Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques & Société Civile des Auteurs Multimédia (SACD & SCAM)

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Mémoire de la SACD-SCAM  

Mai 2021

Consultation sur un cadre modern du droit d’auteur pour le intermédiaires en ligne

1. Présentation de la SACD-SCAM

Fondée par Beaumarchais en 1777, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) compte aujourd’hui 60 000 auteurs dont 1 600 auteurs canadiens et se consacre à la défense des intérêts matériels et moraux de la profession tout entière. Ni syndicat, ni entreprise commerciale, ni société subventionnée par des fonds publics, la SACD est une société francophone internationale (Paris, Bruxelles, Montréal) qui a été chargée par ses membres, scénaristes, dramaturges, compositeurs/trices, réalisateurs/trices, chorégraphes, metteurs/res en scène, de négocier, percevoir et répartir leurs redevances.

Le répertoire de la SACD se compose d’œuvres du spectacle vivant, pièces de théâtre, chorégraphies, comédies musicales, numéros et tours de cirque, d’œuvres audiovisuelles, séries, feuilletons, dessins animés, séries web, longs métrages, courts métrages, d’œuvres radiophoniques et de créations interactives.

La Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM) a été créée en 1981 pour administrer le répertoire des œuvres audiovisuelles qui était jusqu’alors géré par la Société des Gens de Lettres (SGDL) fondée en 1838 par un groupe d’écrivains dont Victor Hugo, Balzac, Alexandre Dumas père et George Sand. La SCAM compte aujourd’hui 46 110 membres dont 628 auteurs canadiens. Le répertoire de la SCAM se compose principalement d’œuvres audiovisuelles, d’œuvres radiophoniques à caractère documentaire et d’œuvres littéraires.

Le comité canadien des auteurs de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) et de la Société Civile des Auteurs Multimédia (SCAM) est composé de : Luc Dionne, président, Benoit Pilon, vice-président, Denys Arcand, Louis Bélanger, Bruno Carrière, Alain Chartrand, Normand Chaurette, Marie Chouinard, Rafaële Germain, Marie-France Landry, Patrick Lowe et Johanne Prégent.

Dans le cadre de la révision de La loi sur le droit d’auteur, la SACD-SCAM a soumis un mémoire. Elle a comparu le 15 octobre 2018 devant le comité permanent de l’Industrie, des sciences et de la technologie et le 23 octobre 2018 devant le comité permanent du Patrimoine canadien. Le mémoire comporte cinq recommandations décrites au point 5 du présent document.

Les représentations ont été préparées conjointement avec la Société des Auteurs de Radio, Télévision et Cinéma (SARTEC).

À l’occasion de la consultation du gouvernement canadien Un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne, la SACD-SCAM soumet ce qui suit:

2. Remarques préliminaires

La SACD-SCAM note la déclaration retrouvée aux pages 11 et 12 du Document de consultation à l’effet qu’il n’envisage pas apporter de changements importants au modèle de responsabilité de base des fournisseurs d’accès et d’autres services sur internet (« Intermédiaires ») présentement retrouvé dans la Loi sur le droit d’auteur (« LDA »), lequel constitue, toujours selon ce document, un des fondements du cadre canadien que le gouvernement s’est efforcé de maintenir jusqu’à maintenant, notamment dans le cadre de ses engagements internationaux.

La SACD-SCAM s’inquiète évidemment d’une telle prise de position dans un document de consultation ayant pour objet de revoir les règles encadrant la responsabilité de Intermédiaires au Canada, celle-ci semblant en effet fermer la porte à toute modification autre que mineure ou superficielle aux dispositions de la LDA touchant cette question.

Cela étant, la SACD-SCAM constate que le gouvernement fait, dans ce même document, un survol des règles sur cette question appliquées ou envisagées par certains pays qu’il considère généralement comme faisant partie de ses principaux partenaires, dont les États-Unis et les pays de l’Union européenne, en semblant prêt à s’inspirer de certaines d’entre elles afin d’ajuster les conditions entourant la responsabilité des Intermédiaires au Canada lors de la prochaine révision de la LDA.

