article cherche à décortiquer la gradation ascendante du financement destiné aux entreprises aux stades précoces au Canada, en soulignant le rôle joué par les fonds de capitaux privés – en particulier les capitaux providentiels et le CR – ainsi que les programmes d'innovation du gouvernement. Par la même occasion, il examine les caractéristiques clés des petites et moyennes entreprises (PME) qui reçoivent divers types de soutien. L'article aborde par la suite les interconnexions entre diverses formes de soutien. Enfin, l'article considère l'incidence du soutien en capital de risque sur la performance des entreprises bénéficiaires.


Examen de la documentation

La gradation ascendante du financement

Les jeunes entreprises orientées sur l'expansion font face à des besoins et des défis largement reconnus lorsqu'elles cherchent à obtenir un financement externe pour soutenir leur croissance. Berger et Udell (1998) ont élaboré un modèle de cycle de croissance financière qui met en évidence la convenance et l'attrait de diverses sources de financement pour les entreprises à divers stades de leur cycle de vie. Comme le décrivent les auteurs, les petites entreprises peuvent être conceptualisées comme « ayant un cycle de croissance financière qui témoigne de l'évolution des besoins financiers et des options de financement à mesure que l'entreprise croît, acquiert de l'expérience et devient plus transparente sur le plan informatif » (p. 1). Le modèle élaboré par ces auteurs suggère que les entreprises démarrent vraisemblablement grâce à un « financement initial d'initiés » procuré par la famille et les amis (p. 7). Après avoir épuisé ces capitaux, les entreprises ont besoin de solliciter un financement externe pour favoriser la croissance.

Les investisseurs providentiels sont des personnes fortunées qui investissent leurs propres capitaux dans des entreprises aux stades précoces. Les investisseurs providentiels peuvent agir seuls ou dans le cadre d'un groupe organisé d'investisseurs providentiels. Le capital de risque possède une structure plus formelle, avec des partenaires limités qui placent des capitaux dans un fonds géré professionnellement, lequel investit dans des entreprises dans le spectre allant du démarrage jusqu'au stade de la croissance, en échange d'une participation en capital.

Par rapport aux formes plus traditionnelles de financement, seulement une petite proportion d'entreprises sollicitent un financement par capitaux propres au moyen du « capital de risque », lequel englobe à la fois l'investissement providentiel et le financement par capital de risque. D'après l'Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises de 2017, légèrement moins de 1 % (0,8 %) des PME canadiennes ont sollicité un financement par capitaux propres, au regard des 47 % qui ont demandé une forme quelconque de financement externe. Une proportion plus élevée d'entreprises à croissance négative et à forte croissance ont sollicité un financement par capitaux propres, comparativement au pourcentage d'entreprises à croissance nulle, lente ou moyenne qui l'ont fait.

Figure 1 : Profil de croissance des revenus et des ventes d'entreprises sollicitant un investissement par capitaux propres, 2017

Figure 1 : Profil de croissance des revenus et des ventes d'entreprises sollicitant un investissement par capitaux propres, 2017
Source : Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Description de la figure 1
Figure 1: Revenue/sales growth profile of companies requesting equity investment, 2017

Entreprises à croissance négative (moins de 0% de croissance par année)

1,6%

Entreprises à croissance nulle (croissance de 0% par année)

0,5%

Entreprises à croissance lente (croissance de 1% à 10% par année)

0,7%

Entreprises à croissance moyenne (croissance de 11% à 19% par année)

0,2%

Entreprises à forte croissance (croissance 20% ou plus par année)

2,2%

Même si les entrepreneurs préfèrent peut-être privilégier le financement par emprunt au lieu de fournir des capitaux propres, les petites entreprises aux stades précoces — en particulier celles à « haut risque » — n'ont peut-être pas suffisamment d'antécédents ou de sûreté accessoire pour obtenir un financement bancaire à ce stade. Ce besoin en financement aux stades précoces peut être assuré par des investisseurs providentiels, investissant à titre personnel ou dans le cadre d'un groupe ou consortium organisé, qui investissent leurs propres capitaux dans des entreprises aux stades précoces en échange d'une participation en capital.

