Association québécoise de l'industrie du disque (ADISQ)

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Le 31 mai 2021

Recommandations pour un droit d’auteur responsabilisant adéquatement l’ensemble des intermédiaires en ligne

Table des matières

Sommaire exécutif

  1. Innovation, Sciences et Développement économique Canada et Patrimoine canadien nous invitent à participer à une Consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne dont le but est « d’aider le gouvernement à s’assurer que le cadre canadien du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne reflète un monde numérique en évolution. »
  2. Ce processus est bienvenu dans la mesure où depuis 20 ans, l’industrie musicale doit composer avec d’importantes mutations liées à l’accélération de la consommation d’enregistrements sonores en ligne qui affectent profondément ses revenus. Ces évolutions découlent notamment de l’émergence d’une série de nouveaux intermédiaires en ligne qui exploitent des technologies permettant la reproduction et la communication des enregistrements sonores en vue de leur consommation.
  3. Nous avons assisté ainsi à une multiplication de ces intermédiaires étrangers à notre secteur qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et Patrimoine canadien catégorisent de la façon suivante :
    • Ceux qui « jouent un rôle relativement passif en fournissant uniquement les moyens techniques aux fins de la communication ou du stockage de contenu »;
    • Ceux qui « jouent un rôle plutôt actif en ce qui touche la diffusion et l’utilisation de contenu, notamment en le sélectionnant et en l’organisant ou en soutenant sa production ».
  4. Quelle que soit leur nature, nous considérons qu’en participant à la circulation de notre musique en ligne, et pour certains en définissant les modalités de sa médiatisation et marchandisation, ces intermédiaires opèrent une captation de la valeur, bien souvent au détriment de l’ensemble des acteurs de l’écosystème de création et de production de la musique en lien avec un déplacement du paiement des consommateurs. Plutôt que les producteurs et créateurs de contenus culturels, ce sont dorénavant différents intermédiaires qui captent la valeur engendrée par les dépenses des acheteurs.
  5. Cette situation a dramatiquement fragilisé la protection des auteurs, compositeurs, interprètes et producteurs en facilitant l’utilisation à large échelle et à un faible coût de leurs œuvres, prestations et enregistrements sans leur autorisation, minant leur capacité d’en effectuer une exploitation légitime et ordonnée et d’en tirer des revenus décents. Cette fragilisation du milieu musical est amplifiée par l’absence de réformes législatives appropriées, que ce soit sur la radiodiffusion, les télécommunications, ou le droit d’auteur, à la hauteur des enjeux à l’œuvre.
  6. Rappelons que si en 1997, la Loi sur le droit d’auteur a été modifiée, celle-ci a rapidement été confrontée au développement extrêmement rapide d’Internet, à la démocratisation de la micro-informatique et à l’explosion du téléchargement illégal. Pour l’ensemble du milieu musical, il a fallu attendre 15 longues années pour voir le droit d’auteur de nouveau réformé. Or, en 2012, la déception a été immense, puisque la Loi de modernisation du droit d’auteur n’a pas été en mesure de répondre aux attentes du milieu, mais pire encore parce que cette réforme a affaibli le droit d’auteur canadien dans un contexte exigeant un renforcement de celui-ci.
  7. Nous observons d’ailleurs que si la présente consultation propose notamment de s’inspirer des législations américaine, européenne et australienne, plusieurs mesures adoptées par la réforme de 2012 font que la loi canadienne accorde aux intermédiaires une exonération importante avec des conditions substantiellement moins exigeantes que celles découlant des lois étrangères. Le Canada ne peut donc pas ignorer que les règles encadrant la responsabilité des intermédiaires dits passifs sont fortement déséquilibrées en ce qu’elles favorisent de manière inusitée ces derniers en amoindrissant la portée de nombre de conditions qui, dans les autres juridictions examinées, posent des exigences substantiellement plus strictes afin de leur permettre de se mettre à l’abri de poursuite en violation du droit d’auteur. 
  8. Ajoutons que les intermédiaires en ligne dits actifs qui, ces dix dernières années, ont connu une croissance exponentielle — on parle même d’un processus de « plateformisation » de la culture — et opèrent toujours dans la plus grande opacité sont largement absents dans notre législation. Or, comme on peut par exemple le voir avec la directive européenne sur le droit d’auteur adoptée en 2019, au regard du rôle et poids qu’occupent aujourd’hui ces acteurs dans le milieu musical, ceux-ci ne peuvent plus prétendre au bénéfice de mesures d’exonération, mais doivent au contraire rendre des comptes sur leurs activités, notamment l’utilisation faite des contenus sous droit d’auteur ou la rémunération des ayants droit.
  9. Dans ce document, le gouvernement se dit résolument ouvert à reconsidérer la question de la responsabilité des intermédiaires en tenant compte de la situation intenable vécue par nombre des auteurs, compositeurs, interprètes et producteurs canadiens en raison des importantes lacunes de la Loi sur le droit d’auteur sur cette question. Nous sommes ainsi invités à nous prononcer sur la responsabilité et les obligations des types d’intermédiaires en ligne qu’ils soient définis comme « passifs » ou « actifs ».
  10. Au regard du retard que la législation canadienne a accumulé en matière de droit d’auteur, mais également de l’iniquité dont souffre le milieu musical depuis plusieurs années — celui-ci subit un processus de destruction de valeur tandis que les intermédiaires en ligne dégagent d’importants revenus du fait de l’accélération la consommation et la copie en ligne —, nous avons élaboré une série de recommandations importantes concernant la responsabilisation de ces intermédiaires.

Recommandation de l’ADISQ

  1. En premier lieu, l’ADISQ a pris connaissance des mémoires soumis par la Société canadienne de perception de la copie privée et Ré : Sonne et elle en appuie le contenu et les recommandations.
  2. Ensuite, nous souhaitons rappeler une demande que nous portons depuis longtemps concernant les intermédiaires fournissant les moyens techniques aux fins de la communication ou du stockage de contenu. Au regard de l’avantage économique qu’ils tirent de l’accélération de la circulation de culture en ligne — la consommation de contenu audio et vidéo constitue la principale activité en ligne et donc le principal incitatif pour souscrire à des abonnements Internet fixes comme mobiles —, ceux-ci ont une responsabilité dans le financement de la culture. Nous demandons donc qu’ils contribuent au financement de nos contenus via des mécanismes de contribution au développement de contenu canadien comme ceux prévus dans la Loi sur la radiodiffusion.

Clarification des protections contre la responsabilité prévue pour les intermédiaires en cas de violation du droit d’auteur