La SACD-SCAM déduit donc que la position de principe précitée ne reflète pas la véritable intention du gouvernement, et que ce dernier est disposé à reconsidérer le modèle de responsabilité actuel des intermédiaires de la LDA en tenant dument compte des commentaires et recommandations qui seront formulés par les ayants-droit, dont les auteures canadiennes et auteurs canadiens d’œuvres audiovisuelles, visant à corriger le déséquilibre important entre les droits de ces derniers et ceux des Intermédiaires suite à l’introduction dans la LDA, en 2012, des nombreuses mesures d’exonération accordées aux Intermédiaires sans les conditions minimales essentielles entourant de telles mesures dans les juridictions ayant adopté des mesures similaires et, surtout, sans conférer aux auteurs la mesure compensatoire visant à contrebalancer de telles exonérations sous forme de processus d’avis et retrait permettant aux ayants-droit de mettre un terme à la violation de leurs droits de façon rapide et abordable.

3. Raison d’être des mesures d’exonération de responsabilité des intermédiaires

Le développement des technologies de l’information, dont Internet et les divers services en ligne qu’il rend possibles, a dramatiquement fragilisé la protection des auteurs en facilitant l’utilisation à large échelle et faible coût de leurs œuvres sans leur autorisation, minant leur capacité d’en effectuer une exploitation légitime et ordonnée et d’en tirer des revenus décents.

Comme ces technologies impliquent la reproduction et la communication systématique d’informations, notamment d’œuvres protégées, par l’entremise des équipements et services sous-tendant le fonctionnement d’Internet et autres réseaux interactifs, les opérateurs de ces réseaux et prestataires de ces services ont rapidement réclamé l’adoption de mesures législatives visant à les mettre à l’abri de responsabilités pour les violations de droits d’auteur susceptibles de résulter de l’utilisation de ces équipements et réseau par ces opérateurs et prestataires et par leurs utilisateurs.

Les États-Unis furent les premiers à répondre à ces demandes par l’adoption, dès 1998, du Digital Millenium Copyright Act (« DMCA ») ajoutant un nouvel article 512 à la loi américaine sur le droit d’auteur (« USCA ») visant à satisfaire les demandes des Intermédiaires en offrant à certaines catégories d’entre eux se conformant à un ensemble de conditions fixées par cet article, une protection (ou « safe harbors ») contre leur éventuelle responsabilité pécuniaire envers les titulaires de droits d’auteur résultant de la violation de leurs droits  par les utilisateurs des services de ces Intermédiaires, tout en offrant en contrepartie aux titulaires de droits d'auteur un moyen rapide et abordable afin de mettre un terme à de telles violations sans devoir recourir aux tribunaux.

Le compromis recherché par cette disposition se fonde sur le respect, par les Intermédiaires visés par les mesures d’exonération, d’un certain nombre de conditions strictes définies par l’article 512 du USCA, parmi lesquelles :

  • Pour tous les Intermédiaires visés par ces mesures d’exonération :
    • L’adoption, la publication et la mise en œuvre de manière raisonnable d'une politique conduisant à la résiliation, dans des circonstances appropriées, des droits des utilisateurs de leurs services qui sont des « contrefacteurs récurrents »;
    • L’obligation d’agir de façon totalement passive et neutre à l’égard des contenus protégés mis en ligne par les utilisateurs de leurs services, en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés;
  • Pour les Intermédiaires fournissant des services d’hébergement et d’outils de repérage :
    • Ne pas avoir connaissance effective du fait que les contenus mis en ligne par les utilisateurs de leurs services violent le droit d’auteur, ni avoir connaissance de faits ou de circonstances rendant cette violation apparente;
    • Dès que l’Intermédiaire acquiert une telle connaissance (y compris par voie du régime « d’avis et retrait » discuté ci-après), agir promptement afin de supprimer un tel contenu ou en empêcher l'accès, et
    • Ne pas recevoir d'avantages financiers directement attribuables à l'activité de contrefaçon lorsque l’Intermédiaire a le droit et la capacité de contrôler cette activité, et
  • Pour les Intermédiaires fournissant des services autres que ceux dits de « simple conduit », la mise en place d’un système dit « d’avis et retrait » permettant aux titulaires de droits d’auteur d’obtenir le retrait de toute œuvre mise en ligne sans leur consentement par les usagers de ces services, ainsi que la désignation d’un mandataire clairement identifié au public et chargé de la réception de ces avis et, selon le cas, d’éventuels contre-avis des utilisateurs contestant le bien-fondé de ces demandes de retraits.