Les investisseurs en capital de risque, investissant au moyen de fonds organisés, ont peut-être les moyens d'offrir un financement plus généreux. Ceux-ci investissent souvent — mais pas toujours — dans des entreprises après les rondes initiales financées par les investisseurs providentiels. Au fur et à mesure que les entreprises poursuivent leur croissance, elles peuvent solliciter un financement supplémentaire en capitaux propres — au moyen d'une ronde de croissance ou d'un premier appel public à l'épargne — ou se tourner vers des prêts bancaires plus traditionnels pour pourvoir leurs besoins en capitaux.

Figure 2 : La gradation ascendante du financement

Figure 2 : La gradation ascendante du financement
Description de la figure 2
Figure 2 : La gradation ascendante du financement
- Type de financement
Étape du développement Fondateur/amis/famille Investisseur ou groupe providentiel Venture Capital Funds Programmes d'innovation du gouvernement
Idée

Découverte

Validation

Rentabilisation

Mise à l'échelle

Établissement/maturité

Ces dernières années, la disponibilité des investissements providentiels et du capital de risque s'est accrue au Canada. Il convient de noter que les références aux capitaux providentiels désignent seulement les investissements « visibles » effectués par des groupes d'investisseurs providentiels structurés. Un important pourcentage inconnu d'investissements providentiels demeurent « invisibles » et s'effectuent directement entre des particuliers et des entreprises.

Figure 3 : Investissements providentiels au Canada

Figure 3 : Investissements providentiels au Canada
Source : National Angel Capital Organization.
Description de la figure 3
Figure 3 : Investissements providentiels au Canada
- Montant investi Nombre d’opérations
2014

$ 91 500 000

237

2015

$ 133 600 000

283

2016

$ 157 200 000

418

2017

$ 162 000 000

505

2018

$ 142 800 000

583

 

Figure 4 : Investissements en capital de risque au Canada

Figure 4 : Investissements en capital de risque au Canada
Source : Association canadienne du capital de risque et d'investissement.
Description de la figure 4
Figure 4 : Investissements en capital de risque au Canada
- Montant investi Nombre d’opérations
2015

$ 2 300 000 000

537

2016

$ 3 200 000 000

528

2017

$ 3 600 000 000

453

2018

$ 3 700 000 000

506

Outre le financement commercial, les programmes d'innovation du gouvernement peuvent jouer un rôle important pour procurer des capitaux à de jeunes entreprises innovantes. Les capitaux du gouvernement sont d'une utilité variable pour appuyer les activités de recherche et développement (R-D) précommerciales et soutenir des projets et des entreprises aux stades précoces qui demeurent à trop haut risque pour le financement commercial privé. En même temps, les programmes d'innovation du gouvernement sont diversifiés et s'adressent à des entreprises de diverses tailles à des stades de développement variables.

Capital de risque et performance de l'entreprise

Des recherches antérieures menées par Innovation, Sciences et Développement économique (ISDE) Canada ont examiné la performance d'entreprises appuyées par le CR et le financement providentiel. Les recherches portant sur les entreprises financées par CR s'appuyaient sur les données de Thomson Reuters sur les investissements en CR de 1999-2009. En comparant ces données à celles d'un groupe de contrôle composé d'entreprises non financées par CR, mais semblables par ailleurs, la recherche a conclu que celles financées par CR affichaient une croissance accrue dans l'ensemble des indicateurs, dont le revenu, les ventes, le nombre d'employés et les actifs (Industrie Canada, 2013).

