Association nationale des éditeurs de livres

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Mémoire de l’ANEL

Consultation sur la mise en œuvre de l'engagement du Canada dans le cadre de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM)

Mars 2021

Association nationale des éditeurs de livres
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Mise en œuvre de l'engagement du Canada dans le cadre de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM)

Loi sur le droit d'auteur

L'ANEL et le droit d'auteur

L'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) regroupe plus de 110 maisons d'édition québécoises et franco-canadiennes publiant différents types d'ouvrages, du roman au guide pratique, en passant par la poésie, l'essai, le manuel scolaire et scientifique ou le livre d'art. Pierre angulaire de l'industrie du livre au Canada, l'ANEL œuvre depuis près de 30 ans au rayonnement des auteurs canadiens au pays comme à l'étranger.

En représentant les intérêts de la profession d'éditeur et du public lecteur, l'Association prône la liberté d'expression, le respect du droit d'auteur et l'accès universel au livre comme outil d'apprentissage. Il importe, pour l'ANEL, que les éditeurs et les auteurs puissent s'appuyer sur un cadre légal leur assurant la stabilité nécessaire pour accroître leurs investissements et susciter l'innovation dans la création, la production et la diffusion de contenus canadiens.

Ces dernières années, l'ANEL a réagi à chacun des projets de loi et chacune des commissions sur le droit d'auteur en demandant une réaffirmation et un renforcement de la Loi et en réclamant que la législation s'harmonise avec les tendances mondiales pour que les entreprises d'ici puissent concurrencer à égalité avec celles des autres pays. L'ANEL demande que la loi canadienne encourage l'offre légale et responsabilise tous les acteurs de l'économie numérique, en commençant par le monde de l'éducation : « pour que l'accès aux supports du savoir devienne un véritable accès au savoir, le législateur doit avoir le courage d'une éducation du public, des enseignants et des élèves au respect du droit d'auteur et aux méthodes de travail permettant rigueur intellectuelle et esprit critique dans cette économie du savoir » (mémoires 2009, 2012).

L'actuelle consultation sur la mise en œuvre l'engagement du Canada dans le cadre de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM)

Selon les ministères du Patrimoine canadien et de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, la consultation actuelle vise à contribuer à l'élaboration d'un cadre du droit d'auteur favorisant un marché vigoureux. Dans cette optique, l'ANEL est favorable à l'extension de la durée de protection du droit d'auteur de 50 à 70 ans après la vie de l'auteur. L'Association estime néanmoins qu'il n'y pas a lieu d'adopter des mesures d'accompagnement pour « atténuer les répercussions possibles de cette durée de protection prolongée », tel qu'on peut le lire dans l'appel de la consultation émis par le gouvernement canadien.

Selon le document de consultation, certains intervenants « sont particulièrement préoccupés par les conséquences potentielles de la durée plus longue en ce qui a trait aux œuvres orphelines et aux œuvres inaccessibles sur le marché ». Si l'ANEL, comme plusieurs acteurs du milieu du livre, ne voit pas de lien direct entre la prolongation du droit d'auteur et le régime des œuvres orphelines et des œuvres inaccessibles sur le marché, elle ne souhaite surtout pas que la révision de la Loi devienne l'occasion d'ajouter une exception supplémentaire.

Par ailleurs, alors que les Canadiens et Canadiennes ont eu l'occasion d'étudier en détail les questions liées au droit d'auteur au cours de l'examen parlementaire de la Loi sur le droit d'auteur de 2018-2019, ni le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie ni le Comité permanent du patrimoine canadien n'ont relevé la nécessité de mettre en place un régime pour les œuvres inaccessibles ou les œuvres orphelines parallèlement à la prolongation de la durée du droit d'auteur. Les comités ont toutefois cerné un éventail d'autres domaines stratégiques qui nécessitent une attention particulière, notamment l'exception relative à l'utilisation équitable à des fins éducatives au Canada et ses répercussions négatives sur les éditeurs et les créateurs canadiens.

Dans ce mémoire, l'ANEL transmet donc ses recommandations, tout en rappelant l'importance de moderniser la loi sur le droit d'auteur en s'attaquant aux exceptions qui fragilisent l'industrie du livre, les auteurs et les maisons d'édition canadiennes.

La prolongation de la durée de protection du droit d'auteur

L'ANEL reconnaît que le gouvernement du Canada doit prolonger la durée générale de protection du droit d'auteur de 20 ans, jusqu'à 70 ans, avant la fin de 2022, afin de respecter ses obligations en vertu de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Une telle disposition permettra au Canada d'offrir aux titulaires de droits une protection de leurs droits à la hauteur de celle offerte par la majorité des pays industrialisés et des partenaires économiques du Canada. L'ANEL est d'avis que la mise en œuvre de l'allongement de la durée de protection du droit d'auteur ne doit pas être accompagnée de mesures administratives particulières, ni d'aménagements, ni de nouvelles exceptions.

