Améliorer les soins de santé avec une politique d’approvisionnement favorisant la concurrence

Étude de marché sur les services de santé numériques — Deuxième partie

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Le 5 octobre 2022

Avant-Propos

Dans le système de soins de santé canadien, il y a un seul payeur : les gouvernements et le secteur public élargi sont responsables d’acheter la majorité des produits et services qui servent aux diagnostics et aux traitements médicaux. Tout doit être acheté, des bandages jusqu’aux appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Pour gérer et optimiser ces achats, les gouvernements mettent en place une panoplie de règles et de règlements pour s’assurer d’obtenir la meilleure valeur pour chaque dollar du contribuable.

Il n’est donc pas étonnant que ces mêmes règles et règlements jouent un rôle clé dans la détermination de la qualité des soins de santé canadiens. Pour que les Canadiens bénéficient des plus récents produits et services offerts par les chefs de file mondiaux, les règles de marché des gouvernements doivent suivre le rythme de la technologie. Un processus concurrentiel dynamique qui encourage l’adoption de produits et services de santé numériques réduira les coûts généraux des soins de santé, améliorera la qualité du produit et l’expérience d’utilisateur et stimulera l’innovation.

Si aucun changement n’est apporté, le Canada pourrait prendre du retard sur les pratiques exemplaires internationales pour les traitements rendus possibles par les soins de santé numériques. Des ajustements aux règles d’achat des gouvernements pourraient assurer aux Canadiens un accès continu aux meilleurs soins possibles. Dans l’ensemble du pays, les gouvernements devront prendre des mesures concrètes pour collaborer et adapter leurs règles à une économie axée de plus en plus sur le mode numérique.

Table des matières

Résumé

Ce rapport présente d’importantes recommandations aux décideurs politiques canadiens relativement aux façons de s’assurer que les idées nouvelles et innovatrices trouvent leur place dans un marché concurrentiel, pour leurs mérites par rapport aux produits et services de soins de santé traditionnels. La concurrence accrue contribue à assurer aux patients et aux fournisseurs de services de santé canadiens un accès aux solutions de soins de santé les plus appropriées et efficaces.

Au Canada, les gouvernements et le secteur public élargi (appelés ensemble « gouvernements » ou « acheteurs publics ») sont responsables de l’achat d’une gamme de produits et services numériques qui sont utilisés par les praticiens et les organismes de soins de santé pour gérer les soins et les interventions. Pour ce faire, ils ont mis en place des processus d’approvisionnement public qui sont conçus pour choisir, de manière neutre et objective, les solutions et les fournisseurs qui offrent la meilleure utilisation des fonds publics. Toutefois, le sondage mené par le Bureau de la concurrence auprès des médecins, des hôpitaux, des gouvernements et des groupes de patients a permis de relever six obstacles importants qui peuvent empêcher la mise en place des solutions optimales au Canada, soit :

  • La fragmentation et la complexité du cadre juridique canadien. Au Canada, chaque province ou territoire est responsable de l’achat de ses propres produits et services de santé. De plus, chaque gouvernement a établi différents niveaux de centralisation, différentes priorités de son système de santé, différents statuts (lois, règlements, politiques) et différentes autorités de réglementation. Lorsque des occasions d’affaires sont offertes ailleurs dans le monde, les entreprises peuvent prendre une pause pour évaluer ces facteurs avant de se lancer sur le marché canadien.
  • Les demandes strictes des exigences des appels d’offres. Les acheteurs veulent s’assurer de prendre la bonne décision, de choisir la bonne solution, au bon prix. Toutefois, des exigences mal conçues ou trop élevées peuvent mener à l’élimination de soumissionnaires potentiels.
  • Les acheteurs s’intéressent au prix plutôt qu’à la valeur. Lorsque les gouvernements ne s’intéressent qu’au prix d’une solution de services de santé, ils peuvent manquer le portrait global donnant le coût total de la propriété. Les solutions qui permettraient de réduire les dépenses gouvernementales à long terme ou qui offrent d’importants avantages de qualité et d’efficacité, mais qui nécessitent l’avancement de fonds, sont parfois exclues des processus d’approvisionnement public.
  • La culture de l’aversion pour le risque. Dans un domaine où les erreurs peuvent avoir de graves conséquences, les acheteurs préfèrent choisir des produits et services qui ont été testés, sont sûrs et bien connus. Par conséquent, les organismes acheteurs peuvent hésiter à prendre le risque d’introduire une solution nouvelle et innovatrice dans le système de soins de santé ou de changer un système courant, voir même s’y refuser.
  • La longueur des cycles d’approvisionnement. Il faut parfois plusieurs années pour que les processus d’approvisionnement public se concluent. Dans les domaines où les avancées technologiques se développent rapidement, comme en santé numérique, il est possible que le produit ou le service soit déjà dépassé au moment où le processus d’approvisionnement est terminé.
  • Des politiques exagérément prescriptives. Certaines provinces canadiennes ont mis en place des politiques qui prescrivent l’utilisation d’un fournisseur en particulier ou d’un produit ou service de soins de santé numérique en particulier. Cette situation donne peu de place à la concurrence.

Chacun de ces obstacles a pour effet de repousser les innovateurs ou les concurrents potentiels, qui refuseront même de répondre à des appels d’offres gouvernementaux. S’il y a moins de soumissionnaires, il y a moins de concurrence, ce qui a pour effet de faire monter les prix, de réduire la qualité des services et de limiter l’innovation.

Le Bureau de la concurrence présente trois recommandations aux gouvernements du pays pour permettre à la concurrence et à l’innovation de trouver leur place dans les processus d’approvisionnement public.

  1. Établir un centre national d’expertise en approvisionnement pour l’innovation. Les gouvernements canadiens, aux paliers fédéral, provinciaux et territoriaux, devraient collaborer pour établir un centre national d’expertise en approvisionnement pour l’innovation.
  2. Éliminer les obstacles qui nuisent à la concurrence. Les acheteurs publics canadiens devraient éliminer les obstacles dans les appels d’offres pour donner l’occasion aux fournisseurs pertinents de participer au processus.
  3. Soutenir les processus d’approvisionnement favorisant l’innovation. Les acheteurs publics canadiens devraient encourager des processus d’approvisionnement concurrentiels favorisant l’innovation en éliminant les obstacles auxquels les innovateurs potentiels sont confrontés.

À propos du bureau de la concurrence

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au profit des consommateurs et des entreprises du Canada. La concurrence favorise la baisse des prix et l’innovation tout en alimentant la croissance économique.

Dans le cadre de son mandat, le Bureau fait la promotion de l’accroissement de la concurrence dans les secteurs réglementés de l’économie, comme les soins de santé, les télécommunications et les services bancaires, auprès des décideurs. Le présent rapport fait partie d’une étude de marché que le Bureau a entreprise pour appuyer cet objectif. Les études de marché permettent au Bureau d’intégrer une perspective de la concurrence à un éventail de secteurs qu’il examine. Ce type d’analyse permet de mettre en évidence les problèmes qui peuvent limiter la concurrence et de recommander, aux décideurs, des solutions qui bénéficieront aux Canadiens.

Dans le présent rapport, le Bureau examine la concurrence dans un aspect précis du secteur canadien des soins de santé et formule des recommandations aux décideurs afin d’encourager l’offre d’un meilleur choix et davantage d’innovation Note de bas de page 1.

