Document de consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne

Sommaire

Au cours des dernières années, la diffusion et l'utilisation de contenu couvert par le droit d'auteur sur Internet ont pris de l'ampleur. Les intermédiaires en ligne, c'est-à-dire les entités qui facilitent l'accès à ce contenu, se sont également multipliés et diversifiés. Dans certains cas, ils jouent désormais un plus grand rôle dans les activités des utilisateurs qui concernent du contenu protégé par le droit d'auteur. Ces changements ont permis d'attirer de plus en plus l'attention sur la responsabilité et les obligations des intermédiaires en ligne, un domaine du droit qui est en pleine évolution partout dans le monde. Au Canada, des questions ont été soulevées quant à la capacité actuelle du cadre du droit d'auteur pour les intermédiaires en ligne d'atteindre ses objectifs sous-jacents, entre autres la protection et la promotion de l'utilisation du contenu en ligne couvert par le droit d'auteur, la protection des droits et libertés individuelles dans un Internet ouvert, et le développement d'un marché numérique florissant. La nécessité de se pencher sur ces questions est également fondée sur la priorité générale du gouvernement d'établir des niveaux de responsabilité appropriés pour les intermédiaires, dans l'intérêt des Canadiens et de l'économie nationale. Cette consultation a pour but d'aider le gouvernement à faire en sorte que le cadre canadien du droit d'auteur pour les intermédiaires reflète les réalités du monde numérique en constante évolution.

Le cadre du droit d'auteur du Canada définit la responsabilité des intermédiaires qui violent le droit d'auteur ou qui facilitent les violations par des utilisateurs de leurs services. Cette responsabilité est en contrepartie balancée par certaines protections, notamment des « règles d'exonération » dans les cas où les intermédiaires fournissent simplement les moyens techniques permettant aux utilisateurs de leurs services de commettre une violation du droit d'auteur. De plus, certains intermédiaires doivent transmettre aux utilisateurs de leurs services des avis de prétendue violation qu'ils reçoivent de titulaires de droits d'auteur. Récemment, les tribunaux ont également ordonné à certains intermédiaires de bloquer l'accès à du contenu ou à des activités potentiellement dommageables, facilités par leurs services.

Ce cadre fait l'objet de plus en plus de débats et d'études. De nombreux détenteurs de droits soutiennent qu'il a en réalité pour effet de réduire la rémunération qu'ils reçoivent en contrepartie de l'utilisation de leur contenu en ligne et d'entraver leurs efforts visant à faire respecter leurs droits. Ils se sont donc prononcés en faveur de la modification des règles d'exonération, de façon à contraindre les services de diffusion de contenu à payer équitablement les titulaires de droits pour l'utilisation de leur contenu. Ils ont également recommandé d'imposer des obligations plus strictes aux intermédiaires dans le but de prévenir ou d'empêcher toute violation. En revanche, de nombreux intermédiaires et d'autres parties intéressées affirment que la législation canadienne protège suffisamment le droit d'auteur en ligne et que les mesures actuelles d'exonération et d'application de la Loi favorisent un Internet ouvert, l'innovation et le développement des services en ligne et la croissance économique au Canada. Les approches d'autres administrations, les observations et les recommandations des comités qui ont participé en 2019 à l'examen parlementaire de la Loi sur le droit d'auteur, et les recherches supplémentaires menées ou commandées antérieurement par le gouvernement ont permis de mieux comprendre ces questions.

Le gouvernement examine actuellement la meilleure façon de tenir compte de ces tendances et perspectives. Le gouvernement envisage notamment les mesures suivantes :

  1. clarifier les protections contre la responsabilité prévues pour les intermédiaires en cas de violation du droit d'auteur, y compris l'incidence de leur connaissance d'une violation et d'activités liées au contenu sur leur responsabilité et leurs obligations connexes;
  2. assurer la rémunération des détenteurs de droits en mettant en place un régime de licences collectives pour l'utilisation de leur contenu protégé par le droit d'auteur sur certaines plateformes;
  3. accroître la transparence en matière de rémunération des détenteurs de droits et de l'utilisation en ligne de leur contenu;
  4. clarifier ou renforcer les outils visant à faire respecter les droits des titulaires de droits par les intermédiaires, notamment par le biais d'un régime législatif de « blocage de sites Web » et de « désindexation ».

Le gouvernement accueillera volontiers tous les commentaires qui offriront des perspectives ou des données supplémentaires sur ces enjeux ainsi que sur les mesures potentielles à adopter, selon le cas. Vous pouvez envoyer vos commentaires par courriel à copyright-consultation-droitdauteur@canada.ca jusqu'au 31 mai 2021. Les commentaires reçus seront rendus publics une fois la consultation terminée.

1. Introduction

Depuis la dernière modernisation complète de la Loi sur le droit d'auteur (la « Loi ») en 2012, la diffusion et l'utilisation de contenu protégé par le droit d'auteur sur Internet ont pris une ampleur spectaculaire. La disponibilité de contenu et la rapidité de la diffusion en continu étaient autrefois limitées, mais Internet représente aujourd'hui le mode dominant de consommation de contenu dans le monde. Ce changement a donné lieu à de nouvelles possibilités et à de nouveaux défis pour les intervenants des industries culturelles et l'écosystème du droit d'auteur en général, y compris pour les créateurs, les titulaires de droits, les consommateurs et les intermédiaires en ligne. Les intermédiaires en ligne, qui désignent les entités facilitant l'accès au volume immense et croissant de contenu en ligne, y compris au contenu couvert par le droit d'auteur, ont en grande partie rendu ce changement possible en fournissant les outils nécessaires à la diffusion et à l'utilisation du contenu. Les services intermédiaires se sont également diversifiés au cours des dernières années, et certains d'entre eux jouent désormais un rôle actif accru dans les activités des utilisateurs qui mettent en jeu du contenu protégé par le droit d'auteur. À mesure que ces services se sont multipliés, leurs modèles et pratiques opérationnels ainsi que leurs obligations et responsabilités légales ont suscité des débats, alimentés par les préoccupations des créateurs et des détenteurs de droits qui ne reçoivent pas forcément une part équitable des bénéfices qui en découlent.

Dans le cadre du discours du Trône de 2020, le gouvernement a reconnu le pouvoir des « géants du Web » et a annoncé qu'il agirait afin d'assurer un partage plus équitable de leurs revenus avec les créateurs et les médias canadiens, en plus de renforcer la classe moyenne au pays de façon plus généraleNote de bas de page 1. Cette priorité est fondée sur la Charte numérique du Canada, dans le cadre de laquelle le gouvernement s'est engagé à établir une économie axée sur le numérique et les données au Canada, notamment en protégeant les droits des Canadiens en ligne, en assurant la responsabilisation des acteurs d'Internet et en favorisant la prospérité du marché en ligneNote de bas de page 2. Le gouvernement a déjà commencé à honorer ces engagements par la mise en œuvre de diverses initiativesNote de bas de page 3. La présente consultation vise à faire avancer ces priorités dans le contexte du cadre canadien du droit d'auteur pour les intermédiaires en ligne, conformément à la volonté du gouvernement d'établir des niveaux de responsabilité pour les intermédiaires, dans l'intérêt supérieur des Canadiens et de l'économie nationale.

2. But de la présente consultation

La présente consultation a pour but d'aider le gouvernement à faire en sorte que le cadre canadien du droit d'auteur pour les intermédiaires en ligne reflète les réalités du monde numérique en constante évolution.

