Société des auteurs et compositeurs dramatiques / Société civile des auteurs multimédia 1

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Mémoire de la SACD-SCAM

Mars 2021

Consultation sur la façon de mettre en œuvre la prolongation de la durée de protection  générale du droit d'auteur au Canada

Présentation de la SACD-SCAM

Fondée par Beaumarchais en 1777, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) compte aujourd'hui 60 000 auteurs dont 1 600 auteurs canadiens et se consacre à la défense des intérêts matériels et moraux de la profession tout entière. Ni syndicat, ni entreprise commerciale, ni société subventionnée par des fonds publics, la SACD est une société francophone internationale (Paris, Bruxelles, Montréal) qui a été chargée par ses membres, scénaristes, dramaturges, compositeurs/trices, réalisateurs/trices, chorégraphes, metteurs/res en scène, de négocier, percevoir et répartir leurs redevances.

Le répertoire de la SACD se compose d'œuvres du spectacle vivant, pièces de théâtre, chorégraphies, comédies musicales, numéros et tours de cirque, d'œuvres audiovisuelles, séries, feuilletons, dessins animés, séries web, longs métrages, courts métrages, d'œuvres radiophoniques et de créations interactives.

La Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM) a été créée en 1981 pour administrer le répertoire des œuvres audiovisuelles qui était jusqu'alors géré par la Société des Gens de Lettres (SGDL) fondée en 1838 par un groupe d'écrivains dont Victor Hugo, Balzac, Alexandre Dumas père et George Sand. La SCAM compte aujourd'hui 46 110 membres dont 628 auteurs canadiens. Le répertoire de la SCAM se compose principalement d'œuvres audiovisuelles, d'œuvres radiophoniques à caractère documentaire et d'œuvres littéraires.

Le comité canadien des auteurs de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) et de la Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM) est composé de : Luc Dionne, président, Benoit Pilon, vice-président, Denys Arcand, Louis Bélanger, Bruno Carrière, Alain Chartrand, Normand Chaurette, Rafaële Germain, Marie-France Landry, Patrick Lowe, Johanne Prégent et Pierre-Michel Tremblay.

Dans le cadre de la révision de La loi sur le droit d'auteur, la SACD-SCAM a soumis un mémoire. Elle a comparu le 15 octobre 2018 devant le comité permanent de l'Industrie, des sciences et de la technologie et le 23 octobre 2018 devant le comité permanent du Patrimoine canadien. Le mémoire comporte cinq recommandations dont l'extension de la protection des œuvres à 70 ans.

Les présentes représentations ont été préparées conjointement avec la Société des Auteurs de Radio, Télévision et Cinéma (SARTEC).

À l'occasion de la consultation du gouvernement canadien sur l'opportunité de prendre des mesures d'accompagnement en réponse aux préoccupations qui ont été soulevées quant aux conséquences que pourraient avoir la prolongation de la durée générale du droit d'auteur, et, le cas échéant, sur la nature des mesures à prendre, la SACD-SCAM soumet ce qui suit:

1. Prolongation de la durée de protection du droit d'auteur au Canada : un ajustement nécessaire

L'octroi d'une protection par droit d'auteur pendant la vie de l'auteur puis pour une certaine période de temps après l'année de son décès (aussi désignée « post mortem auctoris » ou « pma ») résulte d'un compromis entre l'octroi d'une protection perpétuelle, comme c'est le cas du droit de propriété, et d'une protection d'une durée plus limitée, parfois morcelée et souvent sujette au respect de conditions de forme. La solution retenue depuis plus d'un siècle par l'ensemble des pays partie à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (la « Convention de Berne ») Note de bas de page 1 est d'accorder une protection d'au moins cinquante ans pma en interdisant d'assujettir ce droit minimum à quelque condition de forme que ce soit y compris l'enregistrementNote de bas de page 2.