Tout comme Copibec, nous recommandons instamment au gouvernement de ne pas introduire dans la Loi une obligation d'enregistrement des œuvres pour les 20 dernières années de protection, soit entre 50 ans et 70 ans, ou toutes autres obligations conditionnant le bénéfice des 20 années de protection supplémentaire. Une telle mesure infligerait une charge administrative trop importante aux titulaires de droits.

L'actuel régime des œuvres orphelines

L'actuel régime canadien des œuvres orphelines est administré par la Commission du droit d'auteur du Canada, qui a conclu des ententes avec Copibec et Access Copyright dans les cas où le titulaire du droit d'auteur ne peut être localisé. Lorsque des cas sont transmis à Copibec et Access Copyright, les sociétés de gestion sont responsables de mener des recherches supplémentaires pour vérifier si le titulaire du droit d'auteur peut être localisé ou non. Ces demandes demeureraient toutefois plutôt rares.

La question du traitement des œuvres orphelines et des œuvres hors commerce n'était pas un enjeu lors des consultations de 2018. Il s'agit cependant d'une question importante qui exige une analyse en profondeur et des consultations en bonnes et dues forme, qui prendraient en compte les besoins de chaque industrie culturelle et le caractère particulier des différentes catégories d'œuvres. Une analyse des besoins et des impacts de la mise en œuvre d'une telle législation doit être menée.

Il nous apparaît extrêmement prématurée et inadéquat de mener une analyse précipitée dans le cadre de la présente consultation technique.

Les considérations concernant les œuvres orphelines et inaccessibles

Même si l'ANEL ne croit pas qu'un nouveau régime pour les œuvres orphelines ou inaccessibles doit accompagner la prolongation de la durée du droit d'auteur, nous recommandons que le gouvernement étudie la nécessité réelle d'un tel régime dans le cadre d'une nouvelle consultation.

Des leçons pourraient être tirées de la communauté internationale sur ces questions. La Directive européenne sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché numérique comprend des règles détaillées pour la mise en place de régimes d'œuvres dites indisponibles par les États membres. La Commission européenne travaille également à revoir le régime actuel de l'Union européenne relatif aux œuvres orphelines.

L'ANEL, comme sa consœur ACP, renvoie le gouvernement à un guide utile publié par l'International Federation of Reproduction Rights Organizations (IFRRO), qui s'appuie sur la mise en œuvre de la directive sur le marché unique numérique. Le guide traite de la numérisation et de la mise à disposition d'œuvres commerciales pour les secteurs du texte et de l'image en Europe. Le guide de l'IFRRO identifie les facteurs complexes qui doivent être évalués et pris en compte lors de la mise en place d'un régime d'œuvres inaccessibles et comprend également des études de cas de régimes implantés avec succès en France, en Allemagne, en République tchèque et en Norvège. Ces expériences sont précieuses et pourraient éclairer le Canada.

Nous recommandons que les principes du guide de l'IFFRO contribuent à toute étude de régimes d'œuvres orphelines et inaccessibles au Canada :