Méthodologie

Pour éclairer son étude, le Bureau a recueilli des renseignements auprès de diverses sources primaires et secondaires. L’étude s’appuie sur les rapports de recherche publique, les publications dans les journaux et d’autres rapports. Elle intègre également les renseignements confidentielsNote de bas de page 2 communiqués au Bureau par des entreprises, des gouvernements et des consommateurs.

Le Bureau a mené plus de 70 entrevues, reçu 42 mémoires écrits et recueilli les réponses de 425 Canadiens qui ont participé à un sondage en ligne. Le Bureau a également demandé l’opinion d’experts, notamment une personne qui travaille régulièrement avec des entrepreneurs du secteur des services de santé numériques, un expert du domaine de la réglementation et un médecin qui a joué un rôle clé dans l’introduction des services de santé numériques au Canada. Le Bureau remercie tous ceux qui ont pris le temps de fournir des renseignements et de contribuer à la réalisation de cette importante étude.

Le présent rapport est le deuxième d’une série de trois rapports présentant les résultats de l’Étude de marché sur les services de santé numériques :

  • Le premier rapport, Libérer la puissance des données de santé, formule des recommandations importantes à l’intention des décideurs canadiens sur les façons de faciliter l’accès aux renseignements personnels sur la santé et de les partager, de façon sécuritaire et efficace, afin de tirer profit de la concurrence.
  • Le deuxième rapport, Améliorer les soins de santé avec une politique d’approvisionnement favorisant la concurrence, cible l’utilisation stratégique des règles gouvernementales d’approvisionnement comme moteur de stimulation de la concurrence, de l’innovation et du choix tant pour les fournisseurs de soins de santé que pour les patients des systèmes publics de soins de santé.

Le défi auquel le Canada est confronté

Principaux points à retenir

  • Les activités des entreprises qui fournissent des produits et services numériques au secteur des soins de santé ne cessent de croître, tant sur le plan des dépenses que celui de l’innovation.
  • Pour que les Canadiens puissent obtenir des traitements à la fine pointe issus de ce secteur en évolution, l’approvisionnement public canadien doit encourager la concurrence et promouvoir l’innovation ainsi que le choix en tirant stratégiquement profit du pouvoir d’achat des gouvernements.
  • La concurrence permettra aux Canadiens de bénéficier d’une baisse des coûts, d’un choix accru et d’un accès à des solutions innovantes qui amélioreront les soins et les résultats de santé.

La pandémie de COVID–19 a favorisé la transformation numérique du secteur de la santé au Canada. Dans un sondage mené en 2021 pour Inforoute Santé du Canada et l’Association médicale canadienne, 94 % des médecins affirmaient qu’ils avaient adapté leur pratique et s’étaient tournés vers les services en mode virtuel, comme les consultations téléphoniques et les rencontres vidéo, le courriel et la télésurveillance des patientsNote de bas de page 3. Dans un contexte où presque tous les médecins canadiens disent qu’ils continueront d’utiliser certains nouveaux modes de communication après la pandémieNote de bas de page 4, les soins en mode virtuel devraient occuper une place importante dans le système de prestation de services de santé au CanadaNote de bas de page 5.

Par exemple, en mai 2020, le gouvernement fédéral a investi 240,5 millions de dollars pour accélérer l’utilisation des outils virtuels et des approches numériques pour soutenir les CanadiensNote de bas de page 6. Une partie de ce montant, soit 200 millions de dollars, était destinée aux provinces et territoires pour les aider à adopter des outils de santé virtuels, et visait cinq secteurs prioritaires communs :

  1. les plateformes de messagerie et de partage de l’information;
  2. la technologie de vidéoconférence sécurisée;
  3. les outils de télésurveillance des patients;
  4. l’accès des patients aux résultats de test de COVID–19 et d’autres tests de laboratoire;
  5. le soutien d’arrière-plan pour l’intégration des nouvelles plateformes et mesures de soutien.

Alors que le système de soins de santé entreprend une importante transformation numérique, les organismes publics devront faire l’achat de nouveaux produits et services pour répondre aux besoins changeants. La concurrence permettra de faire en sorte que, lorsque les organismes publics feront l’acquisition de ces produits et services de soins de santé, les Canadiens puissent bénéficier d’une baisse des coûts, d’un choix accru et d’un accès à des solutions innovantes qui amélioreront les soins et les résultats de santé.

Ce deuxième rapport de l’Étude de marché sur les services de santé numériques produit par le Bureau cible donc le cadre fonctionnel de l’approvisionnement public de produits et services numériques destinés aux fournisseurs de soins de santé et aux patients. En particulier, le Bureau a centré ses travaux sur les mesures que les organismes d’approvisionnement public peuvent prendre pour :

  • éliminer les obstacles à la concurrence en adaptant leurs règles et leurs processus pour favoriser la concurrence;
  • promouvoir l’innovation et le choix en tirant stratégiquement profit de leur pouvoir d’achat.

Les facteurs qui déterminent les politiques d’approvisionnement public dans le secteur des services de santé dépassent largement la politique de concurrence et l’innovation. Notamment, des enjeux comme le respect de la confidentialité des renseignements personnels, la sécurité des données sur la santé, l’infrastructure numérique et la littératie numérique doivent faire partie d’un débat élargi sur l’approvisionnement public de produits et services numériques dans le secteur des soins de santéNote de bas de page 7. Bien que tous les décideurs doivent tenir compte de ces importants facteurs, le présent rapport se concentre sur la façon de maximiser la concurrence et l’innovation avec une politique d’approvisionnement qui encourage la concurrence.

Produits et services de soins de santé numériques

Les produits et services de santé numériques renvoient aux technologies numériques utilisées par les professionnels des soins de santé et les patients pour améliorer la santé. Ils englobent une vaste gamme de services intelligents et connectés, notamment l’Internet des objets, l’informatique avancée, l’analyse de mégadonnées, l’intelligence artificielle (dont l’apprentissage automatique) et la robotiqueNote de bas de page 8. Ils comprennent également les technologies de l’information axées sur la santé, comme les dossiers de santé électroniques, les dispositifs médicaux et les dispositifs portablesNote de bas de page 9. Ces technologies contribuent à la transformation numérique du secteur des soins de santé avec des technologies de rupture et des changements de culture.

Selon un rapport de Precedence Research, en 2021 les dépenses à l’échelle mondiale en produits et services de santé numériques ont dépassé les 270 milliards de dollars américainsNote de bas de page 10. Ces dépenses devraient continuer à augmenter de près de 20 % par année pour atteindre plus de 1 354 milliards de dollars américains en 2030Note de bas de page 11. Au Canada seulement, les dépenses en appareils médicaux s’élevaient à environ 7,5 milliards de dollars américains en 2020, soit environ 1,8 % du marché mondialNote de bas de page 12.