  1. En ce qui concerne la révision du critère de connaissance aux fins d’exonération, nous considérons que le gouvernement doit modifier la loi afin de stipuler clairement que tout intermédiaire cesse de bénéficier des mesures d’exonération de responsabilité dès lors qu’il prend effectivement connaissance du fait qu’un contenu donné ou que son utilisation dans le cadre de son service viole le droit d’auteur, ou qu’il prend conscience de faits ou de circonstances révélant une telle violation.
  2. Une telle connaissance devrait par ailleurs être réputée acquise dès lors que l’intermédiaire aurait raisonnablement dû avoir connaissance d’un tel acte compte tenu des circonstances, ou s’il reçoit un avis de violation alléguée, incluant dans le cadre d’un régime d’avis et retrait ou encore, suite à ses propres investigations.
  3. Les mesures d’exonération ne devraient en aucun cas empêcher l’obtention d’injonctions visant à prévenir ou empêcher toute violation survenant dans le cadre des services de tout intermédiaire.
  4. Concernant les clarifications quant aux rôles tenus par les intermédiaires, la Loi sur le droit d’auteur doit exprimer de façon explicite que toute mesure d’exonération d’un intermédiaire ne s’applique que dans les cas où l’intermédiaire tient un rôle purement passif en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés.
  5. La Loi sur le droit d’auteur devrait énoncer des critères exemplatifs de ce qui constitue un rôle actif, notamment des fonctions ou caractéristiques telles que l’optimisation de la présentation du contenu ou la promotion de celui-ci que ces processus résultent de l’exécution de fonctionnalités logicielles ou d’une personne physique. 
  6. Les exonérations ne devraient aussi s’appliquer que dans les cas où l’intermédiaire n’a aucun intérêt financier dans l’activité contrefaisante.
  7. Pour que les intermédiaires concernés puissent bénéficier des règles d’exonération leur étant autrement applicables, la Loi doit également stipuler les obligations suivantes à titre de conditions sine qua non.
  8. La contrepartie essentielle accordée aux titulaires de droits sur les œuvres, prestations et enregistrements afin de compenser les bénéfices importants accordés aux intermédiaires offrant des services de mise en antémémoire, d’hébergement et d’outil de repérage, consiste à leur permettre d’obtenir de ces intermédiaires qu’ils retirent ou bloquent tout accès à tout contenu protégé utilisé par les usagers des services de ces intermédiaires sans l’autorisation de ces titulaires au moyen d’une procédure de notification auprès de mandataires désignés par ces intermédiaires et dont les informations de contact sont facilement et clairement accessible.
  9. La Loi sur le droit d’auteur doit de plus impérativement conditionner l’application des mesures d’exonération de responsabilité à tout intermédiaire à l’adoption et la mise en application effective et de bonne foi de politiques visant les contrefacteurs récidivistes selon les paramètres de la loi américaine corrigés selon les recommandations du Bureau du droit d’auteur dans le Copyright Office Section 512 Report de mai 2020.

Imposition de régimes de licences obligatoires ou étendues

  1. L’ADISQ s’oppose à la création de régimes de licences obligatoires ou étendues en ce qu’ils risqueraient de nuire au pouvoir de négociation des ayants droit en leur faisant perdre leur droit exclusif ce qui aurait pour conséquence de tirer vers le bas leurs revenus.
  2. L’ADISQ rappelle de plus que toute licence obligatoire doit, pour être valide, rencontrer le test en 3 étapes de la Convention de Berne.

Obligations de transparence des intermédiaires

  1. L’ADISQ considère que, sur le modèle de la Directive européenne de 2019, les intermédiaires en ligne devraient fournir à l’ayant droit — voir les rendre publics lorsque la nature de celles-ci le permet — un ensemble exhaustif d’informations concernant leurs contenus telle que l’utilisation qui en fait, leurs audiences, les revenus dégagés par ceux-ci, les actes de violations avérés, etc.

Établissement d’un fondement législatif et d’une procédure statutaire pour certaines injonctions contre les intermédiaires

  1. La Loi sur le droit d’auteur devrait être amendée afin de confirmer le pouvoir des tribunaux d’émettre des ordonnances, comprenant des ordonnances dites de « retrait », de « blocage » et de « désindexation », obligeant les intermédiaires à prévenir et empêcher la violation du droit d’auteur dans le cadre de leurs services de manière à prévenir des litiges longs et couteux.
  2. De telles ordonnances devraient pouvoir être obtenues à l’encontre d’un intermédiaire même s’il n’est pas responsable de ces violations et sans devoir préalablement obtenir un jugement direct à l’encontre de la personne directement responsable de la violation en cause, y compris lorsque cette personne est localisée à l’extérieur du Canada.

Introduction

  1. L’ADISQ, qui représente les producteurs de disques, de spectacles et de vidéos et dont les membres sont responsables de plus de 95 % de la production de disques, de spectacles et de vidéoclips d’artistes canadiens d’expression francophone, souhaite par la présente se prononcer sur la « consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne » organisée par Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) et Patrimoine canadien.
  2. Les membres de l’ADISQ sont des entreprises œuvrant dans tous les secteurs de la production d’enregistrements sonores, de spectacles et de vidéos dont des producteurs, des maisons de disques, des gérants d’artistes, des distributeurs de disques, des maisons d’édition, des agences de spectacles, des salles et diffuseurs de spectacles, des agences de promotion et de relations de presse. 
  3. La Loi sur le droit d’auteur est une loi de nature économique créant un cadre permettant le contrôle et la rémunération des titulaires de droit pour les différentes utilisations qui sont faites de leurs œuvres. Cette loi qui organise la rétribution des auteurs, compositeurs, interprètes et producteurs pour leur travail est vitale pour l’industrie musicale, car sans un contrôle permettant une rémunération suffisante pour ces derniers, il n’y a pas de musique. Bien qu’elle soit fondamentale pour notre écosystème, une réforme du droit d’auteur à la hauteur des enjeux que soulève l’environnement numérique se fait toujours attendre.
  4. Signalons d’emblée que dans le cadre de ce processus, l’ADISQ a pris connaissance des mémoires soumis par la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) et par Ré : Sonne et en appuie entièrement le contenu et les recommandations.
  5. Rappelons que si en 1997, la Loi sur le droit d’auteur a fait l’objet d’une révision, celle-ci, tout comme les industries pour qui elle a été pensée, a rapidement été mise à l’épreuve par d’importants changements comme l’illustre la naissance de Napster deux après son adoption. Pour l’ensemble du milieu musical, il a fallu attendre 15 longues années pour voir le droit d’auteur de nouveau réformé.
  6. Durant ces 15 années, notre secteur a dû composer avec un environnement extrêmement mutant caractérisé entre autres par l’explosion du téléchargement illégal et l’arrivée des baladeurs permettant de lire et transporter d’importants stocks de fichiers MP3 puis le développement des plateformes donnant accès à la musique selon diverses modalités et l’adoption massive des téléphones intelligents. Au cours de cette période l’industrie musicale, première industrie culturelle affectée par les transformations liées à Internet, a vu ses ventes d’enregistrement sonore décroitre de manière continue générant un effondrement des revenus tandis que les opportunités liées au numérique et les revenus en découlant, très marginaux, n’ont jamais pu compenser ces pertes colossales.
  7. C’est donc peu dire qu’en 2012, les attentes du milieu musical étaient grandes. Or, la déception a été à la hauteur de ces attentes, puisque la Loi de modernisation du droit d’auteur de 2012 n’a pas été en mesure de répondre à celles-ci, mais pire encore cette réforme a affaibli le droit d’auteur canadien dans un contexte exigeant un renforcement de celui-ci.
  8. Enfin en 2017, le Comité permanent de l’Industrie, des sciences et de la technologieNote de bas de page 1 et le Comité permanent du Patrimoine canadienNote de bas de page 2 ont mené des consultations de grande envergure sur le droit d’auteur. Nous avons eu l’occasion de présenter nos demandes via le mémoireNote de bas de page 3 déposé par la Coalition pour une politique musicale canadienne et souhaitons réitérer ici l’importance de ces demandes en vue d’assurer une juste rémunération des ayants droit.
  9. Comme l’a justement constaté le Comité permanent du Patrimoine canadien dans son rapport Paradigmes changeant, le milieu musical est aujourd’hui confronté à « une augmentation de l’écart de valeur »Note de bas de page 4 et « un déclin de la classe moyenne artistique »Note de bas de page 5, des symptômes résultant notamment de lois inadaptées au contexte actuel (Loi sur le droit d’auteur et Loi sur la radiodiffusion) et donc de réformes législatives se faisant trop attendre.
  10. Le législateur a aujourd’hui l’occasion de corriger en partie cette situation en mettant en œuvre une réforme du droit d’auteur à la hauteur des enjeux à l’œuvre. Cela passe par une meilleure implication et responsabilisation des intermédiaires en ligne qui facilitent l’accès pour différents usagers à du contenu couvert par du droit d’auteur et qui tirent un avantage économique de l’accélération de la circulation de ce contenu en ligne depuis plusieurs années.
  11. Comme le souligne le document de consultation d’ISDE et de Patrimoine canadien « Les intermédiaires en ligne, c’est-à-dire les entités qui facilitent l’accès à ce contenu [entendu comme le contenu couvert par le droit d’auteur], se sont multipliés et diversifiés. »Note de bas de page 6 Nous sommes évidemment en accord avec ce constat. Alors que ces acteurs sont souvent présentés comme des agents favorisant une désintermédiation en offrant aux consommateurs un accès direct à leur culture, dans les faits, on observe plutôt un processus de réintermédiation où l’accès à la culture en ligne implique l’intervention d’une multitude de joueurs dont le consommateur n’a pas forcément conscience.
  12. Depuis 20 ans, le milieu musical assiste ainsi à une multiplication de ces intermédiaires qui sont étrangers à notre secteur et qui ne prennent donc pas part au processus de création et production et à la prise de risque qui y est liée. Ceux-ci, en donnant accès à notre musique, et pour certains en définissant les modalités de sa marchandisation, opèrent une captation de la valeur, bien souvent au détriment de l’ensemble des acteurs de l’écosystème de la musique en lien avec un déplacement du paiement des consommateurs. Plutôt que les producteurs et créateurs de contenus culturels, ce sont dorénavant différents intermédiaires qui captent la valeur engendrée par les dépenses des acheteurs.
  13. Le document de consultation proposé par ISDE et Patrimoine canadien définit deux types d’intermédiaires en ligne :
    • Ceux qui « jouent un rôle relativement passif en fournissant uniquement les moyens techniques aux fins de la communication ou du stockage de contenu »;
    • Ceux qui « jouent un rôle plutôt actif en ce qui touche la diffusion et l’utilisation de contenu, notamment en le sélectionnant et en l’organisant ou en soutenant sa production »Note de bas de page 7.
  14. Nous sommes invités à nous prononcer sur la responsabilité et les obligations de ces intermédiaires en ligne autour de quatre axes :
    1. clarifier les protections contre la responsabilité prévues pour les intermédiaires en cas de violation du droit d’auteur, y compris l’incidence de leur connaissance d’une violation et d’activités liées au contenu sur leur responsabilité et leurs obligations connexes;
    2. assurer la rémunération des détenteurs de droits en mettant en place un régime de licences collectives pour l’utilisation de leur contenu protégé par le droit d’auteur sur certaines plateformes;
    3. accroître la transparence en matière de rémunération des détenteurs de droits et de l’utilisation en ligne de leur contenu;
    4. clarifier ou renforcer les outils visant à faire respecter les droits des titulaires de droits par les intermédiaires, notamment par le biais d’un régime législatif de « blocage de sites Web » et de « désindexation ».Note de bas de page 8
  15. Si dans ce mémoire, nous nous prononçons en détail sur les questions et propositions détaillées dans le document de consultation, nous souhaitons avant cela traiter du rôle des intermédiaires en ligne définis comme « passifs » comme les fournisseurs de services Internet, les services de stockage de données ou les services d’hébergement web. Il s’agit de rappeler l’avantage économique que ceux-ci tirent de l’accélération des contenus en ligne et de l’importance de les faire contribuer au financement de la culture.