Des techniques semblables ont été utilisées pour créer un profil économique d'entreprises soutenues par des investissements providentiels en 2014, en tirant parti des données de la National Angel Capital Organization (NACO). Cette analyse a constaté qu'une part significative d'entreprises soutenues par des investisseurs providentiels, soit 60 %, avaient engagé des dépenses en R-D. Elle a également conclu que ces entreprises étaient petites, avec en moyenne 8,6 employés (NACO, 2014). À l'aide de données du programme de capital de risque de la Colombie-Britannique destiné aux petites entreprises, Kelly et Kim (2016) ont trouvé par la suite que les entreprises soutenues par des investissements providentiels affichaient une croissance plus élevée au chapitre de la R-D, des ventes, de l'emploi et des bénéfices bruts que celles non soutenues par ces investissements, mais semblables par ailleurs.


Données et méthodologie

Les données sur le capital de risque pour cette étude proviennent de trois sources principales. Les données sur les investissements en capital de risque proviennent de Thomson Reuters, qui a fourni des données sur les transactions canadiennes en CR entre 2000 et 2016. Les données sur les groupes d'investisseurs providentiels au Canada entre 2000 et 2016 proviennent du sondage annuel de la National Angel Capital Organization auprès des membres du groupe. Il convient de noter que ces données concernent uniquement les groupes d'investisseurs providentiels structurés du Canada et ne comprennent pas généralement celles tirées d'investissements par des investisseurs providentiels particuliers. Enfin, les données pour la province de la Colombie-Britannique proviennent du gouvernement de la province, par l'entremise de son programme de crédit d'impôt pour le capital de risque destiné aux petites entreprises, lequel offre des crédits d'impôt pour favoriser les investissements dans les petites entreprises basées en Colombie-Britannique.

Les données de ces trois sources externes contenaient environ 6 000 entreprises. Les données ont été fournies à Statistique Canada par l'intermédiaire du Service de transfert électronique de fichiers et ont été liées par la suite aux jeux de données du Registre des entreprises et de l'Index général des renseignements financiers (IGRF) à l'aide d'un protocole de mise en correspondance probabiliste. Les données ont également été liées aux données des programmes gouvernementaux obtenues au moyen de l'Examen horizontal des programmes d'innovation et de technologies propres, lequel contient des données sur des entreprises qui ont reçu le soutien d'un programme d'innovation du gouvernement entre 2007 et 2016.

Les correspondances en double ont été examinées manuellement et triées par des chercheurs approuvés au service du Centre canadien d'élaboration de données et de recherche économique (CDRE). L'analyse, notamment la production de statistiques et de modèles descriptifs, a été entreprise au CDRE à l'été de 2019.


Caractéristiques de l'entreprise

Âge de l'entreprise

Le modèle de la gradation ascendante du financement suggère que les investisseurs providentiels vont probablement investir plus tôt que les investisseurs en CR, procurant des capitaux qui viennent à la suite du financement reçu des amis et de la famille. Les résultats présentés ici semblent appuyer cette hypothèse. Parmi les entreprises appuyées par le capital de risque, celles qui reçoivent un investissement providentiel ont un âge moyen de trois ans, alors que celles financées par capital de risque ont en moyenne six ansNote de bas de page 1.

Le profil du soutien offert par les programmes d'innovation du gouvernement est plus complexe. L'âge moyen des entreprises qui bénéficient du soutien d'un programme d'innovation, tous programmes pertinents confondus, est de 10 ans, alors que l'âge médian de celles qui reçoivent un soutien du programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada (CNRC-PARI) est de huit ans. Même si cela semble indiquer que les programmes d'innovation du gouvernement financent des entreprises à un stade ultérieur que les investisseurs providentiels ou les investisseurs en capital de risque, la distribution sous-jacente révèle qu'une part significative du soutien est concentrée dans les premières années suivant la création de l'entreprise. À la différence des investisseurs privés, toutefois, ces programmes offrent également un soutien tout au long du cycle de vie d'une entreprise, ce qui entraîne une distribution à queue longue. Autrement dit, les programmes gouvernementaux appuient sans doute un spectre plus large de projets et d'entreprises comparativement aux fournisseurs de capital de risque.