Les technologies de santé numérique touchent généralement des éléments commeNote de bas de page 13 :

  • Les mégadonnées. De lits intelligents équipés de capteursNote de bas de page 14 à des appareils médicaux intégrant l’apprentissage automatiqueNote de bas de page 15, la transformation numérique du secteur de la santé exige la collecte rapide d’une quantité impressionnante de données complexes. À l’échelle mondiale, environ 30 % de toutes les données sont générées par le secteur des soins de santéNote de bas de page 16.
  • L’informatique nuagique. Pour maintenir, consulter et exploiter la vaste quantité de données, l’informatique nuagique donne aux utilisateurs un accès sur demande aux ressources informatiques (p. ex., stockage, services, réseaux, serveurs, applications) sans la nécessité d’entretenir une infrastructureNote de bas de page 17. L’informatique nuagique est déjà utilisée dans le secteur des services de santé pour la tenue de dossiers électroniques ou la surveillance des patients et suscite un intérêt pour le déploiement de l’Internet des objets dans le secteur des soins de santéNote de bas de page 18.
  • La santé connectée. De systèmes intelligents d’alerte médicale destinés aux aînés jusqu’à des thérapies ciblant certaines maladies, les appareils connectés fournissent des données sur la santé du patient qui facilitent la surveillance et la prise de décision en temps réel. Ces technologies permettent des interventions de soins de santé qui répondent spécifiquement aux besoins du patientNote de bas de page 19.
  • La ludification. Les principes et les outils issus du secteur des jeux vidéo sont utilisés pour concevoir des fonctionnalités et des programmes à des fins cliniques. La ludification est utilisée en santé et bien–être pour motiver les consommateurs à faire davantage d’exercice et à adopter des changements de mode de vie qui amélioreront leur santé généraleNote de bas de page 20.

En 2020, les entreprises en démarrage du secteur numérique canadien ont obtenu plus de 300 millions de dollars américains en financement, soit presque le double du montant obtenu en 2019Note de bas de page 21. Selon la Canadian Venture Capital and Private Equity Association, en 2021, au Canada, les investissements dans le secteur des sciences de la vie atteignaient 13 % des investissements totaux du paysNote de bas de page 22.

Les modalités d’approvisionnement des gouvernements canadiens

Les achats gouvernementaux de produits et services sont soumis à un ensemble de règlesNote de bas de page 23. Les marchés publics canadiens doivent être ouverts, justes et transparents pour que les contribuables canadiens obtiennent la juste valeur de l’investissement des fonds publicsNote de bas de page 24. L’approche adoptée par le gouvernement fédéral et chaque gouvernement provincial ou territorial pour atteindre ces objectifs est toutefois différenteNote de bas de page 25.

La responsabilité de la gestion et de la prestation des soins de santé repose principalement sur les gouvernements provinciaux et territoriaux. Chacun établit ses priorités, et gère son propre budget de soins de santé. Le gouvernement fédéral, en vertu de la Loi canadienne sur la santé, détermine les principes nationaux qui doivent être reflétés dans les régimes d’assurance de soins de santé des provinces et territoiresNote de bas de page 26.

Graphique 1 - Aperçu du système de santé au Canada. Un organigramme détaillant un aperçu des systèmes de santé du Canada.

 

  • Diagramme 1 : Vue d’ensemble du système de santé au Canada

    Aperçu du système de santé au Canada. Image expliquant les autorités publiques impliquées dans les marchés publics soutenant le système de santé au Canada.

    • En vertu de la Constitution canadienne, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux participent à l’approvisionnement public de produits et de services auprès de la communauté de fournisseurs. Le gouvernement fédéral verse également des paiements de transfert aux gouvernements provinciaux et territoriaux en vertu des exigences de la Loi canadienne sur la santé. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux font partie d’initiatives et d’organismes de collaboration.
    • En vertu des compétences des provinces et territoires, les autorités sanitaires ainsi que les entités visées par le cadre d’approvisionnement public participent à l’approvisionnement public de produits et services auprès de la communauté de fournisseurs.

Donc, l’approvisionnement public de produits et services pour le système canadien de soins de santé relève principalement de la compétence des provinces et des territoiresNote de bas de page 27. Pour fournir des soins de santé aux résidents canadiens, les organismes de services de santé comptent sur divers fournisseurs qui leur vendent des produits et des services.

Selon les cadres opérationnels d’approvisionnement public canadien, les acheteurs peuvent recourir à une gamme de processus pour faire des achats, allant de l’attribution directe de contrats à l’utilisation d’un processus concurrentiel, tel qu’une demande de préqualification, une demande de prix et un appel d’offres. Les achats moins importants sont généralement plus souples. Toutefois, au–dessus de certains seuils financiers, les organismes publics sont souvent tenus de recourir à des processus obligatoires, comme la tenue d’un processus concurrentiel ou le recours à des organismes d’approvisionnement gouvernemental centraliséNote de bas de page 28.

Une caractéristique particulière qui distingue le cadre fonctionnel d’approvisionnement public concurrentiel au Canada est l’existence des contrats A et BNote de bas de page 29. Le contrat A est un accord convenu entre un soumissionnaire et l’autorité acheteuse après l’acceptation d’une offre conforme présentée en réponse à un appel d’offres (ou un document similaire). Le contrat A couvre le processus de soumission que le soumissionnaire et l’autorité acheteuse doivent respecter, notamment pour l’évaluation des offres ou toute communication avec les soumissionnaires. Le contrat B est le contrat à exécuter comme tel qui sera attribué au soumissionnaire choisiNote de bas de page 30.

Innovation, concurrence et politique d'approvisionnement

Principaux points à retenir

  • Les gouvernements doivent songer à une façon de faire en sorte que l’approvisionnement en services de santé fasse la promotion de la concurrence, par exemple en favorisant des processus d’offres concurrentiels, en prévenant et en détectant le truquage d’offres dans les processus d’offres concurrentiels et en éliminant les obstacles à la concurrence dans les cadres fonctionnels de l’approvisionnement public.
  • Lorsque les organismes publics achètent une importante majorité des produits et services utilisés pour la prestation des soins de santé, ils sont également en position de stimuler la demande de produits et services innovateurs. Une orientation vers l’innovation, dans l’approvisionnement public, peut aider à optimiser la valeur des achats et à faire en sorte que les Canadiens puissent obtenir les soins de santé les meilleurs et les plus modernes.

Dans plusieurs pays, les gouvernements comptent de plus en plus sur l’approvisionnement public comme outil déclencheur d’innovation et de concurrence. Cette démarche contribue à faire baisser les coûts globaux, à moderniser les marchés et à améliorer la qualité des services aux citoyens. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fait cette observation :

[Traduction] En raison de l’importance des dépenses concernées, l’approvisionnement public peut avoir un impact sur le marché au–delà des quantités de biens et services achetés : par le biais de ses politiques d’approvisionnement, le secteur public peut influencer la structure du marché et inciter les entreprises à se faire concurrence plus ou moins férocement à long terme. La politique d’approvisionnement peut donc être utilisée pour façonner les effets à long terme sur la concurrence dans une industrie ou un secteurNote de bas de page 31.

Les gouvernements, par le biais de leurs achats, ont la possibilité de révolutionner les marchés. Par leur possible impact, les achats publics peuvent ouvrir des marchés à de nouveaux fournisseurs. Et ces nouveaux fournisseurs peuvent améliorer la concurrence et faire en sorte que les citoyens auront accès à de nouveaux produits et services innovateurs et dynamiques.

Approvisionnement public et concurrence

En moyenne, les gouvernements de l’OCDE engagent plus de 9 % de leur PIB en dépenses gouvernementales dans les soins de santéNote de bas de page 32. Au Canada, les organismes publics sont le principal acheteur des produits et services de soins de santé. Les politiques canadiennes d’approvisionnement public peuvent avoir des incidences à long terme sur la capacité et les incitatifs des entreprises à se faire concurrence dans divers secteurs de l’économie.

