Consultation sur un cadre moderne du droit d'auteur pour l'intelligence artificielle et l'Internet des objets

Table des matières

1. Introduction

Depuis le début, le droit d'auteur a été façonné par des développements technologiques majeurs, à commencer par la presse à imprimer qui lui a donné naissance, suivie d'autres nouvelles technologies, de la photographie à la radiodiffusion, en passant par les photocopieurs et les appareils d'enregistrement personnels, jusqu'à Internet et la numérisationNote de bas de page 1. Pour suivre le rythme de ces perturbations technologiques, ces lois ont dû réagir et s'adapter. Un exemple de cette adaptation est la Loi sur la modernisation du droit d'auteur de 2012, qui a introduit un certain nombre de nouvelles dispositions pour s'assurer que le cadre du droit d'auteur du Canada continue d'être efficace dans la réalité numérique de l'époque. Le droit d'auteur fait maintenant face à une autre évolution technologique majeure, soit l'intelligence artificielle (IA), une technologie d'usage général qui a des répercussions généralisées et croissantes dans l'ensemble de l'économie et de la société. L'IA soulève des questions quant à savoir si le cadre du droit d'auteur peut répondre adéquatement aux nouvelles situations qui se présentent et qui se présenteront de plus en plus, et si des changements au cadre du droit d'auteur sont nécessaires. Parmi les nouvelles situations qui surviennent, mentionnons l'utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur dans le cadre de la fouille de textes et de données (FTD) pour former et développer des applications d'IA, et l'utilisation de l'IA pour créer, produire et distribuer des œuvres littéraires, musicales et autres.

Des avancées récentes dans le développement de l'IA ont été réalisées en partie grâce à la disponibilité de grandes quantités de contenu numérique lisible par machine en ligne et de grandes quantités de données générées par la numérisation accrue de l'économie, y compris les produits de tous les jours qui sont connectés les uns aux autres et à Internet. Ce réseau interconnecté de produits avec logiciels intégrés a donné naissance à l'Internet des objets (IdO), qui crée son propre ensemble de nouveaux défis dans la législation sur le droit d'auteur. L'IdO met en évidence non seulement l'importance des mesures techniques de protection (MTP) pour les titulaires de droits, mais aussi les obstacles qui empêchent les consommateurs de réparer certains produits avec logiciels équipés de MTP qui empêchent l'accès au logiciel. Des pressions apparaissent également dans certaines industries manufacturières, où les petites et moyennes entreprises (PME) éprouvent de plus en plus de difficultés à développer des produits interopérables, en partie en raison de la présence de MTP.

Les intervenants ont soulevé des défis liés à l'IA et à l'IdO au cours de l'examen parlementaire de 2018-2019 de la Loi sur le droit d'auteur (la Loi). En réponse, le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie (le Comité INDU) a conclu dans son rapport final que le gouvernement devrait envisager des mesures de politique du droit d'auteur pour relever les défis liés à l'IA et à l'IdONote de bas de page 2. Le Comité permanent du patrimoine canadien (le Comité CHPC), qui a étudié les modèles de rémunération des artistes et des industries créatives dans le cadre de l'examen, a entendu moins de témoignages d'intervenants sur ces défis et n'a formulé aucune recommandation concernant l'IA et l'IdO. Les membres du Comité CHPC ont néanmoins souligné dans leur rapport final, « Paradigmes changeants », l'importance pour le gouvernement d'accroître son soutien aux créateurs et aux industries créatives dans l'adaptation aux nouveaux marchés numériquesNote de bas de page 3.

Dans l'ensemble, les progrès technologiques rapides ont une incidence profonde sur la façon dont les Canadiens font des affaires, innovent, créent et partagent des produits culturels. La technologie de l'IA et ses applications sont un important facteur d'investissement à l'échelle nationale, puisque de plus en plus de Canadiens utilisent la technologie numérique pour créer, consommer et répondre à leurs besoins opérationnels. Dans ce contexte, le droit d'auteur au Canada vise à favoriser un marché adapté aux besoins changeants des utilisateurs, tout en continuant d'offrir aux créateurs les droits dont ils ont besoin pour encourager l'investissement et la création d'emplois dans l'ensemble de l'économie.

1.1 Objectif de cette consultation

Comme l'énonce le budget de 2021, l'une des priorités stratégiques du gouvernement dans la reprise économique post-pandémique consiste à créer des emplois et à stimuler la croissance, à appuyer les chercheurs et les innovateurs canadiens et à veiller à ce que l'économie canadienne tire parti des possibilités à venir. Cette consultation appuie cette priorité et renforce le mandat des ministres du Patrimoine canadien et de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, qui consiste à examiner la Loi sur le droit d'auteurNote de bas de page 4.

En s'appuyant sur les preuves recueillies au cours de l'examen parlementaire, le but de cette consultation est de recueillir des données supplémentaires pour aider le gouvernement à déterminer si des mesures de politique du droit d'auteur devraient être prises (et si oui, lesquelles) pour veiller à ce que le cadre du droit d'auteur du Canada continue d'atteindre ses objectifs stratégiques sous-jacents et les priorités connexes face aux défis imposés par l'IA et l'IdO. Dans le cadre de cette consultation, le gouvernement sollicite à la fois des preuves de nature technique et des points de vue sur les orientations de politique possibles décrites plus en détail dans le document. L'IA et l'IdO sont des technologies en évolution rapide, les utilisations de ces technologies évoluent, et les consommateurs et les entreprises font face à de nouveaux défis liés au droit d'auteur lorsqu'ils utilisent ces technologies complexes.

Les types de preuves techniques recherchés dans le cadre de cette consultation comprennent de l'information technique sur la façon dont un modèle d'IA intègre les données d'œuvres protégées par le droit d'auteur à mesure qu'il « apprend » de ces données, les rôles des divers acteurs humains participant à la création d'œuvres utilisant l'IA, la mesure dans laquelle les œuvres protégées par le droit d'auteur sont intégrées dans les applications d'IA après avoir été formées et commercialisées, et l'utilisation d'œuvres créées avec l'aide de l'IA et générées par l'IA par les entreprises et les consommateurs. En ce qui concerne l'IdO, les preuves recherchées comprennent des renseignements techniques sur les MTP, la façon dont les intervenants interagissent avec les MTP dans leurs industries respectives, ainsi que les étapes nécessaires, l'aide de tiers et les appareils nécessaires pour contourner une MTP et exécuter les tâches connexes, comme la réparation ou l'interopérabilité de deux produits. Il serait également intéressant de relayer les expériences d'autres marchés ou pays qui ont adopté de nouvelles mesures relatives à l'IA et au droit d'auteur.

En examinant les mesures possibles en matière de droit d'auteur liées à l'IA et à l'IdO, le gouvernement sera guidé par la capacité des mesures à atteindre les objectifs suivants :

  1. Appuyer l'innovation et l'investissement dans l'IANote de bas de page 5 et d'autres technologies numériques et émergentes dans tous les secteurs au Canada. L'IA a un potentiel énorme pour la société si elle est utilisée de façon éthique et responsable, et pourrait également stimuler la croissance de la productivité dans l'ensemble de l'économie.
  2. Appuyer les industries culturelles du Canada et préserver l'incitation à créer et à investir prévue par les droits économiques énoncés dans la Loi. Les créateurs, les innovateurs et les titulaires de droits devraient être rémunérés adéquatement pour leurs œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur.
  3. Appuyer la concurrence et les besoins du marché en ce qui a trait aux appareils de l'IdO et aux autres produits avec logiciels intégrés. Les consommateurs veulent pouvoir entretenir et réparer plus facilement les produits qu'ils possèdent, tandis que les innovateurs veulent de la souplesse et de la certitude pour mettre au point des produits avec logiciels intégrés qui sont interopérables avec ceux d'autres fabricants.

2. Intelligence artificielle (IA)

Il n'y a pas une définition unique commune de l'intelligence artificielle (IA). L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) définit l'IA comme « un système automatisé qui, pour un ensemble donné d'objectifs définis par l'homme, est en mesure d'établir des prévisions, de formuler des recommandations, ou de prendre des décisions […] et qui est conçu pour fonctionner à des degrés d'autonomie divers »Note de bas de page 6. L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) définit l'IA comme incluant les « machines et les systèmes à même d'accomplir des tâches faisant appel à l'intelligence humaine, avec une intervention humaine limitée ou nulle [et] des techniques et applications programmées pour exécuter des tâches individuelles »Note de bas de page 7. L'OCDE décrit également les diverses étapes du cycle de vie d'un système d'IA : i) la phase de « conception, données et modèles », séquence […] comprenant la planification et la conception, la collecte et le traitement des données, ainsi que la construction du modèle; ii) la phase de « vérification et validation »; iii) la phase de « déploiement » et iv) la phase d'« exploitation et (de) suivi »Note de bas de page 8.

La Loi protège les œuvres littéraires, ce qui comprend les programmes d'ordinateurNote de bas de page 9. Par conséquent, le code logiciel d'un système d'IA peut être protégé par le droit d'auteur. En outre, les développements dans le domaine de l'IA soulèvent un large éventail de questions de politique du droit d'auteur qui ont une incidence sur l'innovation, l'investissement et la rémunération des titulaires de droits d'auteur au Canada. Un premier ensemble de questions de politique, qui font partie des phases i) et ii) décrites ci-dessus, porte sur la FTD et l'utilisation du contenu protégé par le droit d'auteur comme intrants pour développer l'IA, en particulier pour l'apprentissage automatique. Une autre série de questions sur la politique du droit d'auteur, qui font partie des phases iii) et iv) décrites ci-dessus, sont soulevées par la capacité croissante des applications d'IA de générer ou d'aider à générer des œuvres littéraires, musicales, artistiques ou autres types d'œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur. Ces questions de politique comprennent l'attribution du droit d'auteur aux œuvres produites par l'IA et la détermination de la titularité et de la propriété des œuvres produites par l'IA ou créées avec l'aide de l'IA. Un troisième ensemble de questions de politique, distinctes, mais interreliées, est lié à l'utilisation et à la commercialisation des applications d'IA et à la responsabilité en cas de violation. Cette section du document de consultation propose de discuter de ces trois ensembles de questions de politique à tour de rôle.

Cette consultation reconnaît que l'absence d'une définition commune et convenue de l'IA pose des défis pour l'élaboration de politiques du droit d'auteur. Les experts dans le domaine de l'IA ne sont pas encore parvenus à un accord sur des définitions communes, et les techniques évoluent rapidement. La politique du droit d'auteur devra tenir compte des différences pertinentes entre l'IA générale, l'IA faible, l'apprentissage profond, les méthodes algorithmiques qui n'impliquent pas nécessairement l'IA, et l'automatisation et l'informatique en général. Par exemple, différents niveaux d'intervention humaine dans la création d'une œuvre à l'aide de ces différentes techniques  pourraient nécessiter d'être pris en compte dans la détermination de la titularité, le cas échéant, et de la propriété de l'œuvre. Pour faciliter la discussion, le présent document considère l'IA dans son ensemble pour englober la variété des techniques et applications possibles de l'IA. Le gouvernement est ouvert aux idées sur les définitions possibles de l'IA aux fins de l'élaboration de politiques du droit d'auteur.

