Le 9 août 2017
Innovation, Science et Développement économique Canada
Patrimoine canadien
Commission du droit d'auteur du Canada
- Survol
- 1. Contexte des réformes potentielles
- 2. Discussion des réformes potentielles
- 2.1 Habiliter la Commission à traiter des causes plus rapidement
- 2.1.1 Rationaliser les cadres décisionnels de la Commission
- 2.1.2 Limiter la contribution des parties aux délais
- 2.2 Réduire le nombre de causes dont est saisie la Commission chaque année
- 2.3 Empêcher la rétroactivité tarifaire ou limiter son incidence par d'autres moyens
- 2.4 Clarifier davantage les processus décisionnels de la Commission
- 3. Conclusion
Survol
Avec la croissance exponentielle des médias et des technologies connexes dans le monde entier, les Canadiens demandent de plus en plus de contenu protégé par le droit d'auteur et de services qui peuvent l'offrir. Cette demande présente une occasion énorme pour les créateurs de ce contenu et pour les entreprises qui le fournissent aux utilisateurs finaux. La Commission du droit d'auteur du Canada (la « Commission ») se situe au croisement de ces intérêts. Elle établit la valeur de l'utilisation du contenu protégé par le droit d'auteur en établissant des tarifs et des licences dans un grand nombre de secteurs, notamment, la musique jouée dans des lieux publics, la diffusion en continu de la musique, la reprographie à des fins éducatives et la retransmission de signaux de télévision. Suite à l'émergence de technologies novatrices et à l'entrée en vigueur de réformes législatives touchant le droit d'auteur, la Commission a évolué pour exercer ces fonctions dans un environnement de plus en plus dynamique. Ainsi, elle a été et continue d'être au premier plan des causes interprétant les nouvelles dispositions de la Loi sur le droit d'auteur (la « Loi ») et les appliquant aux utilisations et aux technologies changeantes reliées à des enjeux comme le partage de fichiers de pair à pair, la responsabilité des fournisseurs de services Internet, les redevances sur les supports d'enregistrement audionumérique, l'informatique en nuage et les services interactifs numériques, entre autres. En accomplissant ces fonctions, la Commission facilite le développement et la croissance des marchés fondés sur le droit d'auteur au Canada, résout les différends entre les acteurs du marché et protège l'intérêt public. Plus particulièrement, la Commission permet aux créateurs et aux titulaires de droits de recevoir une compensation adéquate, aux utilisateurs de payer un prix équitable et au public canadien d'avoir accès à un large éventail de contenu. Lorsque ce système fonctionne bien, l'économie canadienne en général en profite aussi grâce au développement et à l'arrivée sur les marchés d'entreprises qui comptent sur l'utilisation de contenu protégé, y compris par le biais d'investissements étrangers.
Le succès de ce système repose en grande partie sur la rapidité des processus décisionnels liés à la Commission. Compte tenu des tendances technologiques et juridiques mentionnées précédemment, de nombreux intervenants et commentateurs ont suggéré que le cadre législatif et réglementaire de la Commission doit être retravaillé pour qu'il puisse atteindre ses objectifs. La Commission, en particulier, a entrepris un programme pluriannuel de recherche et d'analyse afin d'identifier des mécanismes qui pourraient améliorer son efficacité et son efficience. À la suite de nombreuses consultations, recherches et autres initiatives qui ont servi à cerner les défis dans ce domaine, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (« ISDE »), Patrimoine canadien (« PCH ») et la Commission ont conjointement lancé la présente consultation. Celle-ci cherche à obtenir des opinions sur une gamme de changements possibles au cadre législatif et réglementaire des pouvoirs et des procédures de la Commission, ainsi que sur les régimes de fixation des tarifs en général. Elle vise aussi à élaborer un ensemble de réformes qui réduiraient le temps consacré aux processus de la Commission, tout en conservant sa capacité de remplir ses fonctions et de rendre des décisions éclairées conformément aux principes d'équité procédurale et aux attentes raisonnables des parties prenantes et du public. De manière plus immédiate, le but de la consultation est de recueillir des idées de la part des intervenants et des Canadiens à propos d'options permettant d'ancrer des réformes législatives et réglementaires, y compris des réformes procédurales, afin que la Commission soit mieux en mesure de remplir son rôle important avec efficacité et efficience dans un contexte économique et culturel en pleine évolution
1. Contexte des réformes potentielles
1.1 Les fonctions et l'importance de la Commission
La Commission est un tribunal administratif créé par la Loi; elle est investie du pouvoir d'établir, par des tarifs ou des licences individuelles, les redevances à être versées pour certaines utilisations d'œuvres protégées par le droit d'auteur. Dans presque tous les cas, la compétence de la Commission se limite aux droits qui sont gérés par des organismes connus au Canada comme étant des sociétés de gestionFootnote 1. Même si la Commission a été établie en 1989, le tribunal qui l'a précédé remplissait certaines de ces fonctions de base depuis 1936Footnote 2. À l'époque, ce précurseur examinait et homologuait les projets de tarif pour l'exécution en public de la musique. Le tribunal a été le premier du genre dans le monde, et plusieurs pays ont par la suite adopté des modèles semblables. Depuis, à la suite de progrès technologiques ayant eu une incidence sur la création et l'utilisation du droit d'auteur et de plusieurs réformes apportées à la Loi, la compétence de la Commission s'est étendue pour inclure plusieurs matières et droits additionnels. Ses procédures comprennent maintenant de multiples régimes de fixation des tarifs, un mécanisme pour examiner des ententes de licence établies de gré à gré entre des sociétés de gestion et des utilisateurs, un mécanisme pour la fixation de licences entre certaines parties prenantes qui n'arrivent pas à établir des ententes de gré à gré, ainsi qu'un système d'attribution de licences eu égard aux titulaires de droits d'auteur introuvables.
Même si la Loi ne précise pas le mandat global de la Commission, ses fonctions ont évolué au fil du temps pour comprendre de nombreux objectifs de politique généraux :
- Encourager la croissance et le développement des marchés qui comptent sur le droit d'auteur au Canada : La Commission établit la juste valeur relative à l'utilisation du contenu protégé par le droit d'auteur en établissant des taux de redevances et leurs modalités afférentes lorsqu'elles ne peuvent pas, en raison des circonstances ou des termes de la Loi, être établies de gré à gré par les parties prenantes. Pour les utilisateurs de contenu, la Commission fournit une certitude sur leurs coûts et leur responsabilité juridique, ce qui leur permet d'établir des modèles commerciaux qui peuvent prospérer au Canada. Pour les titulaires de droits, la Commission établit des mécanismes par lesquels ils peuvent être rémunérés adéquatement et efficacement pour l'utilisation de leur contenu. Selon les estimations de la Commission, les redevances générées par des tarifs qu'elle a homologués se sont élevées à 435 millions de dollars en 2015. Les processus de la Commission facilitent aussi la divulgation des renseignements nécessaires pour estimer la valeur du contenu protégé par le droit d'auteur, ce qui éclaire et stimule les négociations de licences de gré à gré entre les titulaires de droits et les utilisateurs.