Il importe de souligner que le législateur américain a estimé que le respect de l’ensemble de ces conditions était essentiel afin qu’un Intermédiaire puisse se prévaloir des mesures d’exonération de responsabilité prévues par le USCA et, surtout, que les titulaires de droits d’auteur se voient simultanément accorder la possibilité de faire cesser les violations de leurs droits de façon rapide et abordable au moyen du régime « d’avis et retrait », discuté plus bas,  aussi prévu par l’article 512 du USCA, afin de rééquilibrer en leur faveur les effets des mesures d’exonération ainsi consenties aux Intermédiaires.

Plus de 20 ans s’étant écoulés depuis la mise en place de ces dispositions, le Bureau du droit d’auteur américain a entrepris en 2016 une enquête exhaustive sur les effets réels de ce régime d’exonération en regard des objectifs sous-tendant son adoption pour conclure, dans son Rapport de mai 2020 (Copyright Office Section 512 Report) que si ce régime était très généralement considéré comme satisfaisant par les Intermédiaires, il était tout aussi largement décrié par les ayants droit notamment en raison des constats suivants, considérés comme essentiellement avérés par le Bureau du droit d’auteur :

  • L’émergence de services de partage de contenus mis en ligne par leurs utilisateurs, organisant ou faisant la promotion de certains contenus et prenant avantage des mesures d’exonération de responsabilité des intermédiaires de manière à éviter ou réduire substantiellement le paiement de contreparties pour l’utilisation des contenus mis en ligne par les utilisateurs de leurs services;
  • La démultiplication des contenus illégaux entraînant nécessairement la démultiplication des avis de retrait, au point même où il pouvait devenir nécessaire de dédier du personnel à cette tâche puis d’en automatiser la transmission afin de tenter de suivre le rythme des remises en lignes systématiques et incessantes des mêmes œuvres contrefaites, situation comparée au « jeu de la taupe »  (« whack-a-mole ») rendu parfois possible par une méthode qualifiée de « Pez linking » (en référence au distributeur de bonbons « Pez »), un fichier comportant un contenu contrefait retiré d’un service suite à l’envoi d’un avis de retrait étant immédiatement remplacé par un autre fichier comportant le même contenu contrefait, et ainsi de suite.

Le Bureau du droit d’auteur américain conclut donc que, bien qu’étant largement perçu comme satisfaisant par les intermédiaires, ce régime doit être revu afin de le rééquilibrer au bénéfice des titulaires de droits en corrigeant les problèmes précités et en resserrant ou clarifiant certaines autres conditions d’application de ces mesures d’exonération.

L’Union européenne a, de son côté, adopté un ensemble de directives (dont la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur et la Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE) ainsi qu’un projet de règlement (Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2020 relatif à un marché intérieur des services numériques (Législation sur les services numériques) et modifiant la directive 2000/31/CE) dont résulte un régime d’exonération s’apparentant largement aux règles énoncées à l’article 512 du USCA avec, toutefois, certains resserrements visant à corriger essentiellement les mêmes problèmes que ceux relatés dans le Rapport du Bureau du droit d’auteur américain de mai 2020, dont les deux cités en exemple plus haut. Parmi ces mesures de correction :