Avant-propos : Pour un cadre législatif prenant en compte le rôle des FSI

  1. Les intermédiaires présentés comme des acteurs « passifs » sont qualifiés ainsi dans la mesure où en se contentant de mettre en place l’infrastructure par laquelle les contenus circulent, ils n’interfèrent pas directement dans leur mise à disposition ou leur organisation. Nous considérons que ce terme « passif » minimise largement leur rôle alors que c’est par leur intermédiaire que cheminent les contenus culturels lorsqu’ils sont consommés en ligne ce qui participe largement à leur attractivité.
  2. À partir des années 1990, le développement des réseaux pair à pair qui servent essentiellement à échanger des contenus culturels va être lié à la démocratisation d’Internet et de la micro-informatique. Depuis, les différentes améliorations technologiques, que cela soit, pour ces dernières années, autour de la bande passante, de la mobilité des données ou encore des terminaux permettant d’accéder à Internet, ont accéléré l’échange de produits culturels en ligne.
  3. Aujourd’hui la vidéo et l’audio représentent la grande majorité du temps que les internautes passent en ligne — 38 % pour la vidéo et 34 % pour l’audio selon le CRTC dans son rapport Emboîter le pas au changementNote de bas de page 9. La consommation culturelle en ligne joue donc un rôle fondamental dans le développement d’Internet.
  4. Depuis quelques années, la montée des plateformes musicales et la croissance exponentielle de la consommation culturelle en flux continu a largement favorisé le développement de l’Internet mobile et la demande des consommateurs en données mobiles. Ainsi, pour consommer du contenu musical en ligne, les Canadiens dépensent des sommes importantes — en augmentation constante — pour leur abonnement à Internet et leurs forfaits de données mobiles.
  5. Les intermédiaires dits passifs ont bien conscience de cette situation et au cours des dernières années, ils ont par exemple encouragé, par toutes sortes de promotionsNote de bas de page 10, les consommateurs à recourir à Internet pour consommer du contenu culturel. La conséquence est un écart croissant entre les dépenses des ménages en services de télécommunication et leurs dépenses culturelles. Nous observons donc un paradoxe. Alors que la culture n’a jamais autant circulé et été aussi accessible et que la musique, du fait de sa grande portabilité, est de plus en plus consommée et copiéeNote de bas de page 11, les revenus liés aux enregistrements sonores n’ont fait que décroitre.
  6. Parallèlement, si ces intermédiaires profitent largement de la circulation des contenus pour vendre leurs services, à aucun moment ils ne contribuent au financement de celle-ci, comme l’illustre le schéma ci-dessous :
     