- Agir comme décideur administratif indépendant et spécialisé : La Commission est souvent un arbitre de première instance, ce qui implique qu'elle doit interpréter et appliquer plusieurs dispositions de la Loi. Dans le cadre de ses fonctions, la Commission entend et se prononce sur des questions complexes de faits et de droit entre les titulaires de droits et les utilisateurs en fonction de la preuve et d'une compréhension très spécialisée des principes juridiques et économiques connexes. Tout comme d'autres organismes juridictionnels au Canada, elle exerce ses fonctions décisionnelles spécialisées sans lien de dépendance avec le gouvernement. Par exemple, la Commission jouie actuellement d'une grande discrétion relativement aux procédures spécifiques qu'elle suit lorsqu'elle examine un projet de tarif et les oppositions afférentes. Ces directives sont détaillées dans son Modèle de directive sur la procédure (« Modèle de directive »)Footnote 3.
- Protéger l'intérêt public : En effectuant les tâches précédentes, la Commission tient aussi compte de l'intérêt public en général. Par exemple, en plus des présentations, des preuves soumises par les parties, ainsi que des principes légaux et économiques connexes, la Commission examine tout commentaire écrit qu'elle reçoit, y compris de la part du public, sur tout aspect de ses instances. De manière plus générale, la Commission réglemente l'équilibre du pouvoir commercial entre les titulaires de droits et les utilisateurs pour veiller à ce que la valeur de l'utilisation du contenu protégé par droit d'auteur soit juste pour toutes les parties et les utilisateurs finaux. Cette fonction comprend limiter l'exercice de pouvoirs monopolistiques des acteurs du marché, ce qui était une des motivations au cœur de la création du précurseur de la Commission dans les années 1930. Ce faisant, la Commission a aussi augmenté l'accessibilité de contenu protégé par le droit d'auteur pour le public, y compris le contenu culturel canadien.
1.2 Consultations et recherches précédentes relatives à la Commission
Compte tenu de l'importance de la Commission et de son engagement continu envers l'amélioration, le gouvernement et la Commission ont tous deux entrepris de nombreuses consultations et d'autres recherches sur son rendement. De récentes consultations ont mené, en 2016, à un rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur le fonctionnement et les pratiques de la CommissionFootnote 4 et, en 2015, à un document de consultation produit par un groupe de travail de la Commission sur un grand nombre de ses processus décisionnelsFootnote 5. C'est au cours des discussions relatives à cette étude en 2015 que la Commission s'est engagée à enquêter sur la façon d'améliorer l'efficacité et la simplification de ses processus, engagement d'où découle la présente consultation. Le gouvernement a aussi commandé des recherches relatives à la Commission, notamment une étude en 2016 effectuée par Paul Daly, alors professeur à l'Université de Montréal, qui proposait des pratiques exemplaires pouvant être adoptées par la CommissionFootnote 6 et une étude en 2015, par le professeur Jeremy de Beer de l'Université d'Ottawa, qui quantifiait la question des délais à la CommissionFootnote 7. Des préoccupations liées à la Commission ont également été mentionnées dans d'autres consultations, incluant les consultations publiques sur un programme d'innovation national, dirigées par ISDE en 2016Footnote 8, les consultations sur le contenu canadien dans une ère numérique, dirigées par PCH en 2016Footnote 9, le rapport de 2014 du Comité permanent du patrimoine canadien sur l'industrie canadienne de la musiqueFootnote 10, les consultations publiques sur la situation relative au droit d'auteur dirigées par ISDE et PCH en 2009, ainsi que plusieurs rapports du Comité permanent du patrimoine canadien en 2004 et 2002 sur la réforme plus générale du droit d'auteurFootnote 11. La Commission a aussi fait l'objet de nombreux articles et discussions de la part d'intervenants du secteur privé.
Ces initiatives ont entre autres mis de l'avant plusieurs enjeux relativement aux processus décisionnels de la Commission. La préoccupation principale est que ces processus sont trop longs. En effet, il faut habituellement plusieurs années pour homologuer les tarifsFootnote 12, de sorte que plusieurs s'appliquent rétroactivement. Ces délais engendrent des conséquences importantes. Par exemple, ils peuvent créer de l'incertitude sur les marchés en empêchant les utilisateurs de savoir quelles utilisations seront couvertes par un tarif ou une licence de la Commission et à quel coût. Utiliser ces œuvres avant l'établissement d'un tarif ou d'une licence expose les utilisateurs à des possibilités de poursuites judiciaires pour atteinte au droit d'auteur ou à des paiements rétroactifs de redevances à un prix qui pourrait être différent de ce à quoi ils s'attendaient ou de ce qu'ils ont payé dans le passé. Des utilisateurs éventuels pourraient donc décider de ne pas utiliser ce contenu protégé, limitant le développement et la croissance des entreprises qui en dépendent au Canada. Les titulaires de droits pourraient souffrir à la fois d'un marché sous-développé pour le contenu protégé au Canada et de délais les empêchant de recevoir leurs redevances au moment où les œuvres sont utilisées, ou même de recevoir tout ce qui leur est dû en raison des difficultés inhérentes à la perception et la distribution de paiements rétroactifs. Ces obstacles potentiels pourraient décourager davantage la création et la diffusion de contenu protégé, ce qui nuirait de façon plus générale au grand public canadien. Les retards dans les instances entraînent aussi d'importants coûts supplémentaires pour les parties en termes de frais juridiques, de temps et d'énergie. Ainsi, ces instances pourraient être inaccessibles à plusieurs participants éventuels.
Un certain nombre de facteurs peut contribuer aux délais dans la prise de décision à la Commission. Par exemple, l'ensemble des règlements et des pratiques entourant la prise de décisions (« le cadre de prise de décisions ») de la Commission pourrait être trop permissif face aux éléments qui contribuent aux délais tant de la part de la Commission elle-même que des parties, n'habilitant ainsi pas suffisamment la Commission pour qu'elle puisse traiter rapidement ses dossiers. De plus, le nombre de causes dont est saisie la Commission chaque année pourrait être plus élevé que nécessaire et, pratiquement, ce nombre pourrait être simplement trop important pour que les causes puissent être traitées en temps opportun. Par ailleurs, le manque de clarté sur les procédures particulières de la Commission ou son mandat, soit dans la Loi ou dans son Modèle de directive, est susceptible de créer de la confusion parmi les participants et d'aboutir à une plus grande inefficacité. Le manque de clarté sur le mandat de la Commission peut aussi avoir un effet sur le contrôle de ses décisions par les tribunaux judiciaires. Comme ils relèvent du Parlement et de la Commission, ces facteurs pourraient être ciblés pour une réforme. D'autres facteurs à effet plus transitoire (p. ex.par exemple le temps nécessaire pour interpréter de nouvelles dispositions de la Loi ou de nouvelles décisions judiciaires relatives au droit d'auteur) ou en dehors du contrôle immédiat du Parlement et de la Commission (p. ex.par exemple l'émergence de technologies complexes misant sur le droit d'auteur et le nombre croissant de participants aux travaux de la Commission) ne peuvent être traités directement par des réformes procédurales. Ils devraient cependant être envisagés comme des défis à relever pour lesquels la Commission pourrait être mieux équipée.