  • L’article 17 de la Directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique qui crée une nouvelle catégorie de prestataires de services en ligne, soit les « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne »,  hébergeant et donnant accès au public à des œuvres ou autres objets protégés téléversés par leurs utilisateurs et que ces fournisseurs organisent ou promeuvent (par exemple en classant ces contenus par genre ou  style ou en créant ou recommandant des listes de lecture) et qui :
    • Sont de ce fait considérés comme n’agissant pas de façon passive et neutre et ne peuvent donc se prévaloir des mesures d’exonération autrement applicables aux Intermédiaires;
    • Sont réputés eux-mêmes communiquer et mettre à la disposition du public les contenus mis en ligne par leurs utilisateurs;
    • Doivent, de ce fait, obtenir des licences et verser des redevances couvrant ces actes et ceux de leurs utilisateurs;
    • Encourent des obligations de retraits des contenus pour lesquels ils n’ont pu, malgré leurs meilleurs efforts, obtenir une autorisation;
    • Doivent « fournir leurs meilleurs efforts, conformément aux normes élevées du secteur en matière de diligence professionnelle » afin de « garantir l'indisponibilité » de tout contenu non-autorisé pour lequel ils ont reçus un avis en ce sens du titulaire des droits; et
    • Doivent agir promptement, dès réception d'un avis du titulaire pour retirer ou bloquer l'accès aux contenus faisant l'objet de l’avis et fournir leurs meilleurs efforts (conformément au paragraphe précédent) pour empêcher qu'ils soient téléversés dans le futur.
  • La Proposition de règlement du 15 décembre 2020 relatif à un marché intérieur des services numériques qui reprend les dispositions de la Directive du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information applicables aux « services intermédiaires », soit les services de « simple transport », de « mise en cache » et « d’hébergement » mais en ajoutant, notamment :
    • L’obligation pour les fournisseurs de services d’hébergement, y compris les plateformes en ligne, de mettre en place un système équivalent à celui d’avis et retrait du USCA en vertu duquel l’Intermédiaire notamment réputé prendre connaissance de l’existence ou de l’utilisation du contenu contrefait faisant l’objet de l’avis, et lui faisant dès lors perdre le bénéfice des mesures d’exonération de responsabilité s’il ne le retire pas de son service;
    • Des obligations de transparence obligeant les Intermédiaires à fournir un ensemble d’informations, dont les avis et réclamations reçus, décisions rendues et actions posées par ces fournisseurs, et
    • Des règles visant la suspension des services aux utilisateurs abusant des services par l’utilisation fréquente de contenus contrefaisant.

En conclusion, la législation européenne établit globalement un régime d’exonération de responsabilité comparable à celle des États-Unis et, donc, aussi fondé sur la recherche d’un juste équilibre entre les exonérations accordées aux Intermédiaires compensée par un mécanisme permettant aux titulaires de droits d’obtenir le retrait de matériel contrefaisant par un régime d’avis et de retrait.

L’Union européenne a par ailleurs devancé les américains en mettant en place des règles visant à corriger certaines des lacunes identifiées dans le Rapport du Bureau du droit d’auteur de mai 2020  au moyen des règles et obligations précités, dont la responsabilisation directe des fournisseurs de services de partage de contenus mis en ligne par leurs utilisateurs pour les communications en résultant, ainsi que des obligations de moyens robustes pour le maintien hors ligne du matériel contrefaisant sans obligation de notifications répétées.

Ce qui nous permet maintenant de comparer la situation canadienne avec celle des États-Unis et de l’Union européenne.

Comme l’ont unanimement décrié les représentants des auteurs, artistes et producteurs et de nombreux experts en droit d’auteur tant canadiens qu’étrangers, le Projet de Loi C-11 (ou « Loi modernisant la loi sur le droit d’auteur ») adopté par le Canada en 2012, s’est limité a accordé aux ayants-droit, au mieux, le strict minimum requis afin de se conformer aux obligations du Canada en vertu du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et du Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes de 1996, en s’abstenant de corriger l’effet de certaines décisions ayant gravement affectés les titulaires de droit d’auteur, dont celles ayant conclu à la non-application du régime de copie privée aux reproductions faites dans une mémoire numérique intégrée dans un équipement et rendant de ce fait ce régime essentiellement obsolète, et en adoptant une myriade d’exceptions et limitations aux droits d’auteur n’étant d’aucune façon requises par les traités précités et dont le résultat net fut de réduire très substantiellement les droits des auteurs, artistes et producteurs et, par conséquent, leurs revenus.

Parmi ces limitations et exceptions, l’ensemble des dispositions touchant à la responsabilité de toute « personne qui, dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, fournit des moyens permettant la télécommunication ou la reproduction d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur » parmi lesquelles les personnes fournissant des services d’accès aux réseaux  ou de transmission de contenus, de mise en antémémoire, d’hébergement, d’outil de recherche et d’outil de repérage.

