Union des écrivaines et des écrivains québécois

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Consultation sur la façon de mettre en œuvre la prolongation de la durée de protection générale du droit d'auteur au Canada

Contribution de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois — UNEQ

mars 2021

Introduction

Depuis 2017, à chaque étape du processus d'examen de la Loi sur le droit d'auteur, l'Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) a représenté la voix des artistes de la littérature auprès des comités de députés et des ministères.

Nous remercions le gouvernement du Canada de nous donner, de nouveau, l'occasion de nous exprimer et d'être entendus.

L'UNEQ souligne d'emblée que le document de consultation transmis par le ministère du Patrimoine canadien et le ministère de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie a provoqué des surprises et a suscité quelques interrogations sur cette nouvelle étape, avant la véritable révision attendue depuis quatre ans maintenant.

Notre participation à cette consultation s'articulera donc autour de ces surprises et interrogations :

  • Où l'on découvre que certains s'opposent à la prolongation de la durée du droit d'auteur ;
  • Où l'on découvre que les consultations menées depuis 2018 devant deux comités parlementaires semblent insuffisantes ;
  • Où l'on découvre que de nouveaux enjeux sont mis sur la table.

1. Ou l'on découvre que certains s'opposent à la prolongation de la durée du droit d'auteur

Il nous parait important de commencer ce rapport de l'UNEQ par un rappel de ce qu'est, à nos yeux, le droit d'auteur.

  • Le droit d'auteur est un ensemble de dispositions qui réglemente, définit et protège le travail des créateurs et leurs créations et qui prévoit la transmission de ces droits à leurs héritiers.
  • Le droit d'auteur rend possible (ou non) la commercialisation, l'utilisation, la copie, le partage d'une œuvre et permet à son créateur d'envisager de vivre de son art et, dans certains cas, de construire une richesse durable pour lui, sa famille et ses héritiers.
  • Le droit d'auteur est à la fois un droit économique et patrimonial : il accorde non seulement aux créateurs le respect de leurs œuvres dans leur utilisation et leur intégrité, mais également la reconnaissance de leur apport à la société.
  • Grâce à la reconnaissance et au respect que procure la Loi sur le droit d'auteur, les œuvres des créateurs deviennent à la fois des actifs et des héritages.
  • Le droit d'auteur n'est ni un impôt, ni une taxe, ni un frais quelconque. Il s'agit d'une rémunération pour la diffusion, l'utilisation, la possession et la mise à disposition d'une création.

Étendre la durée de ce droit de 50 à 70 ans ne peut être qu'une bonne nouvelle pour les artistes.

Toutefois, dans le document de consultation élaboré conjointement par le ministère du Patrimoine canadien et le ministère de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, nous apprenons que « de nombreux intervenants ont soulevé la possibilité que cette prolongation ait des conséquences négatives, notamment en compliquant l'accès à certaines œuvres ». On comprend que ce qui inquiète réellement ces nombreux intervenants est le fait que les œuvres mettront 20 ans de plus à entrer dans le domaine public et qu'il conviendrait donc, selon eux, de prendre « des mesures d'accompagnement » de la prolongation de la durée du droit d'auteur.

Il nous semble qu'il y a ici une tentative d'opposer droit d'auteur et domaine public, comme si en donnant des droits aux uns, on en retirait aux autres.

On peut donc s'interroger sur le lien formulé par différents intervenants entre la protection d'une œuvre et l'accès à celle-ci. Une œuvre ne devient pas inaccessible parce qu'elle est protégée par la Loi sur le droit d'auteur.

L'UNEQ se réjouit qu'à l'instar de ses partenaires de l'ACEUM, le Canada ait choisi de prolonger à 70 ans la durée du droit d'auteur. Cette décision permettra aux créateurs et à leur succession de profiter davantage des résultats d'un travail difficile et souvent mal rémunéré. Est-il nécessaire de rappeler que le salaire annuel moyen d'une écrivaine ou un écrivain au Québec, comme dans le reste du Canada, se situe autour de 9 000 $ ? Est-il nécessaire d'argumenter, une fois de plus, sur l'importance d'une Loi sur le droit d'auteur qui n'oppose pas créateurs et utilisateurs, mais qui protège celles et ceux qui sont à l'origine des œuvres et contribuent ainsi à notre culture et à son rayonnement au Canada et partout dans le monde ?

L'UNEQ est d'avis qu'aucune forme d'aménagement ou de procédure d'accompagnement n'est requise. La décision prise par le gouvernement du Canada dans le cadre de l'ACEUM doit maintenant être assumée pour ce qu'elle est : la volonté de prolonger le droit d'auteur de 20 années.

2. Où l'on découvre que les consultations menées depuis 2018 devant deux comités parlementaires semblent insuffisantes

Trois ans après le lancement des consultations dans le cadre de l'examen de la Loi sur le droit d'auteur, après de nombreuses audiences, des centaines de témoignages et de mémoires et des rapports produits par deux comités parlementaires, nous sommes surpris que le gouvernement n'ait pu trouver dans cette somme considérable de travaux et de recommandations matière suffisante pour réformer la Loi.