La connexion est claire. Les règles d’approvisionnement public ont une incidence directe sur la détermination des concurrents qui tenteront d’obtenir des contrats gouvernementauxNote de bas de page 33. Par exemple, un gouvernement pourrait chercher à simplifier son processus d’approvisionnement en établissant une règle voulant que seuls les fournisseurs antérieurs d’un produit puissent présenter une offre pour un contrat donné. Il serait alors plus facile de juger les fournisseurs en fonction des expériences réelles avec eux. Toutefois, une telle règle aurait également pour effet d’écarter toute entreprise qui offre un produit nouveau et innovateur. Une telle approche favorise la solution éprouvée au détriment de la concurrence et l’innovation.

L’approvisionnement gouvernemental a le potentiel d’influencer le paysage de la concurrence dans un secteur. Les règles d’approvisionnement devraient tenir compte de la façon dont elles peuvent promouvoir la concurrence, par exemple :

  • Favoriser des processus d’appels d’offres concurrentiels. Dans certaines circonstances, comme des processus d’approvisionnements public de plus faible valeur, les gouvernements ont souvent la souplesse d’attribuer directement les contrats ou de renoncer à un processus pleinement concurrentiel. Toutefois, autant que possible, les organismes publics devraient favoriser les processus d’appel d’offres concurrentiels puisqu’ils entraînent une baisse des prix, une amélioration de la qualité et un accroissement de l’innovation. Les processus d’appels d’offres ouverts et concurrentiels garantissent aux contribuables canadiens la meilleure utilisation des fonds publicsNote de bas de page 34. Les processus non concurrentiels devraient être utilisés uniquement dans des circonstances limitées, telles que des situations de crise où l’urgence est un facteur déterminant.
  • Prévention et détection du truquage d’offres dans les processus d’appels d’offres concurrentiels. Le truquage d’offres survient lorsqu’au moins deux fournisseurs conviennent qu’un certain fournisseur obtiendra le contrat. Par exemple, dans le cadre d’une entente avec une ou plusieurs autres entreprises, un fournisseur pourrait convenir de ne pas présenter d’offre, de retirer une offre ou de présenter une offre convenue. Le truquage d’offres est un acte criminel en vertu de la Loi sur la concurrence.

    Parallèlement aux enquêtes menées sur les allégations de truquage d’offres, le Bureau travaille avec les entreprises et les gouvernements pour s’assurer que les processus d’appel d’offres ne sont pas truquésNote de bas de page 35. Le Bureau encourage les acheteurs publics au Canada à utiliser l’Attestation d’absence de collusion dans l’établissement de soumission. Les soumissionnaires sont alors tenus de signer une confirmation que leur soumission a été préparée de manière indépendante de leurs concurrents. Partout dans le monde, ces attestations se sont révélées efficaces pour dissuader les fournisseurs potentiels de truquer des offres. En plus d’autres efforts, le Bureau a récemment préparé un Outil d’évaluation du degré de risque de collusion qui permet d’obtenir rapidement de l’information sur les risques potentiels de truquage des offres, ainsi que sur les stratégies d’atténuation à adopter pour minimiser ces risques et assurer un processus concurrentiel juste. Le Bureau offre également une formation gratuite pour les responsables de l’approvisionnement.
  • Élimination des obstacles dans les cadres fonctionnels d’approvisionnement public. Les obstacles à la concurrence empêchent les entreprises pertinentes de participer pour obtenir les marchés. Pendant la présente étude, le Bureau a entendu parler de plusieurs obstacles empêchant les entreprises, plus particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME), de présenter une offre pour obtenir des marchés publics, notamment dans les réseaux des services de santé. Le présent rapport identifie ces obstacles et encourage les organismes publics à éliminer ces obstacles empêchant les entreprises de présenter des offres concurrentielles pour obtenir des marchés publics dans le secteur canadien des services de santé.

    Lorsque les obstacles aux marchés publics sont éliminés ou réduits, les processus d’approvisionnement public sont plus inclusifs et attirent un plus grand nombre de soumissionnaires. Cela assure une plus grande concurrence pour l’obtention de marchés gouvernementaux, ce qui entraînera une baisse des coûts, une amélioration de la qualité des produits et services proposés et stimulera l’innovation.

    Quant aux produits et services de santé numériques, les processus d’approvisionnement public devraient tenir compte du fait que ce secteur est stimulé par l’innovation et que les PME y contribuentNote de bas de page 36. En particulier, le secteur canadien des appareils médicaux compte un grand nombre de PMENote de bas de page 37. De même, le secteur canadien des soins en mode virtuel compte des entreprises bien connues ainsi que des entreprises plus petites. Toutefois, plusieurs PME ayant participé à l’étude ont signalé qu’il leur était souvent difficile de participer aux processus d’approvisionnement public concurrentiels.

Approvisionnement public et innovation

L’approvisionnement public est le fondement du secteur canadien des services de santé publics et, par conséquent, ses processus favorisent aussi l’adoption de technologies et de traitements qui assurent le bien–être des Canadiens.

Dans plusieurs pays, les gouvernements reconnaissent que la promotion de l’innovation devrait être un élément central de la politique d’approvisionnementNote de bas de page 38. Il s’agit là d’un défi de taille pour les acheteurs publics – et le cadre fonctionnel de l’approvisionnement – qui penchent trop souvent du côté de la prudence. Les politiques fondées sur la perpétuation du statu quo ne parviennent pas à prioriser adéquatement une concurrence dynamique et l’adoption de solutions innovatrices.

Les gouvernements qui font la promotion de l’innovation utilisent de plus en plus les « politiques axées sur la demande » en plus des « politiques axées sur l’offreNote de bas de page 39 ». Les approches traditionnelles axées sur l’offre exigent d’un acheteur qu’il choisisse parmi les options offertes sur le marché existant. Les politiques axées sur la demande, toutefois, nécessitent que le gouvernement agisse volontairement pour stimuler la demande en vue d’obtenir des produits et services meilleurs et innovateurs. Les décideurs reconnaissent les avantages de combiner les politiques axées sur la demande et les politiques axées sur l’offre.

À titre d’exemple de politiques axées sur la demande, nous avons la reconnaissance de besoins sociétaux tels que l’amélioration des soins aux aînés pour une population vieillissante et l’adjudication de marché aux fournisseurs qui proposent des solutions réalisables. Une telle approche attirerait des propositions innovatrices et accorderait le contrat aux fournisseurs qui réussissent à résoudre le problème. Le gouvernement agirait alors comme « acheteur » de l’innovation. L’approvisionnement public est une façon centralisée d’obtenir ce genre d’innovation du côté de la demandeNote de bas de page 40.

L’Union européenne (UE) fait activement la promotion de telles politiques axées sur la demandeNote de bas de page 41. Elle s’est donné pour objectif de consacrer 17 % de ses dépenses d’approvisionnement en approvisionnement public de solutions innovatricesNote de bas de page 42. Ce faisant, l’UE cherche à agir comme important précurseur encourageant les produits et services innovateursNote de bas de page 43.

Une attention à l’innovation, dans l’approvisionnement public, peut aider à faire en sorte que les Canadiens obtiennent les soins de santé les meilleurs et les plus modernes. En effet, l’innovation présente certains risques tant pour les entreprises que les organismes de soins de santé et doit souvent être soutenue par des investissements initiaux n’offrant aucune garantie de réussite. Le fait de compter sur un processus d’approvisionnement assurant une certaine gestion des risques pour la communauté d’affaires et le réseau de services de santé soutiendrait l’adoption de produits et services répondant aux besoins changeants de la population canadienne.