Le gouvernement décidera des options de réforme à mettre en œuvre en fonction de leur capacité à faciliter l'atteinte des objectifs stratégiques sous-jacents, notamment les suivants :

  1. Protéger le contenu en ligne couvert par le droit d'auteur et en promouvoir l'utilisation. Un cadre moderne permet aux titulaires de droits de percevoir une rémunération équitable en contrepartie de l'utilisation protégée de leur contenu en ligne. À cette fin, ils peuvent négocier leur rémunération sans qu'il y ait un déséquilibre indu au niveau du pouvoir de négociation et déterminer eux-mêmes si la rémunération obtenue est équitable. En outre, un cadre moderne prévoit des mesures de protection appropriées contre les violations en ligne, notamment la responsabilisation adéquate de tous les acteurs ainsi que des mécanismes d'application efficaces et peu coûteux. Ensemble, ces caractéristiques favorisent la création et la distribution à grande échelle d'œuvres artistiques et intellectuelles ainsi que la découvrabilité du contenu par le public, contribuant par le fait même à la viabilité des industries créatives canadiennes ainsi qu'à la consommation et à l'utilisation autorisée de contenu largement accessible au public.
  2.  Protéger les droits et libertés individuelles dans un réseau Internet ouvert. Les personnes qui exercent leurs activités dans le cadre moderne peuvent utiliser Internet pour accéder à des renseignements ainsi que pour communiquer et échanger avec les autres aussi librement que possible. La liberté d'expression et le droit à la vie privée de chacun ne sont pas indûment limités, par exemple, par des efforts inappropriés ou injustifiés d'application du droit d'auteur. De plus, les personnes demeurent libres de créer et de diffuser du « contenu généré par l'utilisateur » dans les limites autorisées par la Loi. Un cadre moderne soutient également le principe de neutralité de l'Internet, selon lequel les intermédiaires doivent traiter toutes les communications en ligne de manière égale dans les limites de la loi.
  3. Encourager un marché numérique prospère. Le cadre moderne encourage les investissements, l'innovation et la concurrence dans les services en ligne. Les fournisseurs de services en ligne disposent de la sécurité juridique dont ils ont besoin pour fonctionner et innover en toute confiance et de manière rentable, notamment car ils peuvent éviter les litiges coûteux en temps et en ressources, assumer des responsabilités et des obligations adaptées à leurs activités et ressources très variées, et conclure des contrats de licence privés mutuellement profitables. Le cadre moderne permet également de réduire au minimum les coûts de conformité des fournisseurs de services, de manière à limiter les obstacles à l'entrée sur le marché et à favoriser ainsi l'entrepreneuriat et la prise de décisions de consommation judicieuses. Ces caractéristiques aident le Canada à développer un marché en ligne vigoureux qui stimule la croissance économique.

3. Contexte de la présente consultation

3.1 Intermédiaires en ligne

Les intermédiaires en ligne jouent un rôle central dans la communication, la collecte et la consommation de l'énorme volume de contenu en ligne, et contribuent de plus en plus à la production de ce contenu. Ils remplissent ces fonctions de nombreuses façons. Certains d'entre eux jouent un rôle relativement passif en fournissant uniquement les moyens techniques aux fins de la communication ou du stockage de contenu. En règle générale, ces entités comprennent entre autres les fournisseurs de services Internet (FSI), les services privés de stockage de données (p. ex. les services infonuagiques), les services d'hébergement Web et les services connexes, ainsi que les services Web de messagerie, de téléphonie ou de courrier. D'autres jouent un rôle plutôt actif en ce qui touche la diffusion et l'utilisation de contenu, notamment en le sélectionnant et en l'organisant (p. ex. recommander un type de contenu particulier aux utilisateurs) ou en soutenant sa production (p. ex. rémunérer les créateurs de contenu). Ces entités englobent habituellement les services publics de partage de contenu, y compris les plateformes de médias sociaux et de diffusion gratuite de contenu en continu. Certaines entités adoptent ces deux approches en raison de la diversité de leurs services ou, à l'instar des moteurs de recherche, du fait que leurs services se situent quelque part au milieu de ce continuum.

3.2 Loi sur le droit d'auteur du Canada

Le cadre canadien du droit d'auteur pour les intermédiaires en ligneNote de bas de page 4 a été principalement créé lors des modifications importantes apportées à la Loi en 2012. Les responsabilités et les obligations des intermédiaires tiennent compte du risque de violation du droit d'auteur découlant de l'utilisation de leurs services, entre autres, pour communiquer ou reproduire sans autorisation du contenu protégé. Les dispositions de la Loi définissent la responsabilité de quiconque, y compris les personnes physiques et les intermédiaires, utilise ces services pour porter atteinte au droit d'auteurNote de bas de page 5. La Loi établit également la responsabilité de quiconque fournit un service principalement en vue de faciliter l'accomplissement d'actes qui constituent une violationNote de bas de page 6. Tous les recours habituels visant à obtenir un redressement pécuniaire ou non pécuniaire en cas de violation du droit d'auteur peuvent être exercés contre la plupart des catégories d'intermédiaires se livrant à de telles activités, sauf les outils de repérage (comme les moteurs de recherche) qui peuvent seulement faire l'objet d'une injonctionNote de bas de page 7.

En outre, la Loi prévoit de nombreuses exceptions à la violation du droit d'auteur qui peuvent s'appliquer à certaines activités des intermédiaires. Certaines d'entre elles, comme l'utilisation équitable, sont des exceptions d'application généraleNote de bas de page 8. D'autres s'appliquent expressément aux intermédiaires. Par exemple, lorsque l'intermédiaire ne commet ou ne facilite pas une violation, mais fournit seulement les moyens techniques menant à la commission d'infraction, la Loi prévoit plusieurs protections explicites contre la responsabilité. Ces dispositions sont connues sous le nom de « règles d'exonération ». La Loi comprend trois types de protection :

  1. l'exonération à titre de « simple canal de diffusion » assure une protection contre la responsabilité à quiconque fournit uniquement les moyens permettant la télécommunication ou la reproduction de contenu couvert par le droit d'auteur par l'intermédiaire d'Internet ou d'un autre réseau numériqueNote de bas de page 9;
  2. l'exonération pour la « mise en antémémoire» protège quiconque ne fait que stocker du contenu comme des données afin de permettre l'exécution rapide de toute commande future utilisant ces données, de manière à accroître l'efficacité de la télécommunicationNote de bas de page 10;
  3. l'exonération pour « stockage» protège quiconque fournit uniquement à une personne une mémoire numérique pour qu'elle y stocke du contenu couvert par le droit d'auteur en vue de permettre sa télécommunication par l'intermédiaire d'Internet ou d'un autre réseau numériqueNote de bas de page 11.

Les autres restrictions qui s'appliquent aux exonérations pour la « mise en antémémoire » et pour le « stockage » sont exposées ci-après.

Nonobstant ces protections, les intermédiaires peuvent également être soumis à des obligations concrètes lorsque leurs services sont utilisés par un tiers en violation du droit d'auteur. En vertu du régime d'« avis et avis » prévu par la Loi, certains intermédiaires sont tenus de transmettre l'avis de prétendue violation reçu d'un titulaire de droits aux tiers qui ont prétendument utilisé leurs services pour porter atteinte au droit d'auteur. Ces intermédiaires doivent aussi conserver les renseignements liés à ces violations présumées et peuvent être obligés, aux termes d'une ordonnance de la cour, à divulguer ces renseignements au titulaire du droit d'auteurNote de bas de page 12. De plus, même si les intermédiaires qui sont protégés par une exonération ne sont pas forcés, au titre de la Loi, de bloquer l'accès au contenu en violation ou de le retirer, ou bien de prévenir ou d'empêcher toute violation, ils peuvent néanmoins être tenus de le faire sur ordonnance de la cour. En effet, les tribunaux canadiens ont récemment commencé à accorder des injonctions en vue d'obliger des FSI et des moteurs de recherche à bloquer l'accès à du contenu portant potentiellement atteinte au droit d'auteur Note de bas de page 13 . Ces ordonnances ont été rendues malgré le fait que les intermédiaires n'étaient pas visés par la poursuite sous-jacente intentée contre les contrevenants présumés.

3.3 Approches adoptées par d'autres pays ou territoires

Des cadres juridiques sont couramment utilisés partout dans le monde afin de définir la responsabilité et les obligations des intermédiaires. Par exemple, l'Union européenne et les États-Unis disposent de régimes législatifs qui prévoient des exonérations en cas de violation du droit d'auteur pour des activités similaires à celles qui sont décrites dans le cadre canadien, bien que les conditions, les restrictions et les exceptions qu'ils comportent diffèrent. En vertu de l'une des dispositions de ces régimes, certains intermédiaires sont tenus d'agir promptement pour retirer le contenu violant vraisemblablement le droit d'auteur ou rendre son accès impossible dès qu'ils prennent connaissance que leurs services ont facilité de tels actes (obligation « d'avis et de retrait »)Note de bas de page 14 . En dépit des limitations de leur responsabilité, les intermédiaires en Union européenne et aux États-Unis peuvent également faire l'objet d'injonctions ordonnées par les tribunaux, aux termes desquels ils doivent prendre des mesures similaires ou connexes à l'égard du contenuNote de bas de page 15 . Le régime britannique est fondé sur le modèle de l'Union européenne et a récemment donné lieu à des décisions dans lesquelles les tribunaux ont dressé une liste de critères en fonction de chaque affaire afin de déterminer les cas où une ordonnance de blocage d'un site Web est justifiéeNote de bas de page 16 . Le régime australien, quant à lui, est fondé sur le modèle des États-Unis, mais ses règles d'exonération ne s'appliquent généralement qu'à des FSI et son mécanisme de mesures injonctives contre les intermédiaires ne vise normalement que le blocage de sites Web par les FSI et, dans certains cas, la désindexation par les moteurs de rechercheNote de bas de page 17 . Le mécanisme australien comprend également une procédure complète pour l'obtention de telles ordonnances, dont une liste de critères inspirés de la jurisprudence britannique que les tribunaux peuvent prendre en compteNote de bas de page 18.