1.3 Buts et portée des réformes éventuelles découlant de cette consultation
Les enjeux auxquels la Commission est confrontée ayant été clairement établis au cours d'initiatives précédentes, cette consultation invite les intervenants et le public à suggérer les meilleures solutions pour rendre les processus décisionnels de la Commission plus efficaces sans limiter sa capacité à atteindre les objectifs décrits précédemment. Ainsi, les réformes devraient chercher à réduire les délais, y compris la période entre le début de la procédure et les audiences ainsi qu'entre les audiences et l'annonce des décisions, tout en permettant à la Commission de rendre des décisions judicieuses, conformément aux principes d'équité procédurale et aux attentes raisonnables des parties prenantes et du public. En fin de compte, le but est d'élaborer des réformes du processus de prise de décision de la Commission qui renforceront la confiance générale envers ses processus décisionnels. Le succès de toute réforme de la Commission doit être jugé en fonction de ces différents éléments.
Le cadre décisionnel de la Commission pourrait être réformé de nombreuses façons. Cette consultation porte sur le cadre législatif et réglementaire des pouvoirs et des procédures de la Commission. Plus particulièrement, les commentaires des intervenants et du public sont sollicités pour établir dans quelle mesure les options décrites ci-après, ou toutes autres suggestions de même portée, pourraient faciliter l'atteinte des buts spécifiques de la consultation et le rôle essentiel de la Commission de façon plus générale. Il faut noter que toute modification au financement de la Commission ou au nombre de nominations en son sein dépasse la portée de la présente consultation. Ces questions seront évaluées plus tard, une fois que les réformes appropriées des pouvoirs et procédures de la Commission auront été déterminées. De la même façon, les modifications potentielles à la gouvernance des sociétés de gestion et au système d'octroi de licences pour les droits d'auteurs dont les titulaires sont introuvables dépassent aussi le cadre de cette consultation. Cependant, ces préoccupations étant importantes en tant que telles, elles pourraient être abordées lors de l'examen parlementaire quinquennal de la Loi.
2. Discussion des réformes potentielles
2.1 Habiliter la Commission à traiter des causes plus rapidement
Un défi général auquel la Commission est confrontée pour rendre ses décisions en temps opportun pourrait être l'appui législatif et réglementaire dont elle dispose pour traiter les causes rapidement. L'amélioration de ces outils permettrait à la Commission de fonctionner plus efficacement, ce qui réduirait les délais tout en libérant des ressources que la Commission pourrait rediriger vers d'autres priorités. À cet égard, une option pourrait être de rationaliser certains aspects du cadre décisionnel de la Commission, comme l'établissement d'un principe global indiquant que la Commission doit faire ou est autorisée à faire avancer la procédure rapidement, ou encore préciser de nouvelles ou de plus brèves échéances eu égard à sa procédure. Une autre option pourrait être de renforcer son habileté à limiter les délais potentiellement causés par les parties, par exemple en mettant en œuvre une gestion des instances, en habilitant la Commission à adjuger des dépens entre les parties ou en exigeant que les parties aux instances de la Commission ajoutent des renseignements à leurs dossiers préliminaires.
2.1.1 Rationaliser les cadres décisionnels de la Commission
1. Exiger ou autoriser explicitement la Commission à faire progresser les instances rapidement.
En parallèle avec d'autres réformes habilitantes, la Commission pourrait explicitement devoir ou être autorisée à faire avancer les travaux rapidement. Ce principe pourrait suivre le modèle de dispositions législatives et réglementaires semblables en vigueur dans d'autres tribunaux administratifs du Canada. Par exemple, en adaptant le modèle d'« exigence » du Tribunal de la concurrenceFootnote 13, de l'Office national de l'énergieFootnote 14 et du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetésFootnote 15, une disposition pourrait être légiférée dans la Loi exigeant que toutes les procédures de la Commission soient traitées sans formalité et aussi rapidement que possible, dans la mesure où les circonstances, l'équité et l'intérêt public le permettent. En alternative ou en complément à une telle disposition, le modèle d'« autorisation » du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC »)Footnote 16 pourrait être adapté via une disposition réglementaire autorisant la Commission à suspendre l'application d'une ou de plusieurs de ses règles procédurales pour accélérer les travaux, dans les circonstances où l'intérêt public et l'équité le permettent. De telles directives pourraient promouvoir une culture plus axée sur l'efficacité à la Commission, ainsi qu'une plus grande latitude de la part des parties et des cours de justice pour les mesures qu'elle prend à ces fins.
2. Créer de nouvelles échéances ou raccourcir les échéances existantes eu égard aux instances de la Commission.
À l'heure actuelle, la Loi ne stipule que peu d'échéances indiquant à quel moment certaines étapes procédurales doivent être accomplies. Même s'il est souhaitable que la procédure de la Commission dispose d'une certaine souplesse, compte tenu de la complexité hautement variable des dossiers à être examinés et de la tendance des parties à interrompre la procédure pour entreprendre des discussions de règlement, il pourrait être plus efficace et à tout le moins équitable de préciser des échéances supplémentaires ou de raccourcir les échéances existantes. Par exemple, la Commission pourrait devoir rendre ses décisions dans des délais fixés, à la suite d'une étape procédurale préétablie (p. ex.par exemple dans les 12 mois suivant la conclusion des audiences). Une autre approche serait de demander à la Commission de spécifier un délai pour chaque dossier à examiner qui tient compte de plusieurs facteurs comme la nature et la complexité du dossier, les étapes procédurales et le nombre de participants. Pour encourager le respect des délais établis, la Commission pourrait aussi devoir garder un registre du temps pour rendre ses décisions à la suite d'audiences et le rendre public. Par exemple, cette information pourrait être intégrée à son rapport annuel présenté au gouverneur en conseil par l'entremise du ministre d'ISDE, qui est subséquemment publié sur le site Web de la Commission et déposé au Parlement. La conformité de la Commission à ces échéances faciliterait l'évaluation de son rendement et celui de ses commissaires, et la nécessité de prendre des mesures supplémentaires. Une autre option pourrait être de raccourcir la période du dépôt des oppositions après la publication des projets de tarif (p. ex. 28 jours, comme c'était le cas avant les modifications de 1997 à la Loi). Des suggestions sur ces échéances ou sur tout autre type d'échéances sont les bienvenues.