Figure 5 : Âge moyen de l'entreprise au moment de l'investissement

Figure 5 : Âge moyen de l'entreprise au moment de l'investissement
Description de la figure 5
Figure 5 : Âge moyen de l'entreprise au moment de l'investissement
Providentiel

3

Capital de risque

6

PARI du CNRC

8,5

Gouvernement

10

Employés

Une relation semblable entre entreprises soutenues par des investissements providentiels et par le capital de risque ressort avec évidence pour ce qui est de la taille de l'entreprise au moment de l'investissement. Lorsque des entreprises bénéficient d'un investissement providentiel, elles sont généralement très petites, avec seulement six employés en moyenne. Cela confirme les conclusions d'une analyse antérieure effectuée en 2014 à l'aide d'un jeu de données plus restreintes dans le temps. On y a constaté que l'entreprise moyenne soutenue par un investissement providentiel avait 8,6 employés (NACO, 2014).

Les entreprises financées par capital de risque sont également généralement petites, mais néanmoins plus du double de la taille des entreprises soutenues par un investissement providentiel, avec en moyenne 15 employés. Les entreprises bénéficiant d'un programme gouvernemental se situent entre les deux, avec une moyenne de 11 employés pour les entreprises bénéficiant d'un programme gouvernemental et une moyenne de neuf pour les entreprises bénéficiant d'un soutien spécifique par le biais du PARI-CNRC.

Figure 6 : Nombre moyen d'employés au moment de l'investissement

Figure 6 : Nombre moyen d'employés au moment de l'investissement
Description de la figure 6
Figure 6 : Nombre moyen d'employés au moment de l'investissement
Providentiel

6,4

Capital de risque

15,4

PARI du CNRC

9,5

Gouvernement

11,5

Le soutien offert aux entreprises innovantes au moyen de programmes et d'un accès aux capitaux se justifie en partie par le besoin de faciliter la création de bons emplois bien rémunérés.

Le salaire moyen de travailleurs dans les entreprises bénéficiant d'un financement providentiel est de 51 703 $, ce qui est légèrement plus élevé que la moyenne pour les entreprises qui bénéficient d'un soutien de programmes gouvernementaux (49 373 $). Le salaire moyen dans les entreprises bénéficiant d'un investissement en CR s'élevait à 63 576 $, un chiffre considérablement plus élevé que dans les autres catégories. Il convient de noter que ce chiffre ne tient compte que des revenus d'emploi traditionnels qui figurent au feuillet T4. D'autres formes de rémunération qui pourraient être plus fréquentes dans les entreprises en démarrage — telles que des options d'achats d'actions — ne sont pas comprises dans cette analyse.

Figure 7 : Salaire moyen au moment de l'investissement

Figure 7 : Salaire moyen au moment de l'investissement
Description de la figure 7
Figure 7 : Salaire moyen au moment de l'investissement
Providentiel

$ 51 700

Capital de risque

$ 63 580

Gouvernement

$ 49 370

Ventes

Au même titre que le nombre d'employés, les revenus des ventes sont un important indicateur de la croissance d'une entreprise au sein d'un marché. Ici encore, les entreprises qui reçoivent des investissements providentiels sont considérablement plus petites que celles bénéficiant du CR. Le revenu moyen d'entreprises bénéficiant du soutien d'un programme gouvernemental est également plus élevé, ce qui témoigne de la diversité d'entreprises qui reçoivent un financement au moyen de ces sources.

Figure 8 : Revenu moyen des ventes au moment de l’investissement

Figure 8 : Revenu moyen des ventes au moment de l’investissement
Description de la figure 8
Figure 8 : Revenu moyen des ventes au moment de l’investissement
Providentiel

$ 137 026

Capital de risque

$ 704 002

PARI du CNRC

$ 850 423

Gouvernement

$ 1 009 315

Il est à noter que, conformément à leur profil en tant que jeunes entreprises en croissance qui sollicitent un accès à un financement externe pour favoriser la croissance, les entreprises soutenues par les investissements providentiels et le CR ont enregistré un revenu net négatif dans les années où elles recevaient le financement. Même si les entreprises financées par CR avaient des revenus des ventes considérablement plus élevés en moyenne que celles qui recevaient des investissements providentiels, leurs dépenses étaient également considérablement plus élevées. En revanche, le revenu net moyenNote de bas de page 2 des entreprises appuyées par le gouvernement était faible, mais positif, en raison de revenus légèrement plus élevés et de dépenses plus faibles.