À l'instar du Canada, d'autres pays et territoires ont revu leurs systèmes au cours des dernières années compte tenu de l'importance et de l'influence croissantes des intermédiaires. Lorsque l'Union européenne a modifié son cadre en 2019, elle a décidé d'exclure des activités de certains « services de diffusion de contenus en ligne » de l'exonération pour le « stockage » et d'obliger ces fournisseurs à obtenir l'autorisation des titulaires de droits ou à encourir une responsabilité s'ils ne se conforment pas à certaines conditions. Parmi ces conditions figurent l'obligation « d'avis et de retrait » et l'obligation de rendre indisponible un contenu particulier sur demande du titulaire de droits (obligation « anti-réapparition »). Certains intermédiaires sont exemptés de ces obligations sur la base de leur taille et de la nature de leurs servicesNote de bas de page 19. En 2020, la Commission européenne a tenté de modifier de nouveau le cadre de l'Union européenne en proposant une loi qui, entre autres, remplacerait et compléterait les règles d'exonération de l'Union européenne et imposerait des obligations plus strictes à certains intermédiaires en fonction de leur taille et de la nature de leurs servicesNote de bas de page 20 . La portée ultime de ces mesures et propositions n'est pas encore clairement établie.

De même, le Bureau du droit d'auteur des États-Unis a publié un rapport en 2020 dans lequel il analyse le fonctionnement du cadre américain du droit d'auteur pour les intermédiaires. Il en est venu à la conclusion que ce dernier est maintenant en « déséquilibre », dans la mesure où il désavantage les détenteurs de droits, et a recommandé d'apporter certaines clarificationsNote de bas de page 21. La réaction du gouvernement des États-Unis à l'égard de ce rapport n'est toujours pas connue.

3.4 Perspectives d'intervenants et de comités parlementaires

L'examen parlementaire de la Loi mené par le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie (« INDU ») et le Comité permanent du patrimoine canadien (« CHPC ») a permis d'obtenir différents points de vue sur le cadre canadien du droit d'auteur pour les intermédiaires en ligne. De nombreux détenteurs de droits et leurs défenseurs soutiennent que le cadre a en réalité pour effet de réduire la rémunération reçue en contrepartie de l'utilisation du contenu en ligne protégé par le droit d'auteur et d'entraver les efforts d'application de la Loi. Au chapitre de la rémunération, ces intervenants affirment qu'il faut modifier les règles d'exonération afin de contraindre les services de diffusion de contenu à payer équitablement les titulaires de droits dont ils utilisent le contenu sur leurs plateformes. Pour ce qui est de l'application de la Loi, ces intervenants estiment qu'il convient d'imposer des obligations plus strictes aux intermédiaires pour prévenir ou empêcher toute violation, de façon à accroître l'efficacité, l'efficience et l'équité. En revanche, de nombreux intermédiaires et d'autres parties intéressées affirment que la législation canadienne protège suffisamment le droit d'auteur en ligne, bien que certains intermédiaires sont prêts à collaborer aux efforts d'application de la Loi, pourvu qu'ils n'encourent aucune responsabilité à cet égard. Ces intervenants soutiennent également que les mesures actuelles d'exonération et d'application de la Loi servent les Canadiens, notamment par la promotion de l'accès à l'information et la liberté d'expression en ligne, ainsi que par la stimulation de l'entrepreneuriat, l'innovation et l'accès aux services des intermédiaires au Canada. Ces préoccupations et les considérations connexes sont abordées de façon détaillée à l'annexe A Note de bas de page 22 .

Les deux comités parlementaires ont formulé plusieurs observations et recommandations au regard de ces perspectives. Ils soulignent l'importance d'assurer la responsabilisation des intermédiaires. Le Comité INDU fait remarquer que les systèmes de gestion de contenu des intermédiaires doivent respecter les droits des titulaires de droits, entre autres en leur assurant une rémunération équitable pour l'utilisation de leur contenu. Il déconseille toutefois de modifier les règles d'exonération pour le moment, étant donné l'absence apparente de consensus entre les intervenants et les développements en cours à l'échelle internationale, sur lesquels le gouvernement doit se pencher, selon le ComitéNote de bas de page 23. En outre, le Comité INDU insiste sur la nécessité de trouver un juste équilibre dans ce domaine, notamment en veillant à ce que les systèmes de gestion de contenu des intermédiaires tiennent compte des exceptions légales à la violation du droit d'auteur et à ce qu'ils permettent aux téléchargeurs de répondre aux allégations de violation avant que des poursuites ne soient engagées contre euxNote de bas de page 24. Le Comité CHPC, quant à lui, recommande au gouvernement de revoir les règles d'exonération, de façon à s'assurer que les intermédiaires sont tenus responsables de leur rôle dans la distribution de contenuNote de bas de page 25. Le Comité INDU souligne également que les intermédiaires et les autres courtiers (p. ex. les sociétés de gestion) doivent faire preuve de transparence dans le calcul et la répartition des redevances versées en contrepartie de l'utilisation du contenu en ligne des détenteurs de droits, de manière à s'assurer qu'ils perçoivent une rémunération équitableNote de bas de page 26. En outre, les comités signalent le besoin de disposer d'outils efficaces pour lutter contre la violation du droit d'auteurNote de bas de page 27. Plus particulièrement, le Comité INDU recommande de mettre en place des outils permettant d'accorder des mesures injonctives par la voie d'un tribunal en cas de violation en ligne, sans aller à l'encontre du principe de la neutralité d'InternetNote de bas de page 28.

3.5 Recherches supplémentaires

Les recherches menées ou commandées antérieurement par le gouvernement ont également contribué à l'examen de ces questions. L'importance de ces questions a d'ailleurs été confirmée dans une étude de 2019 commandée par le ministère du Patrimoine canadienNote de bas de page 29 et une étude de 2018 commandée par le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économiqueNote de bas de page 30. Ces études ont permis de conclure que la diffusion continue en ligne représente désormais le principal mode de consommation de médias utilisé par les Canadiens. De plus, les études de 2019 et de 2017 de Statistique CanadaNote de bas de page 31 révèlent que la diffusion en continu a stimulé la croissance de l'industrie canadienne de la musique au cours des dernières années. Cependant, l'étude de 2019 semble valider les affirmations de nombreux titulaires de droits, selon lesquelles ils arrivent difficilement à vivre des revenus qu'ils tirent de la diffusion continue. Selon l'étude, l'écart manifeste au niveau de la rémunération versée par les différents services de diffusion en continu pourrait en être une des causes. Par exemple, au cours de la période visée par l'étude, il a été constaté que Spotify et Apple Music comptaient pour 39 % du volume de diffusions au Canada, mais totalisaient 74 % des paiements aux titulaires de droits, tandis que YouTube générait 49 % du volume de diffusions, mais totalisait seulement 7 % des paiements aux titulaires de droits. L'étude indique également que les paiements aux détenteurs de droits versés par diffusion étaient, pour YouTube, plus de 12 fois inférieurs à ceux du service payant le plus comparable.

4. Options de réforme possibles

Compte tenu de la nature diversifiée de ces questions, il pourrait être nécessaire de coordonner la modification de différents aspects du cadre du droit d'auteur du Canada, de manière à produire des effets concrets. Par conséquent, le gouvernement a élaboré plusieurs options aux fins d'examen par les intervenants et le grand public. Ces options sont indépendantes les unes des autres, mais pourraient être combinées de diverses façons.