Une telle durée vise à permettre à l'auteur de bénéficier et faire bénéficier au moins à ses héritiers immédiats des retombées économiques découlant de l'exploitation de ses œuvresNote de bas de page 3. Le Canada a donc adopté cette période minimale de protection dans sa loi de 1921Note de bas de page 4. Or, selon les données de statistique Canada, l'espérance moyenne de vie des canadiens a augmenté d'au moins 22 ans depuis 1921Note de bas de page 5, si bien que l'ajustement requis par l'ACEUM ne reflète que partiellement cette évolution de l'espérance de vie.

Le rapport du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie (le « Comité INDU »)Note de bas de page 6 note par ailleurs avec justesse que la durée générale du droit d'auteur est, au Canada, plus courte que celle accordée par la plupart des principaux partenaires économiques, laquelle a été prolongée d'au moins 20 ans depuis un quart de siècle notamment, au MexiqueNote de bas de page 7, aux États-UnisNote de bas de page 8 ainsi que dans tous les pays membre de l'Union EuropéenneNote de bas de page 9.

C'est pourquoi l'article 20.63 (« Durée de la protection du droit d'auteur et des droits connexes »)Note de bas de page 10, de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (« ACEUM »)Note de bas de page 11 exige du Canada qu'il octroie aux ressortissantsNote de bas de page 12 américains et mexicains une durée de protection générale du droit d'auteur sur les œuvres qui ne soit pas inférieure à soixante-dix ans pma.

La SACD-SCAM comprend que cette obligation n'est plus remise en question par le Gouvernement.

2. Impossibilité juridique à l'imposition de toute formalité à titre de condition à la jouissance ou l'exercice des droits d'auteur au cours de la période de prolongation de la durée de protection générale du droit d'auteur au Canada.

Le document intitulé « Une consultation sur la façon de mettre en œuvre la prolongation de la durée de protection générale du droit d'auteur au Canada : document de consultation » (le « Document de consultation »), réfère à une recommandation du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie (le « Comité INDU » )Note de bas de page 13 évoquant la possibilité d'assujettir à une formalité d'enregistrement préalable d'une œuvre auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (« l'OPIC ») l'exercice des droits d'auteur sur cette œuvre au cours de la période de prolongation de 20 ans à la durée de protection générale du droit d'auteur. Or, bien que le Document de consultation mentionne qu'une telle approche « soulève d'importantes questions au regard des obligations internationales du Canada, de même qu'à l'égard des coûts que devraient assumer les titulaires de droits ainsi que des redondances administratives potentielles » - ce avec quoi la SACD-SCAM est en parfait accord - il ne semble toutefois pas l'écarter de façon claire et définitive.

Pour cette raison, la SACD-SCAM croit essentiel de rappeler que tous les traités en matière de droits d'auteur auxquels l'ACEUM renvoie expressémentNote de bas de page 14 interdisent formellement l'imposition de quelque formalité que ce soit comme condition à la jouissance et à l'exercice des droits d'auteur garantis par ces traités par ces autres ressortissantsNote de bas de page 15 ce qui, dans le cas de l'ACEUM, vise évidemment l'obligation d'accorder une protection minimale de 70 ans pma aux ressortissants américains et mexicains.

Afin de dissiper tout doute sur cette question, il importe de rappeler que le Canada ne peut pas recourir à l'exception dite de « comparaison des durées » énoncée au § 7(8) de la Convention de Berne afin de tenter d'imposer une formalité d'enregistrement aux œuvres des ressortissants américains et mexicains puisque les lois américaines et mexicaines doivent elles-mêmes accorder (et accordent déjà) une protection d'une durée au moins équivalente, soit 70 ans pmaNote de bas de page 16.

L'exigence d'une formalité d'enregistrement afin de prolonger la durée de protection de 50 à 70 ans pma au Canada ne pourrait donc être valablement appliquée qu'aux seules œuvres dont l'auteur est un ressortissant canadien et, selon le cas, à celles de ressortissants de pays accordant une durée de protection inférieure à 70 ans pmaet auxquels le Canada déciderait volontairement d'accorder, sans y être tenu, une protection de 70 ans pma Note de bas de page 17. La SACD-SCAM ose cependant croire que le Canada ne considérerait jamais accorder aux œuvres des auteurs canadiens un niveau de protection moindre que celui qu'il doit accorder aux œuvres de ressortissants étrangers.