En fait, un regard objectif posé sur l’ensemble des mesures d’exonération des Intermédiaires adoptées aux termes du Projet de loi C-11 conduit à conclure que la loi canadienne accorde aux intermédiaires une exonération substantiellement plus importante et ce, à des conditions substantiellement moins exigeantes que celles découlant des lois étrangères et, encore pire, en n’accordant en contrepartie aux titulaires de droit qu’un régime dit « d’avis et avis » ne leur permettant donc pas d’obtenir le retrait rapide et abordable des contenus contrefaits mis en ligne par les utilisateurs des services des Intermédiaires, ce qui constitue pourtant la contrepartie essentielle accordée aux titulaires par les régimes d’exonération américain et européen afin d’assurer un juste équilibre entre les droits et responsabilités des intermédiaires et des titulaires.

Le Canada ne peut ignorer que les règles encadrant la responsabilité des intermédiaires sont fortement déséquilibrées en ce qu’elles favorisent de manière inusitée les Intermédiaires en omettant ou amoindrissant la portée de nombre de conditions importantes imposées par les lois d’autres pays avec lesquels le Canada tend toujours à se comparer afin de permettre aux Intermédiaires de se mettre à l’abri de poursuite en violation du droit d’auteur, parmi lesquelles :

  • Pour tous les Intermédiaires :
    • L’adoption, la publication et la mise en œuvre de manière raisonnable d'une politique conduisant à la résiliation, dans des circonstances appropriées, des droits des utilisateurs des services des Intermédiaires qui sont des « contrefacteurs récurrents »;
    • L’obligation d’agir de façon totalement passive et neutre à l’égard des contenus protégés mis en ligne par les utilisateurs de leurs services, et en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés;
  • Pour les Intermédiaires offrant des services d’hébergement et d’outils de repérage :
    • Ne pas avoir connaissance effective du fait que les contenus mise en ligne par les utilisateurs de leurs services violent le droit d’auteur, ni avoir connaissance de faits ou de circonstances rendant cette violation apparente;
    • Dès que l’Intermédiaire acquiert une telle connaissance (y compris par voie du régime « d’avis et retrait »), agir promptement afin de supprimer le contenu ou en empêcher l'accès, et
    • Ne pas recevoir d'avantages financiers directement attribuables à l'activité de contrefaçon lorsque l’Intermédiaire a le droit et la capacité de contrôler cette activité, et
  • Pour les Intermédiaires autres que ceux offrant des services de « simple conduit », la mise en place d’un système dit « d’avis et retrait » tel qu’expliqué plus haut;
  • Pour les Intermédiaires offrant des services d’hébergement (incluant les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne), des obligations de moyens robustes visant à assurer le maintien hors ligne des contenus ayant fait l’objet d’avis de contrefaçon sans obligation de notification à répétition, et
  • Pour les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, la clarification du fait qu’ils n’agissent pas de façon passive et neutre à l’égard des contenus protégés mis en ligne par les utilisateurs de leurs services lorsqu’ils offrent des services ou fonction visant à organiser ou promouvoir ces contenus en les tenant directement responsable des actes de communication et de mise à la disposition du public de ces contenus.

C’est d’ailleurs le constat auquel le Bureau du droit d’auteur américain en est venu dans son Copyright Office Section 512 Report en comparant le régime d’exonération américain de 1998 (lui-même maintenant considéré comme devenu trop favorables aux intermédiaires)  avec le régime d’avis et d’avis adopté par le Canada en 2012 pour conclure que (p.52-53)  « The system operates as more of an educational system rather than a legal process » puis citer un extrait d’une publication officielle du gouvernement canadien soutenant que  ce régime « formalise une pratique souhaitée par les ayants-droit » conclusion en contradiction flagrante avec l’essentiel des mémoires et témoignages des ayants-droit dans le cadre de l’adoption du Projet de loi C-11 et  de toutes les consultations tenues sur ce sujet depuis.

Le Rapport américain va d’ailleurs même jusqu’à rapporter ce témoignage, formulé au sujet des règles canadiennes d’exonération de responsabilité des Intermédiaires, lors d’audiences tenues à Washington., qui résume bien la perception des partenaires étrangers du Canada - et des ayants-droit canadiens - quant à l’efficacité du processus d’avis et avis canadien afin de lutter contre la contrefaçon en ligne :

« On the notion that notice and notice alone will accomplish anything, I think we’ve seen frankly that it doesn’t ».