2.1.2 Limiter la contribution des parties aux délais
3. Intégrer la gestion de l'instance à la Commission.
Pour rationaliser ses processus, la Commission pourrait adopter des procédures de gestion de l'instance. Ce modèle permettrait à un représentant désigné de la Commission de surveiller la progression d'une procédure particulière, à la demande d'une partie ou de la Commission elle-même. En pratique, le chargé de dossier réunirait les parties et dirigerait les conférences préalables à l'audience de gestion de l'instance pour régler des questions comme :
- la mise au point, la simplification ou l'élimination de questions en litige, y compris la résolution éventuelle de la cause par l'entremise d'une conférence préparatoire à l'audience;
- la planification des différentes étapes du dossier, y compris à quel moment les demandes de renseignements doivent être échangées et complétées, les plaidoiries et la preuve déposées, et quand et pendant combien de temps l'audience aura lieu, le cas échéant;
- la détermination des renseignements et des documents que possède toute partie et qu'elle doit produire pour régler les questions en litige, y compris la résolution de préoccupations relatives à la confidentialité;
- l'utilité d'obtenir une décision sur une question de droit lors de la conférence préparatoire à l'audience;
- la preuve à déposer, y compris les faits à démontrer ainsi que les éléments de preuves d'experts;
- dans le cadre d'une procédure tarifaire, le regroupement de plusieurs procédures de tarification traitant de la même utilisation ou d'utilisations similaires, tout en tenant compte de l'efficacité et de l'équité procédurale.
Pour codifier les ententes entre les parties sur de telles questions ou pour faciliter le traitement juste, rapide et économique des procédures, la Commission pourrait être officiellement habilitée à émettre des ordonnances à la suite de conférences de gestion de l'instance. Ces ordonnances lieraient les parties, mais la Commission pourrait être autorisée à les modifier pour des raisons sérieuses, et ce, à la demande d'une des parties. Les conférences de gestion de l'instance pourraient être convoquées à la demande d'une partie ou selon un horaire préétabli par le chargé de dossier. Celui-ci pourrait être un commissaire actuel de la Commission ou le titulaire d'un poste nouvellement créé.
4. Habiliter la Commission à adjuger les dépens aux parties.
Pour favoriser une culture visant une plus grande efficacité dans les travaux de la Commission, la Loi pourrait être modifiée pour lui donner le pouvoir législatif explicite d'adjuger les dépens aux parties. L'exercice d'un tel pouvoir pourrait être laissé à la discrétion de la Commission ou faire l'objet de certains critères. Par exemple, une possibilité serait de limiter ce pouvoir aux cas où la Commission détermine que le comportement d'une partie au dossier a prolongé indûment la durée d'une procédure et a donc contribué à rendre le processus décisionnel inefficace. Dans le cadre d'un tel modèle, et contrairement aux procédures de nature judiciaire, la Commission pourrait ne pas adjuger les dépens dans certains cas, ou même dans la plupart des cas, ce qui pourrait causer un préjudice aux parties qui se présentent à la Commission plus régulièrement que d'autres. L'utilisation d'un tel pouvoir dans de telles circonstances serait toutefois équitable dans le contexte administratif de la Commission du fait que les lenteurs indues du processus décisionnel imposent des pertes indemnisables pour les entités réglementées, ainsi que pour le public en général. Un autre élément à prendre en considération est s'il serait préférable de laisser à la discrétion de la Commission le soin de déterminer les montants des dépens ou de préciser préalablement la gamme de dépens possibles, à la façon des tableaux du Tarif B des Règles des Cours fédérales.
5. Exiger des parties qu'elles fournissent plus de renseignements au commencement des instances tarifaires.
(a) Exiger des sociétés de gestion qu'elles incluent plus d'explications à l'appui des projets de tarif.
À l'heure actuelle, lorsque les sociétés de gestion déposent leurs projets de tarif auprès de la Commission, ceux-ci n'indiquent que les redevances à percevoir, leurs modalités afférentes et les périodes d'effet proposées. Afin d'offrir une plus grande précision au début de la procédure tarifaire, les sociétés de gestion pourraient devoir inclure des renseignements supplémentaires à propos de leurs projets de tarif, notamment :
- les raisons du dépôt des projets de tarif au moment particulier où ils le sont;
- les utilisations ou activités pratiques visées;
- les types d'utilisateurs connus de la société de gestion qui sont ciblés;
- le taux de redevance proposé et les modalités particulières à chaque utilisation ou activité visée;
- les raisons pour lesquelles les taux, les modalités et les périodes de mise en vigueur proposés ont été déterminés;
- la façon dont les projets de renouvellement de tarif déposés devant la Commission diffèrent substantiellement de tout autre tarif homologué précédemment;
- la façon dont les projets de tarif se comparent à d'autres tarifs homologués, le cas échéant;
- la façon dont les renseignements indiqués par les utilisateurs seront utilisés en application des projets de tarif.
Ces renseignements pourraient être inclus dans un avis qui serait déposé auprès de la Commission en même temps ou peu après le dépôt d'un projet de tarif. La Commission pourrait ensuite être autorisée à obtenir des précisions de la part de la société de gestion à propos de tout renseignement que la Commission juge imprécis ou déficient. Une fois satisfaite, la Commission pourrait mettre l'avis à la disposition du public (p. ex. en le publiant en même temps que le projet de tarif dans la Gazette du Canada). Subsidiairement, la société de gestion pourrait devoir présenter l'avis ainsi que le projet de tarif aux utilisateurs connus qui seraient ciblés par le projet de tarif ou qui ont versé des redevances en application d'un tarif précédemment homologué que le projet de tarif cherche à renouveler.
Les renseignements supplémentaires que les sociétés de gestion auraient à fournir ne seraient pas intrusifs ou ne révéleraient pas définitivement leurs stratégies confidentielles ou des argumentations à développer. Le niveau d'information requise serait plutôt semblable à celui des documents initiaux lors de procédures judiciaires : suffisant pour les utilisateurs éventuels ou toute autre personne intéressée à comprendre l'incidence et les justifications de base des projets de tarif afin des prendre des décisions éclairées à savoir s'il faut s'opposer, intervenir ou commenter lors des procédures. Par exemple, il n'est pas nécessaire qu'un avis fournisse des renseignements sur les éléments de preuve qui pourraient servir à la société de gestion pendant une procédure. Une plus grande transparence à cette étape pourrait mener à une plus grande efficacité en limitant le dépôt d'oppositions et d'interventions inutiles ou vagues, en restreignant les questions examinées par des demandes de renseignements, en limitant la nécessité d'intervenir de la part de la Commission et en réduisant toute tendance, chez certaines sociétés de gestion, à proposer des tarifs excessivement élevés comme tactique d'ouverture. De toute manière, pour veiller à ce que les sociétés de gestion ne soient pas indûment restreintes, les avis pourraient être émis sans préjudice à tout l'argumentaire que les sociétés de gestion pourraient présenter plus tard dans l'instance.
(b) Exiger des opposants qu'ils incluent des renseignements supplémentaires avec leurs oppositions.