Entreprises appartenant à des femmes

On consent maintenant des efforts importants dans les secteurs public et privé à s'assurer que les entreprises détenues par des femmes et d'autres groupes traditionnellement sous-représentés ont un accès équitable et juste aux capitaux. Comme les sociétés ont souvent plus d'un propriétaire, il y a un certain nombre de façons de définir les entreprises détenues par des femmes. Considérant la disponibilité des données, cette analyse considère que les entreprises sont détenues par des femmes si le propriétaire principal de l'entreprise, défini comme l'individu détenant la plus grande part de propriété, est une femme. Dans l'éventualité où deux propriétaires de sexes différents possèdent un nombre égal de parts dans une entreprise, la propriété principale est déterminée par le titre et l'ancienneté. Selon cette définition, légèrement moins de 13 % des entreprises recevant des investissements providentiels étaient détenues principalement par des femmes, comparativement à 9,9 % des entreprises financées par capital de risque et à 13,7 % des entreprises soutenues par des programmes gouvernementaux.

Figure 9 : Femmes propriétaires majoritaires, proportion du total

Figure 9 : Femmes propriétaires majoritaires, proportion du total
Description de la figure 9
Figure 9 : Femmes propriétaires majoritaires, proportion du total
Providentiel

12,8%

Capital de risque

9,9%

Governement

13,7%


Relations entre les sources de financement

Le modèle de la gradation ascendante du financement laisse entendre non seulement que les entreprises vont vraisemblablement afficher des caractéristiques distinctes au moment de recevoir divers types de capitaux, mais également que des relations particulières existent sans doute entre diverses sources de capitaux au fil du temps. L'analyse présentée ici tient spécifiquement compte de la relation entre le financement des programmes gouvernementaux et le capital de risque commercial. Alors que seulement un petit nombre d'entreprises ont reçu un financement des programmes gouvernementaux dans la même année où elles ont bénéficié d'un financement par capital de risque (un co-investissement), une proportion significative d'entreprises qui ont éventuellement bénéficié d'investissements providentiels ou d'un financement par capital de risque avaient antérieurement reçu un soutien du gouvernement, notamment par l'entremise du PARI-CRNC. Des entreprises qui ont reçu un financement par capital de risque en 2016, 44,4 % de celles bénéficiant d'investissements providentiels et 61 % de celles recevant du CR avaient antérieurement reçu un soutien du gouvernement.

En outre, des entreprises qui ont reçu à la fois des investissements providentiels et un financement par CR en 2016 — peut-être sous forme de co-investissement — au moins 72,5 % avaient antérieurement reçu un soutien quelconque d'un programme gouvernemental. Cela laisse entendre que ces programmes jouent un rôle important dans le soutien d'entreprises avant qu'elles reçoivent un financement en capitaux propres de source privée, leur procurant possiblement des ressources pour développer leurs technologies et leur modèle d'affaires et progresser vers un état favorable aux investissements.

Figure 10 : Pourcentage d'entreprises financées par capital de risque ayant reçu antérieurement un soutien du gouvernement, 2016

Figure 10 : Pourcentage d'entreprises financées par capital de risque ayant reçu antérieurement un soutien du gouvernement, 2016
Description de la figure 10
Figure 10 : Pourcentage d'entreprises financées par capital de risque ayant reçu antérieurement un soutien du gouvernement, 2016
Providentiel

44,4%

Capital de risque

61,0%

Providentiel et Capital de risque

72,5%


Capital de risque et performance de l'entreprise

Dans l'ensemble de l'économie, seulement un petit pourcentage d'entreprises atteignent un niveau de croissance élevé. Néanmoins, les entreprises à forte croissance ont une incidence disproportionnée sur le changement net de l'emploi (Rivard, 2017). Pour ce qui est du changement de l'emploi avec le temps, les entreprises à forte croissance sont définies ici selon la définition du Bureau of Labour Statistics des États-Unis :

  • Pour les entreprises de plus de 10 employés, une croissance de huit employés ou plus au cours d'une période de trois ans;
  • Pour les entreprises de 10 employés ou plus, une croissance au taux annualisé moyen de plus de 20 % au cours d'une période de trois ans.

