Le syndrome post-COVID-19 au Canada : état des connaissances et cadre d’action (Prépublication)

Version PDF

Résumé

 

La pandémie de COVID-19 a eu des effets dévastateurs sur la société ainsi que sur la santé et la mortalité humaines. Au cours des deux dernières années, des données sont venues appuyer l’hypothèse selon laquelle les effets de la COVID-19 peuvent persister au-delà de la phase aiguë de la maladie, qui, chez certaines personnes infectées, peut évoluer vers une forme chronique. Au Canada, en date d’août 2022, plus de 1,4 million de personnes – soit environ 14,8 pour cent des adultes qui ont contracté la COVID-19 – disaient ressentir des symptômes de la maladie trois mois ou plus après leur infection initiale. Les atteintes peuvent être débilitantes et toucher les fonctions respiratoires, cardiovasculaires, neurologiques et cognitives.

Ces symptômes sont communément appelés « syndrome post-COVID-19 » (SPC), ou « COVID-19 de longue durée ». À l’heure actuelle, ni la maladie ni le diagnostic ne font l’objet d’une définition consensuelle, et les lignes directrices de pratique clinique sont peu nombreuses, voire inexistantes. À l’échelle mondiale, les données de différents pays montrent de façon constante que de 10 à 20 pour cent des personnes infectées souffrent du SPC. Les personnes qui présentent des symptômes médicalement définis (p. ex. complications cardiovasculaires) sont traitées selon la norme de soins, mais, dans le cas des nombreux patients qui éprouvent des symptômes vagues ou non définis sur le plan médical (p. ex. fatigue chronique ou brouillard mental), les traitements actuellement offerts se limitent principalement à de la réadaptation. Plusieurs essais cliniques internationaux visant à évaluer de nouveaux traitements ou les avantages de médicaments existants repositionnés sont en cours. Comme la pandémie n’est pas terminée et que le virus continue de se propager, le SPC risque de toucher de nombreux autres Canadiens. Il est intéressant de noter que les vaccins contre la COVID 19 réduisent considérablement le risque de développer le SPC, mais ne l’éliminent pas complètement.

Le fondement biologique des manifestations complexes associées au SPC demeure inconnu et constitue un frein majeur au diagnostic et au traitement des personnes qui en sont atteintes. Différents mécanismes pathogènes ont été proposés : effets ciblant des organes précis, effets systémiques causés par de l’inflammation chronique et un dérèglement du système immunitaire, ou encore persistance de protéines virales ou d’ARN dans les cellules hôtes. Les facteurs de risque connus comprennent le sexe féminin, l’hospitalisation en raison de la COVID-19, la présence de problèmes de santé chroniques préexistants et l’infection répétée par le SRAS-CoV-2.

Les effets du SPC ne se limitent pas à la santé; la maladie a également des répercussions socioéconomiques importantes sur les personnes et sur les collectivités. Ces répercussions touchent notamment le marché du travail, les milieux de travail et les programmes d’aide sociale. L’absence de traitements et de critères de diagnostic définis, combinée à la connaissance modeste de la maladie, entraîne de la stigmatisation et de l’incrédulité, qui ne font qu’ajouter aux problèmes de santé mentale et physique que vivent les personnes atteintes du SPC et les membres de leur famille.

Dans ce contexte, la conseillère scientifique en chef du Canada a mis sur pied, en juillet 2022, un groupe de travail multidisciplinaire chargé d’examiner des façons de s’attaquer au SPC au Canada et de formuler des conseils en la matière. Le présent rapport est le fruit des délibérations du groupe de travail; il tient compte de la documentation scientifique existante, des données publiées, de l’expérience des fournisseurs de services et du point de vue des personnes ayant une expérience vécue. Le rapport propose également un cadre de gestion intégré du SPC au Canada. Les recommandations, qui sont organisées sous forme de cadre en trois points, portent sur la pratique et la recherche cliniques, sur les politiques socioéconomiques et la communication, ainsi que sur l’infrastructure, les systèmes et la coordination.

Le rapport recommande notamment de veiller à ce que la recherche et la prestation de services cliniques pour le SPC soient interreliés en tant que composantes d’un cadre d’apprentissage continu, d’élaborer des services qui sont adaptés aux personnes atteintes du SPC et aux membres de leur famille et qui tiennent compte du fait que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par le SPC, et de mettre en place une infrastructure humaine et physique durable à l’appui de la prévention et de la prise en charge du SPC et de la recherche sur le sujet. Ces recommandations font partie intégrante des efforts généraux de préparation en cas de pandémie.

 

Les recommandations détaillées du groupe de travail sont présentées ci-dessous.