Les opposants ne sont pas actuellement tenus de fournir des renseignements quant à leurs oppositions aux projets de tarif avant de présenter leur mémoire. Afin de fournir une plus grande précision plus tôt au cours d'une procédure tarifaire, les opposants pourraient être tenus d'inclure certains renseignements connexes dans la communication de leurs oppositions, incluant les motifs pour lesquels l'opposant, selon le cas :
- soutient qu'un projet de tarif ne s'applique pas à lui;
- s'oppose aux taux de redevances proposés, aux modalités ou aux périodes d'application;
- s'oppose à la façon dont sera utilisée l'information provenant des utilisateurs en application du projet de tarif.
Comme c'est déjà le cas, la Commission serait tenue de faire parvenir des copies de ces oppositions détaillées aux sociétés de gestion appropriées.
Quant aux avis que les sociétés de gestion auraient à fournir (voir l'option 5a, ci-dessus), les renseignements supplémentaires recherchés seraient moindres que ceux exigés plus tard dans les mémoires des opposants. Par exemple, un avis n'aurait pas à fournir des renseignements sur les éléments de preuve sur lesquels l'opposant s'appuierait dans une procédure. Quoi qu'il en soit, les explications plus générales offertes par les sociétés de gestion pourraient aider les opposants à élaborer ces renseignements. Une plus grande transparence à cette étape pourrait générer des gains d'efficacité en réduisant les questions examinées lors des demandes de renseignements et en limitant la nécessité d'intervention de la part de la Commission. Pour que les opposants ne soient pas indûment restreints, les avis pourraient être émis sans préjudice pour toute argumentation que les opposants pourraient présenter plus tard lors de l'audience.
2.2 Réduire le nombre de causes dont est saisie la Commission chaque année
Un autre défi qui pourrait nuire à la rapidité de la Commission à rendre des décisions est le nombre de causes qui lui sont présentées chaque année. La réduction du nombre de causes pourrait permettre à la Commission d'allouer plus de ressources pour examiner chacune d'elles, ce qui pourrait accélérer sa prise de décisions. Un tel objectif pourrait être atteint en permettant à toutes les sociétés de gestion de conclure des ententes de licence à effet péremptoire avec les utilisateurs et ce, sans que la Commission ne soit impliquée, ou en prolongeant les échéances à la suite desquelles des tarifs précédemment homologués auraient à être renouvelés.
6. Permettre à toutes les sociétés de gestion de conclure des ententes de licence à effet péremptoire avec les utilisateurs indépendamment de la Commission.
La Loi exige actuellement que certaines sociétés de gestion déposent les projets de tarif auprès de la Commission tout en permettant à d'autres de choisir de le faire ou d'établir des licences de gré à gré avec des utilisateurs. Même si le rôle de la Commission est de protéger l'intérêt public en examinant les projets de tarif, la procédure tarifaire exigée par la Loi lui impose des contraintes de temps et de ressources et pourrait ne pas être nécessaire dans tous les cas. Afin d'alléger les demandes imposées à la Commission et ainsi offrir une plus grande souplesse, toutes les sociétés de gestion pourraient avoir la permission de choisir de déposer des projets de tarif auprès de la Commission ou d'établir des licences de gré à gré avec les utilisateurs qui auraient préséance sur tout tarif homologué ou licence établie par la Commission eu égard aux mêmes utilisations, parties et périodes d'effet. Ceci dit, pour au moins certaines utilisations, et les droits à rémunération statutairesFootnote 17, il est probable que certaines sociétés de gestion continueraient de demander des tarifs homologués par la Commission en raison de la difficulté de conclure et d'appliquer des ententes privées avec de nombreux utilisateurs différents.
Afin d'aider les parties sous un tel système à établir des ententes de licence privées s'ils le préfèrent plutôt que d'entreprendre des procédures tarifaires plus coûteuses et de longue durée, le mécanisme statutaire selon lequel les parties peuvent demander une résolution de différend individuelle par la Commission pourrait être élargi pour inclure toutes les sociétés de gestionFootnote 18. Dans un tel système, si les sociétés de gestion continuent de déposer des projets de tarif et si plusieurs autres parties cherchent à obtenir une résolution de différend individuelle, il est possible que la Commission ait à examiner autant sinon plus de causes comparativement au système actuel, et que les gains d'efficience entre les deux approches ne se réalisent donc pas. Ceci étant dit, le fait que la Commission reçoive très peu de demandes chaque année pour une résolution de différend individuelle dans les situations où cette option est déjà disponible indique qu'il ne s'agirait peut-être pas d'un fardeau additionnel important. Néanmoins, si un grand nombre de demandes pour une telle résolution de différend individuelle sont déposées par rapport aux mêmes droits ou utilisations, ou à des droits ou utilisations similaires, il pourrait s'avérer pertinent de permettre à la Commission d'aviser toutes les parties touchées qu'un projet de tarif à effet péremptoire devrait plutôt être déposé. Les suggestions sont bienvenues à propos de ces mesures ou d'autres qui pourraient réduire le nombre de causes dont est saisie la Commission dans un régime où toutes les sociétés de gestion et les utilisateurs auraient le droit de conclure des ententes privées et pourraient chercher à obtenir une résolution de différend individuelle.
Afin de maintenir le rôle de la Commission vis-à-vis la protection de l'intérêt public, le mécanisme statutaire actuel par lequel les sociétés de gestion ou les utilisateurs peuvent déposer des ententes de licence négociées auprès de la Commission pourrait aussi être élargi pour inclure toutes les ententes envisagées dans le cadre proposé précédemmentFootnote 19. D'autres ajustements pourraient aussi être apportés à ce mécanisme pour mieux servir l'intérêt public. Par exemple, on pourrait exiger que les parties déposent leurs ententes auprès de la Commission ou à tout le moins, soient encouragées à le faireFootnote 20. De plus, compte tenu de sa connaissance des marchés pertinents, la Commission pourrait être tenue d'examiner les ententes en première instance plutôt qu'à la demande du commissaire de la concurrence, comme c'est actuellement le cas. Dans le cadre de cet examen, la Commission pourrait aviser le commissaire si elle est d'avis qu'il existe des préoccupations liées à l'intérêt public que le commissaire pourrait souhaiter examiner en vertu de la Loi sur la concurrence. Il pourrait aussi être clarifié que les ententes déposées auprès de la Commission seront rendues publiques. Même si les parties pourrait préférer garder les modalités des ententes confidentielles, le fait de les rendre publiques fournirait une base de référence qui pourraient mener à des négociations fondées davantage sur le libre marché, exigeant moins d'interventions de la part de la Commission par la suite. En exigeant ou en encourageant un plus grand nombre de dépôts d'ententes, la Commission développerait aussi un catalogue d'ententes qui pourrait servir de base de référence pour ses propres évaluations de projets de tarif ou de différends individuels.
7. Modifier les délais accordés pour le dépôt de projets de tarif.
À l'heure actuelle, les projets de tarif déposés auprès de la Commission doivent préciser que les redevances demandées seront en vigueur pour une période d'au moins une année. Cependant, la durée appropriée de la période d'effet d'un tarif dépend énormément des utilisations qu'il comprend et, dans plusieurs cas, elle pourrait être de plus d'une année. Il peut donc être souhaitable de stipuler une période d'effet minimale plus longue pour les projets de tarif (p. ex. trois ans). Étendre la période d'effet des tarifs de cette manière pourrait réduire le nombre de projets de tarif déposés auprès de la Commission chaque année, libérant ainsi du temps et des ressources qui pourraient être redirigées vers d'autres dossiers.