À l'heure actuelle, il n'est pas envisagé d'apporter des changements importants au modèle de responsabilité de base des intermédiaires (p. ex. la responsabilité explicite lors de la fourniture de services principalement en vue de faciliter l'accomplissement d'actes qui constituent une violation, et la limitation appropriée des règles d'exonération sans imposer une obligation « anti-réapparition » ou « d'avis et de retrait »). En fait, ce modèle est l'un des fondements du cadre canadien que le gouvernement s'est efforcé de maintenir jusqu'à aujourd'hui, y compris dans le cadre de ses engagements internationauxNote de bas de page 32. Le maintien de ce modèle de base est également conforme aux recommandations formulées par les comités au cours de l'examen parlementaire de la Loi.

4.1 Clarifier les exonérations prévues pour les intermédiaires

Parmi les options possibles figure la clarification des conditions ou des obligations relatives à l'exonération. Ces clarifications pourraient offrir une protection accrue et encourageraient l'utilisation du contenu en ligne couvert par le droit d'auteur, dans la mesure où elles obligeraient les intermédiaires à faire preuve d'une vigilance accrue à l'égard des violations potentielles facilitées par leurs services. En outre, elles pourraient inciter davantage les intermédiaires non visés par une exonération à conclure des contrats de licence équitables avec les détenteurs de droits pour l'utilisation de leur contenu par ces services intermédiaires. Étant donné qu'un bon nombre des clarifications exposées ci-dessous ont déjà été apportées dans d'autres pays et territoires, il se peut que certains grands intermédiaires aient maintenant rectifié leurs pratiques en conséquence. Néanmoins, il pourrait être utile de fournir des précisions sur ces questions dans le contexte canadien et de synchroniser ces aspects du cadre canadien avec nos pairs à l'étranger dans la mesure appropriée. Ces clarifications pourraient également favoriser d'autres changements possibles, qui sont décrits ci-après de façon plus détaillée.

4.1.1 Revoir le critère de connaissance aux fins d'exonération

Le gouvernement pourrait envisager d'ajuster le degré de connaissance que doit posséder l'intermédiaire quant à l'utilisation de ses services en violation du droit d'auteur afin d'être exclu de la protection visée par une exonération. Présentement, la Loi prévoit un critère de connaissance uniquement pour l'exonération relative au « stockage » et non pas pour les exonérations à titre de « simple canal de diffusion » et pour « mise en antémémoire ». Plus précisément, l'exonération touchant le« stockage » ne s'applique pas dans les cas où les hébergeurs prennent connaissance qu'un tribunal a rendu une décision selon laquelle la personne qui a stocké du contenu sur leur mémoire numérique viole le droit d'auteur du fait de la reproduction du contenu ou en raison de la manière dont elle l'utiliseNote de bas de page 33. Ce critère pourrait également être modifié en vue d'inclure des conditions élargies pour la prise de connaissance, de façon à amener les intermédiaires à prêter une attention accrue aux violations potentielles facilitées par leurs services, y compris à celles qui ne font pas nécessairement l'objet de poursuites judiciaires. Par exemple, il serait possible de préciser que l'exonération ne s'applique pas lorsque l'hébergeur prend effectivement connaissance que sa mémoire numérique a été utilisée pour commettre une violation ou lorsqu'il prend connaissance de faits ou de circonstances rendant manifeste un tel acteNote de bas de page 34. De plus, la Loi pourrait préciser que l'intermédiaire sera réputé avoir pris effectivement connaissance d'une violation suivant la réception d'un avis de prétendue violation (p. ex. en vertu du régime d'« avis et avis » ou au moyen d'un des mécanismes décrits ci-aprèsNote de bas de page 35) ou l'obtention des résultats de sa propre enquêteNote de bas de page 36. Il serait aussi possible de clarifier que l'intermédiaire sera considéré comme ayant pris connaissance d'une violation par interprétation lorsqu'il aurait raisonnablement dû être au courant d'un tel acte compte tenu des circonstances. Pour protéger les intermédiaires, la Loi pourrait en outre préciser que les hébergeurs n'ont pas pour obligation générale de surveiller la totalité ou la quasi-totalité des données de leurs utilisateurs afin de prévenir ou d'empêcher toute violation futureNote de bas de page 37. Cette mesure de protection n'écarterait toutefois pas la possibilité que les tribunaux accordent des injonctions aux intermédiaires dans le but de prévenir ou d'empêcher certaines violations. Ces différentes clarifications pourraient viser uniquement l'exonération pour le « stockage », conformément à la structure actuelle de la Loi, ou être également étendues à l'exonération à titre de « simple canal de diffusion » ou à l'exonération relative à la « mise en antémémoire ».

4.1.2 Clarifier le rôle que peuvent jouer les intermédiaires exonérés de responsabilité

Le gouvernement pourrait clarifier qu'une ou plusieurs des exonérations s'appliquent uniquement dans les cas où l'intermédiaire adopte une approche neutre à l'égard du contenu protégé par le droit d'auteur. À l'heure actuelle, les règles d'exonération semblent respecter ce principe, dans la mesure où elles stipulent que quiconque fournit des services à titre de « simple canal de diffusion » ne viole pas le droit d'auteur « du fait qu'[il] fournit ces moyens » ou que quiconque fournit des services de « mise en antémémoire » ou de « stockage » ne porte pas atteinte au droit d'auteur « du fait qu'[il] accomplit un tel acte »Note de bas de page 38. Cependant, il serait possible de clarifier ce principe en codifiant que, pour être protégé, l'intermédiaire doit se limiter à la fourniture de services purement techniques et automatisés et ne peut jouer un rôle actif dans l'activité attentatoire. Cette clarification pourrait permettre de s'assurer que la responsabilité des intermédiaires est proportionnelle à leurs activités et, par le fait même, d'encourager tout intermédiaire qui joue un rôle actif à conclure des contrats de licence équitables avec les titulaires de droits en vue d'utiliser leur contenu dans le cadre de ses services. De plus, la Loi pourrait établir des critères explicites afin de déterminer ce qui constitue un rôle actif. Entre autres l'optimisation de la présentation du contenu ou la promotion de celui-ci (p. ex. le classement de contenu par genre ou par style, la création et la recommandation de listes de lecture, ou l'inclusion de fonctions de « lecture automatique » ou de « remplissage automatique »). Toutefois, ces critères devront être définis rigoureusement, de manière à ne pas inclure les efforts élémentaires visant à optimiser l'expérience de l'utilisateur. Au nombre des critères pourrait également figurer la possibilité d'exercer le contrôle sur le contenu ou l'activité, y compris la responsabilité éditoriale ou la rémunération du principal responsable de la violation à cet effetNote de bas de page 39.

De même, il serait possible de clarifier qu'une ou plusieurs des exonérations s'appliquent uniquement dans les cas où l'intermédiaire n'a aucun intérêt financier dans l'activité attentatoire. La Loi ne comporte aucune condition de cette nature. Même si la Loi contient une autre disposition qui établit la responsabilité de tout intermédiaire qui fournit un service « principalement en vue de faciliter l'accomplissement d'actes qui constituent une violation du droit d'auteur » (italique ajouté)Note de bas de page 40, cette condition n'inclut pas nécessairement tous les intermédiaires qui tirent un avantage financier de la violation. Il serait possible de préciser que, pour être protégé, l'intermédiaire ne peut recevoir aucun avantage financier découlant directement de l'activité attentatoireNote de bas de page 41. Cette modification pourrait permettre d'expliciter le lien entre la responsabilité des intermédiaires et les activités, et pourrait inciter ainsi les intermédiaires qui disposent d'un tel modèle opérationnel à conclure des contrats de licence qui prévoient un partage équitable de ces avantages avec les détenteurs de droits.

4.1.3 Adopter de nouvelles obligations pour les intermédiaires admissibles

Des obligations supplémentaires pourraient être promulguées à l'égard des intermédiaires, sous forme de conditions pour bénéficier des règles d'exonération ou de mesures indépendantes, pour combattre et décourager toute violation des droits d'auteur effectuée par l'entremise de leurs services. Ces obligations pourraient également prévenir bien des litiges inutiles en privilégiant des solutions privées adaptées aux causes individuelles. Elles pourraient se traduire par l'un des mécanismes présentés ci-après, qui devront être consignés de façon compréhensive et accessible.