  1. Établir des critères de diagnostic pour le SPC et élaborer des lignes directrices de pratique clinique pour les professionnels de la santé, en collaboration avec les partenaires nationaux et internationaux.
  2. Définir, rendre disponibles et appliquer de façon uniforme des codes de diagnostic précis pour le SPC à tous les points d’intervention de manière à assurer un suivi exact des cas de SPC au Canada et à appuyer la prestation efficace de services cliniques.
  3. Fournir aux personnes atteintes du SPC un accès rapide et équitable à des cheminements cliniques axés sur la personne dans le continuum des soins de santé, et ce, sans égard à la capacité, à l’âge, au genre, à l’emplacement géographique, au statut socioéconomique ou aux origines culturelles de la personne.
  4. Élaborer une stratégie fédérale-provinciale-territoriale (FPT) de recherche intégrée à long terme pour les maladies chroniques liées aux infections, dont le SPC, laquelle définit des priorités claires, tient compte à la fois des adultes et des enfants, et appuie la préparation en cas de pandémie.
  5. Établir un réseau pancanadien de recherche et de soins cliniques pour le SPC et d’autres maladies chroniques consécutives à une infection qui sont similaires de façon à harmoniser et à coordonner les efforts à l’échelle nationale et internationale.
  6. Faire progresser rapidement cinq domaines de recherche prioritaires ciblés : (i) physiopathologie/mécanismes biologiques et facteurs de risque; (ii) mise au point de traitements; (iii) prévention fondée sur des données probantes; (iv) recherche clinique et translationnelle; (v) répercussions socioéconomiques du SPC.
  7. Moderniser les politiques et les critères d’admissibilité pertinents de manière à maximiser la participation des personnes atteintes du SPC au sein de la société, avec l’aide des mesures de soutien et des services nécessaires.
  8. Élaborer, en partenariat avec les personnes ayant une expérience vécue et les groupes communautaires, des ressources et des outils qui répondent aux besoins des personnes atteintes du SPC, de leurs proches aidants et de leurs personnes à charge.
  9. Reconnaître que le SPC est bien réel en menant des activités de sensibilisation et d’information auprès des citoyens, des écoles et des milieux de travail.
  10. Concevoir et mettre à jour de façon continue une plateforme Web qui recense les services gouvernementaux offerts aux personnes touchées par le SPC et à leur famille.
  11. Élaborer des stratégies visant à renseigner les fournisseurs de soins de santé sur le SPC, en particulier les fournisseurs de soins primaires, évaluer régulièrement ces stratégies et les adapter en fonction de leur efficacité.
  12. Donner à la population canadienne les moyens de prendre des décisions éclairées sur la prévention de l’infection par le SRAS-CoV-2 et du SPC à mesure que les connaissances scientifiques évoluent.
  13. Mettre sur pied, en collaboration avec le Bureau de la conseillère scientifique en chef, un conseil consultatif scientifique multidisciplinaire sur les maladies chroniques liées aux infections, à l’appui d’une stratégie de recherche intégrée.
  14. Établir, au sein du portefeuille fédéral de la Santé, une structure pangouvernementale de coordination consacrée au SPC qui permettra la collaboration et la coordination avec les partenaires internes et externes, dont les différents ordres de gouvernement, le secteur privé et les groupes de patients.
  15. Améliorer la collecte et l’échange rapides de données ainsi que l’utilisation de stratégies d’analyse des données de pointe dans le but d’assurer une meilleure prise en charge du SPC et d’améliorer l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes.
  16. Renforcer l’infrastructure humaine, numérique et physique qui permet de relier et d’appuyer la recherche, les soins et la préparation en cas d’urgence.
  17. Appliquer à grande échelle et surveiller les mesures de prévention efficaces, par exemple l’amélioration de la ventilation dans les écoles, les milieux de travail et les endroits publics, lesquelles s’inscrivent dans les activités de la première ligne de défense contre le SRAS-CoV-2 et les autres agents pathogènes aéroportés qui affectent les voies respiratoires.
  18. Encourager les modèles de soins novateurs en lien avec le SPC et les évaluer en vue de contribuer à la résilience future du système de soins de santé, notamment par le recrutement et le maintien en poste d’une main-d’œuvre prospère dans le secteur des soins de santé.

La pandémie de COVID-19 n’est pas la première ni la dernière à sévir. Le renforcement de l’infrastructure, des systèmes, de la surveillance épidémiologique ainsi que de la collecte et de l’échange de données, et la mise sur pied d’une gouvernance efficace pour la coordination des mesures et des communications devraient faire partie des leçons tirées du SPC et de la pandémie actuelle. Ces efforts, qui mettront à profit l’infrastructure physique et humaine, l’environnement bâti de même que les plateformes et les réseaux pancanadiens communs, permettront d’améliorer notre préparation et notre réponse aux épidémies et aux urgences futures.