2.3 Empêcher la rétroactivité tarifaire ou limiter son incidence par d'autres moyens
En plus d’améliorer les outils qui permettent à la Commission de traiter ses dossiers plus rapidement et de réduire le nombre de causes dont la Commission est saisie chaque année, d’autres options pourraient être explorées pour empêcher plus directement que l’homologation de tarifs ait un effet rétroactif ou, à tout le moins, pour limiter l’incidence de tels tarifs sur les parties. Par exemple, les sociétés de gestion pourraient devoir déposer leurs projets de tarif plus longtemps avant leur date d'entrée en vigueur, ce qui donnerait plus de temps à la Commission pour se prononcer. Les régimes existants pourraient aussi être modifiés pour permettre dans tous les cas l’utilisation du contenu protégé par droit d’auteur et la perception de redevances en attendant l’homologation des tarifs, plutôt que de seulement dans certains régimes comme c’est actuellement le cas.
8. Exiger que les projets de tarif soient déposés plus longtemps avant leur date d'entrée en vigueur.
À l'heure actuelle, la Loi exige qu'un projet de tarif soit déposé le ou avant le 31 mars immédiatement avant la date d'expiration d'un tarif précédent à renouveler ou à la date d'entrée en vigueur proposée lorsqu'il n'y a pas de tarif précédent, selon le cas. Ainsi, la Commission a toujours moins de 12 mois pour compléter toutes les étapes nécessaires et homologuer un tarif avant l'expiration du tarif précédent ou avant la mise en vigueur du projet de tarif. En parallèle avec les autres réformes visant la rapidité des processus décisionnels de la Commission, les sociétés de gestion pourraient se voir imposer de déposer leurs projets de tarif plus longtemps avant les dates d'expiration ou d'entrée en vigueur applicables. Une période précise pourrait être choisie et codifiée pour tous les cas (p. ex. le 31 janvier immédiatement avant les dates d'expiration ou d'entrée en vigueur applicables, ce qui pourrait écarter les préoccupations face à la capacité limitée de publication dans la Gazette du Canada en début d'exercice gouvernemental, le 1er avril). La Commission aurait donc plus de temps pour examiner les projets de tarif, ce qui réduirait la possibilité qu'elle homologue des tarifs à effet rétroactif.
9. Permettre l'utilisation du contenu protégé par droit d'auteur en question et la perception de redevances avant l'homologation des tarifs pour toutes les instances de la Commission.
Des dispositions qui ne s'appliquent présentement qu'à un nombre limité de régimes de fixation de tarifs permettent aux titulaires de licences éventuels d'utiliser du contenu et aux sociétés de gestion de percevoir des redevances en attendant l'homologation d'un tarif par la Commission. Pour limiter l'incidence de la rétroactivité tarifaire, ces dispositions pourraient être étendues à tous les cas. Par exemple, il pourrait être décidé que, dans tous les cas où un projet de tarif est demandé pour renouveler le tarif précédent, ce dernier s'applique jusqu'à l'homologation du nouveau tarifFootnote 21. La Commission pourrait aussi être habilitée à prendre des décisions provisoires de son propre chef et non seulement lorsque les parties le demandent, comme c'est le cas actuellementFootnote 22. Une telle autorité permettrait des procédures plus efficaces et encouragerait les parties souhaitant des tarifs ou des licences plus près des conditions qu'elles souhaitent d'entreprendre des mesures plus rapidement, au moyen des procédures habituelles de la Commission ou par des négociations de gré à gré. L'une ou l'autre option fournirait aussi une plus grande certitude juridique et financière aux parties pendant les procédures tarifaires.
2.4 Clarifier davantage les processus décisionnels de la Commission
Un autre défi touchant la rapidité de la prise de décisions de la Commission pourrait être la clarté de ses procédures et de son mandat pour les participants et les tribunaux judiciaires. Alors que la Commission et les participants expérimentés sont sans doute familiers avec son fonctionnement, les nouveaux participants et les tribunaux judiciaires effectuant un contrôle de ses décisions pourraient bénéficier de la résolution de lacunes ou de divergences apparentes dans sa structure explicite. Cette difficulté pourrait être résolue par une codification réglementaire de certaines procédures de la Commission pour préciser et élaborer davantage que ce n'est le cas dans le Modèle de directive ou qu'il ne serait souhaitable de le faire dans la Loi. Cela offrirait aussi plus de flexibilité que de codifier dans la Loi. Une autre solution serait de stipuler les critères généraux qui doivent être pris en compte dans la prise de décisions, afin d'orienter les participants, les tribunaux judiciaires et la Commission elle-même. De plus, pour offrir plus de précision, la Loi pourrait être modifiée afin de donner un mandat à la Commission conforme aux objectifs politiques précisés dans la section introductive ci-dessus. Enfin, les régimes de fixation de tarifs prévus par la Loi pourraient être harmonisés davantage afin d'augmenter leur cohérence et leur clarté.
10. Codifier et préciser les procédures particulières de la Commission par des règlements.
Comme il été mentionné dans la section introductive ci-dessus, la Commission dispose actuellement d'une grande latitude en ce qui a trait à ses procédures particulières et elle en a codifié plusieurs dans son Modèle de directive. Cependant, pour améliorer la rapidité et la clarté des processus décisionnels de la Commission, il serait peut-être utile de codifier certaines de ses procédures par le biais de règlements. Ceci permettrait d'avoir plus de détails que ce n'est le cas présentement avec le Modèle de directive, tout en préservant plus de souplesse que si ces détails se retrouvaient dans la Loi. Il est à noter que les procédures de certains tribunaux administratifs au Canada sont codifiées par des règlements, y compris le Tribunal de la concurrenceFootnote 23 et le CRTCFootnote 24. Au besoin, la Commission pourrait fournir des directives supplémentaires par l'entremise d'énoncés de pratique.
De nouveaux détails ajoutés au moyen de règlements pourraient inclure les mesures suivantes, sujet à une capacité prépondérante de la Commission de renoncer à toutes ou à certaines de ses règles de procédure ou à les modifier afin d'assurer un déroulement rapide lorsque les circonstances et les considérations d'équité et d'intérêt public le permettent (voir l'option 1, ci-dessus) :
- Énoncés de questions : Afin de fournir plus de précisions plus rapidement dans des instances tarifaires opposées, les parties pourraient devoir déposer des énoncés de questions communes en indiquant les faits pertinents et importants, ainsi que les questions de droit sur lesquels ils s'entendent, sont en désaccord ou sont incertains. Dans le cadre de ces énoncés, les parties pourraient aussi être tenues de proposer un échéancier d'instance tout en indiquant toute procédure connexe avec laquelle il pourrait être regroupé. Si les parties ne peuvent pas de bonne foi s'entendre sur ces questions, la Commission pourrait leur permettre de déposer des énoncés individuels pour les questions sur lesquelles elles ne s'entendent pas. Les parties pourraient être tenues de déposer ces énoncés dans un délai particulier (p. ex. 90 jours après la période où une opposition peut être déposée ou de toute manière avant l'échange de renseignements). La Commission pourrait permettre aux parties de modifier leurs énoncés dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsque des questions pertinentes sont découvertes alors qu'elles n'auraient pas raisonnablement pu l'être.