Pour les raisons qui précèdent, la SACD-SCAM* formule les recommandations suivantes en réponse aux questions soulevées dans le document de consultation :

4. Révision du critère de connaissance aux fin d’exonération

Pour rappel, contrairement aux législations américaine et européenne, la loi canadienne n’applique un critère de connaissance au titre des mesures d’exonération de responsabilité  qu’aux seuls Intermédiaires fournissant des services d’hébergement et ce, uniquement s’ils savent qu’un « tribunal compétent a rendu une décision portant que la personne qui a reproduit le contenu concerné sur leurs serveurs viole le droit d’auteur du fait de cette reproduction ou en raison de la manière dont elle l’utilise », ce qui rend cette condition essentiellement inutile, puisque l’ayant droit doit de ce fait nécessairement entreprendre un recours judiciaire afin d’obtenir un tel jugement, et stérile, puisque cette décision, si elle est favorable, ordonnera de toute façon normalement le retrait du contenu contrefaisant en cause.

Le gouvernement doit donc impérativement modifier la loi afin de prévoir que tout Intermédiaire cesse de bénéficier des mesures d’exonération de responsabilité dès lors qu’il prend effectivement connaissance du fait qu’un contenu donné ou que son utilisation dans le cadre de son service viole le droit d’auteur, ou qu’il prend conscience de faits ou de circonstances révélant une telle violation.

Une telle connaissance devrait par ailleurs être réputée acquise dès lors que l’intermédiaire aurait raisonnablement dû avoir connaissance d’un tel acte compte tenu des circonstances, ou s’il reçoit un avis de violation alléguée, incluant dans le cadre d’un régime d’avis et retrait ou, évidemment, suite à ses propres investigations.

Les mesures d’exonération devraient par ailleurs ne viser que la responsabilité au titre des dommages, excluant l’obtention de toute ordonnance d’injonction visant à prévenir ou à empêcher toute violation survenant dans le cadre des services de tout Intermédiaire.

4.1 Clarifications quant aux rôles tenus par les intermédiaires

La loi doit exprimer de façon explicite que toute mesure d’exonération d’un Intermédiaire ne s’applique que dans les cas où ce dernier tient un rôle purement passif et neutre à l’égard du contenu protégé et de son utilisation dans le cadre de ses services et en se limitant à la fourniture de services purement techniques et automatisés.

La loi devrait énoncer des critères exemplatifs et non exhaustifs de ce qui constitue un rôle actif, notamment des fonctions ou caractéristiques telles que l’optimisation de la présentation du contenu ou la promotion de celui-ci, tel que le classement de contenu par genre ou par style, la création et la recommandation de listes de lecture, ou l’inclusion de fonctions de « lecture automatique » ou de « remplissage automatique ».

Elle devrait aussi préciser que le fait qu’une telle fonction ou caractéristique soit exécutée de façon technique et automatisée ne rend pas cette fonction ou caractéristique, et donc le service lui-même, de ce fait nécessairement passif et neutre. Ainsi, le classement de contenus et la création ou recommandation de listes de lecture résultant de l’exécution de fonctionnalités logicielles ne sont pas plus passives et neutres que si elles avaient été exécutées par une personne physique et disqualifient de ce fait le service et son fournisseur des mesures d’exonération. 

Au nombre de ces critères devrait évidement aussi figurer la possibilité d’exercer le contrôle sur le contenu ou l’activité, dont une responsabilité éditoriale.

Les exonérations ne devraient finalement s’appliquer que dans les cas où l’intermédiaire n’a aucun intérêt financier dans l’activité contrefaisante.

4.2 Adoption de nouvelles obligation pour les intermédiaires admissibles

La loi doit aussi impérativement stipuler les obligations suivantes à titre de conditions sine qua non pour que les intermédiaires concernés puissent bénéficier des règles d’exonération leur étant autrement applicables :

4.2.1 Régime d’avis et de retrait et obligation de maintient hors ligne

Comme mentionné précédemment, la contrepartie essentielle accordée aux titulaires de droits afin de compenser les bénéfices importants accordés aux Intermédiaires offrant des services de mise en antémémoire, d’hébergement et d’outil de repérage, consiste à leur permettre d’obtenir de ces Intermédiaires qu’ils retirent ou bloquent tout accès à tout contenu protégé utilisé par les usagers de leurs services sans l’autorisation des titulaires au moyen d’une procédure de notification auprès de mandataires désignés par ces Intermédiaires et dont les informations de contact (dont au moins le nom, le numéro de téléphone direct et les adresses physique et électronique) sont facilement et clairement accessibles (notamment en ligne).