  7. L’ADISQ dénonce depuis longtemps cette anomalie qui permet à ces joueurs de vendre leurs services, souvent à prix fort, dont l’attractivité repose en grande partie sur l’accès à la culture qu’il offre alors que de manière concomitante, les industries culturelles, et en particulier l’industrie musicale, voient leurs revenus baisser dangereusement.
  8. Un cadre législatif qui responsabilise l’ensemble des intermédiaires en ligne, où chacun fait sa juste part au regard de son rôle dans la circulation de la culture en ligne et des avantages qu’il tire de celle-ci, devrait s’assurer que chacun contribue au financement de la culture, en particulier celui de la musique qui depuis une vingtaine d’années subit un processus de destruction de la valeur.
  9. C’est dans ce cadre qu’en 2019Note de bas de page 12 à l’occasion de l’Appel aux observations à l’égard de l’examen du Cadre législatif canadien sur les communications, l’ADISQ a fait plusieurs recommandations pour mettre en place un système permettant de faire contribuer au développement du contenu canadien (DCC) les joueurs qui mettent en place les moyens techniques aux fins de la communication ou du stockage de contenu. Nous avions ainsi demandé que des ajustements soient effectués à la Loi sur la radiodiffusion et à la Loi sur les télécommunications afin de distinguer clairement la réglementation des modes de transmission et des activités de télécommunication, de celle des contenus culturels, qui peuvent être acheminés par divers moyens techniques.
  10. Nous avions ensuite recommandé que des modifications soient apportées à la Loi sur la radiodiffusion pour garantir et encadrer la contribution de ces joueurs au développement de contenu canadien — en ce qui concerne la part de leur activité impliquant la télécommunication de contenu culturel — tout en demandant que le CRTC initie une instance publique visant à mettre en place une méthodologie adéquate pour déterminer cette contribution.
  11. Malgré une certaine unité du milieu culturel sur cette question — la Coalition pour la diversité des expressions culturelles a par exemple porté cette propositionNote de bas de page 13 —, le Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications a choisi d’écarter cette proposition dans son rapport final.
  12. Lors de la publication de ce rapport, notre réaction a été nuancéeNote de bas de page 14. D’un côté, nous avons salué les recommandations visant à assujettir aux obligations de la Loi sur la radiodiffusion tous les services développant des activités de radiodiffusion en ligne, ceux définis dans la présente consultation comme les intermédiaires en ligne « qui touchent la diffusion et l’utilisation de contenu ». Alors que ces acteurs bénéficient depuis plus 20 ans d’une exemption injustifiée au regard de leur rôle de premier plan au sein dans nos industries, la proposition du Groupe d’examen vise à corriger une iniquité majeure perdurant depuis trop longtemps.
  13. D’un autre côté, rappelant qu’un « véritable retour à l’équilibre dans le marché de la musique nécessite la participation de tous les joueurs sans exception »Note de bas de page 15, nous avons regretté l’absence de recommandation quant à une contribution des intermédiaires dits passifs. Nous déplorons également que cette proposition soit absente du projet de loi C-10 et profitons donc de la tribune qui nous est offerte ici pour revenir sur cette question et réaffirmer notre position.
  14. Nous considérons qu’au motif de leur passivité, ces intermédiaires dits passifs se positionnent trop facilement comme de simples « tuyaux » qui tels deux des trois singes seraient aveugles et sourds sur les contenus qui circulent par leur entremise et n’auraient que peu ou pas de responsabilité quant à ceux-ci. Pourtant, comme nous venons de le voir, les contenus qui sont communiqués par l’intermédiaire de leurs infrastructures sont au cœur de leur modèle économique, c’est ce qui motive largement leur clientèle à s’abonner à leurs services.
  15. Nous considérons donc que ces intermédiaires doivent endosser des responsabilités à la hauteur du rôle fondamental qu’ils occupent dans la chaîne de distribution de la culture et de l’avantage économique important qu’ils en dégagent.
  16. Comme nous venons de l’exposer, cette responsabilisation passe également par une participation au financement de la culture. Ces intermédiaires en ligne, qualifiés ici de passifs, doivent contribuer au financement de nos contenus d’ici via des mécanismes de contribution comme ceux découlant de la Loi sur la radiodiffusion. Même si le milieu culturel n’a pas jusqu’à maintenant réussi à convaincre les pouvoirs politiques de modifier cette loi en conséquence, il poursuivra ses actions en ce sens dans l’avenir.
  17. Cela étant dit, nous allons maintenant exposer nos demandes quant à la responsabilisation de l’ensemble des intermédiaires en ligne en vertu de la Loi sur le droit d’auteur tel que le propose le document de consultation. Cette responsabilisation consiste en premier lieu à s’assurer que l’ensemble des contenus qui circulent par l’entremise des intermédiaires en ligne ne contreviennent pas à la Loi sur le droit d’auteur, via des mesures réellement dissuasives et une révision par le gouvernement des fondements des règles d’exonération de responsabilité de ces intermédiaires. Nous poursuivrons sur les modes de rémunération en nous penchant sur les systèmes de licences abordées dans le document de consultation. Nous aborderons ensuite la question de la transparence en proposant des obligations concernant les intermédiaires. Nous demandons enfin l’établissement d’un fondement législatif et d’une procédure statutaire pour certaines injonctions contre les intermédiaires.

1. Clarification des protections contre la responsabilité prévue pour les intermédiaires en cas de violation du droit d’auteur

  1. Le développement des technologies de l’information, dont Internet et les divers services en ligne qu’il rend possibles, a dramatiquement fragilisé la protection des auteurs, compositeurs, artistes et producteurs en facilitant l’utilisation à large échelle et faible coût de leurs œuvres, prestations et enregistrements sans leur autorisation, minant leur capacité d’en effectuer une exploitation légitime et ordonnée et d’en tirer des revenus décents.
  2. Comme ces technologies impliquent la reproduction et la communication systématiques d’informations, dont d’œuvres, prestations et enregistrements protégés par l’entremise des équipements et services sous-tendant le fonctionnement d’Internet et autres réseaux interactifs, les opérateurs de ces réseaux et prestataires de ces services ont rapidement réclamé l’adoption de mesures législatives visant à les mettre à l’abri de responsabilités pour les violations de droits d’auteur et droits voisins susceptibles de résulter de l’utilisation de ces équipements et réseaux par ces opérateurs et prestataires et par leurs utilisateurs.

1.1 Révision du critère de connaissance aux fins d’exonération

  1. Contrairement aux législations américaine et européenneNote de bas de page 16, la loi canadienneNote de bas de page 17 ne stipule pas que les intermédiaires perdent le bénéfice des mesures d’exonération lorsqu’ils ont connaissance du fait que des contenus contrefaits sont mis en ligne par l’entremise de leurs services. La seule exception est le cas des intermédiaires fournissant des services d’hébergement s’ils savent qu’un tribunal compétent a rendu une décision portant qu’un utilisateur viole le droit d’auteur en raison de le la reproduction de contenus contrefaits sur leurs serveurs ou de la manière dont cet utilisateur utilise de tels contenus. Une telle condition rend, de l’avis de l’ADISQ, cette condition inutile, puisque les ayants droits doivent entreprendre un recours judiciaire afin d’obtenir une telle décision, et stérile, puisque la décision ordonnera de toute façon normalement le retrait de ce contenu.
  2. Le gouvernement doit modifier la Loi afin de prévoir que tout intermédiaire cesse de bénéficier des mesures d’exonération de responsabilité dès lors qu’il prend effectivement connaissance du fait qu’un contenu donné ou que son utilisation dans le cadre de son service viole le droit d’auteur, ou qu’il prend conscience de faits ou de circonstances révélant une telle violation.
  3. Une telle connaissance devrait par ailleurs être réputée acquise dès lors que l’intermédiaire aurait raisonnablement dû avoir connaissance d’un tel acte compte tenu des circonstances, ou s’il reçoit un avis de violation alléguée, incluant dans le cadre d’un régime d’avis et retrait ou encore, suite à ses propres investigations.
  4. Les mesures d’exonération ne devraient en aucun cas empêcher l’obtention d’injonctions visant à prévenir ou empêcher toute violation survenant dans le cadre des services de tout intermédiaire.

1.2 Clarifications quant aux rôles tenus par les intermédiaires

  1. La Loi doit exprimer de façon explicite que toute mesure d’exonération d’un intermédiaire ne s’applique que dans les cas où l’intermédiaire tient un rôle purement passif à l’égard du contenu protégé et de son utilisation dans le cadre de ses services et en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés.
  2. Afin que les responsabilités qui incombent à chaque intermédiaire soient claires, il est essentiel que le législateur définisse distinctement qui est un intermédiaire actif et qui est un intermédiaire passif.  
  3. La Loi devrait ainsi énoncer des critères exemplatifs et non exhaustifs de ce qui constitue un rôle actif, notamment des fonctions ou caractéristiques telles que l’optimisation de la présentation du contenu ou la promotion de celui-ci, tel que le classement de contenu par genre ou par style, la création et la recommandation de listes de lecture, ou l’inclusion de fonctions de « lecture automatique » ou de « remplissage automatique ».
  4. Elle devrait aussi préciser que le fait qu’une telle fonction ou caractéristique soit exécutée de façon technique et automatisée ne rend pas cette fonction ou caractéristique, et donc le service lui-même, de ce fait nécessairement passif; ainsi, le classement de contenus et la création ou recommandation de listes de lecture résultant de l’exécution de fonctionnalités logicielles ne sont pas plus passives que si elles avaient été exécutées par une personne physique et disqualifient de ce fait le service et son fournisseur des mesures d’exonération. 
  5. Au nombre de ces critères devrait évidemment aussi figurer la possibilité d’exercer le contrôle sur le contenu ou l’activité, dont une responsabilité éditoriale.
  6. Les exonérations ne devraient finalement s’appliquer que dans les cas où l’intermédiaire n’a aucun intérêt financier dans l’activité contrefaisante.