2.1 Fouille de textes et de données (FTD)

La question de politique centrale à explorer dans cette partie de la consultation est de savoir si des modifications devraient être apportées à la Loi pour clarifier la façon dont le cadre du droit d'auteur s'applique aux activités de FTD et, dans l'affirmative, quelles devraient être ces modifications. Il existe actuellement une certaine incertitude quant à la mesure dans laquelle les exceptions existantes dans le cadre du droit d'auteur s'appliquent aux activités de FTD. En même temps, les titulaires de droits d'auteur peuvent avoir de la difficulté à faire respecter leurs droits et à obtenir une rémunération dans le contexte de la FTD, particulièrement pour leurs œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur qui sont accessibles au public en ligne.

Grâce à des outils informatiques de plus en plus puissants ainsi qu'à un contenu et à des données numériques de plus en plus abondants, la FTD fait référence à diverses techniques d'analyse de l'information, y compris le processus automatisé et informatisé d'analyse de grandes quantités d'information lisible par machine pour dégager les tendances et les relations, et pour faire des prédictionsNote de bas de page 10. La FTD permet aux chercheurs et aux analystes d'acquérir des connaissances à une échelle et à une vitesse impossibles à atteindre manuellement, ce qui rend la recherche plus efficace et efficiente. Les découvertes et les idées tirées de la FTD font progresser la science, les arts et les sciences humaines, et aident les entreprises à résoudre des problèmes, à innover et à créer plus de valeur. La FTD présente actuellement des avantages dans de nombreuses applications utiles sur le plan social, y compris les soins de santé et les services juridiquesNote de bas de page 11. La FTD est également cruciale pour le développement des technologies d'IA, en particulier pour la formation des systèmes d'IA et l'apprentissage automatiqueNote de bas de page 12.

Le processus d'exécution de la FTD peut exiger la réalisation de reproductions de grandes quantités d'ouvrages ou d'autres objets du droit d'auteur pour en extraire des données et des renseignements particuliers. Ce processus peut être effectué à l'aide de données scientifiques ou textuelles, ainsi que d'images, de sons ou d'autres œuvres de création. La Loi accorde aux auteurs des droits exclusifs sur leurs œuvres, ce qui empêche d'autres personnes de reproduire la totalité ou une partie importante des œuvres, à moins qu'une licence soit en place ou qu'une exception ou une limitation à l'application s'appliqueNote de bas de page 13. Ces droits peuvent être cédés ou concédés sous licence (p. ex., un transfert des droits de propriété ou des licences exclusives) à une autre personne ou organisation (p. ex., un éditeur ou une société de gestion), ce qui leur permet d'exercer ces droits et d'exploiter commercialement l'œuvre ou un autre objet. La Loi accorde également aux interprètes et aux producteurs d'enregistrements sonores le droit à une rémunération équitable pour l'exécution publique ou la communication au public de leur sujetNote de bas de page 14. De plus, la Loi prévoit des protections juridiques pour les MTP, qui permettent aux titulaires de droits d'auteur d'utiliser les MTP pour restreindre l'accès au contenu protégé par le droit d'auteur ou pour empêcher d'autres personnes de se livrer à des activités de contrefaçon (p. ex., faire des reproductions). Ces droits existent pour promouvoir la création et la distribution de contenu, pour favoriser l'investissement et la création d'emplois, et pour créer un marché prospère qui offre aux consommateurs un choix et un accès à un contenu diversifiéNote de bas de page 15.

En raison de la grande quantité d'œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur souvent utilisées dans la FTD, l'obtention de toute autorisation nécessaire des détenteurs de droits pour reproduire les œuvres ou autres objets du droit d'auteur exploitées peut constituer un fardeau important, surtout en ce qui concerne les œuvres ou autres objets du droit d'auteur disponibles sur Internet. Compte tenu de cette difficulté, certains titulaires de droits offrent maintenant des licences à de grandes quantités de leurs œuvres spécifiquement pour la FTD. Toutefois, si une exception s'applique à certaines activités de FTD, la demande d'autorisation ou de licence pour faire des reproductions peut ne pas être requise.

Bien que la Loi comporte de nombreuses exceptions à la violation du droit d'auteur, comme il a été mentionné précédemment, il n'est pas encore clair comment et dans quelle mesure ces exceptions pourraient ou devraient s'appliquer à la FTD. Deux exceptions en particulier ont été soulevées dans le contexte de l'activité de FTD, soit 1) l'exception relative à l'utilisation équitable pour la recherche à l'article 29 et 2) l'exception relative aux reproductions temporaires pour les processus technologiques à l'article 30.71Note de bas de page 16. L'utilisation équitable permet l'utilisation de matériel protégé par le droit d'auteur qui pourrait autrement constituer une violation du droit d'auteur sans la permission du propriétaire à certaines fins et sous certaines conditions. Bien que la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt CCH Canadienne ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004, ait fourni un cadre pour analyser si l'utilisation est à des fins permises et si l'utilisation est équitable, cette analyse repose sur les faitsNote de bas de page 17. Un tribunal canadien a appliqué ce cadre d'utilisation équitable dans le contexte d'un type d'activité de FTD, à savoir un « robot Web » qui recueillait des textes et des photos à partir de sites Web pour alimenter le propre site Web du défendeurNote de bas de page 18. Toutefois, on ne sait toujours pas si la même analyse s'appliquerait à des activités de FTD différentes et à des extrants différents.

Pour ce qui est de l'exception relative aux processus technologiques, la Commission du droit d'auteur du Canada a interprété cette disposition comme suit : « [la disposition] « vise les copies qui se font automatiquement ou sans le contrôle direct de l'utilisateur », et qui sont automatiquement supprimées une fois le processus technologique terminéNote de bas de page 19. Comme dans le cas de l'utilisation équitable, il y a une incertitude quant à savoir si et dans quelle mesure cette exception s'appliquerait à divers besoins de FTD. Bien que certaines activités de FTD puissent exiger la production de copies éphémères, d'autres activités de FTD peuvent exiger que des copies d'ouvrages soient conservées indéfiniment.

2.1.1 Recommandations découlant de l'examen parlementaire

Au cours de l'examen parlementaire de la Loi, certains intervenants ont témoigné devant le Comité INDU qu'il existe une incertitude quant à la façon dont la Loi et les exceptions existantes s'appliquent aux activités de FTDNote de bas de page 20. Les entreprises et les chercheurs estimaient que les exceptions existantes dans la Loi ne convenaient pas bien aux besoins de la FTD. Les entreprises ont expliqué qu'une partie de l'activité de FTD qu'elles mènent est à des fins commerciales et qu'elles doivent conserver des copies des ouvrages ou d'autres éléments qu'elles réalisent à des fins de vérification et de validationNote de bas de page 21.

Les intervenants ont formulé un certain nombre de recommandations de modifications législatives pour clarifier davantage les activités de FTD. Les recommandations des intervenants comprenaient les suivantes : élargir les fins permises en vertu de l'exception relative à l'utilisation équitable pour inclure la FTDNote de bas de page 22; modifier l'exception relative à l'utilisation équitable pour la rendre ouverte, comme la disposition sur l'utilisation équitable aux États-UnisNote de bas de page 23; modifier l'exception pour les reproductions temporaires de procédés technologiques prévue à l'article 30.71 de la Loi afin de couvrir la FTDNote de bas de page 24; et créer une nouvelle exception réservée spécifiquement à la FTDNote de bas de page 25.

Les intervenants de la communauté des titulaires de droits ont formulé peu de commentaires au sujet de la FTD au cours de l'examen, mais ont exprimé l'avis qu'il y a trop d'exceptions dans la Loi et que des exceptions supplémentaires pourraient les priver de revenus ou nuire à leur capacité d'exploiter leurs œuvresNote de bas de page 26. Ces préoccupations ont été discutées par le Comité CHPC, qui a souligné à quel point les défis en matière de rémunération dans les marchés numériques varient selon l'industrie créative, et a recommandé que « le gouvernement du Canada rehausse son soutien aux créateurs et aux secteurs de création pour s'adapter aux nouveaux marchés numériques »Note de bas de page 27.

Dans son rapport final, le Comité INDU a formulé deux recommandations qui s'appliquent à la FTD. Premièrement, le Comité INDU a recommandé que le gouvernement « modifie la Loi sur le droit d'auteur afin de faciliter l'utilisation d'une œuvre ou d'un autre objet protégé à des fins d'analyse informationnelleNote de bas de page 28 ». Deuxièmement, le Comité INDU a recommandé de « modifier l'article 29 de la Loi sur le droit d'auteur afin que la liste de fins visées par l'exception relative à l'utilisation équitable en soit une indicative plutôt qu'exhaustiveNote de bas de page 29 ». Cette deuxième recommandation aurait des répercussions sur d'autres activités que la FTD.

2.1.2 Approches ailleurs dans le monde

Un certain nombre de partenaires commerciaux clés du Canada ont choisi de prévoir une exception particulière pour la FTD dans leurs lois sur le droit d'auteur, notamment le Japon, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne. En 2019, l'Union européenne a adopté la directive de l'UE sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, qui exige que les États membres de l'UE prévoient deux exceptions obligatoires à la FTD, dont une aux fins de la recherche scientifique (article 3) et une autre exception qui couvre les œuvres et autres objets du droit d'auteur accessibles légalement, y compris le contenu accessible au public en ligne (article 4)Note de bas de page 30. Les États membres de l'UE avaient jusqu'au 7 juin 2021 pour transposer la directive en droit national. Les États-Unis n'ont pas d'exception explicite pour la FTD. Toutefois, certains tribunaux d'appel ont fourni des directives sur la mesure dans laquelle les copies faites dans le cadre d'activités de FTD à des fins commerciales constitueraient une utilisation équitableNote de bas de page 31.