Selon cette définition, dans la période où elles recevaient un soutien, 17,2 % des entreprises soutenues par des investissements providentiels et 22,7 % de celles financées par CR ont atteint un niveau de croissance élevé. Des recherches distinctes menées par Innovation, Sciences et Développement économique Canada ont conclu que 19 % des entreprises soutenues par des incubateurs et accélérateurs d'entreprises pouvaient être classées dans la catégorie « à forte croissance », ce groupe se positionnant entre les entreprises soutenues par les investissements providentiels et celles financées par capital de risque (Cadre de mesure du rendement des accélérateurs et incubateurs d'entreprise, 2019).

Figure 11 : Entreprises à forte croissance — Pourcentage au moment de l'investissement ou du soutien, 2007-2016

Figure 11 : Entreprises à forte croissance — Pourcentage au moment de l'investissement ou du soutien, 2007-2016
Description de la figure 11
Figure 11 : Entreprises à forte croissance — Pourcentage au moment de l'investissement ou du soutien, 2007-2016
Providentiel

17,0%

Capital de risque

23,0%

Accélérateurs et incubateurs d’entreprises

19,0%

En outre, au moment de recevoir l'investissement, un nombre significatif d'entreprises affichaient une croissance, même si celle-ci n'était pas suffisamment robuste pour les propulser dans la catégorie « à forte croissance ». Du nombre d'entreprises qui n'ont pas répondu aux critères de forte croissance, 40 % des entreprises soutenues par des investissements providentiels et 36 % de celles financées par capital de risque ont néanmoins affiché une certaine croissance de l'emploi pendant l'année, après avoir reçu l'investissement. À ce titre, 57,2 % au moins des entreprises soutenues par les investissements providentiels et 58,7 % de celles financées par capital de risque affichaient un certain degré de croissance suivant la réception du capital de risque privé.

Des tendances similaires sont apparentes au chapitre de la croissance du revenu. Selon la définition élaborée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une entreprise de toute taille à forte croissance selon le revenu est définie comme une société dont la croissance s'établit à un taux annualisé moyen de plus de 20 % sur une période de trois ans. En se fondant sur cette définition, 9,7 % des entreprises soutenues par les investissements providentiels ont atteint une forte croissance, et un pourcentage complémentaire de 45,7 % ont connu au moins une certaine croissance dans l'année suivant l'investissement. De la même façon, 8,9 % des entreprises financées par capital de risque ont atteint une forte croissance mesurée selon le revenu, et un pourcentage complémentaire de 41,8 % ont affiché une certaine croissance — mais pas une forte croissance — dans l'année suivant l'investissement.

Pour contrôler l'effet d'autres caractéristiques qui peuvent être associées à la performance de l'entreprise, une fonction de régression linéaire a été estimée pour évaluer l'incidence de divers types d'investissements en capital de risque sur la performance commerciale :

Yt = Xt β + θ RC t−1 + εt

où :

Y mesure la performance commerciale d'une entreprise, notamment la croissance du revenu et de l'emploi et la probabilité d'une forte croissance du revenu et de l'emploi;

X est un vecteur de variables associées aux caractéristiques de l'entreprise, dont le secteur industriel selon le SCIAN à deux chiffres, la région géographique, l'âge, les actifs et les dépenses en R-D dans l'année précédente;

RC est un vecteur d'indicateurs pour divers types d'investissements (capital de risque, groupes d'investisseurs providentiels);

L'indice t 1 fait référence à l'année précédente;

ε est une variable résiduelle indépendante et distribuée à l'identique.