Dès lors, quoi qu'aient pu suggérer certains des intervenants ayant pris part au récent examen parlementaire de la Loi sur le droit d'auteur du Canada (la « Loi canadienne ») Note de bas de page 18, imposer quelque condition de forme à la prolongation de la durée du droit d'auteur tel que le requiert l'ACEUM contreviendrait aux obligations du Canada en vertu de l'ACEUM et des autres traités précités.

En conclusion, puisque toutes les parties à l'ACEUM encourent l'obligation de protéger les œuvres des ressortissants des autres parties pour une période d'au moins 70 ans pma, si un titulaire de droit d'auteur sur une œuvre dont l'auteur est un ressortissant des États-Unis ou du Mexique réclame une protection au Canada, la Loi canadienne devra lui assurer une protection d'au moins 70 ans pmasans que ce titulaire n'ait à se plier à quelque formalité.

3. L'ajout de nouvelles exceptions aux droits d'auteur en raison de la prolongation de la durée du droit d'auteur contreviendrait aux obligations du Canada aux termes de l'ACEUM

Le Document de consultation invite aussi le public à commenter l'ajout de possibles mesures dites « d'accompagnement » visant à atténuer les conséquences qualifiées de « négatives » que pourrait avoir la prolongation du droit d'auteur, ces mesures visant à « améliorer l'accès » aux œuvres dites « orphelines » et à celles « inaccessibles sur le marché », et pourraient prendre la forme, soit de « modèles de rémunération »Note de bas de page 19, soit d'exceptions, l'un comme l'autre permettant l'utilisation de telles œuvres sans l'autorisation des titulaires contre rémunération, dans le premier cas, et sans rémunération, dans le second.

D'abord la SACD-SCAM s'étonne que le Document de consultation envisage comme intrinsèquement négatif, et donc susceptible de devoir faire l'objet de « mesures d'atténuation », l'un des trop rares amendements à la loi bénéficiant aux auteurs. La SACD-SCAM réitère que le Canada doit cesser de s'incliner devant les groupes de pression réclamant sans cesse de nouvelles limitations et exceptions aux droits des auteurs qui se sont multipliés à un rythme effréné depuis la révision de la loi de 1988, passant d'une demi-douzaine, avant cette révision, à près une quarantaine avec la révision de 2012, soit presque sept fois plus, tant et si bien qu'elles occupent maintenant près de 40% de la codification officielle de la loi.

Il importe donc, d'emblée, de rappeler que l'ACEUMNote de bas de page 20 tout comme les autres traités auxquels le Canada est partie n'admet la création de limitations ou exceptions que de façon parcimonieuse et que si celles-ci se conforment strictement au « test en trois étapes » exigeant qu'une partie « restreigne » toute exception à (1) certains cas spéciaux (2) qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre (3) ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit. Or, on voit mal en quoi le simple fait de prolonger la durée des droits d'auteur pour la durée minimale exigée par les engagements internationaux du Canada puisse, de quelque manière, se qualifier de « cas spécial » ou, puisse faire en sorte qu'une utilisation donnée d'une œuvre ne porte plus atteinte à l'exploitation normale d'une œuvre ou ne cause plus un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires du droit d'auteur à compter de cette période de prolongation.

Chacun des trois points précités suffit, à lui seul, à prévenir l'adoption de quelque limitation ou exception justifiée par une telle prolongation minimale de la durée de protection du droit d'auteur, ce que fait explicitement le Document de consultation.

Il est, à cet égard, significatif que l'Union Européenne n'ait assujetti la prolongation de vingt-ans pma du droit d'auteur à aucune mesure d'atténuationNote de bas de page 21.