2.1.3 Appel de données probantes et directions possibles pour le Canada

Le gouvernement cherche à obtenir de l'information sur la nature des activités de FTD au Canada et les points de vue des intervenants sur la question de savoir si et comment clarifier le traitement des activités de FTD dans le cadre du droit d'auteurNote de bas de page 32. Premièrement, le gouvernement cherche à obtenir des données probantes pour mieux comprendre la nature des activités de FTD et des pratiques de l'industrie au Canada. À cette fin, le présent document de consultation énonce les questions suivantes qui se posent dans l'élaboration d'éventuelles mesures de politique du droit d'auteur concernant la FTD :

  1. Quels obstacles la Loi pose-t-elle pour la FTD?
  2. Quel genre d'activités de FTD les intervenants mènent-ils et quelles sont les étapes à suivre (p. ex., reproduction d'œuvres protégées par le droit d'auteur; contournement d'une MTP; extraction et étiquetage des données, etc.)?
  3. Qui sont les principaux acteurs des chaînes de valeur de la FTD et de l'IA (p. ex., y a-t-il des tiers qui fournissent des services pour aider à l'activité de FTD)?
  4. Quels types de licences de droit d'auteur pour les activités de FTD sont habituellement proposés, et comment ces licences répondent-elles aux besoins des personnes qui mènent des activités de FTD?
  5. Les titulaires de droits font-ils face à des défis en ce qui concerne les activités de FTD et l'octroi de licences pour les activités de FTD? Le cas échéant, quelles sont la nature et la portée de ces défis?
  6. Quel est le rôle actuel des MTP et des verrous numériques dans l'activité de FTD? Quels sont les obstacles auxquels se heurtent les titulaires de droits lorsqu'ils utilisent des MTP pour prévenir les activités de contrefaçon dans le contexte de la FTD? De même, quels obstacles posent les MTP pour les utilisateurs qui mènent des activités de FTD?
  7. Quels sont les extrants communs des activités de FTD (p. ex., recherche scientifique, applications d'IA, bases de données, divers modèles, connaissances opérationnelles d'affaires, etc.), et quelles sont les utilisations subséquentes de ces extrants?
  8. Y a-t-il des préoccupations quant à la violation du droit d'auteur (p. ex., les extrants comprennent-ils des reproductions complètes ou une partie importante des œuvres qui ont été l'objet de FTD, concédées sous licence ou autrement)?
  9. Les résultats ou les extrants des activités de FTD sont-ils vendus ou autorisés à d'autres parties qui en font ensuite d'autres utilisations subséquentes?
  10. Craint-on que l'utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur dans le cadre de la FTD puisse avoir une incidence sur les droits moraux des titulaires de droits énoncés à l'article 14.1 de la Loi ou porter atteinte à ces droits?
  11. Existe-t-il des cas d'approches de FTD ailleurs dans le monde qui pourraient éclairer l'examen de cette question au Canada?

Deuxièmement, sous réserve des réponses des intervenants aux questions ci-dessus, le gouvernement sollicite des commentaires sur la possibilité d'introduire une exception ciblée pour la FTD dans la Loi, avec un objectif et des limites clairs. Un certain nombre de choix seraient possibles en ce qui a trait à sa portée, aux mesures de sauvegarde et aux limites, qui seraient éclairés par les données probantes fournies par les intervenants en réponse aux questions ci-dessus. Tout en demeurant ouvert à d'autres options inspirées par les réponses aux questions ci-dessus, le gouvernement accueille favorablement les commentaires sur la liste non exhaustive suivante de choix possibles pour une nouvelle exception à la violation lorsqu'il est question de la FTD. Les choix de politique comprendraient :

En ce qui concerne la portée, l'exception devrait-elle :

  1. s'appliquer à la FTD à des fins commerciales, non commerciales ou dans des industries particulières seulement (p. ex., modèles d'apprentissage de l'IA);
  2. s'appliquer à tous les ouvrages et autres objets du droit d'auteur (c.-à-d. enregistrements sonores, prestations fixées et signaux de communication), ou à un sous-ensemble d'ouvrages ou autres objets du droit d'auteur;
  3. permettre toutes les reproductions, les incorporations incidentes, tous les actes qui violeraient autrement le droit d'auteur ou toute autre activité particulière;
  4. permettre la conservation des reproductions à des fins de vérification, de validation ou autres, ou exiger la destruction des reproductions après un certain temps ou à la demande du titulaire du droit d'auteur;
  5. permettre les reproductions dans les techniques de FTD entièrement automatisées à l'aide d'ordinateurs ou qui utilisent à la fois l'automatisation informatique et les opérations humaines (p. ex., les reproductions pour faciliter l'étiquetage par les humains des données dans les œuvres); ou
  6. être accessibles uniquement aux personnes ou aux entités qui mènent des activités de FTD et utilisent les résultats directement, ou être également accessibles à des tiers dans la chaîne de valeur de la FTD et de l'IA (p. ex., les entreprises qui mènent des activités de FTD pour le compte de clients; les entreprises qui créent des logiciels de FTD; les utilisateurs qui achètent ou autorisent les résultats de FTD, etc.).

En ce qui concerne les mesures de sauvegarde et les limites, l'exception devrait-elle :

  1. être conditionnelle à l'obtention légale des œuvres ou autres objets du droit d'auteur reproduits aux fins de la FTD (p. ex., par la propriété ou la licence; respecter les instructions lisibles par machine du titulaire du droit d'auteur conformément aux normes de l'industrie, comme un fichier robot.txt, ou une licence Creative Commons);
  2. obliger une personne à prendre des mesures raisonnables pour empêcher la distribution ou la transmission de reproductions d'œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur, sauf dans des circonstances définies; ou
  3. exiger qu'une personne ne reproduise pas d'autres œuvres ni d'autres objets du droit d'auteur, sauf dans des circonstances définies.

Chacun de ces choix de politique aurait des avantages et des inconvénients. Par exemple, une exception pour la FTD de grande portée pourrait accroître la compétitivité internationale du Canada, favoriser l'innovation et attirer des investissements dans l'IA. En même temps, une grande portée pourrait réduire le rendement économique des actifs protégés par le droit d'auteur en décourageant les activités d'octroi de licences. De même, les mesures de sauvegarde et les limites devraient offrir les protections souhaitées contre les abus sans être trop onéreuses pour ceux qui profitent de l'exception. Tous les commentaires sur la question de savoir si et comment clarifier le traitement des activités de FTD dans le cadre du droit d'auteur sont les bienvenus, y compris les idées supplémentaires, l'analyse juridique et les données probantes à l'appui.

2.2 Titularité et propriété des œuvres produites par l'IA

La deuxième série de questions de politique du droit d'auteur relatives à l'IA porte sur le sujet plus fondamental de la titularité et de la propriété des œuvres produites par l'IA ou des œuvres créées avec l'aide de l'IA (c.-à-d. les œuvres assistées par l'IA). Dans son examen, le Comité INDU a recommandé que la Loi soit adaptée pour « faire la distinction entre les œuvres réalisées par des humains avec l'aide de logiciels d'IA et celles créées par l'IA sans intervention humaine », « pour aider à concrétiser l'avenir prometteur du secteur canadien de l'IA »Note de bas de page 33.

Grâce à la FTD de plus en plus sophistiquée, à l'apprentissage automatique et à d'autres progrès technologiques, l'IA peut maintenant créer du contenu auparavant attribuable uniquement à des personnes humaines. À l'heure actuelle, la création d'une œuvre ou d'un autre objet du droit d'auteur par l'IA comporte habituellement un certain degré d'apport humain; les programmeurs ou les utilisateurs doivent donner des instructions à une application d'IA pour qu'elle exécute sa tâche. Mais avec le temps, la capacité d'un système d'IA à générer de façon indépendante des œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur devrait continuer d'augmenter. Par exemple, il existe maintenant des applications d'IA qui peuvent écrire des scénarios de films, des logiciels et de la musique, et dessiner des animations avec peu d'apport humain au-delà du développement de l'IA elle-même.

Ces développements rapides de la technologie de l'IA, combinés à son application florissante dans divers secteurs de l'économie, ont amené le gouvernement à se demander si la Loi est adaptée pour répondre aux nouvelles questions de la titularité et de la propriété des œuvres produites par l'IA ou assistées par l'IA. De plus, le gouvernement examine si, même si la Loi est appropriée pour traiter de ces questions, des précisions supplémentaires concernant la titularité et la propriété de ces œuvres pourraient être fournies pour créer plus de certitude sur le marché. En examinant ces questions, le gouvernement vise à s'assurer que la Loi appuie la compétitivité du Canada en matière d'IA, les créateurs et les industries créatives au Canada, tout en favorisant l'innovation et l'accès aux matières créatives.

La Loi ne définit pas explicitement le terme « auteur » ni si une application d'IA peut être l'auteur d'une œuvre. Cependant, la jurisprudence canadienne sur le droit d'auteur laisse entendre qu'un auteur doit être une personne physique qui exerce son talent et son jugement dans la création de l'œuvre, reflétant le fait que la Loi lie la durée de protection à la vie et à la mort d'un auteurNote de bas de page 34. La Cour suprême a également souligné que le talent et le jugement « ne doit pas être [un exercice] négligeable au point qu'on puisse le qualifier d'entreprise purement mécaniqueNote de bas de page 35 ». Même si une œuvre générée par l'IA pouvait être liée à un « auteur », on ne sait pas qui exactement devrait être le premier titulaire du droit d'auteur d'une telle œuvre. Bien que les œuvres assistées par l'IA, contrairement aux œuvres générées par l'IA, semblent mieux convenir à la titularité – étant donné que les êtres humains participent à la production du travail –, certains commentairesNote de bas de page 36 suggèrent que la vaste gamme de technologies d'IA et les divers degrés d'apport humain impliqués posent des problèmes pour déterminer quels auteurs et/ou combien de contributeurs sont les auteurs appropriés et premiers propriétaires d'une telle œuvre.

Par exemple, des programmeurs peuvent mettre au point une application d'IA ayant la capacité de créer des œuvres. Ces programmeurs auraient peut-être formé l'IA à reconnaître la valeur artistique en lui donnant de multiples exemples d'œuvres artistiques, et l'auraient programmée pour produire ses propres œuvres artistiques originales. Les utilisateurs peuvent également utiliser la même application d'IA, fournir des données supplémentaires et utiliser l'application pour générer des œuvres. L'utilisateur peut demander à l'IA de générer plusieurs œuvres, puis organiser ces œuvres pour en choisir une en particulier qui répond à certaines normes artistiques. De plus, l'utilisateur peut modifier l'œuvre sélectionnée générée par l'IA, en ajoutant sa propre contribution artistique. Un utilisateur possédant des connaissances techniques plus poussées peut adapter l'application d'IA, soit directement, soit en fournissant une formation supplémentaire à l'IA, ce qui lui permet de générer des œuvres qui répondent à ses objectifs et à ses besoins particuliers. Ces possibilités, bien que simplifiées, illustrent la variété d'interventions humaines possibles dans les œuvres assistées par l'IA. Ces possibilités créent de l'incertitude quant à savoir si une œuvre assistée par l'IA serait « originale » en vertu des lois canadiennes sur le droit d'auteur, et bénéficierait ou non de protection en vertu de la Loi.