- Processus de demandes de renseignements : Pour créer un processus de demandes de renseignements plus efficace et comportant moins de participation de la part de la Commission pour résoudre les différends, les mesures suivantes pourraient être prises :
- il pourrait être précisé que les parties ne peuvent faire des demandes ou qu'elles n'ont à répondre à des demandes que si elles sont proportionnelles à la nature et à la complexité de leurs différends et à leurs positions respectives, tout en étant appropriées et importantes pour la résolution de questions litigieuses;
- dans les cas comportant de multiples sociétés de gestion ou de multiples opposants, il pourrait être exigé que les parties qui s'entendent généralement regroupent leurs demandes de renseignements en un seul document ou sinon qu'elles expliquent à la Commission pourquoi il serait injuste ou inefficace de le faire;
- il pourrait être exigé que les parties doivent explicitement rattacher leurs demandes de renseignements aux questions particulières précisées dans leurs énoncés de questions (voir ci-dessus) et que les parties doivent inclure dans leurs oppositions comment l'information recherchée se rapporte aux questions particulières indiquées dans leurs énoncés;
- il pourrait être précisé que les demandes de renseignements doivent être échangées après que les réponses aux oppositions des sociétés de gestion aient été envoyées aux parties qui s'opposent;
- il pourrait être précisé que les réponses aux demandes de renseignements ne doivent être recueillies que d'un échantillon représentatif de membres d'une association, plutôt que de tous ses membres;
- il pourrait être exigé que les réponses d'une partie aux demandes de renseignements soient fournies en même temps que ses oppositions aux autres demandes de renseignements, le cas échéant, de sorte que les requêtes sur la suffisance des réponses de la partie et les objections aux demandes de renseignements soient entendues en même temps;
- il pourrait être exigé que les parties utilisent un format normalisé pour communiquer les demandes de renseignements, leurs réponses, leurs oppositions, les répliques aux oppositions, etc., comme un tableau qui permettrait aux lecteurs de faire la concordance de ce qui précède.
- Procédure simplifiée : Pour donner suite à l'option 1 ci-dessus, une procédure simplifiée pourrait être élaborée pour utilisation dans certaines circonstances, soit automatiquement, soit par ordre de la Commission à la demande d'une ou de plus d'une partie. Les circonstances où une telle procédure pourrait s'appliquer automatiquement pourraient comprendre les cas où aucune oppositions n'a été déposée eu égard au projet de tarif et où ce tarif n'est pas très différent d'un tarif homologué précédemment que le projet de tarif cherche à renouveler. Les circonstances où la Commission pourrait accorder la permission d'utiliser une procédure simplifiée pourraient comprendre les cas où la partie requérante indique que les questions en litige sont relativement simples ou que la valeur monétaire en jeu pour les parties est probablement en deçà de quelque valeur seuil. Les renseignements supplémentaires à fournir par les parties (voir l'option 5, ci-dessus, ainsi que la suggestion dans le cadre de cette option à propos des énoncés des questions) aideraient la Commission à faire ces évaluations. Lorsque la procédure simplifiée s'applique, la Commission pourrait être tenue d'homologuer le tarif aussitôt que possible et au plus tard la veille du jour où il est censé entrer en vigueur, à moins que les circonstances exigent qu'il en soit autrement. Les simplifications particulières pourraient inclure une étape de demandes de renseignements plus limitées ou des preuves et plaidoiries écrites, parmi d'autres modifications au cas par cas qui seraient décidées au moyen de la gestion des instances (voir l'option 3, ci-dessus). Les suggestions sont les bienvenues relativement à ce que devrait être la valeur seuil mentionnée précédemment, si en établir un est approprié, ainsi que d'autres gains d'efficacité qui pourraient être intégrés à un cadre procédural simplifié.
- Preuve : Afin que la Commission reçoive l'information nécessaire pour rendre des décisions équitables, des précisions supplémentaires pourraient être fournies concernant la preuve. Par exemple, dans les cas où la Commission le jugerait plus efficace et néanmoins juste, elle pourrait exiger des parties qu'elles déposent l'ensemble de leurs preuves conjointement (p. ex. sondages, analyses statistiques, rapports des experts) ou que les témoignages d'experts dans le cadre d'un interrogatoire principal soient présentés uniquement sous forme de rapports écrits. Les témoignages d'experts pourraient plus généralement être limités aux questions déjà soulevées au cours de l'instance et être assujettis à certaines exigences de contenu, notamment : un énoncé des questions pertinentes traitées dans le rapport; une description des qualifications de l'expert par rapport à ces questions; une indication des éléments d'entente et de désaccord avec l'opinion d'un autre expert auquel le présent expert répond; le fondement des opinions de l'expert, y compris les faits et les présomptions, les explications des méthodologies suivies et des copies de tout document sur lesquels il s'est fondé. Les parties pourraient aussi être tenues de s'assurer que leurs experts soient disponibles pour interrogatoire et contre-interrogatoire lors de toute audience orale prévue. Si elle est d'avis qu'il le serait utile, la Commission pourrait aussi être autorisée à nommer des experts indépendants pour s'informer de toute question relative à l'instance et à en faire rapport.
- Confidentialité : Pour encourager un engagement franc et complet envers la Commission tout en préservant son rôle de gardienne de l'intérêt public, il pourrait être prévu par la Loi que les documents déposés auprès de la Commission et tout sujet connexe soient ouverts au public à moins que la Commission n'en décide autrement à la demande d'une partie. Dans le cadre d'une telle demande, la Commission pourrait être tenue de déterminer si la divulgation d'un document causerait un préjudice spécifique et direct à une personne et si ce préjudice l'emporterait sur l'intérêt public dans la divulgation du document. Ce cadre renouvellerait la pratique actuelle où les parties, de leur propre initiative, caviardent des sections de documents déposés ou les classifient comme confidentielles. La Commission pourrait aussi publier un énoncé de pratique établissant des directives plus détaillées sur son approche à l'égard de la confidentialité, afin de fournir plus de clarté et de réduire le risque qu'elle soit inondée de demandes d'ordonnances de confidentialité.
Selon les circonstances, certaines de ces mesures pourraient être mises en œuvre au moyen de la gestion de l'instance de la Commission (voir l'option 3, ci-dessus).