1.3 Adoption de nouvelles obligations pour les intermédiaires admissibles

  1. La Loi doit aussi impérativement stipuler les obligations suivantes à titre de conditions sine qua non pour que les intermédiaires concernés puissent bénéficier des règles d’exonération leur étant autrement applicables :
1.3.1 Régime d’avis et de retrait et obligation de maintien hors ligne
  1. La contrepartie essentielle consentie aux titulaires de droits sur les œuvres, prestations et enregistrements afin de compenser les bénéfices importants accordés aux intermédiaires offrant des services de mise en antémémoire, d’hébergement et d’outil de repérage, consiste à leur permettre d’obtenir de ces intermédiaires qu’ils retirent ou bloquent tout accès à tout contenu protégé utilisé par les usagers des services de ces intermédiaires sans l’autorisation de ces titulaires au moyen d’une procédure de notification auprès de mandataires désignés par ces intermédiaires et dont les informations de contact (dont au moins le nom, le numéro de téléphone direct et l’adresse physique et électronique) sont facilement et clairement accessible (notamment en ligne).
  2. Compte tenu par ailleurs des difficultés identifiées dans le Rapport du Bureau du droit d’auteur américain et par l’Union européenne découlant de la remise en ligne systématique des mêmes contenus suite à leur retrait en application d’un système d’avis et retrait, la Loi doit aussi stipuler des obligations de moyen robustes visant à faire en sorte que les intermédiaires soient tenus d’empêcher ou de retirer promptement ces mêmes contenus, lorsque subséquemment remis en ligne par leurs utilisateurs. 
  3. Les dispositions applicables des articles 14 et 15 de la Proposition européenne du 15 décembre 2020 de législation sur les services numériques et des paragraphes 4 et 5 de l’article 17 de la Directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numériqueNote de bas de page 18, avec les adaptations nécessaires aux fins de leur application aux intermédiaires offrant aussi des services de mise en antémémoire et d’outil de repérage, reflètent selon l’ADISQ les meilleures pratiques actuelles en cette matière.
  4. L’ADISQ est d’accord avec le fait que la décision de retirer ou bloquer l’accès aux contenus visés par un avis de retrait relève ultimement de l’intermédiaire, étant toutefois entendu que la réception d’un tel avis doit être réputée donner lieu à la connaissance ou à la prise de conscience effective à l’égard de ces contenus et, par conséquent, à la perte du bénéfice des exonérations de responsabilité applicables pour toute violation se poursuivant après l’expiration du délai fixé par la Loi pour retirer ou bloquer l’accès à ce contenu suite à la réception de cet avis.
  5. L’ADISQ est aussi en accord avec tout mécanisme susceptible de favoriser la résolution rapide de tout différend faisant suite aux décisions prises par les intermédiaires de retirer ou maintenir les contenus visés par les avis.
  6. L’ADISQ est finalement en faveur de l’approche préconisée par le projet de législation européenne visant la reconnaissance de plaignants reconnus comme des « sources fiables » à la suite d’un processus transparent, tel que des sociétés de gestion ou associations professionnelles des secteurs concernés.
1.3.2 Contrefacteurs récidivistes
  1. La Loi doit de plus impérativement conditionner l’application des mesures d’exonération de responsabilité à tout intermédiaire à l’adoption et la mise en application effective et de bonne foi de politiques visant les contrefacteurs récidivistes selon les paramètres de la loi américaine corrigés selon les recommandations du Bureau du droit d’auteur dans le Copyright Office Section 512 Report de mai 2020.

2. Imposition de régimes de licences obligatoires ou étendues

  1. L’ADISQ s’oppose fermement à la création de tout nouveau régime de licences obligatoires ou étendues visant quelque droit des producteurs d’enregistrements sonores, lesquelles licences ne peuvent de toute façon être édictées que dans le cadre limité autorisé par les traités internationaux.
  2. Cette approche ne peut surtout pas servir de panacée à l’imposition de conditions conformes aux meilleures pratiques internationales afin d’exonérer les intermédiaires de leurs responsabilités pour les violations de droits d’auteur et droits voisins survenant dans le cadre de leurs services.
  3. Les faits démontrent finalement que les licences obligatoires et régimes similaires, tels que les droits à rémunération accordés en lieu et place de droits exclusifs, donnent systématiquement lieu au versement de contreparties substantiellement moindres que celles pouvant être obtenues aux termes de négociations librement consenties sur le fondement de droits exclusifs, la capacité d’interdire une exploitation donnée ayant, en elle-même, une valeur économique significative.
  4. Avec cette proposition de licence obligatoire, nous comprenons que le législateur souhaite rééquilibrer les rapports de force entre les plateformes et les ayants droit et optimiser les retombées financières pour ces derniers. Pourtant, cette proposition aurait l’effet inverse et pénaliserait les ayants droit en tirant vers le bas la rémunération de tous. Devant l’incapacité de disposer de leur droit exclusif comme ils l’entendent, les titulaires de droits d’auteur se trouveraient privés d’un pouvoir de négociation face aux plateformes avec le risque de se voir établir des tarifs trop faibles par la Commission du droit d’auteur, établissement de tarifs qui se conclut toujours après un long processus beaucoup trop couteux pour l’ensemble des joueurs. Au surplus, c’est toute l’industrie musicale qui s’en trouverait chavirée dans son mode d’exploitation et — rappelons-le — certainement pas au bénéfice des titulaires de droit.
  5. L’ADISQ rappelle enfin que toute licence obligatoire doit, pour être valide, rencontrer le test en 3 étapes de la Convention de Berne.

3. Obligations de transparence des intermédiaires

  1. La Loi devrait comporter des obligations de transparence obligeant, à tout le moins, les intermédiaires fournissant des services d’hébergement et, dans tous les cas ceux rencontrant la définition de « fournisseur de services de partage de contenus en ligne » de la Directive Européenne de 2019 à consigner notamment, les renseignements suivants :
    • Toute utilisation des contenus des titulaires de droits sur leurs plateformes, notamment le nombre de téléversements incorporant ce contenu et le nombre de vues et d’écoutes;
    • Les sommes perçues à quelque titre par les intermédiaires en contrepartie de ces utilisations, y compris au titre de droits d’accès aux répertoires et d’avance sur redevances;
    • La méthode de calcul et de versement de toute rémunération payable aux titulaires de droits en contrepartie de ces utilisations;
    • Toute information relative à leurs services pertinents aux fins de l’application de toute mesure d’exonération, dont tout service, acte, fonctionnalité ou caractéristique, susceptible d’affecter le caractère passif d’un service, et le rôle de la prise de décisions automatisée et humaine dans ces processus;
    • Les procédures, les mesures et les outils auxquels ont recours les intermédiaires pour intervenir lors des cas probables de violation du droit d’auteur par leurs services, ainsi que les politiques guidant l’utilisation de ces mécanismes, notamment le rôle de la prise de décisions automatisée et humaine dans ces mécanismes; et
    • Le détail des interventions des intermédiaires dans les cas probables de violation du droit d’auteur par leurs services, notamment la quantité, la nature et le résultat des mesures prises à la suite d’une ordonnance du tribunal, comme un avis d’action, un recours contre les contrevenants récidivistes présumés, un régime d’avis et avis ou une initiative propre à l’intermédiaire.
  2. Ces renseignements devraient, selon le cas, n’être divulgués qu’aux titulaires de droits concernés ou à leurs mandataires ou sociétés de gestion administrant les droits en cause, lorsqu’ils sont d’une nature telle que, selon les usages normaux, ils sont considérés être de nature confidentielle pour ces personnes, et être rendus publiquement accessibles dans les autres cas.