Cette difficulté à identifier l'auteur des œuvres produites par l'IA ou assistées par l'IA découle de la question de déterminer le premier propriétaire de ces œuvres, puisque l'auteur de l'œuvre est généralement le premier titulaire du droit d'auteurNote de bas de page 37. Toutefois, pour certaines œuvres (p. ex., des œuvres d'employés) et d'autres objets du droit d'auteur (p. ex., une prestation ou un enregistrement sonore), la Loi prévoit un premier titulaire du droit d'auteur autre qu'un auteurNote de bas de page 38. Comme nous l'expliquons plus en détail ci-dessous, il pourrait y avoir des façons de clarifier la propriété initiale des œuvres produites par l'IA ou assistées par l'IA en réexaminant la façon de définir un auteur, ou sans se fier à la titularitéNote de bas de page 39.

2.2.1 Recommandations découlant de l'examen parlementaire

Au cours de l'examen parlementaire de la Loi sur le droit d'auteur, les points de vue des intervenants sur la question de la titularité et de la propriété des œuvres créées par l'IA ont varié. Certains intervenants se sont dits préoccupés par le fait que le manque d'indication claire quant à l'auteur ou au propriétaire du contenu généré par l'IA crée de l'incertitude pour les participants au marché et pourrait avoir une incidence négative sur l'investissement, l'innovation et la créativité dans le domaine de l'IA au CanadaNote de bas de page 40. D'autres ont fait remarquer que la Loi sur le droit d'auteur « vise à encourager les humains à créer et à diffuser leurs œuvres » et ont souligné que le talent et le jugement d'un être humain sont nécessaires pour que la protection du droit d'auteur s'applique à une œuvreNote de bas de page 41.

Les intervenants ont souligné les différentes approches que le Canada pourrait adopter pour répondre à ce problèmeNote de bas de page 42. Certains ont suggéré d'expliquer dans la Loi que les œuvres créées de façon autonome par l'IA, sans exercice de talent et de jugement de la part d'un être humain, ne devraient pas être admissibles à la protection du droit d'auteur et devraient être du domaine public. D'autres ont décrit la nécessité pour la loi de mieux reconnaître les diverses façons dont l'IA est utilisée pour créer des œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur. Par exemple, certains ont suggéré que les œuvres assistées par l'IA devraient bénéficier d'une protection du droit d'auteur selon les principes habituels du droit d'auteur, c.-à-d. que dans la mesure où un être humain exerce suffisamment de talent et de jugement pour produire une œuvre originale au moyen de l'IA, cet être humain serait l'auteur. Par conséquent, une œuvre assistée par l'IA qui ne résulte pas de l'exercice de talent et de jugement de la part d'un être humain ne serait pas protégée par le droit d'auteur. Enfin, certains ont proposé de protéger le droit d'auteur des œuvres créées de façon autonome par l'IA dans certaines circonstancesNote de bas de page 43.

Dans son rapport, le Comité INDU a examiné ces approches possibles sans en recommander une en particulier. Le Comité INDU a finalement recommandé que « le Canada envisage de modifier la Loi sur le droit d'auteur ou de déposer un autre projet de loi afin de clarifier la titularité d'une œuvre générée par ordinateurNote de bas de page 44. »

2.2.2 Approches ailleurs dans le monde

L'impact de l'IA en général sur la politique de propriété intellectuelle est un sujet de discussion dans de nombreux pays et à l'OMPINote de bas de page 45.

Les approches en place dignes de mention pour régler les problèmes de titularité des œuvres générées par l'IA sont celles du Royaume-Uni, de l'Irlande et de la Nouvelle-Zélande, qui attribuent la titularité d'œuvres générées par ordinateur à la personne qui a pris les dispositions nécessaires à la création de l'œuvre créée. La Copyright Designs and Patents Act du Royaume-Uni stipule que « dans le cas d'une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique générée par ordinateur, l'auteur est considéré comme la personne qui prend les dispositions nécessaires à la création de l'œuvreNote de bas de page 46 ».

En septembre 2020, l'UK Intellectual Property Office (office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni) a publié un document de consultation sur l'IA et le droit d'auteur et a demandé s'il fallait modifier l'approche du Royaume-Uni en matière de protection des œuvres produites par l'IANote de bas de page 47. Ce document note que le concept d'originalité a évolué depuis que cette disposition a été introduite dans la loi britannique en 1988, et que cette évolution a créé de l'incertitude sur la façon d'appliquer la disposition aux œuvres générées par l'IA. Le Royaume-Uni, dans son résumé des réponses reçues à la consultation, a fait remarquer que les parties prenantes estimaient qu'il était nécessaire de clarifier la façon de distinguer les contributions humaines et d'IA aux œuvresNote de bas de page 48.

2.2.3 Appel de données probantes et approches possibles pour le Canada

Les capacités de l'IA de générer des œuvres et d'autres objets du droit d'auteur continuent d'évoluer, avec des ramifications incertaines pour les créateurs, les titulaires de droits, les innovateurs et les utilisateurs de contenu. Pour mieux comprendre comment les technologies d'IA sont utilisées dans la création d'œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur, et faciliter une discussion de politique proactive sur la titularité et la propriété d'œuvres assistées par l'IA ou générées par l'IA, le gouvernement invite les intervenants à partager leurs points de vue et/ou à présenter des éléments de preuve en réponse aux questions suivantes :

  1. Comment les particuliers et les organisations utilisent-ils l'IA pour produire des œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur ou pour les aider à les produire?
  2. Les œuvres assistées par l'IA sont-elles le résultat de choix délibérés par les humains (qui font peut-être preuve de talent et de jugement), y a-t-il d'importantes variations à cet égard selon l'application de l'IA, et comment cela pourrait-il changer à mesure que l'IA devient plus autonome?
  3. Quels sont les défis ou les différends qui se posent au moment de déterminer le droit d'auteur et la titularité ou la propriété d'œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur produits par ou avec l'IA?
  4. L'incertitude entourant la titularité ou la propriété d'œuvres assistées et générées par l'IA a-t-elle une incidence sur le développement et l'adoption d'applications d'IA pour produire des œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur? Si oui, comment?
  5. Quelles mesures d'atténuation des risques les entreprises prennent-elles pour protéger leurs investissements lorsqu'elles utilisent l'IA pour produire des œuvres et ensuite les commercialiser? De même, quelles mesures d'atténuation des risques les entreprises prennent-elles lorsqu'elles commercialisent des applications d'IA qui peuvent être utilisées pour produire des œuvres?
  6. Quels types de licences sont utilisées pour l'utilisation d'œuvres ou d'autres objets du droit d'auteur produits avec l'IA? Quelles sont les conséquences de l'octroi de licences si ceux qui développent l'IA sont réputés être les auteurs ou les propriétaires d'œuvres produites par l'IA?

Le gouvernement sollicite les points de vue des intervenants sur la question de savoir s'il y a lieu de modifier le cadre du droit d'auteur du Canada, et sur la façon de le faire, afin de dissiper les incertitudes entourant la titularité et la propriété des œuvres générées par l'IA ou assistées par l'IA. À l'heure actuelle, trois approches générales de rechange pourraient être envisagées au Canada, reflétant les données probantes présentées au cours de l'examen parlementaire et les propositions faites par les universitaires. Chacune de ces approches aurait des conséquences fondamentalement différentes pour le marché, et introduirait des questions de politique accessoires uniques à résoudre. Ces trois approches sont présentées à des fins de discussion et n'excluent pas d'autres approches possibles qui pourraient être révélées à la suite d'une analyse plus poussée et des réponses des intervenants aux questions ci-dessus. Il faut des preuves et des renseignements supplémentaires pour convertir ces approches possibles en options de politique précises.

Une approche possible serait d'attribuer la titularité d'œuvres générées par l'IA à la personne qui a pris les dispositions pour que l'œuvre soit créée, à l'instar du cadre du droit d'auteur du Royaume-Uni. Pour ce faire, il faudrait établir des facteurs permettant de faire la distinction entre les œuvres assistées par l'IA qui respectent le seuil de la titularité humaine et celles qui ne le respectent pas. Cette approche pourrait faire en sorte que les œuvres générées par l'IA bénéficient de la même protection du droit d'auteur que les œuvres créées par des êtres humains.

  • A. Une approche envers les œuvres générées par l'IA qui attribue la titularité à l'être humain qui a pris des dispositions pour la création de l'œuvre serait-elle faisable ou souhaitable pour le Canada? Serait-il possible de faire la distinction entre les œuvres assistées par l'IA, qui continueraient d'être assujetties au cadre actuel du droit d'auteur, et les œuvres générées par l'IA, qui seraient assujetties à un nouveau cadre? Comment doit-on interpréter le concept de « prendre des dispositions pour la création de l'œuvre »? Une telle approche devrait-elle prévoir uniquement des droits économiques pour les œuvres générées par l'IA (c.-à-d. pas de droits moraux)Note de bas de page 49?

Une deuxième approche pourrait consister à préciser que le droit d'auteur et la titularité ne s'appliquent qu'aux œuvres créées par des êtres humains, ou qu'aucun droit d'auteur ne peut subsister dans une œuvre créée sans qu'un être humain participe d'une façon ou d'une autre à la création de l'œuvreNote de bas de page 50. Grâce à cette approche, il serait clair que toute œuvre générée par l'IA sans auteur humain tomberait immédiatement dans le domaine public pour que d'autres l'utilisent sans paiement ni permission requis. Cependant, lorsqu'un créateur utilise une IA pour produire une œuvre et, ce faisant, apporte son talent et son jugement à l'œuvre, le créateur serait l'auteur et le premier propriétaire, et l'œuvre ne tomberait pas dans le domaine public. Bien que cette approche puisse apporter une certaine clarté pour les participants au marché et les tribunaux, la difficulté de distinguer les contributions humaines des contributions non humaines aux œuvres assistées par l'IA demeurerait un défi.

  • B. Une approche envers les œuvres générées par l'IA qui les rend inadmissibles au droit d'auteur serait-elle faisable ou souhaitable pour le Canada? Une telle approche freinerait-elle les investissements dans les technologies d'IA et/ou la création d'œuvres et d'autres objets du droit d'auteur par l'IA? Une telle approche faciliterait-elle et stimulerait-elle l'utilisation de l'IA dans la création humaine d'œuvres? Une œuvre générée par l'IA pourrait-elle être suffisamment définie (et distinguée des œuvres assistées par l'IA et des œuvres d'auteurs) pour exclure ces œuvres du cadre du droit d'auteur?