Compte tenu par ailleurs des difficultés identifiées dans le Rapport du Bureau du droit d’auteur américain et par l’Union européenne découlant de la remise en ligne systématique des mêmes contenus suite à leur retrait en application d’un système d’avis et retrait, la loi doit aussi stipuler des obligations de moyen robustes visant à faire en sorte que les Intermédiaires soient tenus d’empêcher ou de retirer promptement ces mêmes contenus lorsque subséquemment remis en ligne par leurs utilisateurs. 

Les dispositions applicables des articles 14 et 15 de de la Proposition européenne du 15 décembre 2020 de législation sur les services numériques et des paragraphes 4 et 5 de l’article 17 de la Directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, avec les adaptations nécessaires aux fins de leur applications aux intermédiaires offrant aussi des services de mise en antémémoire et d’outil de repérage, et  en conjonction avec les conditions liées à l’absence de connaissances mentionnées au point 4.1, reflètent selon la SACD-SCAM les meilleures pratiques actuelles en cette matière

La SACD-SCAM est d’accord avec le fait que la décision de retirer ou bloquer l’accès aux contenus visés par un avis de retrait appartient à l’intermédiaire, étant toutefois entendu que la réception d’un avis de retrait doit être réputée donner lieu à la connaissance ou à la prise de conscience effective mentionnées au point 4.1 de ce mémoire à l’égard de ces contenus et, par conséquent, à la perte du bénéfice des exonérations de responsabilité applicables pour toute violation se poursuivant après l’expiration du délais fixé par la loi pour retirer ou bloquer l’accès à ce contenu suite à la réception de cet avis.

La SACD-SCAM reconnait aussi la légitimité de l’ajout d’un processus de contre-avis similaire à celui de l’article 512 du USCA permettant à tout utilisateur dont le contenu est visé par un avis de retrait de requérir le maintien en ligne de ce contenu dans des conditions similaires à celles prévues à l’article 512 du USCA, incluant les sanctions pour la transmission abusives d’avis, et la protection des intermédiaires en raison de leur décision de retirer ou bloquer l’accès à de tels contenus.

Elle est aussi en accord avec tout mécanisme susceptible de favoriser la résolution rapide de tout différend faisant suite aux décisions prises par les intermédiaires de retirer ou maintenir les contenus visés par les avis.

La SACD-SCAM est finalement en faveur de l’approche préconisée par le projet de législation européenne visant la reconnaissance de plaignants reconnus comme des « sources fiables » à la suite d’un processus transparent, tel que des sociétés de gestion ou associations professionnelles des secteurs concernés.

4.2.2 Contrefacteurs récidivistes

Tel que mentionné au point 2 de ce mémoire, la loi doit de plus impérativement conditionner l’application des mesures d’exonération de responsabilité à tout Intermédiaire à l’adoption et la mise en application effective et de bonne foi de politiques visant les contrefacteurs récidivistes selon les paramètres de la loi américaines corrigés selon les recommandations du Bureau du droit d’auteur dans le Copyright Office Section 512 Report de mai 2020.

4.3 Imposition de régimes de licences obligations ou étendues

La SACD-SCAM  réitère ses demandes répétées visant à corriger les deux régimes de copie privée déjà existant dans la loi, soit celui de la PARTIE VIII de la Loi (« copie pour usage privé »), afin de clarifier qu’il couvre aussi les copies effectuées sur une mémoire intégrée dans un équipement et pour en étendre la portée aux copies privées d’œuvres audiovisuelles,  et le nouveau régime de l’article 29.22 de la Loi (« reproduction à des fins privées ») afin soit d’en exclure les reproductions de contenus audiovisuels, soit de prévoir le versement d’une redevance juste et équitable en contrepartie des reproductions qu’il permet dans le respect des obligations du Canada  en regard du test en trois étapes imposé par les traités en matière de droit d’auteur et droits voisins auxquels le Canada est partie, soit de l’éliminer simplement puisqu’il contrevient à sa face même aux engagements du Canada  en vertu de ces traités.