  1. Mécanismes d'avis et d'intervention : Les intermédiaires pourraient devoir mettre en vigueur des mécanismes autorisant les particuliers à les aviser des infractions prétendument perpétrées par l'entremise de leurs services et pour lesquels ils doivent intervenir, s'ils jugent que cela serait justifié. Pour ce faire, une diversité de mesures s'offre à eux : interdire l'accès au contenu visé, le retirer ou autrement empêcher ou interrompre l'activité attentatoire; offrir de rémunérer le plaignant pour l'utilisation en cause; ou limiter, suspendre ou cesser la prestation des services de l'intermédiaire au contrevenant présumé. En tous les cas, la décision dans une affaire doit être prise en vertu du jugement de l'intermédiaire plutôt que de la Loi, contrairement à ce qui a cours dans le cadre d'un système d'obligation « d'avis et de retrait » ou d'obligation « anti-réapparition ». En outre, la décision ne limiterait pas les options du plaignant s'il entreprend d'autres actions en justice, comme des arguments juridiques ou des ordonnances du tribunal contraignant l'intermédiaire à intervenir. Les avis menant à de telles actions peuvent être similaires à celles émises dans le cadre du régime d'avis et avis ou être autrement conformes aux exigences de format et de contenu. À la réception de l'avis, l'intermédiaire pourrait avoir l'obligation de communiquer sa décision et un exposé de ses motifs avec le plaignant. L'intermédiaire pourrait également avoir l'obligation de prendre une décision et de la communiquer sans délai, conformément à certaines normes de service, en tout état de cause, pour certains plaignants reconnus comme des sources fiables à la suite d'un processus transparent. L'intermédiaire devra possiblement informer le contrevenant présumé de l'avis et présenter à toutes les parties l'occasion de réfuter les allégations, en plus de leur présenter les autres possibilités de recoursNote de bas de page 42.
  2. Mécanismes pour les contrevenants récidivistes présumés : Les intermédiaires pourraient être tenus de mettre en œuvre des mécanismes d'action à l'encontre de leurs utilisateurs présumés être des contrevenants récidivistes, par l'entremise du mécanisme dont il a été fait mention ci-dessus ou du régime d'avis et avis. Les conséquences possibles du manquement à l'obligation pourraient comprendre la suspension ou la résiliation de la prestation des services de l'intermédiaire au contrevenant présuméNote de bas de page 43. Or, encore une fois, la décision dans une affaire sera prise en vertu du jugement de l'intermédiaire plutôt que de la Loi et ne limitera pas les options du plaignant s'il entreprend d'autres actions en justice, comme des arguments juridiques ou des ordonnances de la cour contraignant l'intermédiaire à intervenir. De tels mécanismes pourraient également présupposer un règlement des différends, comme décrit ci-dessus.

Nonobstant les avantages escomptés de ces mécanismes, ils pourraient également présenter des défis pour certains intermédiaires étant donné le volume potentiel de notifications qu'ils pourraient recevoir et les mesures qu'ils pourraient prendre en réponse. D'autres garanties pourraient être consenties pour alléger le fardeau des intermédiaires et ainsi favoriser l'investissement, l'innovation et la concurrence dans le domaine des services en ligne. En outre, il pourrait être clairement stipulé que ces obligations n'assujettissent pas les intermédiaires à prendre de façon proactive des mesures pour prévenir ou empêcher toute violation, en faisant, par exemple, un suivi de l'ensemble ou de la majorité des données sur leurs utilisateurs. Il pourrait également être précisé que le simple fait qu'un intermédiaire adopte une telle mesure pour se conformer à la loi ne l'exempte pas des autres règles d'exonération applicables. Ces précisions viendraient consolider la sécurité juridique et éviteraient de décourager les initiatives de lutte contre la violation du droit d'auteur prises de façon volontaire et de bonne foiNote de bas de page 44. Dans le même ordre d'idées, il pourrait être précisé qu'un intermédiaire ne serait pas responsable des dommages résultant des mesures de désactivation de l'accès en ligne ou de retrait du contenu prises de bonne foi dans le cadre de ces régimesNote de bas de page 45. Enfin, ces obligations pourraient être limitées à certains intermédiaires, comme les instances d'une certaine envergure, ayant un certain niveau de revenus ou de volume d'utilisateurs ou offrant leurs services en vue d'en retirer un profit.

D'autres mesures de protection peuvent également être envisagées pour prévenir tout abus de ces régimes. Par exemple, il pourrait être prévu que quiconque, en connaissance de cause, fait une fausse déclaration sur le caractère illicite d'un contenu ou d'une activité facilité par un intermédiaire constitue une violation s'expose à des sanctions. De même, il pourrait être prévu que quiconque, en connaissance de cause, fait une fausse déclaration selon laquelle un intermédiaire a agi par erreur relativement à un contenu ou à une activité pourrait également s'exposer à des sanctions. Ces sanctions pourraient comprendre des dommages et intérêts pour toute personne ayant subi un préjudice du fait que l'intermédiaire s'est fié sur cette déclaration. De plus, ou subsidiairement, les sanctions pourraient comprendre la suspension ou la résiliation de la prestation des services à la personne à l'origine de la fausse déclaration, y compris, le cas échéant, l'offre de services principale de l'intermédiaire ou la possibilité de présenter un avis d'infraction présumée. Le degré de connaissance requis pour faire de fausses déclarations pourrait être la connaissance réelle de la nature mensongère de la déclaration ou, en l'absence d'une telle connaissance, la détermination qu'il aurait été raisonnablement évident pour un profane que la déclaration était fausseNote de bas de page 46.

4.2 Exiger une rémunération par l'entremise d'un régime de licences collectives

Une autre option possible serait de tirer parti du cadre canadien sur la gestion des droits collectifs en instaurant un nouveau régime de licences collectives pour les titulaires de droits et leurs intermédiaires.

  1. Régime de licence obligatoire : Certains intermédiaires pourraient être autorisés à héberger des téléversements incorporant le contenu d'un détenteur de droits sans avoir à obtenir la permission de ce dernier en échange du paiement de redevances. Plus précisément, ces intermédiaires seraient tenus de le payer pour les utilisations du contenu qui est hébergé sur leurs plateformes et assujetti au droit d'auteur, mais qui n'est pas admissible à des moyens de défense contre la violation du droit d'auteur qui écarterait l'obligation de payer (p. ex. les exceptions). Ce régime pourrait être limité à certaines catégories de contenu (p. ex. contenu musical ou audiovisuel). La détermination, la perception et la répartition des redevances pourraient être une responsabilité incombant à une ou plusieurs sociétés de gestion, choisie par les titulaires de droits ou désignée par la Loi ou ses règlements.
  2. Régime de licences collectives étendues : Dans un domaine où les titulaires de droits sont représentés par une société de gestion à partir d'un certain seuil (p. ex. pour la reproduction de leurs œuvres musicales), certains intermédiaires pourraient être tenus d'obtenir l'autorisation de ces détenteurs de droits pour héberger leur contenu (p. ex. téléversements comprenant des copies de leurs œuvres musicales). Si ce seuil n'est pas respecté, les intermédiaires ne seraient pas assujettis à de telles obligations. De cette façon, les domaines englobés par le régime seront déterminés automatiquement. La société de gestion d'un domaine désigné pourrait être choisie par les titulaires de droits ou désignée par la Loi ou ses règlements et accréditée par la Commission du droit d'auteur (la Commission). Le seuil de représentation pour les titulaires d'une société de gestion pourrait également être désigné par la Loi ou ses règlements ou fixé par la Commission. Tous les titulaires de droits d'un domaine qui satisfont à ce seuil seront réputés être représentés par la société de gestion applicable. Ils seront néanmoins autorisés à se retirer, mais, ce faisant, ne seront pas habilités à intenter une action pour violation du droit d'auteur pour les types d'utilisation qui sont du ressort de la société de gestion.

Certaines caractéristiques pourraient être communes aux deux régimes. Chacun pourrait restreindre, dans une certaine mesure, les règles d'exonération applicables aux intermédiaires pour établir un fondement juridique solide aux obligations de paiement de redevances pour les utilisations pertinentes qui incombent aux intermédiairesNote de bas de page 47. De même, les redevances et les modalités afférentes pourraient être négociées directement par les sociétés de gestion et les intermédiaires ou, si les négociations échouent, établies sous forme de tarifs ou de licences individuelles par la Commission. Il pourrait également être stipulé que la limitation de responsabilité des intermédiaires en vertu de l'un des régimes s'étendrait à leurs utilisateurs qui accomplissent de fait les activités en cause. L'élargissement de la protection pourrait être limité à certains types d'utilisateurs, ceux qui n'accomplissent pas les activités à des fins commerciales, par exempleNote de bas de page 48.