Une troisième approche pourrait consister à créer un nouvel ensemble de droits uniques pour les œuvres générées par l'IA. Une telle approche viserait à offrir de la souplesse en permettant aux acteurs qui ne sont pas directement liés à la création d'une œuvre avec l'aide de l'IA de posséder les droits sur l'œuvreNote de bas de page 51. Il faudrait des éléments de preuve supplémentaires pour établir quels droits nouveaux et différents subsisteraient dans de telles œuvresNote de bas de page 52, et pour guider un certain nombre de choix de politique, y compris la durée appropriée de la protection et les recours en cas de violation. Il serait nécessaire de préciser une exigence de contribution différente, qui s'appliquerait exclusivement aux œuvres générées par l'IA, et qui déterminerait qui est le premier propriétaire de ces nouveaux droits dans les œuvres générées par l'IA. Il faudrait également envisager d'appliquer les droits moraux uniquement aux auteurs humains. Selon cette approche, dans les cas où un être humain a fait preuve de suffisamment de talent et de jugement dans la création d'une œuvre utilisant l'IA pour en faire une œuvre « originale », cet être humain serait l'auteur de l'œuvre et ce nouvel ensemble de droits ne s'appliquerait pas.

  • C. Une approche « sans auteur » envers les œuvres générées par l'IA serait-elle faisable ou souhaitable pour le Canada? Serait-il possible d'attribuer la propriété d'une œuvre générée par l'IA à une personne responsable du travail? Si oui, quels sont les critères appropriés pour identifier cette personne? Serait-il possible de faire la distinction entre les œuvres assistés par l'IA et celles générées par l'IA dans le cadre de cette approche? Quel impact cette approche aurait-elle sur les artistes humains et les industries créatives?

Tous les commentaires sur la question de savoir si et comment clarifier la titularité et la propriété des œuvres assistées ou générées par l'IA dans le cadre du droit d'auteur sont les bienvenus, y compris les idées supplémentaires et les autres approches possiblesNote de bas de page 53, l'analyse juridique et les preuves et données à l'appui.

2.3 Violation et responsabilité en matière d'IA

La violation et la responsabilité entourant les œuvres générées par l'IA est le troisième domaine de politique qui soulève de nouvelles questions en matière de droit d'auteur, bien que cette question n'ait pas fait l'objet d'une recommandation du Comité INDU dans le cadre de l'examen parlementaire de la Loi. Compte tenu de la nouveauté des technologies de l'IA, les tribunaux canadiens n'ont pas encore rendu de jugement sur les questions relatives à la responsabilité en cas de violation pouvant découler de l'utilisation de l'IA, soit par les intrants utilisés pour former une IA, soit par les extrants générés par un système d'IA sous forme d'œuvres. À la lumière de la section 2.1 ci-dessus, qui traite d'une nouvelle exception potentielle pour la FTD qui vise à atténuer certaines préoccupations en matière de violation lors de la formation d'une IA, cette section se concentrera sur la possibilité pour l'IA de générer des œuvres qui contreviennent au droit d'auteur dans d'autres œuvres, ou pour qu'une application d'IA elle-même soit considérée comme ayant violer un droit d'auteur.

Dans l'un ou l'autre de ces scénarios, il pourrait être difficile pour un titulaire de droit d'auteur, qui allègue une violation par l'application d'IA ou par l'œuvre générée par l'IA, d'identifier la ou les personnes responsables et d'établir la responsabilité devant un tribunal. Des problèmes semblables liés à l'identification des contributions humaines aux œuvres générées par l'IA se posent, comme nous l'avons vu à la section 2.2 ci-dessus. La détermination de la responsabilité et de la violation peut devenir de plus en plus complexe à mesure que le niveau de participation humaine aux œuvres assistées par l'IA diminue et que la capacité de l'IA à créer des œuvres de façon autonome augmente. Dans ce contexte, le gouvernement demande aux intervenants de fournir des preuves supplémentaires pour aider à orienter l'examen de la question de savoir s'il faut modifier la Loi et de la façon de le faire afin de fournir plus de clarté sur le marché.

Le gouvernement fait remarquer que l'élimination de l'ambiguïté dans ces domaines de politique pourrait avoir un effet positif sur le marché, faciliter une application plus efficace du droit d'auteur et soutenir davantage l'innovation et l'investissement dans l'IA. Alors que des discussions internationales au sujet de la responsabilité d'une violation du droit d'auteur par une œuvre générée par l'IA ont lieu dans divers pays et à l'OMPINote de bas de page 54, aucun pays ne semble avoir encore apporté des modifications à sa loi sur le droit d'auteur afin de clarifier davantage la question de la violation et de la responsabilité à l'égard des œuvres produites par l'IA.

2.3.1 Violation de la Loi sur le droit d'auteur au Canada

Il n'y a peut-être pas de réponse unique pour clarifier la responsabilité en cas de violation par une application d'IA, ou par une œuvre assistée par l'IA ou générée par l'IA. La présente section porte sur les diverses questions soulevées par le présent enjeu, mais elle ne vise pas à être exhaustiveNote de bas de page 55. Le gouvernement souhaite recevoir des commentaires sur d'autres questions qui ne sont pas décrites ci-dessous et sur les distinctions techniques entre les types d'IA.

Pour ce qui est de l'application d'IA elle-même, il n'est pas clair si l'utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur pour former l'IA entraîne la reproduction d'une partie importante de ces œuvres. Il n'est pas clair non plus si l'exploitation d'une IA et la mise à jour subséquente d'un modèle d'IA entraînent la reproduction d'une partie importante des œuvres qui ont formé l'IA au départ. De plus, on ne sait pas trop qui, le cas échéant, serait responsable d'une telle violation, p. ex., si un être humain a participé suffisamment à la formation de l'IA ou à la mise à jour de son modèle pour être tenu responsable de la violation qui en a résulté, ou si l'IA a dirigé sa propre formation et ses mises à jour. Les réponses à ces questions varieront probablement selon le type de système d'IA en cause et sa fonction.

De plus, la Loi stipule qu'une personne qui fournit un service principalement dans le but de permettre des actes de violation du droit d'auteur peut être tenue responsable si une violation réelle se produit au moyen d'Internet ou d'un autre réseau numérique en raison de l'utilisation de ce serviceNote de bas de page 56. On ne sait pas exactement si la création ou la mise à disposition d'une application d'IA sur Internet qui entraînerait la violation d'une œuvre atteindrait ce seuil de responsabilité. La responsabilité en vertu de cette disposition peut devenir de plus en plus difficile à établir, à mesure que les utilisateurs contribuent de plus en plus aux applications d'IA avant que l'application génère ou aide à générer une œuvre illicite et à mesure que l'IA devient plus autonome.

Dans le cas d'une œuvre assistée ou générée par l'IA, des questions semblables se posent, comme nous l'avons vu dans la section précédente sur la titularité et la propriété. Autrement dit, y a-t-il un degré suffisant d'implication humaine dans une œuvre assistée ou générée par l'IA pour attribuer une responsabilité personnelle lorsque cette œuvre viole le droit d'auteur d'une autre œuvre? Par ailleurs, si on considère qu'une telle œuvre viole le droit d'auteur, le niveau de participation humaine était-il suffisant pour constituer une « autorisation » et une application d'IA peut-elle être « autorisée »? L'autorisation peut également être pertinente pour déterminer si la vente ou l'octroi d'une licence pour une IA conçue pour générer des œuvres constitue une autorisation pour cet utilisateur de générer des œuvres qui viole les droits d'auteur. Bien que la jurisprudence canadienne ait indiqué que le simple fait d'autoriser l'utilisation d'équipement qui pourrait être utilisé pour enfreindre la loi n'équivaut pas à autoriser la violationNote de bas de page 57, cette question peut être compliquée par le fait que l'« équipement » a été formé avec des œuvres protégées par le droit d'auteur. Les réponses à ces questions peuvent dépendre du type d'IA en cause et de sa fonction.

D'autres questions de responsabilité se posent avec l'utilisation subséquente d'œuvres assistées par l'IA ou générées par l'IA, ou d'applications d'IA qui violent le droit d'auteur. Par exemple, la Loi interdit la violation à une étape ultérieure, qui se produit lorsqu'une personne sait ou devrait savoir qu'une œuvre ou un autre objet du droit d'auteur viole le droit d'auteur et commet une infraction prévue au paragraphe 27(2), comme la vente, la location, ou la distribution d'une copie contrefaite d'une œuvre ou d'un autre objet du droit d'auteurNote de bas de page 58. Les incertitudes entourant la violation évoquée ci-dessus peuvent avoir des répercussions sur la violation à une étape ultérieure, ce qui pourrait paralyser le marché des œuvres assistées et générées par l'IA.

Dans ces scénarios, une autre considération est liée à l'établissement de la violation par reproduction. Le demandeur doit établir que la partie qui a violé le droit d'auteur a eu accès à l'œuvre originale, que l'œuvre originale était la source de la copie et qu'une partie importante de l'œuvre a été reproduiteNote de bas de page 59. L'IA présente de nombreux défis pour l'établissement de ces faits, car il peut être difficile de déterminer si un programmeur, un utilisateur, une autre partie ou l'IA elle-même a accédé à l'œuvre du demandeur dans le processus de création ou de contribution à la création d'une œuvre qui viole le droit d'auteur, et si l'accès par l'une de ces parties peut être imputé aux autres. Il peut être encore plus difficile d'établir qu'une partie importante d'une œuvre a été reproduite au cours de ce processus. Comme il a été mentionné précédemment, le fonctionnement et le type d'IA compliquent davantage l'établissement de l'accès ou de la reproduction. Certains types d'IA peuvent faire face au « problème de la boîte noire », qui peut être décrit comme « l'incapacité de bien comprendre le processus décisionnel d'une IA et l'incapacité de prédire les décisions ou les extrants de l'IANote de bas de page 60 ». D'un autre côté, une IA transparente permet aux humains de comprendre ce qui se passe dans le modèle d'IA en observant comment l'IA a été formée et comment les décisions sont prisesNote de bas de page 61, ce qui peut éliminer certains obstacles à l'établissement de la violation.

2.3.2 Demande de données probantes concernant la responsabilité

Le gouvernement reconnaît qu'il y a moins de données probantes présentement disponibles sur ces questions par rapport aux autres questions abordées dans la présente consultation. Cela dit, le gouvernement comprend qu'il y a d'importants avantages à recueillir des preuves supplémentaires avant de déterminer si et comment le cadre du droit d'auteur du Canada devrait être clarifié en ce qui a trait à la violation et à la responsabilité par les applications d'IA et les œuvres générées ou assistées par l'IA. Le gouvernement souhaite recevoir à la fois des preuves supplémentaires et des recommandations sur les mesures possibles pour faire face aux tendances du marché. Pour faire progresser les discussions de politique, le gouvernement invite les intervenants à fournir des réponses aux questions suivantes :

  1. Lorsqu'elles commercialisent des applications d'IA, quelles mesures les entreprises prennent-elles pour atténuer les risques de responsabilité de violation de droit d'auteur pour l'application d'IA elle-même et pour une œuvre générée ou assistée par l'IA?
  2. Quels défis les titulaires de droits d'auteur doivent-ils relever lorsqu'ils octroient des licences pour leurs droits dans le contexte de l'IA? Quels défis les titulaires de droits d'auteur doivent-ils relever pour faire respecter leurs droits dans le contexte de l'IA, et comment pourrait-on résoudre ces problèmes?
  3. Quels sont les obstacles qui empêchent de déterminer si une IA a accédé à une œuvre en particulier ou en a fait une copie pendant le processus de création ou de contribution à la création d'une œuvre qui viole des droits d'auteur?
  4. Dans quelle mesure les applications d'IA contiennent-elles des reproductions du contenu protégé par le droit d'auteur utilisé dans leur formation? Y a-t-il d'importantes variations entre les types d'IA?
  5. Les créateurs et les utilisateurs d'applications d'IA font-ils face à des risques supplémentaires de violation pour des activités autres que la reproduction (p. ex., rendre accessible en ligne du contenu généré ou assisté par l'IA)?
  6. Comme pour la question de la section 2.2 ci-dessus, qui sont les différentes parties humaines qui participent à la création d'un système d'IA qui peut générer des œuvres, ou aider à générer des œuvres, et quels facteurs influent sur leur rôle dans ce processus?