Obstacles à la concurrence

Principaux points à retenir

  • Le Bureau a relevé six importants obstacles à la concurrence :
    1. la fragmentation et la complexité du cadre juridique canadien,
    2. des exigences contractuelles restrictives,
    3. l’importance accordée au prix,
    4. l’aversion pour le risque des autorités contractantes,
    5. la longueur des cycles d’approvisionnement et
    6. les politiques prescriptives.
  • Surmonter ces obstacles permettrait aux Canadiens de bénéficier d’une plus grande concurrence et de l’innovation dans le domaine de la santé numérique.

Pendant l’Étude de marché sur les services de santé numériques, le Bureau a rencontré des dizaines d’intervenants de l’industrie et reçu des commentaires écrits de centaines d’autres. La majorité de ces commentaires portaient sur l’incidence des processus actuels d’approvisionnement public sur la concurrence et l’innovation dans le secteur des services de santé numériques.

Au fil de ces consultations, le Bureau a relevé six importants obstacles à la concurrence. En traitant ces obstacles, les décideurs peuvent également agir pour faire en sorte que les Canadiens tireront avantage d’une plus grande concurrence et de l’innovation dans les services de santé numériques, obtiendront une meilleure valeur pour les fonds publics consacrés à l’approvisionnement, des produits et services de plus grande qualité et des solutions innovatrices de soins de santé.

Obstacle 1 : Fragmentation et complexité du cadre juridique canadien

Les solutions innovatrices de soins de santé ne sont pratiquement jamais circonscrites à un seul pays. Sur la scène internationale, l’économie canadienne est relativement petite. En 2020, PwC Canada estimait que les dépenses canadiennes en services de santé numériques totalisaient jusqu’à 5 % des dépenses mondiales totales de ce secteur (100 milliards de dollarsNote de bas de page 44). La taille de l’économie canadienne peut compliquer la tâche de convaincre les innovateurs de choisir le Canada parmi les premiers marchés pour leurs nouveaux produits et services.

Un autre facteur est également dissuasif : au Canada, sauf dans certaines circonstances particulières, chaque province ou territoire est responsable de l’achat de ses produits et services de santé. La structure d’approvisionnement est donc complexe lorsqu’il devient nécessaire de commercialiser un produit ou un service de soins de santé auprès de 14 différents gouvernements (soit, le gouvernement fédéral, les dix provinces et les trois territoiresNote de bas de page 45). Chaque gouvernement a établi différents niveaux de centralisation, différentes priorités pour son système de santé, différents statuts (lois, règlements, politiques) et différentes autorités de réglementationNote de bas de page 46. Il arrive parfois qu’une province ou un territoire compte sur plus d’un organisme d’approvisionnement. Par exemple, l’Ontario compte plusieurs groupes d’acheteurs de soins de santé (p. ex., HealthPRO, Mohawk Medbuy, PlexxusNote de bas de page 47 Note de bas de page 48).

De plus, ces différents organismes acheteurs, à l’échelle du pays, ont également différentes exigences d’approvisionnement et normes technologiques. Par conséquent, les produits et services doivent souvent être adaptés à chaque organisme. Cette adaptation peut être onéreuse pour les fournisseurs et complique la participation des entreprises aux processus concurrentiels de chaque région. De plus, la faible importance d’une occasion commerciale peut compliquer la tâche des PME qui devraient répondre à une demande d’adaptation pour fournir un produit spécifique à une province ou un territoire. Certains grands fournisseurs verront donc l’occasion commerciale comme trop peu importante pour y consacrer quelque effort. Ces effets peuvent mener à une réduction du nombre de soumissionnaires souhaitant présenter une offre en réponse aux appels de marché de gouvernements au Canada, entraînant alors une hausse des coûts, une limitation des choix et un moins grand nombre d’innovations.

Par ailleurs, certaines entreprises ont mentionné les inconvénients d’une centralisation excessive. Elles ont souligné que l’établissement d’organismes acheteurs moins nombreux et plus centralisés peut créer :

  • un surplus de formalités administratives;
  • un ralentissement des processus;
  • un moins grand nombre d’occasions d’essayer différentes solutions numériques;
  • des solutions moins adaptées à un organisme en particulierNote de bas de page 49.

Un autre problème, lié à la fragmentation du marché, tient aux variations importantes des processus et des règles selon les provinces, les hôpitaux, les maisons de soins de longue durée ou d’autres organismes de soins de santéNote de bas de page 50.

Les seuils d’approvisionnement sont un exemple concret des différents contextes de réglementation, tant fédérale que provinciale ou territoriale. Ces seuils correspondent souvent à des montants établis par chaque gouvernement. Si le montant d’achat dépasse le seuil, les agents d’approvisionnement doivent utiliser certains types de processus (p. ex., approvisionnement concurrentiel). Sous ces seuils, toutefois, d’autres options sont offertes (p. ex., marché à fournisseur unique).

Par exemple, Terre–Neuve–et–Labrador a établi les seuils suivants pour un approvisionnement concurrentielNote de bas de page 51 :

Tableau 1 : Seuils d’approvisionnement public de Terre–Neuve–et–Labrador
  Biens Services
Autorité régionale de la santé Valeur estimée de 105 700 $ ou plus
Ministère Valeur estimée de 26 400 $ ou plus Valeur estimée de 105 700 $ ou plus

Toutefois, l’Île–du–Prince–Édouard exige un appel d’offres concurrentiel ouvert pour les seuils suivantsNote de bas de page 52 :

Tableau 2 : Seuils d’approvisionnement public de l’Île–du–Prince–Édouard
  Biens Services
Autorité acheteuse (p. ex., Health PEI) Biens ayant une valeur de 10 000 $ à 30 300 $ Plus de 50 000 $
Ministère (p. ex., ministère de la Santé et du Mieux–être) Biens ayant une valeur de 250 000 $ à 605 600 $ Plus de 50 000 $

Aucune de ces approches n’est essentiellement supérieure à l’autre puisque les coûts administratifs associés à un approvisionnement concurrentiel formel peuvent être compensés par les économies de coûts obtenues d’un appel d’offres ouvert. Toutefois, ces exemples illustrent la complexité du paysage juridique canadien.

Il peut être difficile, même pour les entreprises bien établies, de naviguer dans les méandres de ces règles. Un commentateur a souligné que ces différences administratives peuvent « [Traduction] créer un labyrinthe compliqué de cheminements pour les innovateurs qui souhaitent promouvoir l’adoption de leur technologie et sa diffusion à l’échelle du pays » Note de bas de page 53.

Les règles d’approvisionnement visent à assurer un processus concurrentiel transparent et un accès juste aux marchés canadiens à toutes les entreprises, tant étrangères que nationalesNote de bas de page 54. Au Canada, les entreprises doivent respecter un nombre important de règles différentes, ce qui complique la présentation d’une offre et l’obtention des contrats. Cette situation ajoute des difficultés supplémentaires aux entreprises qui souhaitent fournir des solutions innovatrices à l’échelle du pays.

Obstacle 2 : Demandes strictes des exigences des appels d’offres

Pour participer à un processus concurrentiel d’approvisionnement public, les entreprises doivent habituellement répondre à un appel d’offres. Les appels d’offres précisent souvent les exigences que les fournisseurs potentiels doivent respecter (p. ex., caractéristiques particulières de rendement, exigences de protection de la confidentialité, interopérabilité de l’information). Les critères de ces appels d’offres sont généralement définis par l’acheteur (soit, les organismes de soins de santé).