Cette option pourrait se limiter à certains types d'intermédiaires de stockage pour éviter qu'elle n'impose un fardeau injuste ou ne bride la croissance économique. Elle pourrait, par exemple, s'appliquer uniquement aux services qui stockent le contenu protégé par le droit d'auteur téléchargé par leurs utilisateurs et qui en donnent accès à la population ou encore aux intermédiaires qui fournissent ces services en vue d'en tirer un profit ou, au contraire, exclure les intermédiaires qui les offrent dans un but non lucratif. Elle pourrait en outre s'appliquer uniquement aux intermédiaires d'une certaine envergure, c'est-à-dire ayant un certain revenu et volume d'utilisateursNote de bas de page 49.

Cette option pourrait présenter une multitude d'avantages. Premièrement, elle pourrait garantir que les titulaires de droits sont justement rémunérés en échange de l'utilisation de leur contenu protégé par le droit d'auteur sur les plateformes des intermédiaires et ainsi, permettre de surmonter certaines difficultés liées à l'application en ligne de la Loi. Deuxièmement, elle pourrait augmenter les retombées du système de gestion collective du Canada dans l'environnement en ligne où une quantité croissante de contenu protégé par le droit d'auteur est créé et diffusé, garantissant par le fait même une efficacité accrue aux intermédiaires et aux titulaires de droits. D'un côté, les intermédiaires n'auraient pas à négocier directement avec les titulaires de droits ou à gérer une quantité astronomique de plaintes individuelles pour violation du droit d'auteur. De l'autre côté, les titulaires de droits éviteraient d'avoir à demander une rémunération aux utilisateurs qui téléversent leur contenu, possiblement illégalement, ou encore de faire appliquer la loi à leur encontre, et de négocier avec chaque intermédiaire impliqué de façon distincte. Troisièmement, cette option limiterait le coût initial d'observation des petites ou nouvelles entreprises intermédiaires, dont les paiements de redevances seraient proportionnellement moins élevés ou avoisineraient même le zéro, selon les autres contraintes éventuelles. Tous les intermédiaires admissibles pourraient également éviter le recours au système de retrait ou d'anti-réapparition, ce qui implique en soi une foule de difficultés inhérentesNote de bas de page 50. Bien que cette option puisse augmenter les coûts de fonctionnement pour certains intermédiaires, le changement ainsi apporté pourrait être justifié dans les circonstances et, de toute façon, consoliderait la sécurité juridique dont ils ont besoin pour mener des activités novatrices de façon confiante et rentable au pays. Les intermédiaires et leurs utilisateurs pourraient en particulier bénéficier d'une plus grande sécurité juridique dans l'un ou l'autre des régimes de licences collectives. Le régime de licences collectives étendues, en particulier, pourrait apporter une sécurité juridique étant donné son champ d'application intrinsèquement plus grand dans un domaine donné, comme ces modèles le permettent dans les autres pays qui les ont adoptés.

4.3 Transparence accrue en matière de rémunération

Une autre réforme possible serait d'accroître la transparence en matière d'utilisation en ligne du contenu des titulaires de droits et de la rémunération qu'ils perçoivent. Cette transparence pourrait renforcer l'équité de la rémunération en dotant les titulaires de droits des renseignements dont ils ont besoin pour négocier efficacement avec les intermédiaires concernés et pour s'assurer que le montant de leur rémunération est approprié. Il serait pertinent de s'attarder à cet égard sur deux entités principales : les intermédiaires et les organismes de gestion des droits (c.-à-d. les sociétés de gestion). De même, il faudrait évaluer si ces options influent sur la capacité de ces entités à protéger leurs renseignements commerciaux pour qu'ils demeurent concurrentiels dans leur domaine respectif et que leur droit et ceux de leurs utilisateurs au respect de la vie privée soient reconnus.

4.3.1 Transparence accrue des intermédiaires

Les obligations de transparence dans l'utilisation du contenu des titulaires de droit facilité par les services des intermédiaires ainsi que dans les mesures ou les interventions de paye qu'ils adoptent à l'égard de cette utilisation pourraient être clarifiées ou renforcées. Par exemple, il pourrait être utile d'exiger à certains intermédiaires qu'ils consignent et divulguent les renseignements suivants :

  1. l'utilisation du contenu des titulaires de droits sur leur plateforme, notamment le nombre de téléversements incorporant ce contenu et le nombre de vues et d'écoutes;
  2. la méthode de calcul et de versement de la rémunération touchée par les titulaires de droits en contrepartie de l'utilisation de leur contenu sur les plateformes des intermédiaires;
  3. le mode de promotion de certains contenus auprès des utilisateurs des services des intermédiaires, notamment le rôle de la prise de décisions automatisée et humaine dans ces processus;
  4. les procédures, les mesures et les outils auxquels ont recours les intermédiaires pour intervenir lors des cas probables de violation du droit d'auteur par leurs services, ainsi que les politiques guidant l'utilisation de ces mécanismes, notamment le rôle de la prise de décisions automatisée et humaine dans ces mécanismes;
  5. le détail des interventions des intermédiaires dans les cas probables de violation du droit d'auteur par leurs services, notamment la quantité, la nature et le résultat des mesures prises à la suite d'une ordonnance du tribunal, comme un avis d'action, un recours contre les contrevenants récidivistes présumés, un régime d'avis et avis ou une initiative propre à l'intermédiaire Note de bas de page 51.

Comme il a déjà été mentionné, ces obligations pourraient viser certains intermédiaires seulement, comme les plateformes de partage de contenu public. Ces obligations pourraient même être limitées à des sous-groupes d'intermédiaires, comme ceux d'une certaine envergure, ayant un certain niveau de revenus ou de volume d'utilisateurs, offrant leurs services en vue d'en retirer un profit ou ayant conclu une entente de licence ou de rémunération avec le titulaire de droits.

Le moyen par lequel ces renseignements pourraient être divulgués doit également être connu. Les renseignements propres à certains titulaires de droits, par exemple, pourraient être exclusifs à ces personnes et à leurs représentants, et ne pourraient être obtenus que sur demande ou lors de la consultation de rapports. Cependant, les renseignements de nature plus générale pourraient plutôt être transmis au moyen de rapports périodiques à un organisme tiers indépendant, comme la Commission. Or, si la responsabilité d'une surveillance générale incombe à la Commission, la portée de son rôle s'en trouverait élargie, ce qui pourrait se traduire par la nécessité de modifier de nouveau son cadre légal et opérationnel.

4.3.2 Transparence accrue des organismes de gestion des droits

Certaines exigences en matières de rapport pour les organismes de gestion des droits pourraient également être envisagées, de manière générale ou en relation avec les options présentées à la section 4.2. Par exemple, les sociétés de gestion pourraient être tenues de fournir aux titulaires de droits des renseignements précis sur l'utilisation de contenu attirant des redevances ainsi que leurs méthodes pour collecter et verser lesdites redevances. Elles pourraient également devoir fournir des renseignements de nature générale, comme les détails sur leur répertoire ou les licences d'utilisation du contenu protégé par le droit d'auteur. Il importe de souligner ici que certaines sociétés communiquent probablement déjà ces renseignements à leurs membres. Comme pour les propositions d'obligations en matière de transparence pour les intermédiaires, ces renseignements pourraient être diffusés sur demande ou au moyen de rapports périodiques aux titulaires de droits concernés ou à un organisme tiers indépendant, comme la CommissionNote de bas de page 52. De même, cette obligation entraînerait également une modification du cadre légal et opérationnel de la Commission.

4.4 Clarifier ou renforcer les outils d'application de la Loi pour lutter contre la violation du droit d'auteur en ligne

Une autre série d'options serait de clarifier ou de renforcer les outils dont disposent les titulaires de droits pour faire appliquer la Loi en ligne et ainsi mieux protéger et stimuler l'utilisation en ligne du contenu protégé par le droit d'auteur. Ces changements pourraient pallier les lacunes du cadre environnant, notamment les autres changements proposés dans le présent document, renforçant les efforts des titulaires de droits à l'égard de la rémunération et de la dissuasion contre la violation du droit d'auteur. La priorité du gouvernement est la violation à caractère commercial plutôt que l'atteinte aux droits par des particuliers qui ne comprennent possiblement pas le caractère illicite de leurs activités.