Tous les commentaires sur la question de savoir si et comment clarifier la violation et la responsabilité en matière d'IA sont les bienvenus, y compris les idées supplémentaires, l'analyse juridique et les données probantes à l'appui.

3. Internet des objets

L'Internet des objets (IdO) est généralement décrit comme le réseau d'appareils connectés à Internet au-delà des ordinateurs, des téléphones intelligents et des tablettes. En novembre 2020, l'IdO était devenu un système international d'environ 12 milliards d'appareils connectés à Internet (à l'exception des téléphones intelligents et des tablettes)Note de bas de page 62. La prolifération des appareils connectés à Internet transforme les chaînes d'approvisionnement, la concurrence et le contrôle des consommateurs sur leurs achats. Cette situation, conjuguée à la prolifération de divers autres produits avec logiciels intégrés qui ne sont pas nécessairement reliés à Internet, soulève des questions au sujet des dispositions de la Loi concernant les mesures techniques de protection (MTP), aussi appelées verrous numériques.

Les MTP sont utilisées pour contrôler l'accès au contenu numérique protégé par le droit d'auteur (p. ex., logiciel) ou pour empêcher les utilisateurs d'exercer un droit institué par la Loi sans autorisation. Les MTP peuvent être utilisées pour protéger toute œuvre protégée par le droit d'auteur, la prestation fixée au moyen d'un enregistrement sonore ou un enregistrement sonore. Bien que la protection des MTP ait été présentée à l'origine comme un outil pour encourager les industries créatives à offrir leurs œuvres dans le domaine numérique, les MTP sont maintenant largement utilisées dans l'ensemble de l'économie pour protéger les logiciels intégrés dans les produits, dans des industries telles que la fabrication, d'une manière qui est liée à l'atteinte d'autres objectifs commerciaux, y compris le renforcement de la cybersécurité et l'obligation pour les consommateurs d'utiliser uniquement des services de réparation autorisés par le fabricant.

Des protections juridiques pour les MTP ont été introduites dans la Loi en 2012, conformément aux traités Internet de l'OMPI que le Canada a ratifiés en 2014. Par conséquent, une personne qui se livre à certaines activités de contournement des MTP peut faire l'objet de recours civils (p. ex., dommages-intérêts) ou de sanctions criminelles en cas de contournement à des fins commerciales. Les recours en cas de violation des interdictions concernant les activités de contournement des MTP sont distincts et indépendants de tout recours en cas de violation du droit d'auteur qui pourrait survenir à la suite d'activités de contournement des MTP.

La Loi prévoit des protections juridiques pour les MTP en établissant trois interdictions concernant les activités de contournement des MTP, soit l'interdiction a) de contourner une MTP, b) de fournir des services pour contourner les MTP, et c) de fabriquer ou faire le commerce de technologie de contournement des MTP (p. ex., fabrication et vente d'outils et de dispositifs de contournement). La Loi prévoit un certain nombre d'exceptions qui permettent des activités de contournement des MTP à certaines fins, notamment pour assurer l'interopérabilité des programmes d'ordinateur, pour effectuer des recherches sur le chiffrement ou pour déverrouiller un téléphone cellulaire afin de changer les services de télécommunications. La Loi contient également deux pouvoirs de réglementation pour introduire des exceptions supplémentaires aux interdictions concernant les activités de contournement des MTP.

Les obligations de protéger les MTP ont également été intégrées aux accords commerciaux du Canada. En particulier, l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) exige des Parties qu'elles interdisent a) de contourner une MTP et b) de fournir des services de contournement ou de faire le commerce de technologie de contournement. L'ACEUM limite la capacité des parties d'adopter de nouvelles exceptions à ces interdictions à sept catégories d'activités définiesNote de bas de page 63. Toutefois, les Parties peuvent introduire des exceptions aux MTP couvrant des activités supplémentaires lorsque la protection des MTP a un effet négatif réel ou probable sur les utilisations ne constituant pas une violation du droit d'auteurNote de bas de page 64. L'ACEUM limite en outre la capacité des parties d'adopter de nouvelles exceptions aux MTP à des interdictions particulièresNote de bas de page 65.

3.1 Recommandations découlant de l'examen parlementaire

Au cours de l'examen parlementaire de la Loi, de nombreux intervenants de la communauté des utilisateurs de divers secteurs économiques ont témoigné qu'à leur avis, les MTP sont trop restrictives et interdisent les activités légitimes ne constituant pas une violation du droit d'auteur. Parmi les préoccupations des utilisateurs, mentionnons que les MTP limitent la concurrence et la capacité de réparer, nuisent aux entreprises, nuisent à l'innovation et rendent l'interopérabilité difficile, nuisent à l'éducation et à l'accès aux œuvres, et entravent le mandat de préservation des bibliothèques, des archives et des musées. Les utilisateurs ont demandé que la Loi soit modifiée pour permettre le contournement des MTP à toute fin ne constituant pas une violation du droit d'auteur, ou pour créer des exceptions supplémentaires pour permettre le contournement des MTP à des fins précises. Certains utilisateurs ont également demandé que la loi soit clarifiée afin de s'assurer que les modalités des contrats privés ou des accords de licence avec les utilisateurs finaux ne peuvent pas primer sur les exceptions prévues dans la Loi.

Le Comité INDU a également entendu certains titulaires de droits dans les industries créatives souligner le rôle important que jouent les MTP dans la protection du droit d'auteur pour ces industries. Ces intervenants ont fait remarquer que certaines entreprises utilisent les MTP pour faciliter la rémunération des œuvres, protéger contre le piratage, protéger les investissements financiers et permettre divers modèles d'affaires fondés sur l'exclusivitéNote de bas de page 66.

Le rapport final du Comité INDU a souligné l'importance des MTP pour les industries créatives tout en reconnaissant les défis que posent de telles mesures. Le Comité INDU a recommandé « que le gouvernement du Canada se penche sur des mesures pour moderniser les politiques relatives au droit d'auteur en ce qui concerne les technologies numériques qui ont une incidence sur les Canadiens et les institutions canadiennes, y compris la pertinence des mesures techniques de protection dans le contexte du droit d'auteur, notamment pour faciliter l'entretien, la réparation ou l'adaptation d'un appareil acquis légalement à des fins qui ne portent pas atteinte au droit d'auteurNote de bas de page 67. »

En s'appuyant sur les données probantes recueillies au cours de l'examen parlementaire, le gouvernement sollicite le point de vue des intervenants sur des façons précises d'adapter certaines dispositions relatives aux MTP dans le cadre du droit d'auteur afin de refléter la nouvelle dynamique du marché créée par les technologies numériques. Le gouvernement s'intéresse particulièrement aux mesures possibles pour faciliter la réparation et l'interopérabilité, dont il est question ci-dessous.

3.2 Réparation

Le virage vers les appareils de l'IdO et les véhicules équipés de logiciels a transformé la propriété et le contrôle qu'ont les consommateurs sur leurs achats. Des produits de consommation allant des appareils de cuisine aux voitures qui n'étaient auparavant que mécaniques, ou électriques, mais dépourvus de capacités numériques, ont maintenant des logiciels intégrés. Ces transformations technologiques peuvent rendre les produits plus utiles et mieux adaptés aux besoins des consommateurs. Cependant, en même temps, le logiciel qui contrôle les composantes du produit peut être protégé par le droit d'auteur, ce qui réduit certaines des capacités que les consommateurs ont traditionnellement exercées, y compris la capacité de réparer leurs propres achats en cas de défaillance ou de bris. De plus, les produits avec logiciels intégrés qui ont une courte durée de vie ou qui sont coûteux ou difficiles à réparer pour les Canadiens contribuent aux déchets électroniques au pays et à l'étrangerNote de bas de page 68. L'amélioration de la capacité des Canadiens à réparer les produits avec logiciels serait conforme aux objectifs du Canada en matière de protection de l'environnementNote de bas de page 69. En outre, cela pourrait mener à de nouvelles possibilités économiques, comme une augmentation du nombre de PME qui offrent des services de réparation pour des produits avec logiciels, et/ou un meilleur accès aux services de réparation pour les consommateurs.

À moins que leurs activités ne soient couvertes par les exceptions existantes relatives aux MTP, les consommateurs et les entreprises peuvent enfreindre une ou plusieurs des interdictions de MTP prévues dans la Loi s'ils se livrent à des activités de contournement dans le but de réparer leur produit sans l'autorisation du titulaire du droit d'auteur pertinent.

En vertu de la Loi, un verrou numérique n'est considéré comme une MTP que s'il contrôle l'accès à une œuvre protégée par le droit d'auteur ou restreint l'exécution de certains actes particuliers à l'égard d'une « œuvre, […] de la prestation fixée au moyen d'un enregistrement sonore ou […] d'un enregistrement sonoreNote de bas de page 70 ». Un verrou numérique qui ne protège que l'accès à quelque chose d'autre qu'une œuvre protégée par le droit d'auteur, une prestation fixée au moyen d'un enregistrement sonore ou un enregistrement sonore, ne serait pas considéré comme une MTP en vertu des lois sur le droit d'auteur. Les lois sur le droit d'auteur peuvent nuire à la réparation dans la mesure où un produit comprend une œuvre protégée par le droit d'auteur (p. ex., un logiciel) et que la réparation de ce produit requiert la reproduction d'une partie importante de cette œuvre et/ou le contournement d'une MTP qui contrôle l'accès à cette œuvre. Au demeurant, une compilation de données est un type d'œuvre qui peut être protégé par le droit d'auteur lorsque la sélection et la disposition des données implique l'exercice de talent et de jugementNote de bas de page 71. De plus, il pourrait être possible qu'une MTP protège l'accès au contenu protégé par le droit d'auteur et à la fois du contenu non protégé par le droit d'auteur dans un produit.