  1. Tout régime relatif aux œuvres inaccessibles ou orphelines doit être soigneusement conçu avec des garanties efficaces pour éviter tout impact négatif sur les marchés actuels et futurs des ayant-droits.
  2. La façon la plus efficace d'équilibrer l'accès légal aux œuvres orphelines et aux œuvres inaccessibles, tout en se protégeant contre les impacts potentiels sur les marchés actuels et futurs de ces œuvres, consiste à établir un régime rémunéré, soutenu par un régime de licences. Le système le plus efficace et le plus équitable serait l'octroi de licences collectives avec effet prolongé.
  3. Les canaux commerciaux habituels doivent être définis de façon exhaustive. Les titulaires de droits, les organismes de gestion du droit d'auteur et les bibliothèques, les archives et les musées devraient tous être consultés dans le processus de définition d'une œuvre inaccessible.
  4. La portée territoriale doit être envisagée et définie.
  5. Les œuvres orphelines et les œuvres inaccessibles doivent être soigneusement définies afin de tenir compte des modèles économiques nouveaux et émergents pour la paternité et l'édition.
  6. Un régime d'œuvres orphelines et inaccessibles devrait intégrer une infrastructure centralisée pour assurer un mécanisme efficace de retrait.
  7. Le régime ne devrait s'appliquer qu'aux bibliothèques internationales accessibles pour les œuvres de leurs collections permanentes.
  8. Le gouvernement devrait veiller à ce que le régime des œuvres orphelines et des œuvres inaccessibles soit conçu pour être conforme aux obligations découlant des traités internationaux.
  9. Étant donné le chevauchement considérable entre les œuvres orphelines et celles qui ne le sont pas, le gouvernement devrait tenir compte de l'efficacité et de la valeur de la mise en œuvre d'un régime global dans le cadre de toute étude éventuelle, comme cela a été fait en Norvège.
  10. Il ne devrait pas incomber au titulaire de droits de déterminer si ses œuvres ont été numérisées. Les titulaires de droits font actuellement face à d'importants défis en matière d'application de la loi, ce qui alourdirait le fardeau administratif et d'application de la loi. La responsabilité devrait incomber à l'utilisateur qui utilise le travail. Un régime bien conçu appuyé par des licences collectives à effet prolongé réduirait le fardeau des utilisateurs et des détenteurs de droits.
  11. Les régimes d'œuvres orphelines et inaccessibles affecteront de façon disproportionnée les titulaires de droits sur les œuvres textuelles et visuelles. Ces titulaires de droits doivent être consultés et être des partenaires actifs dans la mise en œuvre de tout nouveau régime pour s'assurer que les marchés actuels et futurs de ces œuvres ne sont pas compromis.

La nécessité de revoir la loi sur le droit d'auteur

L'ANEL juge important que le Canada se conforme à ses obligations découlant de l'ACEUM et prolonge la durée du droit d'auteur à 70 ans, mais elle déplore que le gouvernement n'ait pas inscrit dans l'actuelle consultation des éléments de réflexions concernant les exemptions qui fragilisent les titulaires de droits et les artisans du livre canadien.

L'industrie du livre est étroitement liée à la réussite de l'éducation nationale parce qu'elle est d'abord et avant tout une industrie du contenu. Elle assure la disponibilité d'une gamme de produits de soutien à l'apprentissage, de la littérature enfantine aux jeux éducatifs, en passant par les cahiers d'exercices, les tutoriels, les livres-jeu, les livres numériques enrichis et migre rapidement vers les matériels didactiques pour tableaux blancs interactifs, tablettes et autres supports numériques.

Ainsi, s'il n'y avait qu'un geste à poser pour revoir la loi, ce serait de rayer le mot « éducation » des exceptions d'utilisation équitable. En donnant aux institutions d'enseignement et à toute entreprise et organisme, à visées commerciales ou non, le droit d'utiliser gratuitement et sans permission des œuvres sous droit, cette exception a des effets nocifs sur l'industrie de l'édition. Elle met en péril la viabilité de l'industrie de l'édition et de l'innovation numérique au Canada.

Les éditeurs et les auteurs partagent les mêmes objectifs : ils veulent un cadre réglementaire qui protège les titulaires de droits d'auteur et encourage la création et l'utilisation de contenu canadien d'une façon qui soit efficace, rentable et juste. Depuis les modifications apportées en 2012, la Loi est un tissu complexe d'exceptions au droit d'auteur qui ne permet plus aux titulaires de droit de bénéficier d'une véritable protection de leur droit d'auteur et de jouir des revenus issus de la commercialisation, de l'exploitation ou de l'utilisation de leurs œuvres.

Si le gouvernement du Canada doit respecter ses obligations en vertu des traités internationaux en mettant en œuvre la prolongation de la durée du droit d'auteur, il devrait surtout accorder la priorité aux modifications à la loi sur le droit d'auteur fondées sur les recommandations formulées au cours de l'examen parlementaire de 2018-2019.

Conclusion

En résumé, l'ANEL recommande que le gouvernement du Canada prolonge la durée générale du droit d'auteur jusqu'à 70 ans, sans aucune mesure d'accompagnement. Si un régime pour les œuvres inaccessibles et les œuvres orphelines demeure à l'étude, nous recommandons une évaluation des outils actuels du Canada qui appuient l'utilisation de ces œuvres. L'expérience d'autres pays devrait également être prise en compte, en particulier les régimes de licences collectives qui veillent à ce que les titulaires de droits soient rémunérés pour l'utilisation de leurs œuvres, comme il convient.

Enfin, le gouvernement doit moderniser la loi sur le droit d'auteur pour corriger les impacts négatifs subis ces dernières années. Cela doit se faire en clarifiant la portée des exceptions et en assurant le retour d'un équilibre entre les titulaires de droits et les établissements d'enseignement de partout au Canada.