Plusieurs intervenants ont mentionné que les appels d’offres comportant des exigences exagérément strictes ont pour effet d’éliminer des soumissionnaires potentiels. La réduction du nombre de soumissionnaires entraîne généralement une diminution de la concurrence et une réduction des niveaux d’innovation. Certaines exigences particulières ont pour effet de créer des problèmes, notamment :

  • Coût de mise à niveau des systèmes obsolètes de technologie de l’information. Dans le cadre d’un appel d’offres, les acheteurs exigent souvent des fournisseurs qu’ils assument le coût d’adaptation des systèmes existants de technologie de l’information à un nouveau produit ou service. Une telle exigence peut éliminer certains concurrents (en particulier les PME) puisqu’il peut être coûteux et fastidieux d’adapter ces systèmes aux nouvelles technologies. De telles exigences ont également tendance à favoriser le fournisseur qui a initialement fourni la solution.
  • Coûts et conditions liés à l’obtention d’une attestation. Les acheteurs peuvent demander aux fournisseurs d’obtenir une attestation auprès d’un tiers. Bien que les programmes d’attestation offrent des avantages (p. ex., assurance qu’un système potentiel offre les fonctionnalités de base ou est compatible avec d’autres solutions), ils peuvent aussi limiter l’introduction de nouveaux produits ou services qui pourraient avoir une orientation différente des autres solutions. Les fournisseurs qui ne réussissent pas à obtenir l’attestation ne peuvent pas participer au processus d’approvisionnement pertinent ou doivent engager des coûts initiaux pour obtenir une attestation sans garantie qu’ils obtiendront ultimement le marché.
  • Garanties financières. Parmi les exigences des appels d’offres, les acheteurs demandent parfois aux fournisseurs de présenter une preuve de leur santé financière. Dans certaines circonstances, de tels critères peuvent être indûment stricts, empêchant certaines entreprises (en particulier les PME) de présenter une offre concurrentielle.
  • Importance accordée aux fonctionnalités plutôt qu’aux résultats. Lorsqu’ils établissent les exigences de l’appel d’offres, les organismes de soins de santé peuvent cibler trop étroitement leur demande d’un produit ou d’un service qui devrait fournir un ensemble précis de fonctionnalités. Une telle démarche peut exclure les entreprises innovatrices qui proposeraient de nouvelles façons d’obtenir un résultat souhaité en utilisant un ensemble différent de fonctionnalités.
  • Exigences exagérément restrictives. Les acheteurs ne sont pas toujours des experts en produits et services de soins de santé numériques. Ils peuvent donc fonder les exigences de leur appel d’offres sur des produits existants qu’ils connaissent déjà bien. Les processus d’approvisionnement pourraient alors disqualifier involontairement de possibles fournisseurs. De plus, pour obtenir un contrat qui comporte des exigences exagérément restrictives, les entreprises vont chercher à proposer des produits qui respectent strictement les exigences minimales établies par les acheteurs, au prix le plus bas possible. De tels processus d’approvisionnement peuvent freiner la participation de certaines entreprises au processus d’approvisionnement et décourager l’émergence de produits innovateurs.
  • Non adapté aux nouveaux modèles d’affaires. Le système de soins de santé et les processus d’approvisionnement doivent constamment s’adapter aux nouveaux modèles d’affaires (p. ex., logiciel-service ou Software as a Service, appelé « SaaS »). Par exemple, au cours des dernières années, certains fournisseurs de soins de santé ont cessé de vendre des licences d’utilisation d’un produit ou service et orienté leurs ventes vers les abonnements à durée limitée. Cette stratégie peut avoir certains avantages, notamment la capacité d’étaler les coûts d’adaptation ou de développement en plusieurs versements mensuels, au lieu d’un versement unique. Toutefois, ces nouveaux modèles d’affaires ne conviennent pas toujours aux processus actuels d’approvisionnement, aux accords habituels, aux politiques comptables et aux mécanismes de financement des hôpitaux, qui préfèrent l’achat de licences.
  • Absence de l’expertise nécessaire pour définir les exigences. Lorsqu’ils définissent les exigences d’un appel d’offres, les acheteurs peuvent involontairement omettre certains aspects importants d’un produit ou service. Il est également possible que d’autres aspects plus techniques leur échappent. Cette lacune peut entraîner des dépassements de coûts lorsque les acheteurs, après avoir conclu un contrat avec un fournisseur, découvrent qu’ils ont besoin de fonctionnalités supplémentaires qui n’ont pas été incluses dans l’appel d’offres original.
  • Absence de renseignements sur le marché. Les acheteurs n’ont pas toujours les outils leur permettant de repérer les nouveaux fournisseurs ou les solutions innovatrices dans le domaine des services de santé numériques. Cette lacune peut mener à prioriser certaines entreprises existantes, plus connues, aux dépens des entreprises offrant des solutions plus nouvelles, plus innovatrices.

Il est important de bien définir les exigences de l’appel d’offres. Autrement, des obstacles sont créés à l’entrée sur le marché, notamment pour les entreprises innovatrices et les PME. Une définition lacunaire des exigences d’un appel d’offres peut rendre les politiques d’approvisionnement indûment complexes et, au pire, peut réduire la concurrence et l’innovation, au détriment du système canadien de soins de santé.

Obstacle 3 : Importance accordée au prix plutôt qu’à la valeur

Après l’envoi des soumissions en réponse à un appel d’offres, les acheteurs évaluent habituellement les soumissionnaires selon des critères prédéterminés. Plusieurs intervenants ont souligné que le critère d’évaluation le plus important est le prix. Autrement dit, les contrats sont généralement accordés à l’entreprise qui peut offrir le produit le moins coûteux. D’un certain point de vue, ce critère est sensé, puisque personne ne voudrait payer plus cher ce qui peut être obtenu moins cher. Mais une analyse approfondie démontre la faiblesse de ce genre de raisonnement.

En effet, l’importance accordée au prix décourage les innovateurs et les PME : ils ne peuvent souvent pas concurrencer les plus grandes entreprises qui offrent à moindre coût des produits et services moins innovants. L’importance accordée au prix incite également les entreprises à réduire leur prix en ajoutant seulement les exigences minimales requises à leur produit ou service. Conséquemment, il est possible que les acheteurs n’obtiennent pas la meilleure version du produit ou service. Alors, le fournisseur retenu et l’acheteur tiennent des discussions qui mènent à l’ajout de fonctionnalités à un coût supplémentaire. Au final, l’acheteur paie plus cher que prévu dans l’appel d’offres.

L’importance accordée au prix a pour effet d’éliminer des entreprises, en particulier des PME, qui ne peuvent pas compter sur les revenus obtenus d’autres produits ou services. Les plus grandes entreprises, qui offrent plusieurs produits ou services, peuvent être capables de proposer des prix inférieurs pour les produits ou services de santé numériques, pour autant qu’elles peuvent récupérer les revenus perdus grâce à la vente d’autres produits ou services.

Certains acheteurs ont choisi d’évaluer les propositions sans s’arrêter au prix. Par exemple, le Secrétariat du Conseil du trésor du Québec permet aux organismes publics de choisir parmi quatre méthodes d’évaluation des soumissions :

  1. le prix seulement,
  2. la qualité minimale et le prix,
  3. le prix ajusté le plus bas et
  4. la qualité seulementNote de bas de page 55.