4.4.1 Établir un fondement législatif et une procédure statutaire pour les injonctions contre les intermédiaires

La Loi pourrait être modifiée de façon à autoriser expressément les injonctions contre les intermédiaires pour prévenir ou empêcher la violation du droit d'auteur en ligne facilitée par leurs services, même s'ils n'en sont pas eux-mêmes responsables, comme c'est le cas lorsqu'ils appliquent une règle d'exonération de responsabilité. D'ailleurs, pour satisfaire aux plus hautes normes d'équité procédurale, ces injonctions sont obtenues dans le cadre d'un processus judiciaire. Parmi les recours possibles au moyen d'injonctions, notons les ordonnances visant à désactiver l'accès au contenu en violation du droit d'auteur (p. ex. ordonnance de « blocage de site Web », ou de « désindexation »), à retirer le contenu (obligation « de retrait »), à prévenir ou à faire cesser l'activité attentatoire (obligation « de blocage ») ou à limiter, à suspendre ou à résilier l'accès aux services d'un intermédiaireNote de bas de page 53 . Ces ordonnances ne s'appliqueraient que dans certains cas de violation et n'imposeraient aucune obligation de faire une surveillance des cas d'atteinte potentielle au droit d'auteur dans son ensemble.

Il pourrait être précisé que ces ordonnances seraient possibles dans certains cas sans qu'il soit nécessaire d'avoir préalablement obtenu un jugement direct contre le contrevenant présumé ou de l'ajouté comme partie à l'instance. Obtenir un jugement contre des contrevenants du droit d'auteur à des fins commerciales peut soulever une panoplie de problèmes uniques en leur genre. L'anonymat et la présence à l'étranger de la plupart de ces instances aggravent les problèmes habituels liés au temps, aux coûts et à l'incertitude des procédures en contrefaçon, parfois au point d'obtenir un jugement par défaut ou d'accélérer le processus judiciaire. Néanmoins, un contrevenant présumé pourrait être autorisé à participer aux procédures à titre de partie demanderesse. Il pourrait être pertinent, comme mesure de protection supplémentaire, de préciser qu'un titulaire de droits peut uniquement renoncer à obtenir un jugement directement contre un contrevenant présumé s'il a fait une tentative de bonne foi, mais vaine, d'identifier le contrevenant présumé et de mettre fin à l'activité attentatoire.

Le pouvoir discrétionnaire du tribunal de prononcer une injonction pourrait faire l'objet d'autres conditions établies par les lois ou les règlements. Ces conditions exigeraient une pondération des droits et des intérêts du titulaire de droits, de l'intermédiaire, du contrevenant présumé et du public. Ainsi, le régime améliorerait l'équilibre entre les objectifs stratégiques et les priorités du cadre canadien du droit d'auteur pour les intermédiaires en ligne. Par exemple, en vertu de la jurisprudence canadienne et du modèle d'autres compétences,Note de bas de page 54 un titulaire de droit pourrait être tenu de démontrer les conditions ci-après :

  1. atteinte prima facie au droit : la preuve déposée en première instance prouve amplement qu'il y a eu atteinte au droit d'auteur du titulaire;
  2. préavis : l'intermédiaire a été informé de la violation du droit d'auteur;
  3. faisabilité technique : l'intermédiaire sera en mesure d'effectuer le redressement demandé;
  4. préjudice irréparable : le titulaire de droit subirait un préjudice irréparable si l'injonction n'est pas accordée (p. ex. le titulaire de droit subirait des pertes qui ne seraient pas facilement quantifiables ou indemnisables dans les circonstances ou, au contraire, il choisirait des méthodes moins onéreuses pour sanctionner la violation, mais elles ne seraient que peu ou aucunement efficaces);
  5. efficacité : l'injonction servirait à prévenir ou à empêcher la violation ou, encore, à rendre l'activité attentatoire plus difficile à perpétrer ou le contenu en violation du droit d'auteur plus difficile à accéder, en vertu de son incidence sur le comportement du contrevenant présumé et des utilisateurs;
  6. coûts et complexité : les coûts et la complexité de la mise en œuvre de la stratégie de redressement demandé n'alourdiront pas indûment le fardeau de l'intermédiaire ou ses services licites;
  7. incidence sur les utilisateurs : le redressement demandé n'influe pas indûment sur la liberté d'expression ou la capacité des utilisateurs d'accéder ou de créer légalement du contenu;
  8. mesures de protection : le redressement demandé comprend des mesures de protection contre les abus possibles, comme des mesures pour garantir que le contenu licite ne soit pas touché.

Ce régime pourrait limiter davantage la portée de ces injonctions à la lumière de certains arguments des intermédiaires. Par exemple, un tribunal pourrait limiter la demande d'injonction d'un intermédiaire en raison de la nature extraterritoriale de l'Internet, s'il a été établi que d'appliquer la loi en aurait violé d'autres du ressort où elles doivent être menées.

Il pourrait être justifié de prévoir un recours en ce sens dans la législation. Cependant, il y a déjà un fondement juridique à de telles ordonnances. Comme il a été mentionné ci-dessus, les tribunaux canadiens compétents ont récemment rendu des ordonnances dans des cas de « blocage de site Web » par des FSI ou de « désindexation » par les moteurs de recherche. De plus, comme les tribunaux l'ont signalé dans ces affaires, il existe un précédent pour l'enrôlement de tiers pour l'application des droits de particuliersNote de bas de page 55. Néanmoins, prévoir ce recours dans la loi éviterait des litiges inutiles aux parties intéressées en précisant de façon proactive les autres genres d'affaires pour lesquelles ces recours seraient accessibles, les procédures vis-à-vis des contrevenants présumés et les mesures de protection qui s'imposent. Ce régime législatif pourrait limiter l'utilisation de poursuites en incitant les intermédiaires, les titulaires de droits et les tiers à collaborer à l'encadrement convenable du traitement des allégations de violations du droit d'auteur perpétrées par les services des intermédiaires. Le risque de litige serait encore plus négligeable si cette méthode était adoptée de pair avec une autre option détaillée dans le présent document.

4.4.2 Clarifier ou renforcer les outils d'application de la Loi pour lutter contre la violation du droit d'auteur en ligne

D'autres outils de lutte contre la violation du droit d'auteur en ligne pourraient également être clarifiés ou renforcés. Pour ce faire, l'une des solutions pourrait être d'alléger le fardeau de la preuve qui repose sur les épaules du plaignant cherchant à démontrer qu'un tiers offre des services de réseau en ligne, ou ailleurs, dans le but principal de faciliter la violation du droit d'auteur. Actuellement, la Loi énonce un certain nombre de facteurs pour déterminer si une personne a commis une violation du droit d'auteur de cette façon y compris, si elle savait que le service était utilisé pour faciliter l'accomplissement d'un nombre important de ces actes illicites. Le degré de connaissances dont doit disposer la personne à l'égard d'une telle utilisation du service pourrait être indiqué ou précisé en vertu des options présentées ci-dessus par rapport aux règles d'exonérationNote de bas de page 56. Une autre option serait de modifier certaines infractions criminelles à la Loi pour garantir leur neutralité sur le plan technologique, de façon à ce qu'elles englobent la prestation de services de diffusion en continu à des fins commerciales, mais qu'elles ne judiciarisent pas indûment les utilisateursNote de bas de page 57 . On pourrait également envisager des mesures pour faciliter l'accès des titulaires de droits ou des particuliers à des outils de garantie de leurs droitsNote de bas de page 58.

5. Conclusion

Le gouvernement accueille favorablement tous les commentaires apportant des perspectives ou des éléments de preuve supplémentaires sur ces enjeux et les mesures potentielles à adopter, selon le cas. Ces commentaires peuvent prendre la forme de réaction aux options de réforme proposées ou encore de propositions d'options ou de preuves supplémentaires sur les questions sous-jacentes (p. ex. l'apparente disparité entre la croissance de l'industrie canadienne de la musique et la rémunération des titulaires de droit d'auteur du Canada). Vous pouvez envoyer vos commentaires par courriel à copyright-consultation-droitdauteur@canada.ca jusqu'au 31 mai 2021. Les commentaires reçus seront rendus publics une fois la consultation terminée.