4. Établissement d’un fondement législatif et d’une procédure statutaire pour certaines injonctions contre les intermédiaires

  1. La Loi devrait finalement être amendée afin de confirmer le pouvoir des tribunaux d’émettre des ordonnances obligeant les intermédiaires à prévenir et empêcher la violation du droit d’auteur dans le cadre de leurs services de manière à prévenir des litiges longs et couteux.
  2. De telles ordonnances devraient comprendre les ordonnances dites de « retrait », « blocage », « désindexation » ainsi que celles visant à suspendre ou résilier l’accès aux services d’un intermédiaire.
  3. La Loi devrait en outre confirmer que de telles ordonnances peuvent être obtenues à l’encontre d’un intermédiaire même s’il n’est pas responsable de ces violations et sans devoir préalablement obtenir un jugement direct à l’encontre de la personne directement responsable de la violation en cause, y compris lorsque cette personne est localisée à l’extérieur du Canada.
  4. Les règles encadrant l’émission de telles ordonnances pourraient certes s’inspirer de la jurisprudence canadienne et celle d’autres juridictions dans la mesure où les principes et règles juridiques pertinents sont compatibles avec ceux applicables dans la juridiction canadienne concernée.

Conclusion

  1. La Loi sur le droit d’auteur est un pilier de notre industrie et nous sommes reconnaissants de pouvoir participer à cette Consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne. Cette consultation est d’autant plus importante que depuis une vingtaine d’années, cette Loi est malmenée et les auteurs, compositeurs, interprètes et producteurs éprouvent des difficultés croissantes pour exploiter convenablement le fruit de leur travail et en tirer un revenu décent.
  2. Parallèlement, les intermédiaires en ligne qui, selon diverses modalités économiques en fonction de leur rôle dans la chaîne de distribution, captent une grande partie de la valeur créée par les industries du contenu ont d’importantes responsabilités. Or, la Loi sur le droit d’auteur actuelle offre trop d’exonérations à ces derniers.
  3. Afin de remédier à cette situation, nous invitons le gouvernement canadien à adopter les mesures recommandées dans ce mémoire.
  4. Toute correspondance peut être acheminée par courriel à l’adresse suivante : sclaus@adisq.com.
  5. Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à cette intervention, veuillez recevoir l’expression de nos sentiments distingués.

La vice-présidente aux affaires publiques et
directrice générale,

Solange Drouin

Annexes

Annexe 1 : Art. 14 et 15 de la Proposition européenne du 15 décembre 2020 de législation sur les services numériques et l’art. 17 de la Directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif à un marché intérieur des services numériques (Législation sur les services numériques) et modifiant la directive 2000/31/CE

Article 14
Mécanismes de notification et d’action

  1. Les [intermédiaires offrant des services de mise en antémémoire, d’hébergement et d’outil de repérage] établissent des mécanismes permettant à tout individu ou à toute entité de leur signaler la présence au sein de leur service d’informations spécifiques considérées comme du contenu illicite par l’individu ou l’entité. Ces mécanismes sont faciles d’accès et d’utilisation et permettent la soumission de notifications exclusivement par voie électronique.
  2. Les mécanismes prévus au paragraphe 1 facilitent la soumission de notifications suffisamment précises et dûment motivées, sur la base desquelles un opérateur économique diligent peut établir l’illégalité du contenu en question. À cette fin, les [intermédiaires] prennent les mesures nécessaires en vue de permettre et faciliter la soumission de notifications contenant l’ensemble des éléments suivants:
    1. une explication des raisons pour lesquelles l’individu ou l’entité considère que les informations en question constituent un contenu illicite;
    2. une indication claire de l’adresse électronique de ces informations, en particulier le(s) URL exacte(s), et, le cas échéant, des informations complémentaires permettant de repérer le contenu illicite; […]
    3. une déclaration confirmant que l’individu ou l’entité soumettant la notification pense, de bonne foi, que les informations et les allégations qu’elles contiennent sont exactes et complètes.
  3. Les notifications comprenant les éléments visés au paragraphe 2 sont réputées donner lieu à la connaissance ou à la prise de conscience effective aux fins de l’article 5 en ce qui concerne les informations spécifiques concernées.
  4. Lorsque la notification contient le nom et une adresse de courrier électronique de l’individu ou de l’entité à l’origine de sa soumission, [l’intermédiaire] envoie rapidement un accusé de réception de la notification à cet individu ou cette entité.
  5. [L’intermédiaire] notifie également dans les meilleurs délais à cet individu ou cette entité sa décision concernant les informations auxquelles la notification se rapporte, tout en fournissant des informations sur les possibilités de recours à l’égard de cette décision.
  6. Les [intermédiaires] traitent les notifications qu’ils reçoivent par les mécanismes prévus au paragraphe 1, et prennent leurs décisions concernant les informations auxquelles la notification se rapporte en temps opportun, de manière diligente et objective. Lorsqu’ils font appel à des moyens automatisés aux fins de ce traitement ou de cette prise de décisions, ils mentionnent l’utilisation de ces procédés dans la notification visée au paragraphe 4.

Article 15
Exposé des motifs

  1. Lorsqu’un [intermédiaire] décide de retirer des informations spécifiques fournies par les bénéficiaires du service ou d’empêcher l’accès à celles-ci, indépendamment des moyens utilisés pour détecter, repérer ou retirer ces informations, ou empêcher l’accès à celles-ci, ainsi que de la raison de sa décision, il informe le bénéficiaire de la décision, au plus tard au moment du retrait ou du blocage de l’accès, et fournit un exposé clair et spécifique des motifs de cette décision.
  2. L’exposé des motifs visé au paragraphe 1 comprend au minimum les informations suivantes:
    1. l’indication éventuelle du fait que la décision implique soit le retrait des informations, soit le blocage de l’accès à celles-ci et, le cas échéant, le champ d’application territorial du blocage de l’accès;
    2. les faits et circonstances sur lesquels s’appuie la décision, y compris, le cas échéant, si la décision a été prise au titre d’une notification soumise conformément à l’article 14;
    3. le cas échéant, des informations relatives à l’utilisation de moyens automatisés pour prendre la décision, y compris lorsque cette dernière concerne des contenus détectés ou repérés par des moyens automatisés;
    4. lorsque la décision concerne des contenus prétendument illicites, une référence au fondement juridique sous-jacent et des explications des motifs pour lesquels ces informations sont considérées comme des contenus illicites sur cette base;
    5. lorsque la décision se fonde sur la prétendue incompatibilité des informations avec les conditions générales de [l’intermédiaire], une référence aux clauses contractuelles sous-jacentes et des explications des raisons pour lesquels ces informations sont considérées comme incompatibles avec ces clauses;
    6. des informations relatives aux voies de recours à la disposition du bénéficiaire du service en ce qui concerne cette décision, notamment par l’intermédiaire de mécanismes internes de traitement des réclamations, du règlement extrajudiciaire des litiges et d’un recours juridictionnel.
  3. Les informations fournies par les [intermédiaires] en vertu du présent article sont claires et faciles à comprendre et aussi précises et détaillées que cela est raisonnablement possible compte tenu des circonstances données. En particulier, les informations donnent au bénéficiaire du service concerné une possibilité raisonnable d’exercer effectivement les voies de recours visées au point f) du paragraphe 2.
  4. Les [intermédiaires] publient les décisions et les exposés des motifs visés au paragraphe 1 dans une base de données accessible au public gérée par la Commission. Ces informations ne contiennent pas de données à caractère personnel.

DIRECTIVE (UE) 2019/790 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE

Article 17
Utilisation de contenus protégés par des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne

  1. Si aucune autorisation n'est accordée, les [intermédiaires] sont responsables des actes non autorisés [à l’égard] d'œuvres protégées par le droit d'auteur et d'autres objets protégés, à moins qu'ils ne démontrent que 
    1. ils ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation; et
    2. ils ont fourni leurs meilleurs efforts, conformément aux normes élevées du secteur en matière de diligence professionnelle, pour garantir l'indisponibilité d'œuvres et autres objets protégés spécifiques pour lesquels les titulaires de droits ont fourni aux fournisseurs de services les informations pertinentes et nécessaires; et en tout état de cause
    3. ils ont agi promptement, dès réception d'une notification suffisamment motivée de la part des titulaires de droits, pour bloquer l'accès aux œuvres et autres objets protégés faisant l'objet de la notification ou pour les retirer de leurs sites internet, et ont fourni leurs meilleurs efforts pour empêcher qu'ils soient téléversés dans le futur, conformément au point b).
  2. Pour déterminer si [l’intermédiaires] a respecté les obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 4, et à la lumière du principe de proportionnalité, les éléments suivants sont, entre autres, pris en considération:
    1. le type, l'audience et la taille du service, ainsi que le type d'œuvres ou autres objets protégés téléversés par les utilisateurs du service; et
    2. la disponibilité de moyens adaptés et efficaces et leur coût pour les fournisseurs de services.