En plus des règles de contournement des MTP en vertu de la Loi, une personne qui souhaite réparer un produit avec un logiciel intégré et qui doit contourner une MTP pour le faire pourrait faire face à d'autres obstacles potentiels, comme les modalités de tout contrat de licence d'utilisateur final. Ces accords sont généralement des contrats entre le fabricant du produit et l'utilisateur, et peuvent inclure des conditions qui interdisent certains actes nécessaires à la réparation, ou qui annulent la garantie du produit si le propriétaire du produit répare lui-même le produit ou ne fait pas appel à un fournisseur de services de réparation autoriséNote de bas de page 72.

D'autres défis et considérations pourraient entrer en jeu en ce qui concerne la réparation. Par exemple, les réparateurs indépendants peuvent avoir de la difficulté à accéder à de l'information ou à des outils de diagnostic, d'entretien et de réparation exclusifs qui appartiennent aux fabricants d'équipement d'origine, lesquels sont nécessaires pour réparer un produit. Il faut également tenir compte de la sécurité des produits et du maintien de la cybersécuritéNote de bas de page 73. Bien que le gouvernement reconnaisse le rôle que jouent ces questions en dehors du droit d'auteur pour faciliter la réparation des produits avec logiciels, cette consultation vise à trouver des solutions aux seules questions de droit d'auteur.

La Loi prévoit deux grandes approches pour introduire une nouvelle exception relative aux MTP aux fins de réparation : 1) introduire une exception législative spécifique aux interdictions relatives aux MTP aux fins de réparation; ou 2) exercer les pouvoirs réglementaires prévus par la Loi pour créer une exception réglementaire aux MTP aux fins de réparation.

Le projet de loi  C-272 émanant d'un député est un exemple d'exception législative aux MTP à des fins de réparation.Note de bas de page 74 Le projet de loi C-272 vise à prévoir une exception à l'interdiction de contourner les MTP et à l'interdiction de fabriquer ou faire le commerce de technologie de contournement des MTP « dans le seul but d'effectuer tout diagnostic, tout entretien ou toute réparation sur un produit auquel [un programme d'ordinateur] est intégréNote de bas de page 75 ». Cette consultation offre aux intervenants l'occasion de partager leurs points de vue sur les MTP et la réparation, y compris sur les questions pertinentes au projet de loi C-272 qui touchent aussi aux enjeux discutées dans la présente consultation.

L'article 41 de la Loi établit deux pouvoirs du gouverneur en conseil pour prendre des règlements, chacun des deux pouvoirs étant différent sur le plan de l'intention et de la portée. En vertu de la première autorisation (paragraphe 41.21(1)), le gouverneur en conseil peut, par règlement, exclure de l'application des interdictions prévues à l'article 41.1 toute MTP ou catégorie de MTP s'il estime que l'application des interdictions à ces MTP ou à ces catégories de MTP limiterait indûment la concurrence dans le secteur du marché secondaire. Le deuxième pouvoir (paragraphe 41.21(2)) prévoit que le gouverneur en conseil peut, par règlement, prévoir des circonstances supplémentaires dans lesquelles l'interdiction de contourner une MTP prévue à l'alinéa 41.1(1)a) ne s'applique pas, compte tenu d'un certain nombre de facteurs (p. ex., si le fait d'être autorisé à contourner une MTP pourrait nuire au marché auquel l'œuvre est destinée). Le deuxième pouvoir permet également au gouverneur en conseil de prendre des règlements connexes pour obliger le titulaire du droit d'auteur d'une œuvre protégée par une MTP à donner accès à l'œuvre et à « préciser les modalités — notamment de temps — d'accès ou autres auxquelles le titulaire doit se conformerNote de bas de page 76. »

3.2.1 Demande de données probantes concernant la réparation

Le gouvernement examine s'il y a lieu d'apporter des changements au cadre des MTP du Canada pour faciliter les réparations, et il demande aux intervenants de fournir des données probantes qui éclaireraient la prise de décisions et les options possibles. Les intervenants sont invités à discuter avec les parlementaires qui étudient le projet de loi C-272 et à participer à cette consultation. Le gouvernement souhaite recevoir les commentaires des intervenants en réponse aux questions suivantes qui se posent dans le cadre de l'examen des mesures possibles en matière de droit d'auteur pour faciliter la réparation :

  1. Quels types d'activités de réparation nécessitent l'accès à des œuvres protégées par le droit d'auteur (p. ex., logiciels) et le contournement des MTP (p. ex., réparation, entretien, mise à l'essai, diagnostic, modification, amélioration et interopérabilité avec un autre produit)?
  2. Quelles activités de réparation, le cas échéant, exigent la copie de tout ou d'une partie du logiciel protégé par une MTP et, dans l'affirmative, quelle est la nature et la portée de la copie requise pour réparer un produit?
  3. Quels types de MTP nuisent à la réparation des produits avec logiciels (p. ex., les MTP contrôlent-elles l'accès à l'objet visé par le droit d'auteur, ou empêchent-elles la copie de l'objet visé par le droit d'auteur, comme les logiciels)?
  4. Quelles formes prennent les MTP (p. ex., les MTP sont-elles principalement numériques ou font-elles plutôt partie de la configuration physique d'un produitNote de bas de page 77)?
  5. Quelle est la nature et la portée de l'effort requis pour déterminer si une MTP doit être contournée pour effectuer les réparations, quelles MTP doivent être contournées ou combien de MTP doivent être contournées? Par exemple, y a-t-il des cas où il faut contourner plusieurs MTP pour réparer un produit, ou est-il difficile de déterminer si un verrou numérique est en fait une MTP au sens de la Loi sur le droit d'auteur?
  6. Les particuliers et les entreprises qui réparent des produits avec logiciels se rendent-ils parfois compte après coup qu'ils ont contourné par inadvertance une MTP?
  7. Dans quelle mesure les activités de réparation impliquent-elles a) un réparateur ou une entreprise qui contourne une MTP au nom d'un client dans le cadre du service de réparation et b) un réparateur ou une entreprise qui fabrique ou fournit une technologie, un appareil ou une composante pour contourner une MTP à des fins de réparation au nom d'un client?
  8. La cybersécurité, la sécurité publique et/ou la divulgation de renseignements personnels sont-elles à risque lorsqu'une personne contourne une MTP dans le but de réparer un produit (p. ex., entrave au fonctionnement d'un produit et libération de produits dangereux sur le marché); dans l'affirmative, quelles mesures d'atténuation peuvent être prises pour réduire ces risques?
  9. Y a-t-il des produits, ou des catégories de produits, pour lesquels le contournement des MTP dans le but de les réparer présenterait des risques indus pour la santé et la sécurité personnelles, pour la fonctionnalité du réseau, ou l'accès aux services de sécurité publique?
  10. Les MTP restreignent-elles indûment la concurrence dans le secteur du marché secondaire? Dans l'affirmative, s'agit-il de certaines MTP ou catégories de MTP particulières qui sont la source des préoccupations? Certaines industries ou certains produits sont-ils plus touchés que d'autres? Dans l'affirmative, comment sont-ils touchés et quelle est l'incidence sur les consommateurs?
  11. Quels autres facteurs, outre la protection des œuvres protégées par le droit d'auteur, les fabricants d'équipement d'origine prennent-ils en considération lorsqu'ils utilisent une MTP pour protéger un logiciel dans un produit (p. ex., assurance de la qualité et protection de leur marque, renforcement de la cybersécurité, protection de la vie privée, respect des normes environnementales et de sécurité, etc.)?
  12. Quelles considérations devraient être prises en compte si on obligeait les titulaires de droits d'auteur à donner accès à des logiciels protégés par les MTP dans le but de réparer un produitNote de bas de page 78?
  13. Quel tort, s'il en est, pourrait être causé aux intérêts économiques des fabricants et à leur droit d'auteur s'il était permis de contourner les MTP sur leurs produits à des fins de réparation?

Comme indiqué précédemment, les MTP ont été conçues pour inciter les titulaires de droits d'auteur, surtout dans les industries créatives, à rendre leurs œuvres disponibles en format numérique. En examinant toute exception aux interdictions concernant les activités de contournement des MTP à des fins de réparation, le gouvernement veut s'assurer que toute nouvelle exception aux MTP à des fins de réparation ne nuise pas à la capacité des industries créatives de compter sur les MTP pour protéger leurs investissements.

3.3 Interopérabilité

Avec la numérisation de l'économie canadienne, les interdictions concernant les activités de contournement des MTP et l'exception relative aux MTP pour l'interopérabilité des programmes d'ordinateurNote de bas de page 79 ont pris plus d'importance. Comme il a été mentionné précédemment, de plus en plus de produits ont maintenant des logiciels intégrés qui en contrôlent le fonctionnement et les caractéristiques, et qui recueillent des données. Les fabricants de ces produits peuvent choisir de protéger les logiciels protégés par le droit d'auteur et les compilations de données avec des MTP.

La numérisation a créé de nouvelles possibilités et de nouveaux défis pour les entreprises. Les grands fabricants ont saisi la possibilité d'utiliser des MTP pour protéger leurs logiciels protégés par le droit d'auteur contre des utilisations non autorisées, ce qui peut en même temps leur permettre d'exercer un certain contrôle sur la façon dont les consommateurs utilisent les produits avec logiciels qu'ils vendent et la façon dont les PME s'intègrent à la chaîne de valeur de la production. En plus des MTP, ou à la place de celles-ci, les fabricants peuvent également utiliser diverses technologies exclusives qui peuvent rendre la fabrication de produits interopérables plus difficile pour d'autres.

Ces obstacles à l'interopérabilité, qu'ils soient ou non liés aux MTP, ont incité certains secteurs à élaborer des normes à l'échelle de l'industrie pour certaines technologies importantes en reconnaissance des avantages économiques que l'interopérabilité peut procurer à l'ensemble de l'industrie. Néanmoins, et surtout en l'absence de normes de l'industrie qui facilitent l'interopérabilité, ces obstacles à l'interopérabilité peuvent devenir des obstacles à l'entrée des PME ou nuire à leur capacité d'innover et de percer de nouveaux marchés.

À titre d'exemple, les PME de diverses industries manufacturières peuvent mettre au point de nouveaux produits « complémentaires » qui permettent aux propriétaires d'équipement d'origine de personnaliser ou d'améliorer l'utilité de cet équipement. Les PME ne peuvent mettre au point de tels produits que s'ils sont interopérables avec l'équipement d'origine, et les MTP peuvent empêcher l'accès ou la copie de logiciels sur l'équipement d'origine requis pour assurer l'interopérabilité. Les MTP peuvent donc représenter un défi pour les PME canadiennes dans leur intégration aux chaînes de valeur mondiales, ce qui est important pour leur compétitivité.