4.4 Obligation de transparence des intermédiaires

La loi devrait comporter des obligations transparence obligeant, à tout le moins les Intermédiaires fournissant des services d’hébergement et, dans tous les cas, ceux rencontrant la définition de « fournisseur de services de partage de contenus en ligne » de la Directive Européenne de 2019 à consigner et fournir notamment, les renseignements suivants :

  • Toute utilisation des contenus des titulaires de droits par l’entremise de leurs services, notamment le nombre de téléversements incorporant ce contenu et le nombre de vues et d’écoutes;
  • Les sommes perçues à quelque titre par les Intermédiaires en contrepartie de ces utilisations, y compris au titre de droits d’accès aux répertoires et d’avance sur redevances;
  • La méthode de calcul et de versement de toute rémunération payable aux titulaires de droits en contrepartie de ces utilisations;
  • Toute information relative à leurs services qui sont pertinents aux fins de l’application de toute mesure d’exonération, dont tout service, acte, fonctionnalité ou caractéristique, susceptible d’affecter le caractère « passif et neutre » d’un service, et le rôle de la prise de décisions automatisée et humaine dans ces processus;
  • Les procédures, les mesures et les outils auxquels ont recours les intermédiaires pour intervenir lors des cas probables de violation du droit d’auteur par leurs services, ainsi que les politiques guidant l’utilisation de ces mécanismes, notamment le rôle de la prise de décisions automatisée et humaine dans ces mécanismes;
  • Le détail des interventions des intermédiaires dans les cas probables de violation du droit d’auteur par leurs services, notamment la quantité, la nature et le résultat des mesures prises à la suite d ’une ordonnance du tribunal, comme un avis d’action, un recours contre les contrevenants récidivistes présumés, un régime d’avis et avis ou une initiative propre à l’intermédiaire

Ces renseignements devraient, selon le cas, n’être divulgués qu’aux titulaires de droits concernés ou à leurs mandataires ou sociétés de gestion administrant les droits en cause, lorsqu’ils sont d’une nature telle que, selon les usages normaux, ils sont considérés être de nature « confidentielle » pour ces personnes, et être rendus publiquement accessibles dans les autres cas.

4.5 Établissement d’un fondement législatif et d’une procédure statutaire pour centaines injonction contre les intermédiaires

La Loi devrait finalement être amendée afin de confirmer le pouvoir des tribunaux d’émettre des ordonnances obligeant les intermédiaires et visant à prévenir et mettre un terme aux violations de droits d’auteur dans le cadre de leurs services et ce, de manière à prévenir des litiges longs et dispendieux visant à confirmer la disponibilité de ces recours auprès des tribunaux canadiens et leurs conditions d’application.

De telles ordonnances devraient comprendre les ordonnances dites de « retrait », « blocage », « désindexation » ainsi que celles visant à suspendre ou résilier l’accès aux services d’un intermédiaire.

La loi devrait en outre confirmer que de telles ordonnances peuvent être obtenues à l’encontre d’un Intermédiaire même s’il n’est pas responsable de la violation concernée (y compris en raison de l’application d’une mesure d’exonération de responsabilité), et sans devoir préalablement obtenir un jugement à l’encontre de la personne directement responsable de la violation en cause, y compris lorsque cette personne est localisée à l’extérieur du Canada.

Les règles encadrant l’émission de telles ordonnances pourraient certes s’inspirer de la jurisprudence canadienne et celle d’autres juridictions, du moins dans la mesure où les principes et règles juridiques pertinents sont compatibles avec ceux applicables au Canada.

5. Rappel des principales recommandation de la SACD-SCAM concernant la révision de la LDA

Dans le cadre de l’examen de la Loi sur le droit d’auteur, la SACD-SCAM a soumis un mémoire, le 2 mai 2018, au Comité permanent de l’Industrie, des Sciences et de la Technologie et au Comité permanent du Patrimoine canadien recommandant :

  1. Ajout d’une définition d’œuvre audiovisuelle et clarification de la titularité
  2. Extension aux œuvres audiovisuelles du régime de copie pour usage privé
  3. Contribution du numérique au financement de la culture
  4. Extension de la protection des œuvres à 70 ans
  5. Harmonisation des différents régimes collectifs