Annexe 2 : Situation chez les principaux pays partenaires du Canada

Cette annexe propose une revue juridique des règles d’exonération de responsabilité des intermédiaires chez les principaux pays partenaires du Canada, soit les États-Unis et l’Europe.

Les États-Unis

Les États-Unis est la première juridiction ayant répondu aux demandes d’exoneration de responsabilité des intermediaires, par l’adoption du Digital Millenium Copyright Act (« DMCA ») en octobre 1998, ajoutant un nouvel article 512 à la loi américaine sur le droit d’auteur ayant pour objectif avoué de trouver un point de juste équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et des prestataires de services en ligne en offrant aux prestataires de services en ligne agissant de bonne foi afin de prévenir la contrefaçon une mise à l’abri (« safe harbour ») de poursuites à leur encontre susceptibles de découler de violations de droits d’auteur commises par les utilisateurs de leurs services, et en contrepartie aux titulaires de droits d’auteur, un moyen rapide, efficace et abordable pour faire cesser de telles violations sans avoir à recourir aux tribunaux.

Ce point d’équilibre se fonde sur le respect par les prestataires de services, d’un certain nombre de conditions définies par la loi, parmi lesquelles :

  • Pour tous les prestataires de services :
    • L’adoption, la publication et la mise en œuvre de manière raisonnable d’une politique conduisant à la résiliation, dans des circonstances appropriées, des droits des utilisateurs des services des prestataires qui sont des contrefacteurs récurrents;
    • Agir de façon totalement passive à l’égard des contenus protégés mis en ligne par les utilisateurs de leurs services en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés;
  • Pour les prestataires de services d’hébergement et d’outils de repérages :
    • Ne pas avoir connaissance effective du fait que les contenus mis en ligne par les utilisateurs de leurs services violent le droit d’auteur, ni avoir connaissance de faits ou de circonstances révélant cette violation;
    • Dès que le prestataire acquiert une telle connaissance (y compris par voie du régime « d’avis et retrait » discuté ci-après), agir promptement afin de supprimer le contenu ou en empêcher l’accès, et
    • Ne pas recevoir d’avantage financier directement attribuable à l’activité de contrefaçon lorsque le prestataire a le droit et la capacité de contrôler cette activité, et
  • Pour les prestataires de services autres que de « simple conduit », la mise en place d’un système dit « d’avis et retrait » permettant aux titulaires de droits d’obtenir le retrait de toute œuvre ou autre objet protégé mis en ligne sans leur consentement par les usagers de ces services, ainsi que la désignation d’un mandataire clairement identifié au public chargé de la réception de ces avis et, selon le cas, d’éventuels contre-avis d’usagers contestant ces demandes de retraits.

Il est primordial de souligner, d’abord, que l’application de l’ensemble de ces conditions a été considéré essentiel par le Congrès américain afin qu’un prestataire de services en ligne puisse bénéficier des mesures d’exonération de responsabilité prévues par la loi américaine et, surtout, que la « contrepartie » offerte aux titulaires de droits d’auteur afin de contrebalancer les effets de ces mesures d’exonération consiste essentiellement en la possibilité de faire cesser la violation de leurs droits de façon rapide et peu couteuse au moyen du régime « d’avis et retrait » aussi prévu par la loi et discuté plus bas.

Telle est donc la situation aux États-Unis depuis 1998. Plus de 20 ans s’étant écoulées depuis la mise en place de ces dispositions, le Bureau du droit d’auteur américain a entrepris en 2016 une enquête longue et exhaustive sur les effets réels de ce régime d’exonération en regard des objectifs sous-tendant son adoption pour conclure, dans son Rapport de mai 2020 (Copyright Office Section 512 Report) que si ce régime était très généralement considéré comme satisfaisant par les prestataires de services, il était tout aussi largement décrié par les ayants droits notamment (mais pas uniquement) en raison des constats suivants, considérés comme essentiellement avérés par le Bureau du droit d’auteur :

  • L’émergence de services de partage de contenus mis en ligne par leurs utilisateurs organisant ou faisant la promotion de certains contenus et tirant avantage des mesures d’exonération de responsabilité des intermédiaires de manière à éviter ou réduire substantiellement le paiement de contreparties pour l’utilisation des contenus mis en ligne par les utilisateurs de leurs services;
  • La démultiplication des contenus illégaux appelant, par voie de conséquence, la démultiplication des avis de retraits au point même où il pouvait de venir nécessaire de dédier du personnel à cette tâche puis d’en automatiser la transmission afin de tenter de suivre le rythme des remises en lignes systématiques et incessantes des mêmes contenus contrefaits, situation comparée au « jeu de la taupe »  (« whack-a-mole ») rendu parfois possible par une méthode qualifiée de « Pez linking » (en référence au distributeur de bonbons « Pez »), un fichier comportant un contenu contrefait retiré d’un service suite à l’envoi d’un avis de retrait étant immédiatement remplacé par un autre fichier comportant le même contenu contrefait, et ainsi de suite.

Le Bureau du droit d’auteur américain conclut donc que, bien qu’étant largement perçus comme satisfaisant par les intermédiaires, ce régime doit être revu afin de le rééquilibrer au bénéfice des titulaires de droits en corrigeant les problèmes précités et en resserrant ou clarifiant certaines autres conditions d’application de ces mesures d’exonération.

L’Union européenne

L’Union européenne a de son côté adopté un ensemble de directives (dont la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur et la Directive [UE] 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE) ainsi qu’un projet de règlement (Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2020 relatif à un marché intérieur des services numériques [Législation sur les services numériques] et modifiant la directive 2000/31/CE) dont résulte un régime d’exonération s’apparentant largement aux règles énoncées à l’article 512 de loi américaine sur le droit d’auteur avec, toutefois, certains resserrements visant à corriger essentiellement les mêmes problèmes que ceux relatés dans le Rapport du Bureau du droit d’auteur américain de mai 2020 dont les deux cités en exemple plus haut.

Parmi ces mesures de correction :

  • L’article 17 de la Directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique qui crée une nouvelle catégorie de prestataire de services en ligne soit les « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » hébergeant et donnant accès au public à des œuvres ou autres objets protégés téléversés par leurs utilisateurs et que ces fournisseurs organisent ou promeuvent (par exemple classant ces contenus par genre ou style ou en créant ou recommandant des listes de lecture) et qui :
    • Sont de ce fait considérés comme n’agissant pas de façon passive et ne peuvent donc se prévaloir des mesures d’exonération autrement applicables aux intermédiaires;
    • Sont réputés eux-mêmes communiquer et mettre à la disposition du public les contenus mis en ligne par leurs utilisateurs;
    • Doivent, de ce fait, obtenir des licences et verser des redevances couvrant ces actes et ceux de leurs utilisateurs;
    • Encourent des obligations de retraits des contenus pour lesquels ils n’ont pu, malgré leurs meilleurs efforts, obtenir une autorisation;
    • Doivent « fournir leurs meilleurs efforts, conformément aux normes élevées du secteur en matière de diligence professionnelle » afin de « garantir l’indisponibilité » de tout contenu non-autorisé pour lequel ils ont reçus un avis en ce sens du titulaire des droits; et
    • Doivent agir promptement, dès réception d’un avis du titulaire pour retirer ou bloquer l’accès aux contenus faisant l’objet de l’avis et fournir leurs meilleurs efforts (conformément au paragraphe précédent) pour empêcher qu’ils soient téléversés dans le futur.  
  • La Proposition de règlement du 15 décembre 2020 relatif à un marché intérieur des services numériques qui reprend les dispositions de la Directive du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information applicables aux « services intermédiaires », soit les services de « simple transport » de « mise en cache et “d’hébergement” en ajoutant, notamment :
    • L’obligation pour les fournisseurs de services d’hébergement, y compris les plateformes en ligne, de mettre en place un système équivalent à celui d’avis et retrait de la loi américaine en vertu duquel le fournisseur est notamment réputé prendre connaissance de l’existence ou de l’utilisation du contenu contrefait faisant l’objet de l’avis, et lui faisant dès lors perdre le bénéfice des mesures d’exonération de responsabilité s’il ne le retire pas de son service;
    • Des obligations de transparence obligeant les fournisseurs à fournir un ensemble d’information, dont les avis et réclamations reçus, décisions rendues et actions posées par ces fournisseurs, et
    • Des règles visant la suspension des services aux utilisateurs abusant des services par l’utilisation fréquente de contenus contrefaisants.