Comme dans le cas de la réparation, le gouvernement reconnaît que de nombreux enjeux en dehors des lois sur le droit d'auteur ont une incidence sur l'interopérabilité dans l'économie numérique. Par exemple, les modalités d'utilisation des produits avec logiciels peuvent interdire aux consommateurs de faire certains usages de leurs produits, y compris l'installation ou le développement de produits complémentaires interopérables. Comme il a été mentionné précédemment pour la réparation, cette consultation vise à trouver des solutions aux seules questions de droit d'auteur.

Un secteur digne de mention a éprouvé des frustrations à l'égard de ces défis d'interopérabilité et d'autres défis numériques. L'industrie de la fabrication agricole du Canada s'est dit préoccupée par le fait que les MTP utilisées par certains fabricants d'équipement d'origine dans le logiciel de leurs produits agricoles, ainsi que l'utilisation de technologies exclusives, nuisent à leur capacité de mettre au point des produits tiers novateurs qui sont interopérables avec ceux des fabricants d'équipement d'origine. D'autres secteurs peuvent faire face à des défis semblables.

Le gouvernement examine actuellement si l'exception permettant le contournement des MTP aux fins de l'interopérabilité des programmes d'ordinateur convient à cette nouvelle réalité. Alors que la numérisation se poursuit, le gouvernement veut s'assurer que le cadre du droit d'auteur est en mesure de maintenir des mesures incitatives appropriées à l'investissement et à l'innovation, tout en promouvant la concurrence. Veiller à ce que les lois sur le droit d'auteur ne limitent pas indûment l'interopérabilité doit être contrebalancé par l'objectif de ces lois d'encourager l'investissement dans les œuvres protégées par le droit d'auteur. Du point de vue des politiques publiques, l'interopérabilité des programmes informatiques facilite l'interaction entre les différentes applications et plateformes numériques, ce qui facilite l'entrée sur le marché de nouvelles entreprises, favorise la concurrence, favorise la compétitivité globale des entreprises et favorise l'innovation progressive. L'interopérabilité permet également aux consommateurs de faire un plus grand usage des produits qu'ils achètent.

3.3.1 Exception aux MTP actuelle pour l'interopérabilité

En reconnaissance des avantages en matière de politique publique pour l'innovation et la concurrence que présente la facilitation de l'interopérabilitéNote de bas de page 80, la Loi établit une exception aux MTP pour l'interopérabilité des programmes d'ordinateur.Note de bas de page 81 L'exception s'applique aux trois interdictions de contournement en vertu de la Loi, à savoir l'interdiction de contourner les MTP (alinéa 41.1(1)a)), de fournir des services de contournement de MTP (alinéa 41.1(1)b)) et de fabriquer ou faire le commerce de technologie de contournement (alinéa 41.1(1)c)). Cette exception aux MTP comporte également des mesures de sauvegarde. Par exemple, l'exception à l'interdiction de contourner une MTP ne s'applique qu'à « la personne qui est le propriétaire d'un programme d'ordinateur ou d'un exemplaire de celui-ci, ou qui est titulaire d'une licence en permettant l'utilisationNote de bas de page 82 ». De plus, l'exception ne s'applique pas si une personne « accomplit un acte qui constitue une violation du droit d'auteurNote de bas de page 83 ».

L'exception aux MTP pour l'interopérabilité des programmes d'ordinateur existe parallèlement à l'exception relative à la violation du droit d'auteur pour l'interopérabilité des programmes d'ordinateur (article 30.61). Cette exception établit qu'il ne s'agit pas d'une violation du droit d'auteur lorsqu'une personne qui est propriétaire d'une copie d'un programme d'ordinateur, ou qui a une licence pour utiliser une copie du programme d'ordinateur, la reproduit « dans le seul but d'obtenir de l'information lui permettant de rendre ce programme et un autre programme d'ordinateur interopérablesNote de bas de page 84 ». Cette exception s'applique seulement si « toute utilisation ou communication de l'information est nécessaire pour rendre ce programme et un autre programme d'ordinateur interopérables ou pour évaluer leur interopérabilitéNote de bas de page 85. » Toutefois, l'exception s'applique si l'information obtenue est incorporée dans un autre programme d'ordinateur rendu interopérable et que ce programme d'ordinateur « est mis en circulation, notamment par la vente ou la locationNote de bas de page 86 ». Les deux exceptions – celle s'appliquant à la violation du droit d'auteur (article 30.61) et celle s'appliquant aux activités de contournement des MTP (article 41.12) – s'unissent pour soutenir l'interopérabilité.

Certains représentants du secteur de la fabrication agricole du Canada soutiennent que l'exception relative aux MTP pour l'interopérabilité ne leur offre pas une protection suffisante contre la responsabilité pour les types d'activités qu'ils doivent entreprendre pour innover et fabriquer les produits nécessaires pour le marché canadien qui sont interopérables avec les produits des fabricants d'équipement d'origineNote de bas de page 87. Ils ont soulevé, par exemple, de l'incertitude quant à savoir si cette exception s'applique lorsque l'accès aux données, par opposition à l'accès à un programme d'ordinateur, est nécessaire pour assurer l'interopérabilitéNote de bas de page 88. En outre, ils ont laissé entendre que le fait de limiter cette exception aux MTP à l'interopérabilité entre deux programmes d'ordinateur n'offre pas une protection contre la responsabilité dans les cas où un seul programme d'ordinateur participe à l'interopérabilité des produits. Ils ont notamment demandé la modification de cette exception aux MTP afin de définir l'interopérabilité comme « la capacité d'un système, d'un logiciel ou d'un produit d'échanger et d'utiliser de l'information et des services avec d'autres systèmesNote de bas de page 89 ».

Cette incertitude pour les fabricants peut refroidir l'investissement et l'innovation au pays, et il y a eu peu de décisions des tribunaux au Canada sur le contournement des MTP pour guider les participants au marché. La décision Nintendo c. King (2017 CF 246)Note de bas de page 90 a été la première décision de la Cour fédérale à interpréter et à appliquer les interdictions concernant les activités de contournement des MTP depuis que les dispositions relatives aux MTP ont été introduites dans la Loi en 2012. Particulièrement pertinente pour les produits interopérables, la Cour a examiné si les configurations physiques d'un produit peuvent être qualifiées de MTP en vertu des lois sur le droit d'auteur si elles contrôlent l'accès à une œuvre protégée par le droit d'auteur, et a conclu que c'était bien le cas dans cette affaireNote de bas de page 91.

3.3.2 Demande de données probantes concernant l'interopérabilité

Le gouvernement demande aux intervenants de présenter des preuves des défis qu'ils doivent relever relativement au cadre du droit d'auteur pour atteindre l'interopérabilité. Plus précisément, le gouvernement sollicite des points de vue sur des éléments des articles 30.61 et 41.12 de la Loi qui pourraient ne pas donner aux entreprises suffisamment de liberté pour fonctionner et innover. Pour guider les intervenants dans leurs commentaires, voici d'autres données probantes qui seraient utiles à cet égard :

  1. Quelle est la nature de l'information requise à partir des œuvres protégées par le droit d'auteur pour rendre les produits avec logiciels interopérables?
  2. Quels types de MTP nuisent à l'interopérabilité des produits avec logiciels (p. ex., les MTP contrôlent-elles l'accès à l'objet visé par le droit d'auteur, ou empêchent-elles la copie de l'objet visé par le droit d'auteur, comme les logiciels)?
  3. Quelles formes prennent les MTP qui doivent être contournées pour assurer l'interopérabilité (p. ex., les MTP sont-elles principalement numériques ou sont-elles plutôt de nature physiqueNote de bas de page 92)?
  4. Quelle est la nature et la portée de l'effort requis pour déterminer si une MTP doit être contournée pour réaliser l'interopérabilité, quelles MTP doivent être contournées ou combien de MTP doivent être contournées? Par exemple, y a-t-il des cas où il faut contourner plusieurs MTP pour rendre un produit interopérable, ou est-il difficile de déterminer si un verrou numérique est en fait une MTP au sens de la Loi sur le droit d'auteur?
  5. Les particuliers et les entreprises qui conçoivent, développent ou installent des produits interopérables découvrent-ils parfois après coup qu'ils ont contourné par inadvertance une MTP?
  6. Quelles sont les étapes à suivre pour atteindre l'interopérabilité, y compris toute activité nécessaire de contournement des MTP, et qui sont les personnes qui exécutent chacune des étapes (p. ex., la réalisation de l'interopérabilité implique-t-elle habituellement l'aide de services de tiers ou l'élaboration d'outils pour contourner les MTP)?
  7. Les utilisateurs qui peuvent contourner une MTP pour obtenir de l'information ont-ils généralement les compétences nécessaires pour rendre les programmes informatiques interopérables, ou ont-ils besoin d'aide à l'une ou l'autre de ces étapes?
  8. Quelle est la nature et la portée de la reproduction (p. ex., de tout ou une partie du logiciel d'un produit), le cas échéant, qui est nécessaire pour assurer l'interopérabilité? Y a-t-il des différences importantes entre les types de produits à cet égard?
  9. Dans quelle mesure l'exigence selon laquelle une personne doit posséder un programme d'ordinateur ou une copie d'un programme, ou avoir une licence pour utiliser le programme ou une copie afin de bénéficier de l'exception aux MTP pour l'interopérabilité représente-t-elle un obstacle à certaines activités de développement de produits?
  10. Quelles mesures d'atténuation les entreprises prennent-elles pour réduire les risques juridiques associés aux activités de contournement des MTP aux fins de l'interopérabilité?
  11. Dans quelle mesure les initiatives menées par l'industrie, comme le développement d'interfaces ouvertes, peuvent-elles soutenir l'interopérabilité entre les produits avec logiciels?
  12. Quels facteurs en dehors des lois sur le droit d'auteur les fabricants d'équipement d'origine prennent-ils en compte lorsqu'ils utilisent une MTP qui nuit à l'interopérabilité (p. ex., protéger leur marché et leur marque, protéger la sécurité des produits, protéger la vie privée, respecter les normes environnementales, etc.)?

4. Conclusion

Le gouvernement invite tous les commentaires qui fournissent des points de vue ou des preuves supplémentaires concernant l'ensemble ou l'une ou l'autre de ces questions et les options possibles à examiner. Les commentaires pourraient comprendre des réactions aux approches possibles discutées, des suggestions d'autres options ou d'autres preuves concernant ces questions de politique du droit d'auteur. Les commentaires peuvent être envoyés par courriel à copyright-consultation-droitdauteur@canada.ca jusqu'au 17 septembre 2021. Les commentaires reçus seront rendus publics une fois la consultation terminée. Afin de faciliter la conversion en format HTML, les participants sont priés de soumettre leurs commentaires dans un document Word, avec du texte descriptif pour tout tableau ou graphique. Prière de consulter le Guide de rédaction du contenu du gouvernement pour vous assurer que votre document est conforme aux exigences de formatage.