La méthode utilisée dépend souvent du type de produits ou de services recherchés. Par exemple, l’achat de mobilier peut être évalué selon le prix le plus bas, mais l’achat d’un produit plus complexe, comme une solution numérique, peut être évalué selon la qualité minimale et le prix ou la qualité seulement. Les organismes de soins de santé décident du critère d’adjudication qui sera employé.

Il est important de bien distinguer la valeur ou la qualité et le résultat. Alors que certains acheteurs commencent à intégrer des facteurs de qualité dans leur évaluation des soumissions, très peu d’organismes acheteurs s’intéressent plus profondément au cycle de vie d’un produit (p. ex., l’intégration continue et les coûts de maintenanceNote de bas de page 56). Par exemple, dans le contexte de l’évaluation d’une entreprise qui produit une application novatrice pour la gestion du diabète. Le système peut nécessiter des investissements initiaux importants, mais, à long terme, peut mener à une diminution de l’utilisation du système de soins de santé puisque les patients parviennent à mieux contrôler leur maladie. Les économies de coûts, au fil du cycle de vie, devraient être prises en compte dans l’évaluation.

Les organismes d’approvisionnement qui accordent une importance fondamentale au prix peuvent manquer des occasions. Ils pourraient donc choisir des solutions sous–optimales en éliminant involontairement des concurrents qui pourraient offrir un meilleur produit à long terme. Pour que la concurrence soit efficace, les décisions d’approvisionnement doivent tenir compte non seulement du coût à court terme d’une solution, mais aussi de la gamme complète des avantages qu’elle peut offrir, y compris les coûts inférieurs à long terme et de meilleurs résultats pour les patients.

Obstacle 4 : Culture de l’aversion pour le risque

Il n’est pas étonnant que le système de soins de santé ait une aversion pour le risque. Dans un domaine où les erreurs peuvent avoir de graves conséquences, les acheteurs préfèrent choisir des produits et services qui sont éprouvés, sûrs et bien connusNote de bas de page 57 Note de bas de page 58. Par définition, les technologies innovatrices sont perturbantes : il est parfois difficile de les comparer puisqu’il n’existe pas de technologies similaires sur le marchéNote de bas de page 59. Par conséquent, les organismes acheteurs peuvent hésiter à prendre le risque d’introduire une solution nouvelle et innovatrice dans le système de soins de santé ou de changer un système courant, voire même s’y refuser.

Dans le domaine des soins de santé, il peut être difficile d’acheter des produits ou services innovateurs. Les établissements préfèrent s’en tenir aux produits et services qu’ils connaissent bien. Toutefois, il faut veiller à ce que les patients canadiens puissent bénéficier des traitements les plus récents, à la fine pointe. En encourageant l’adoption de nouveaux produits, les acheteurs pourront tirer profit d’un processus concurrentiel dynamique, qui permettra de réduire les coûts, d’obtenir des produits de grande qualité et d’accroître les niveaux d’innovation. Cela doit être fait sans compromettre la sécurité des patients.

Il est raisonnable que les acheteurs de nouvelles solutions de soins de santé souhaitent des preuves cliniques de leur efficacité. Toutefois, certains acheteurs au Canada ont mentionné au Bureau qu’ils avaient une telle aversion pour le risque qu’ils voulaient des preuves cliniques canadiennes. Autrement dit, la preuve d’efficacité provenant d’un autre pays ne suffisait pas. Une telle exigence, évidemment, peut s’avérer un obstacle de plus à l’adoption de produits innovateurs au Canada.

Obstacle 5 : Longueur des cycles d’approvisionnement

Le processus d’approvisionnement des produits et services de soins de santé numériques peut s’étendre sur plusieurs années. Cet échéancier peut poser problème puisque l’avancée de la technologie peut être plus rapide que le temps qu’il faut pour acheter un nouveau produit. Autrement dit, en raison du rythme rapide des percées technologiques modernes, il est possible que le produit ou le service soit déjà dépassé au moment où le processus d’approvisionnement prend fin.

Les conséquences se manifestent sur deux plans. Premièrement, les produits et services utilisés actuellement par les organismes de soins de santé sont rarement les solutions les plus récentes et les plus innovatrices. Deuxièmement, les innovateurs peuvent être obligés d’attendre plusieurs années avant de rentabiliser les investissements qu’ils ont faits pour développer un nouveau produit. Ces deux effets ont tendance à limiter la concurrence en augmentant le risque de développer de nouveaux produits alors que le processus d’approvisionnement est si long.

Obstacle 6 : Des politiques exagérément prescriptives

Certaines provinces canadiennes ont mis en place des politiques qui exigent l’utilisation d’un fournisseur en particulier ou d’un produit ou service de soins de santé numérique en particulier. Par exemple, une politique qui ordonne à chaque ministère provincial d’utiliser un produit en particulier élimine la possibilité qu’un produit concurrent puisse se tailler une place sur le marché en étant sélectionné par un hôpital ou un groupe d’achat Une telle pratique repousse de potentiels innovateurs et élimine les effets d’une concurrence positive que ces innovateurs pourraient avoir en créant, sur les fournisseurs, une pression de baisse de prix, d’amélioration de la qualité d’un produit ou d’introduction de récentes innovations sur le marché.

Initiatives visant à réduire les obstacles actuels

Principaux points à retenir

  • Plusieurs initiatives entreprises pour éliminer les obstacles à la concurrence et à l’innovation proposent de rassembler les principaux intervenants de différents secteurs du domaine de la santé pour offrir des occasions de développer des solutions innovatrices ou encourager de nouvelles entreprises du marché à répondre aux appels d’offres.
  • Du côté approvisionnement, les différents gouvernements cherchent des façons d’améliorer le processus pour soutenir la concurrence et l’innovation.

L’innovation exige un esprit entrepreneurial. Il s’épanouit lorsque les gens sont prêts à courir la chance et à essayer des solutions qui n’ont pas encore été tentées. Pour récolter les fruits de l’innovation et de la concurrence, les entreprises doivent foncer sans penser à l’échec.

Au Canada, plusieurs initiatives visent à révolutionner les façons de faire. Ces initiatives reconnaissent certains des obstacles mentionnés et ont pour objectif de les contrer. Des efforts particuliers, liés à ces initiatives, comprennent notamment :