En conclusion, la législation européenne établit un régime d’exonération de responsabilité comparable à celles des États-Unis et, donc, aussi fondé la recherche d’un juste point d’équilibre entre les exonérations accordées aux prestataires de services compensées par un mécanisme permettant aux titulaires de doit d’obtenir le retrait de matériel contrefaisant par un régime d’avis et de retrait.

L’Union européenne a par ailleurs devancé les Américains en mettant en place des règles visant à corriger certaines des lacunes identifiées dans le Rapport du Bureau du droit d’auteur par au moyen des règles et obligations précitées, dont la responsabilisation directe des fournisseurs de services de partage de contenus mis en ligne par leurs utilisateurs pour les communications en résultant et des obligations de moyen robustes pour le maintien hors ligne du matériel contrefaisant sans obligation de notifications répétées.

Ce qui nous permet maintenant de comparer la situation canadienne avec celle de ses principaux partenaires commerciaux.

Annexe 3 : Situation canadienne

Quant au Canada, comme l’ont unanimement décriés les représentants des auteurs, artistes et producteurs et de nombreux experts en droit d’auteur tant canadiens qu’étrangers, le Projet de Loi C-11 adopté en 2012, s’est limité à accorder à ces derniers, au mieux, le strict minimum requis afin de se conformer aux obligations du Canada en vertu des traités de l’OMPI sur le droit d’auteur et les droits voisins, en s’abstenant de corriger l’effet de certaines décisions ayant gravement affecté les titulaires de droit d’auteur, dont celles ayant conclu à la non-application du régime de copie privée aux reproductions faites dans une mémoire numérique intégrée dans un équipement et rendant de ce fait ce régime essentiellement obsolète, et en adoptant une myriade d’exceptions et limitations aux droits d’auteurs n’étant d’aucune façon requises par les traités précités dont le résultat net fut de réduire très substantiellement leurs droits et, par conséquent, leurs revenus.

Parmi ces limitations et exceptions, l’ensemble des dispositions touchant à la responsabilité de toute “personne qui, dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, fournit des moyens permettant la télécommunication ou la reproduction d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur” parmi lesquelles les personnes fournissant des services d’accès aux réseaux ou de transmission de contenus, de mise en antémémoire, d’hébergement et d’outil de recherche outil de repérage.

En fait, un regard objectif posé sur l’ensemble des mesures d’exonération des intermédiaires adoptées aux termes du Projet de loi C-11 conduit à conclure que la loi canadienne accorde aux intermédiaires une exonération substantiellement plus importante et à des conditions substantiellement moins exigeantes que celles découlant des lois étrangères et, encore pire, en n’accordant en contrepartie aux titulaires de droit qu’un régime dit “d’avis et avis” ne leur permettant donc pas d’obtenir le retrait rapide et a peu de coûts des contenus contrefaits mis en ligne par les utilisateurs des services des intermédiaires, ce qui constitue la contrepartie essentielle accordée aux titulaires par les régimes d’exonération américain et européen afin d’assurer un juste équilibre entre les droits et responsabilités des intermédiaires et des titulaires.

Le Canada ne peut ignorer que les règles encadrant la responsabilité des intermédiaires sont fortement déséquilibrées en ce qu’elles favorisent de manière inusitée les fournisseurs d’accès et de services Internet en omettant ou amoindrissant la portée de nombre de conditions importantes imposées par les lois d’autres pays avec lesquels le Canada tend toujours à se comparer afin de permettre aux intermédiaires Internet de se mettre à l’abri de poursuite en violation du droit d’auteur, parmi lesquelles :

  • Pour tous les prestataires de services :
    • L’adoption, la publication et la mise en œuvre de manière raisonnable d’une politique conduisant à la résiliation, dans des circonstances appropriées, des droits des utilisateurs des services des prestataires qui sont des contrefacteurs récurrents;
    • Agir de façon totalement passive à l’égard des contenus protégés mis en ligne par les utilisateurs de leurs services en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés;
  • Pour les prestataires de services d’hébergement et d’outils de repérages :
    • Ne pas avoir connaissance effective du fait que les contenus mis en ligne par les utilisateurs de leurs services violent le droit d’auteur, ni avoir connaissance de faits ou de circonstances révélant cette violation apparente;
    • Dès que le prestataire acquiert une telle connaissance (y compris par voie du régime “d’avis et retrait” discuté ci-après), agir promptement afin de supprimer le contenu ou en empêcher l’accès, et
    • Ne pas recevoir d’avantage financier directement attribuable à l’activité de contrefaçon lorsque le prestataire a le droit et la capacité de contrôler cette activité, et
  • Pour les prestataires de services autres que de “simple conduit”, la mise en place d’un système dit “d’avis et retrait” permettant aux titulaires de droits d’obtenir le retrait de toute œuvre ou autre objet protégé mis en ligne sans leur consentement par les usagers de ces services, ainsi que la désignation d’un mandataire clairement identifié au public chargé de la réception de ces avis et, selon le cas, d’éventuels contre-avis d’usagers contestant ces demandes de retraits.
  • Pour les prestataires de services d’hébergement (incluant les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne), des obligations de moyen robustes visant à assurer le maintien hors ligne des contenus ayant fait l’objet d’avis de contrefaçon sans obligation de notification a répétions, et
  • Pour les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, la clarification du fait qu’ils n’agissent pas de façon passive à l’égard des contenus protégés mis en ligne par les utilisateurs de leurs services lorsqu’ils offrent des services ou fonction visant à organiser ou promouvoir ces contenus en les tenant directement responsables des actes de communication et de mise à la disposition du public de ces contenus.

C’est d’ailleurs le constat auquel le Bureau du droit d’auteur américain en est venu dans l’étude Copyright Office Section 512 Report en comparant le régime d’exonération américain de 1998 (lui-même maintenant considéré comme devenu trop favorables aux intermédiaires) avec le régime d’avis et d’avis adopté par le Canada en 2012 pour conclure que (p.52-53)  “The system operates as more of an educational system rather than a legal process” pour ensuite citer un extrait d’une publication officielle du gouvernement canadien soutenant que ce régime “formalise une pratique souhaitée par les ayants droit” conclusion en contradiction flagrante avec l’essentiel des mémoires et témoignages des ayants droit dans le cadre de l’adoption du Projet de loi C-11 et de toutes les consultations tenues sur ce sujet depuis.

Le Rapport américain va d’ailleurs même jusqu’à rapporter ce témoignage, formulé au sujet du système canadien lors d’audiences tenues à Washington, D.C., qui résume bien la perception des partenaires étrangers du Canada — et des ayants droit canadiens — quant à l’efficacité du processus d’avis et avis canadien afin de lutter contre la contrefaçon en ligne : “On the notion that notice and notice alone will accomplish anything, I think we’ve seen frankly that it doesn’t”.