Quant à l'exception contenue à l'article 108 h)Note de bas de page 22 du Title 17 of the United States Code (la « Loi américaine »)Note de bas de page 23 édictée par l'article 104 du Sonny Bonno Act et permettant aux bibliothèques et services d'archives (dont ceux des établissement d'enseignement à but non lucratif) d'effectuer certaines utilisations de certaines catégories d'œuvres ou d'enregistrements sonores à des fins de préservation, d'étude ou de recherches pendant la période de prolongation de 20 ans résultant de cette loi (« l'Exception de prolongation américaine >) : La Loi canadienne comporte déjà de trop nombreuses exceptions accordées, notamment ou spécifiquement, aux bibliothèques, services d'archives, musées et institutions d'enseignement et dont la portée combinée surpasse largement et a bien des égards celle des exceptions visées par l'article 108 h) de la Loi américaine, ne serait-ce qu'en raison du fait que toutes les exceptions canadiennes précitées peuvent être invoquées à tout moment au cours de la durée du droit d'auteur et non seulement au cours des 20 dernières années de cette protection.

Dès lors, même si l'ACEUM permettait au Canada d'adopter des exceptions visant à réduire les effets résultant de la prolongation de la durée de protection par droits d'auteur, ce qui n'est, selon nous, pas le cas, cela serait de toute façon inutile et, partant, injustifiable en regard du cumul des exceptions que comporte déjà la Loi canadienne.

En fait, la SACD-SCAM réitère que, plutôt que de chercher prétexte de la moindre mise à jour requise par ses engagements internationaux afin de créer de nouvelles exceptions visant à en amenuiser les effets, le Canada devrait, tout au contraire, s'atteler à rendre la Loi canadienne conforme à ses engagements en élaguant de la Loi canadienne toute exception non conforme à ceux-ci.

4. Position de la SACD-SCAM en regard des « mesures d'accompagnement » proposées

Sans d'aucune manière remettre en question les commentaires et conclusions qui précèdent, la SACD-SCAM estime important d'ajouter les quelques remarques suivantes en regard des options évoquées par le gouvernement dans le Document de consultation :

a. Extension du régime des titulaires introuvables aux œuvres non publiées

La décision de divulguer ou non une œuvre, par sa publication ou autre forme de mise à la disposition du public, est d'ailleurs un aspect éminemment sensible et, partant, très important, des droits exclusifs et morauxNote de bas de page 24 conférés aux auteurs. Aucune exception ne devrait donc permettre l'exploitation d'une œuvre non publiée sans que cela ne soit justifié par des motifs sérieux et sans s'assurer de poser des limites et conditions strictes à une telle exception.

La SACD-SCAM souligne par ailleurs que, tout comme cela est présentement le cas de l'article 77 (« Titulaires introuvables ») de la Loi canadienne (le « Régime canadien des titulaires introuvables »), ni l'Exception de prolongation américaineNote de bas de page 25, ni la Directive sur les œuvres orphelinesNote de bas de page 26 (la « Directive sur les œuvres orphelines ») n'autorisent d'utilisation d'œuvres non publiées.

Pour ces raisons et celles mentionnées au point 4 c), ci-après, La SACD-SCAM est donc d'avis que rien ne justifie d'étendre le Régime canadien des titulaires introuvables aux œuvres non publiées ni de créer de nouvelles exceptions visant de telles œuvres.

b. Élargissement du Régime canadien des titulaires introuvables aux œuvres inaccessibles sur le marché

La SACD-SCAM considère aussi, pour les raisons mentionnées au prochain point, que rien ne justifie d'étendre l'application du Régime canadien des titulaires introuvables, aux œuvres inaccessibles sur le marché.

c. Autres mesures proposées par le Document de consultation

La plupart des exceptions comprises dans la Loi canadienne ne posent malheureusement aucune limitation, du moins explicite, visant à assurer qu'elles ne s'appliquent qu'aux seules œuvres publiées ou à celles qui ne sont pas ou plus disponibles sur le marché (ou « œuvre indisponible »), seules trois dispositions de la Loi canadienne stipulant ne pas s'appliquer aux œuvres indisponiblesNote de bas de page 27, et trois autres aux œuvres non publiéesNote de bas de page 28. Cela a notamment permis à la Cour Suprême du Canada d'en venir à la conclusion assez étonnante suivant laquelle le fait qu'une œuvre ne soit pas publiée constituait un facteur favorisant l'application de l'exception d'utilisation équitable à celle-ciNote de bas de page 29.