Les résultats de la régression indiquent également que les investissements providentiels et par capital de risque ont une incidence positive sur la performance de l'entreprise. L'obtention d'investissements providentiels et par capital de risque était associée à une croissance accrue du revenu dans l'année suivante. Les investissements providentiels étaient associés à une hausse d'environ 17 % du taux de croissance du revenu, alors que l'investissement par capital de risque était lié à une augmentation de près de 30 % de ce taux. De la même façon, les investissements providentiels et par capital de risque étaient associés à l'atteinte d'une catégorisation « à forte croissance » selon le revenu, aux termes de la définition de l'OCDE, au cours de la période d'investissement.

Les investissements en capital de risque étaient également associés à la croissance de l'emploi et à l'atteinte de la catégorisation « à forte croissance » pour ce qui est de l'emploi, aux termes de la définition du BLS. En revanche, l'effet des investissements providentiels sur la croissance de l'emploi, quoique positif, n'était pas statistiquement significatif.

Tableau 1 : Capital de risque et croissance
-

Croissance
du revenu

Croissance
de l'emploi

Forte croissance
du revenu

Forte croissance
de l'emploi

Investissements providentiels

0,178**
(0,0705)

0,0404
(0,0501)

0,0104**
(0,00442)

0,00725
(0,00747)

Capital de risque

0,296***
(0,0587)

0,0730*
(0,0411)

0,0126***
(0,00375)

0,0480***
(0,00655)

Observations

14 030

10 987

27 445

27 445

Remarques : Écarts-types robustes entre parenthèses. *** p<0,01; ** p<0,05; * p<0,1


R-D et investissements en capital de risque

En outre, la fonction suivante a été estimée pour considérer l'impact des dépenses en recherche et développement sur les investissements en capital de risque :

Prob ( RC t = 1 ) = F X t β + θln RD EXP t - 1 + εt

où :

RC indique le type d'investissement en capital de risque reçu (capital de risque, groupes d'investisseurs providentiels ou l'un ou l'autre);

F est une fonction logistique qui garantit que la valeur de prévision de la variable dépendante se trouve dans la plage [0, 1];

RD représente les dépenses en recherche et développement;

EXP est le total des dépenses;

Donc, le rapport RD EXP mesure le poids de la R-D dans le total des dépenses, ln est le logarithme naturel de ce rapport et son effet marginal peut être interprété comme une mesure du changement proportionnel.

Les effets marginaux de la variable ln RD EXP sont présentés dans le tableau 2. Les résultats montrent des relations positives statistiquement significatives entre tous les types d'investissements et la probabilité qu'une entreprise engage des dépenses en recherche et développement dans l'année suivante. Par exemple, une augmentation de 10 % du rapport des dépenses en R-D au total des dépenses est associée à une augmentation de 1,66 point de pourcentage dans la probabilité de recevoir des investissements providentiels.

Tableau 2 : Capital de risque et dépenses en R-D (2007-2016)
-

Providentiel

CR

Providentiel ou CR

ln RD EXP

0,00166***
(0,000179)

0,00538***
(0,000357)

0,00657***
(0,000428)

Observations

20 084

20 084

20 084

Remarques : Écarts-types robustes entre parenthèses. *** p<0,01; ** p<0,05; * p<0,1

Toutefois, la proportion globale des entreprises financées par capital de risque qui mènent des activités de R-D est quelque peu inférieure à ce qui a été rapporté par les analyses antérieures. Environ la moitié des entreprises soutenues par des investissements providentiels et 55 % de celles financées par CR ont déclaré des dépenses en R-D dans l'année de l'investissement. La proportion d'entreprises qui avaient investi dans la R-D et reçu ou bien des investissements providentiels ou bien des investissements en capital de risque était de 58 %.