Comme de nombreuses autres organisations représentatives d'artistes ou d'ayants droit au Québec et au Canada, l'UNEQ a fait connaître son avis en 2017 et en 2018. La Loi de 2012 a intégré de trop nombreuses exceptions qui sont autant de moyens de ne pas rémunérer les créateurs et de s'autoriser à utiliser leurs œuvres sans leur consentement.

Cette Loi contribue à une fragilisation d'un secteur déjà précaire. Nous maintenons que la grande majorité des recommandations émises par le Comité permanent du patrimoine canadien dans son rapport intitulé Paradigmes changeants, si elles étaient adoptées, amélioreraient considérablement la condition des artistes et des ayants droit.

Accroître la durée du droit d'auteur sera un bénéfice. Cependant, ce bénéfice ne trouvera véritablement de sens et d'intérêt que dans une Loi mieux adaptée, qui protègera davantage les ayants droit et qui colmatera enfin les brèches dans la loi depuis 2012, notamment en raison du droit à l'utilisation dite « équitable ». Nous ne pouvons d'ailleurs que partager notre étonnement et notre déception de ne pas voir ce sujet figurer dans la liste prioritaire des consultations.

Les créateurs et les éditeurs ne disposent pas à l'heure actuelle de moyens suffisants pour garantir une utilisation équitable de leurs œuvres par le secteur de l'éducation et contrer les interprétations abusives de cette notion.

3. Où l'on découvre que de nouveaux enjeux sont mis sur la table

Le document de consultation établit un lien direct entre l'objet de la consultation (la prolongation de 50 à 70 ans du droit d'auteur) et des mesures à prendre pour établir un régime relatif aux œuvres orphelines et celles inaccessibles sur le marché.

Ce lien ne nous apparaît pas du tout évident et nous porte à craindre que certains utilisateurs d'œuvres envisagent la prolongation du droit d'auteur comme une occasion d'ajouter des exceptions supplémentaires à une Loi qui en compte déjà trop.

Même s'il est important d'aborder la question des œuvres orphelines et de celles inaccessibles sur le marché, la présente consultation ne nous semble pas le cadre approprié pour ce faire. En effet, ces questions fondamentales méritent davantage de réflexion que les 30 jours offerts ici et nécessitent une consultation spécifique pour éviter les confusions. Pensons par exemple aux œuvres inaccessibles sur le marché que le document définit comme « un livre publié dont le tirage est épuisé depuis de nombreuses années », situation qui survient fréquemment, souvent bien avant la mort de l'artiste. Cette question n'est donc aucunement liée à la durée du droit d'auteur.

Doit-on lire une volonté de lier au domaine public toute œuvre inaccessible sur le marché ? Il est évident que l'UNEQ ne peut considérer cette option comme envisageable.

Cela dit, dans un souci de coopérer à ces travaux et avec l'espoir que la Loi soit révisée dans les meilleurs délais, voici nos principales recommandations concernant le souhait du gouvernement de mettre en place un régime pour les œuvres orphelines ou les œuvres inaccessibles sur le marché.

  • L'UNEQ est défavorable à l'obligation d'enregistrer ses œuvres littéraires pour bénéficier de la protection du droit d'auteur :
    • parce que cette formalité sera coûteuse ;
    • parce que la Convention de Berne, dont le Canada est signataire, proscrit ce type de démarche ;
    • parce que cela impliquerait plusieurs enregistrements pour une même œuvre (le manuscrit inscrit par l'auteur, la version inscrite par l'éditeur et, en cas de rétrocession des droits, une nouvelle inscription par l'auteur). Ce n'est pas un système adapté à notre réalité.
  • Établir une définition claire et concertée entre les parties prenantes de ce qu'est « une œuvre inaccessible sur le marché ».
  • L'option consistant à permettre l'utilisation des œuvres orphelines ou des œuvres inaccessibles sur le marché à des organisations à but non lucratif, comme les musées, archives ou bibliothèques, peut être envisagée, mais à plusieurs conditions :
    • une preuve tangible que des recherches ont été menées de bonne foi, notamment dans le cas des œuvres orphelines ;
    • une démarche effectuée par l'utilisateur auprès d'une société de gestion pour obtenir une autorisation d'utilisation (ce n'est pas au titulaire de droit de mener une démarche pour la réclamer à postériori) ;
    • la possibilité pour l'ayant droit de ne pas autoriser cette utilisation ;
    • une rémunération équitable établie par un système de licence.

5. Conclusion

L'UNEQ se réjouit que le Canada prolonge la durée du droit d'auteur. Ce progrès, rendu obligatoire par l'ACEUM, ne doit cependant pas être une occasion pour les représentants des utilisateurs d'ajouter de nouvelles exceptions à une Loi qui en contient trop.

L'UNEQ invite le gouvernement à différer la réflexion relative à la mise en place d'un régime de gestion des œuvres orphelines ou des œuvres inaccessibles sur le marché.

L'UNEQ souhaite que la question de l'utilisation dite « équitable » à des fins pédagogiques devienne rapidement la priorité des débats et des consultations.

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