11. Prescrire un mandat pour la Commission dans la Loi.
Présentement, la Commission n'a pas de mandat explicite, donc ses responsabilités et ses obligations décisionnelles sont conférées par la Loi et par les principes juridiques d'équité procédurale. Le fait d'inclure un tel mandat dans la Loi pourrait préciser et orienter la Commission, les parties et les cours de justice sur les objectifs de la Commission, ce qui à son tour pourrait informer l'élaboration de mesures visant à améliorer la rapidité de ses processus décisionnels ainsi que les critères d'évaluation de telles mesures. Le mandat pourrait être exprimé simplement, par exemple assurer que les taux de redevances et leurs modalités afférentes sont équitables et ce, de la manière la plus efficace possible. Une autre approche serait de codifier des principes directeurs plus détaillés pour refléter les objectifs politiques particuliers de la Commission décrits dans la section introductive ci-dessus. Dans ce deuxième cas, le mandat de la Commission pourrait suivre le modèle du Copyright Royalty Board des États-UnisFootnote 25 ou d'autres tribunaux ailleurs. De manière connexe, le principe de proportionnalité adopté par les cours fédérales pourrait aussi être codifié dans les procédures générales de la Commission, la tenant à veiller à ce que les exigences en temps et en coûts de ses procédures pour les parties soient proportionnelles à la nature et la complexité de leurs différends et de leurs positions respectives.
12. Préciser les critères décisionnels dont la Commission doit tenir compte.
Pour établir les taux de redevances et leurs modalités afférentes, la Commission doit tenir compte de certains critères établis explicitement dans la Loi (p. ex. fixer des redevances « justes et équitables » et leurs modalités afférentes, comme il est établi pour un des régimes actuelsFootnote 26), ainsi que dans la jurisprudence (p. ex. le principe de neutralité technologiqueFootnote 27). La Commission respecte aussi, le cas échéant, certains principes directeurs qu'elle s'imposeFootnote 28. Pour donner suite à l'option 11l'l'option 11, ci-dessus, ce système peut aboutir à des processus décisionnels qui peuvent sembler ambigus pour certaines personnes. Par exemple, les critères établis dans la Loi sont peu abondants et ne sont pas constants à travers les différents régimes malgré la pratique de la Commission d'appliquer les mêmes principes généraux à tous les casFootnote 29. De plus, les critères établis graduellement par les décisions de la Commission et par les cours de justice proviennent de multiples sources. Afin de clarifier le processus décisionnel pour tous les participants éventuels et le public en général, les facteurs principaux dont la Commission doit tenir compte dans toutes les décisions de fixation des redevances pourraient être précisés dans la législation ou dans les règlements. À cet égard, la Commission pourrait suivre le modèle du Copyright Tribunal du Royaume-UniFootnote 30 ou ceux d'autres tribunaux ailleurs. Les suggestions relatives aux mérites d'établir une telle liste de facteurs ainsi qu'aux autres facteurs qui devraient en faire partie sont les bienvenues. Ces facteurs pourraient s'appliquer en plus de toute autre considération particulière requiseFootnote 31.
Bien qu'au moins un certain nombre de critères dans une telle liste suivrait la pratique courante de la Commission, une plus grande précision fournirait un cadre plus cohérent pour les plaidoiries et la présentation des éléments de preuve lors des procédures, ainsi que pour l'intelligibilité des décisions de la Commission. Par la suite, la Commission pourrait en venir à bénéficier d'une participation plus efficace et efficiente au cours de l'instance, surtout de la part des nouveaux participants, et d'une plus grande déférence lors de contrôles judiciaires. Par contre, l'introduction de tels critères pourrait aboutir à un certain niveau d'incertitude quant à la portée précise de chacun, ce qui pourrait faire l'objet de contrôles judiciaires.
13. Harmoniser les régimes de fixation des tarifs de la Loi.
À l'heure actuelle, la Loi prévoit un certain nombre de régimes de fixation des tarifs : le régime « obligatoire »Footnote 32, le régime « facultatif » ou « général »Footnote 33, le régime de « retransmission »Footnote 34 et le régime de la « copie privée »Footnote 35. Ces régimes suivent généralement des procédures similaires, mais touchent des sujets et des droits statutaires différents. Dans le présent document, il a été proposé d'harmoniser davantage ces régimes en établissant pour tous, plutôt que pour quelques-uns: que les sociétés de gestion et les utilisateurs puissent conclure des ententes à effet péremptoire sans la participation de la Commission; puissent obtenir de la part de la Commission une résolution de leurs différends dans ce contexte et déposer auprès de la Commission leurs ententes pour son examen (voir l'option 6, ci-dessus); que les ententes établies par un tarif homologué précédemment continuent de s'appliquer jusqu'à ce qu'un nouveau tarif soit homologué (voir l'option 9, ci-dessus); et qu'un ensemble commun de critères décisionnels et un mandat général soient adoptés pour la Commission (voir les options 11 et 12, ci-dessus). Au-delà de ces modifications proposées, certains ou tous ces régimes pourraient être combinés en une seule procédure tarifaire ou être à tout le moins harmonisés davantage. Ainsi, les différents processus décisionnels pourraient être plus cohérents et la consolidation des procédures et l'obtention d'autres gains d'efficacité, plus faciles. Certains éléments qui sont particuliers à l'un ou plus d'un des régimes actuels pourraient être maintenus et appliqués largement, comme la limite des dommages préétablis dans le régime obligatoireFootnote 36. D'autres éléments qui sont particuliers à l'un ou plus d'un des régimes actuels pourraient être préservés et limités à certains sujets ou droits comme c'est le cas actuellement, telle la stipulation de considérations particulières dans certains régimesFootnote 37. De manière plus générale, une telle harmonisation préciserait et simplifierait aussi la Loi, ce qui a été un objectif global de la réforme du droit d'auteur depuis au moins 2002Footnote 38. Les suggestions sont les bienvenues relativement à ces propositions, ainsi que toute autre considération particulière dont on devrait tenir compte dans un tel régime fusionné ou de tels régimes harmonisés.
3. Conclusion
Tous les commentaires touchant des réformes éventuelles du cadre législatif et réglementaire lié à la prise de décisions par la Commission sont les bienvenus, que ce soit sur les options et considérations examinées dans ce document ou d'autres. Les questions de financement, de gestion collective en général ou du système d’octroi de licences eut égard aux titulaires de droits d’auteur introuvables sont par contre hors du cadre de cette consultation. Sauf indication contraire, les différentes options de réformes présentées dans ce document pourraient être mises en œuvre au moyen de modifications apportées à la Loi ou par la création de nouveaux règlements découlant de la LoiFootnote 39. En plus des commentaires de fonds sur les options, des recommandations sur le mécanisme de mise en œuvre approprié pour chaque proposition seraient aussi appréciées. Les considérations à ce titre pourraient inclure, d’une part, un désir d’intégrer certaines réformes au cadre législatif de la Commission et, d’autre part, la facilité et la rapidité relatives de promulguer et de modifier certaines réformes par règlement ou par le Modèle de directive. Tous les commentaires doivent être envoyés à ConsultationsCDA@canada.ca avant le 29 septembre 2017. Les réponses reçues seront par la suite rendues publiques.