Dans l'ensemble, l'analyse met en évidence les effets immédiats de divers types d'investissements de capitaux sur la performance de l'entreprise et sur la propension d'entreprises à afficher une forte croissance. Les investissements providentiels et en capital de risque ont manifestement une incidence sur la croissance du revenu alors que seul le CR a un effet comparable sur la croissance de l'emploi. Un rapport plus élevé des dépenses en R-D aux dépenses totales est associé à une probabilité plus élevée de recevoir un investissement en capital de risque par la suite. Prises ensemble, ces constatations soulignent le rôle important joué par ces types de capitaux au soutien de la croissance et des activités d'investissement de jeunes entreprises innovantes.


Conclusion

Les jeunes entreprises à forte croissance ont une incidence disproportionnée sur l'emploi, l'innovation et la croissance. Pour réussir, ces entreprises ont souvent besoin de recourir à divers types de financement externe — notamment les investissements providentiels, le financement par capital de risque et les programmes gouvernementaux — pour propulser leur expansion et leur croissance. Cet aperçu et cette brève analyse ont mis en évidence la mesure dans laquelle diverses formes de capital de risque jouent un rôle complémentaire dans la gradation ascendante du financement auprès des entreprises en démarrage. Les investisseurs providentiels ont tendance à investir dans de jeunes entreprises plus petites et moins établies que les investisseurs en capital de risque. Les programmes d'innovation du gouvernement tels que le Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada soutiennent également les entreprises aux stades précoces, mais ont la souplesse d'appuyer des entreprises, des entrepreneurs et des projets de R-D à divers stades de développement. La présente analyse montre également qu'une proportion significative de sociétés éventuellement financées par capital de risque avaient antérieurement reçu un soutien de programmes d'innovation du gouvernement, indiquant possiblement que ces programmes agissent comme un important « signal sur les marchés » ou sont utiles pour permettre aux entreprises d'attirer des investissements.

Les études antérieures ont également souligné la mesure dans laquelle les investissements en capital de risque soutiennent la performance d'une entreprise. La présente analyse confirme largement les conclusions de ces études, mettant en évidence la mesure dans laquelle diverses formes de capital de risque influent positivement sur la croissance de l'emploi dans une entreprise, la probabilité pour celle-ci d'atteindre la catégorie « à forte croissance » et la probabilité qu'elle engage des dépenses en recherche et développement. Des entreprises analysées, celles qui ont bénéficié à la fois d'investissements providentiels et d'un financement par capital de risque étaient également les plus susceptibles d'entreprendre des activités de R-D.

Enfin, la présente étude comble une importante lacune dans les données en fournissant des renseignements sur la propriété selon le genre pour un large échantillon d'entreprises soutenues par le capital de risque, en se fondant sur une définition spécifique de la propriété principale. L'utilisation de cette définition indique qu'à peine 10 % des entreprises financées par CR étaient détenues principalement par des femmes, comparativement à 12,8 % des entreprises appuyées par des investissements providentiels et 13,7 % des entreprises soutenues par des programmes gouvernementaux. D'autres recherches analyseront davantage ce jeu de données, en tirant profit d'autres données de Statistique Canada pour fournir des renseignements sur la propriété majoritaire selon le sexe et d'autres caractéristiques démographiques.


Ouvrages cités

Berger, Allen N., and Gregory F. Udell (1998). «The Economics of Small Business Finance: The Roles of Private Equity and Debt Markets in the Financial Growth Cycle. » Journal of Banking and Finance, 22, 613–673.

Industrie Canada et Association canadienne du capital de risque et d'investissement (2013). « The Performance of Canadian Firms that Received Venture Capital Financing. »

Kelly, Ryan (2016). « The Performance of Angel-Backed Firms: Evidence from the Small Business Venture Capital Program in British Columbia. ».

National Angel Capital Organization (2014). Report on Angel Investing Activity in Canada.

Rivard, Patrice (2017). Contribution des entreprises à forte croissance au changement net de l'emploi au Canada. Ottawa : Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017. Ottawa : Statistique Canada.