Annexe A : Point de vue des parties prenantes

Problèmes liés à la rémunération des titulaires de droit

Le système de rémunération des titulaires de droits pour l'utilisation de leur contenu sur les plateformes des intermédiaires est varié et surtout, complexe. Lorsque leurs activités protégées par le droit d'auteur outrepassent la portée des mesures de protection ou les cas d'exception prévue par la Loi (p. ex. les services de diffusion de musique en continu payants), les intermédiaires doivent demander l'autorisation aux titulaires de droit de faire usage du droit d'auteur. Cette autorisation est habituellement accordée par l'octroi d'une licence qui fixe notamment les modalités de paiement des redevances, ce qui peut être négocié directement avec le titulaire des droits ou fixé par la Commission. Toutefois, dans certains cas, la ligne est mince entre le caractère passif et actif de ce rôle, et par conséquent la portée de la protection juridique reste donc une notion floue, particulièrement pour les services de partage de contenu public. Vu l'incertitude ainsi créée, plusieurs plateformes ont décidé de conclure des accords de rémunération avec certains titulaires de droits pour le téléversement de matériel incorporant leur contenu, tout en réclamant la protection des règles d'exonération de responsabilitéNote de bas de page 59 .

La disponibilité et le montant de la rémunération des services de partage de contenu public sont deux sujets controversés. De nombreux titulaires de droits ont fait valoir que ces services ont tiré parti des règles d'exonération de responsabilité ou de l'incertitude qui en découlent pour éviter de verser une rémunération convenable en contrepartie de l'utilisation du contenu des titulaires de droits sur leurs plateformes. Les titulaires de droits musicaux, plus particulièrement, ont soutenu que cette situation a dissuadé ces services de conclure des contrats de licence, et encore plus de verser des redevances comparables à celles payées par les services qui ne profitent pas de telles protectionsNote de bas de page 60. Ils ont également mentionné qu'ils n'ont pas le pouvoir de négociation nécessaire pour faire augmenter ces montants en raison du manque de transparence dans les calculs. En revanche, les intermédiaires et d'autres tiers ont fourni des données révélant que l'industrie de la musique canadienne a connu une croissance considérable au cours des dernières années, malgré les allégations de rémunération insuffisante. Ils ont également répliqué que les montants versés en échange des téléchargements des utilisateurs reflètent la juste valeur marchande du contenu dans le contexte de plateformes gratuites, financées par la publicité, qui servent à des fins promotionnelles et qui ne sont généralement que peu, voire aucunement, rentables. Ils ont suggéré que les lacunes dans la rémunération des titulaires de droits étaient imputables à d'autres enjeux, comme le versement des redevances par les sociétés de gestion ou les tendances du marché à délaisser les sources de revenus plus lucratives. En tous les cas, à l'heure actuelle, il n'existe pas d'ententes de rémunération pour chaque service de partage de contenu public; elles semblent être conclues uniquement dans l'industrie de la musique.

Problèmes en matière d'application de la loi en ligne

Le modèle canadien d'application du droit d'auteur se fonde généralement sur les interventions et le suivi des titulaires de droits. Comme il a été mentionné précédemmentNote de bas de page 61, le rôle des intermédiaires en matière d'application de la loi en ligne se limite aux obligations visant à transmettre les avis de prétendue violation, à conserver l'information relative à ces activités, à se conformer aux ordonnances judiciaires et à faire preuve de vigilance à l'égard de leur couverture de responsabilité restreinte. Plusieurs services de partage de contenu public ont néanmoins adopté des procédures de lutte contre la violation du droit d'auteur leur permettant de retirer le contenu portant prétendument atteinte au droit d'auteur, d'en limiter l'accès ou d'empêcher toute prétendue violation dès qu'ils reçoivent un avis du titulaire de droitsNote de bas de page 62. Plusieurs emploient également des technologies pour détecter de possibles violations du droit d'auteur sur leurs plateformes afin d'enclencher ces procédures. Selon toute vraisemblance, ces intermédiaires auraient mis en œuvre ces mesures pour respecter les lois d'autres ressorts, comme il a été mentionné précédemmentNote de bas de page 63.

Le modèle d'application de la loi en ligne est sujet à controverse. Plusieurs titulaires de droits et leurs avocats ont soutenu qu'il serait plus juste et efficace d'imposer des obligations supérieures aux intermédiaires pour prévenir ou empêcher les violations par l'entremise de leurs services. Ils ont fait valoir qu'une telle entente serait justifiée en raison du recours massif au contenu en ligne, du contrôle très relatif dont dispose les intermédiaires en leur qualité de gardiens des droits, de l'écart important dans le niveau des ressources à la disposition des intermédiaires et des titulaires de droits et du rôle actif que jouent bon nombre d'intermédiaires dans la diffusion et l'utilisation de contenu en ligne. Ils ont également mentionné que les mesures de lutte contre la violation du droit d'auteur de certains services sont inefficaces et, de toute façon, ne sont pas accessibles de façon uniforme par les plateformes et pour les titulaires de droits qui ne jouent pas un rôle actif dans l'industrie de la musique. À l'inverse, certains intermédiaires ont fait part de leurs efforts pour appliquer et améliorer ces mesures et ont mentionné les problèmes de ressources et les défis techniques que pose leur application générale. Néanmoins, bon nombre de FSI ont appuyé l'idée d'un redressement par injonction plus stricte et plus claire en vertu duquel ils seraient contraints par ordonnance judiciaire de prévenir ou d'empêcher les violations du droit d'auteur sans risquer d'en être eux-mêmes responsables.

Enjeux stratégiques généraux

En plus de leurs opinions mentionnées ci-dessus, certains intermédiaires et défenseurs des internautes ont soutenu que d'imposer une limite aux protections contre la responsabilité des intermédiaires ou de renforcer leurs obligations d'application de la loi pourrait avoir des conséquences imprévues sur la population canadienne. Ils ont mentionné que ces mesures les contraindraient à resserrer les contrôles et à imposer des sanctions pour le contenu ou les activités de leurs services qui portent atteinte au droit d'auteur. À leur avis, les changements proposés entraîneraient deux principaux types de conséquences :

  1. Répercussions sur les particuliers et sur l'Internet ouvert. Ces parties prenantes ont soutenu qu'un risque de responsabilité accru pourrait obliger les intermédiaires à pécher par excès de prudence et à bloquer l'accès aux contenus téléversés, à les retirer ou à restreindre certaines activités qui ne portent même pas atteinte au droit d'auteur. Ils ont également indiqué que ces mesures limiteraient l'accès à l'information, le droit à la vie privée et la liberté d'expression et de communication des particuliers. De fait, en raison du volume du contenu visé, les mesures de contrôle et d'intervention des intermédiaires pourraient devoir être automatisées par l'utilisation des « filtres de contenu », par exemple. Malheureusement, si ces filtres sont en mesure d'identifier le contenu, ils ne le font pas toujours correctement, ce qui crée parfois des situations où l'activité attentatoire est ignorée et d'autres où un contenu licite est signalé. Ils semblent particulièrement incapables d'évaluer l'applicabilité des exceptions liées aux faits, ce qui augmente encore plus le nombre de signalements de contenus qui ne sont pourtant pas en violation du droit d'auteur.
  2. Répercussions générales sur le marché. Ces parties prenantes ont également soutenu qu'en raison du volume de contenu en ligne, les mesures techniques qui permettraient aux intermédiaires de contrôler et de lutter contre le contenu en violation du droit d'auteur seraient probablement fort onéreuses. Elles se sont notamment dites préoccupées par le fait que ces coûts seraient un frein important à l'innovation et poserait une barrière pour les nouveaux entrants potentiels sur le marché des services en ligne. Or, le pouvoir serait concentré entre les principaux fournisseurs, nuisant par le fait même à la croissance économique et au choix des consommateurs. Elles ont également mentionné que de limiter la protection contre la responsabilité des intermédiaires entraînerait une perte de services, puisqu'ils n'auraient plus l'assurance nécessaire pour mener des activités novatrices et rentables au Canada. À leur avis, cela porterait préjudice à la plupart des entreprises et des autres domaines qui tablent sur ces services, limitant ainsi la croissance économique. Les titulaires de droits, particulièrement les nouveaux créateurs, pourraient également être lésés par la diminution de plateformes pour la promotion et la commercialisation de leur contenu.