Il en résulte malheureusement donc que la majorité des exceptions contenues dans la Loi canadienne peuvent déjà potentiellement s'appliquer à des œuvres non publiées, à des œuvres disponibles ou même à celles qui ne sont ni publiées ni indisponibles.

Par ailleurs, une comparaison entre les exceptions déjà contenues dans la Loi canadienne, d'une part, et celles contenues dans l'Exception de prolongation américaine, dans la Directive sur les œuvres orphelines et à l'article 8 (« Utilisation d'œuvres et autres objets protégés indisponibles dans le commerce par les institutions de patrimoine culturel ») de la Directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numériqueNote de bas de page 30 (la « Directive sur les œuvres indisponibles »), d'autre part, conduit à conclure que l'effet combiné des articles 29Note de bas de page 31, 29.24, 29.4 à 30.5 et 30.71 de la Loi canadienne (et, plus particulièrement, de ses articles 30.1, 30.2 (1), 30.01, 30.02 et 30.4) recouvre l'essentiel de ce que visent les exceptions américaine et européenne précitées (les « Exceptions US/UE »)Note de bas de page 32, et même d'avantages à certains égards, et fréquemment à des conditions moins strictes que celles imposées par les Exceptions US/UENote de bas de page 33.

De ce qui précède découle que, même si l'adoption des « mesures d'accompagnement » envisagées par le Document de consultation pouvait se justifier sur le fondement de la prolongation de la durée de protection du droit d'auteur, ce qui ne peut être le cas, cela conduirait à plusieurs redondances et, pour ce qui est des aspects de ces mesures créant effectivement des exceptions qui n'existent pas déjà, aggraverait encore d'avantage la position du Canada en regard de ses obligations internationales, dont aux limites qu'impose le test en trois étapes de l'ACEUM et des autres traités auquel le Canada est partie.

5. Mesures d'accompagnement au bénéfice des auteurs cohérente avec la prolongation de la durée du droit d'auteur

La SACD-SCAM soumet que les mesures d'accompagnement les plus cohérentes et pertinentes à une prolongation du droit d'auteur sont celles favorisant l'atteinte des objectifs qui sous-tendent une telle prolongation, c'est-à-dire de permettre aux auteurs de faire en sorte que leurs héritiers puissent bénéficier des retombées économiques découlant de l'exploitation de leurs œuvres compte tenu de la réputation bâtie par l'auteur et son œuvre tout au cours de sa vie.

À cet effet, la Loi canadienne a hérité de la loi anglaise de 1911 une disposition d'ordre public faisant en sorte que toute cession ou licence exclusive qu'un auteur a pu consentir au cours de sa vie, autrement que par testament, prenne fin automatiquement et de plein droit 25 ans après son décès, tout droit ainsi cédé ou concédé devenant la propriété de la succession de l'auteur Note de bas de page 34. Dès lors, toute prolongation de la durée des droits d'auteur se fait exclusivement au bénéfice de la succession de l'auteur et non de ses cessionnaires ou licenciésNote de bas de page 35.

Cette disposition, parfois surnommée « disposition Dickens », vise à prendre en compte le fait que plus un auteur en est au début de sa carrière, plus il peut être conduit à céder l'ensemble de ses droits sur ses œuvres à des conditions ne lui étant pas des plus favorables, que l'auteur et ses œuvres peuvent acquérir une réputation de plus en plus grande avec le temps, y compris lors du décès de l'auteur qui peut amplifier l'intérêt du public pour ce dernier et son œuvre. La rétrocession des droits à la succession de l'auteur vingt-cinq après son décès, offre donc la possibilité à ses héritiers de renégocier les conditions afférentes à l'exploitation des œuvres de l'auteur en prenant en compte la valeur ayant pu avoir été acquise par celles-ci.Note de bas de page 36

La Loi américaine comporte de son côté, depuis sa révision de 1976 prolongeant la durée des droits d'auteur suivant la norme d'alors de 50 ans pma, des dispositions d'ordre public permettant aussi aux auteurs (ou, s'ils sont alors décédés, à leurs héritiers) de résilier les cessions ou licences (exclusives ou non) qu'ils ont pu antérieurement accorder à l'égard de leurs œuvre, mais non pas à compter de la date du décès de l'auteur mais plutôt au cours d'une période de 35 à 40 ans suivant la date de la cession ou de la licence concernéeNote de bas de page 37, période jugée suffisante pour permettre au cessionnaire ou licencié, qui doit recevoir un préavis suffisant de cette résiliation, afin de pouvoir amortir les investissements consacrés à l'exploitation de l'œuvre et bénéficier des profits pouvant en résulter. Cette approche perm et donc de reconsidérer les conditions de chaque contrat à sa propre échéance et ce, potentiellement plus d'une fois au cours de la période de protection de l'œuvre, une première fois par l'auteur et une seconde, par sa succession.

Cette approche, évoquée par certains témoins dans le cadre du processus de révision de la loi, mériterait certainement d'être considérée par le gouvernement canadien a titre de mesure d'accompagnement pertinente à la prolongation de la dure du droit d'auteur, l'espérance de vie des auteurs (et non seulement celle de leurs successeurs) s'étant bien évidemment aussi accrue, leur permettant de ce fait de pouvoir renégocier les conditions d'exploitation de leurs œuvres, comme l'a d'ailleurs (notamment) fait Paul McCartney en juin 2017. Note de bas de page 38

L'Union Européenne a quant à elle mit récemment en place un processus permettant aussi aux auteurs et artistes de résilier les cessions ou licences exclusives mais uniquement en cas de non-exploitation des droits ainsi cédés ou concédés suite à l'écoulement d'un délai raisonnable suite à la conclusion du contratNote de bas de page 39. Ce droit de résiliation comme celui des lois canadienne et américaine, permet aux auteurs ou a leurs héritiers de mieux bénéficier du fruit de leurs œuvres et, de ce fait, de favoriser leur disponibilité dans le commerce, évitant de devoir recourir à des exceptions pour atteindre cet objectif.

Finalement, le Sonny Bonno Act de 1998 comportait lui aussi une mesure d'accompagnement visant à faire bénéficier les auteurs des effets de la prolongation à 70 ans pmade la durée des droits aux États-Unis, laquelle incitait les producteurs d'œuvres audiovisuelles à négocier diligemment et de bonne foi avec les scénaristes, réalisateurs et interprètes de ces œuvres afin de convenir entre eux d'un mécanisme de partage équitable des revenus découlant de l'exploitation de ces œuvres au cours de la prolongation de 20 ans résultant de cette loi.Note de bas de page 40

Conclusion

Le Canada encourt l'obligation, sous l'ACEUM, de prolonger la durée des droits d'auteur à 70 ans pmasans pouvoir assujettir cette prolongation a quelque formalité que ce soit.

Le Canada ne doit pas chercher à atténuer les effets de cette prolongation par l'ajout ou la modification d'exception ou d'autres mesures si mi l aires. Le Canada pourrait toutefois prendre exemple des États-Unis et de l'Union Européenne afin d'adopter des mesures cohérentes avec l'objectif que sous-tend une telle prolongation et permettant aux auteurs de maximiser le bénéfice qu'ils peuvent tirer de l'exploitation de leurs œuvres tout au long de leur période d'exploitation, y compris au cours de leur vie et lors des 20 dernières années de protection.