  • Réseau de santé CAN — Edges. Les « Edges » sont des groupes d’hôpitaux, d’organismes de soins à domicile, d’autorités de la santé, de cliniques privées, entre autres, qui collaborent et qui fournissent des solutions innovatrices adaptées. Ils agissent à la fois comme bancs d’essai des récentes innovations et acheteurs qui se positionnent pour obtenir les premiers avantages des percées résultantes. Quand vient le moment de lancer un appel d’offres, les Edges se présentent comme un groupe d’acheteurs informel, ce qui simplifie le processus d’approvisionnement pour les fournisseurs et évite que plusieurs acheteurs lancent leur propre processus d’approvisionnement indépendant.
  • Initiative canadienne d’approvisionnement collaboratif (ICAC). L’ICAC est une initiative fédérale, menée par Services publics et Approvisionnement Canada, visant à moderniser les pratiques d’approvisionnement au Canada. Son objectif est de réduire l’impact de la fragmentation et du cadre juridique complexe en offrant des outils d’approvisionnement national à tous les participants. L’ICAC rassemble des groupes d’acheteurs et facilite les démarches des fournisseurs qui souhaitent vendre leurs produits et services à plusieurs organismes, évitant ainsi le dédoublement des processus d’approvisionnement. Elle permet également aux acheteurs d’échanger des informations et de prendre connaissance des pratiques exemplaires d’approvisionnement dans divers secteurs, dont les soins de santé.
  • MEDTEQ+ — Beachhead. Un « Beachhead » comprend une équipe de patients, des chercheurs, des cliniciens, des administrateurs du secteur de la santé, des gouvernements et des membres de l’industrie. Son objectif est d’accélérer l’adoption d’innovations en fonction de leur valeur. Grâce à cette collaboration, chaque Beachhead vient valider les innovations dans un contexte réel de soins de santé, ce qui permet aux entreprises de recueillir des données cliniques probantes. En retour, les organismes du réseau peuvent utiliser ces relations pour tirer avantage des plus récentes solutions de soins innovatrices. Cette initiative contribue à surmonter la complexité et la fragmentation du cadre juridique canadien en matière d’approvisionnement, tout en produisant des données probantes canadiennes sur l’efficacité du produit ou du service.
  • Ontario — Approvisionnement pour l’innovation. Le gouvernement ontarien a mis en place son cadre d’approvisionnement pour l’innovation, qui vise à placer les solutions innovatrices à l’avant–plan de l’approvisionnement public de l’Ontario. Selon cette approche, les organismes gouvernementaux communiquent avec les fournisseurs potentiels avant de préparer un appel d’offres pour :
    1. améliorer leurs connaissances des offres de produits et
    2. structurer les exigences de l’appel d’offres d’une manière plus réaliste.
    Dans ce cadre, les processus d’approvisionnement peuvent être structurés pour permettre l’étude de solutions innovatrices. Cette approche est axée sur un modèle d’approvisionnement fondé sur les résultats. Cette initiative aide à réduire l’impact de pratiquement tous les obstacles mentionnés.
  • Inforoute Santé Canada — Trousse d’approvisionnement. Cette trousse a été créée pour aider les hôpitaux, les cliniques et d’autres organismes de soins de santé à obtenir des solutions de consultations virtuelles ou de télésurveillance des patients. Elle offre aux acheteurs certaines lignes directrices sur la façon de définir leurs principales exigences.
  • Autres organismes se dégageant du cadre d’approvisionnement traditionnel. Les participants au marché ont mentionné d’autres exemples d’organismes acheteurs collaborant pour apporter des changements au domaine de l’approvisionnement :
    • Dans un appel d’offres, les acheteurs commencent habituellement par évaluer l’ancienne composante, qui renvoie aux exigences d’approvisionnement de l’ancien modèle d’affaires (licences). Puis, le fournisseur ayant obtenu la note la plus élevée est évalué selon son nouveau modèle d’affaires (p. ex., logiciel–service ou SaaS). Ce processus peut nuire aux fournisseurs qui tentent de vendre une nouvelle solution (comme un logiciel–service) et aux acheteurs qui les recherchent. Un centre de soins de longue durée a décidé de procéder à l’inverse. Il a commencé par établir que le SaaS était son modèle d’affaires préféré, puis a évalué l’ancienne composante. Cette initiative lui a permis d’obtenir la solution la plus innovatrice possible répondant à ses besoins.
    • Dans une autre province, un acheteur gouvernemental a défini les exigences minimales que les fournisseurs devaient respecter. Après avoir évalué les propositions selon ces exigences, tous les fournisseurs qualifiés ont été invités à proposer un prix. Les établissements de soins de santé pouvaient alors choisir une des solutions validées, au prix proposé par le fournisseur. Au lieu d’une concurrence fondée sur le prix, cette démarche permettait aux fournisseurs de se faire valoir et d’être évalués selon les fonctionnalités innovatrices de leurs produits ou services.
    • Les membres de la communauté juridique ont préconisé l’élimination du contrat de type A (documents d’appel d’offres, par rapport au contrat de type B, soit l’adjudication du contrat au fournisseur choisiNote de bas de page 60) dans le cadre applicable aux marchés publics canadiensNote de bas de page 61. Certains des aspects menant à l’élimination du contrat de type A sont liés au degré de complexité associé à l’existence d’un contrat contraignant et à l’absence de la souplesse nécessaire pour négocier les modalités et les particularités qui répondent aux besoins de l’acheteur. Dans ce contexte, les appels d’offres non contraignants évitent les problèmes associés au contrat de type A puisqu’il n’y a pas de contratNote de bas de page 62. Toutefois, ce processus comporte certains inconvénients, notamment le contrôle réduit que les acheteurs peuvent avoir sur le processusNote de bas de page 63.

Recommandations

Dans le domaine des services de santé numériques, l’approvisionnement public joue un rôle de catalyseur essentiel. Les règles d’approvisionnement sont centrales au processus décisionnel et au choix des concurrents qui fourniront des produits de soins de santé numériques sur lesquels les Canadiens pourront compter chaque jour. L’orientation de ces règles sur la concurrence et l’innovation assurera aux gouvernements canadiens une offre de solutions de services de santé numériques au coût global le plus bas et à des niveaux de qualité les plus élevés.

Le Bureau fait trois recommandations pour aider à encourager une concurrence plus importante et un degré plus élevé d’innovation par le biais d’une politique d’approvisionnement.

Recommandation 1 : Établir un centre national d’expertise en approvisionnement pour l’innovation

Les gouvernements canadiens, aux paliers fédéral, provinciaux et territoriaux, devraient collaborer pour établir un centre national d’expertise en approvisionnement public pour l’innovation.

L’établissement d’un tel centre vise à répondre aux préoccupations exprimées par la communauté des acheteurs publics et la communauté des fournisseurs. Puisque tous les gouvernements canadiens ne sont pas au même point sur le cheminement de la mise en œuvre d’une stratégie d’approvisionnement pour l’innovation, la communauté des acheteurs publics reconnaît que les administrations gouvernementales gagneraient à communiquer leurs connaissances. Cette démarche semble déjà entreprise, de manière informelle, par certaines administrations et souvent de manière ponctuelle. Un centre d’expertise formaliserait de telles initiatives.

Puisque la fragmentation et la complexité du marché canadien sont souvent citées comme un obstacle, la communauté des fournisseurs est d’avis qu’un centre d’expertise pourrait encourager une vision commune de l’approvisionnement pour l’innovation, tout en respectant les compétences provinciales et territoriales.

Comme première étape, ce centre d’expertise devrait créer une feuille de route canadienne pour la mise en œuvre d’une stratégie d’approvisionnement pour l’innovation. Le centre devrait également être responsable de fournir la formation, l’orientation et les ressources aux acheteurs publics afin d’établir une direction commune. Il pourrait aussi contribuer à disséminer les pratiques exemplaires canadiennes et internationales dans le domaine de l’approvisionnement pour l’innovation — plus particulièrement en matière d’utilisation des processus d’approvisionnement concurrentiels. Un tel centre devrait s’appuyer sur les connaissances et l’expérience acquises au fil des initiatives en cours, y compris les programmes de préqualification ou la conception de propositions pour les produits et services de santé numériques.

Les gouvernements, à différents paliers, se sont déjà regroupés pour collaborer dans le secteur de la santé. Parmi les exemples de collaboration pancanadienne, soulignons :

  • la Table FPT sur les soins virtuels et les outils numériques, une plateforme de collaboration pancanadienne établie en mars 2020 ayant pour mandat d’examiner et d’élaborer une proposition de plan pour accélérer le déploiement des soins virtuels au Canada, tant pendant la COVID–19 qu’à plus long terme.
  • l’Alliance pancanadienne pharmaceutique, une alliance des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral qui collaborent à diverses initiatives liées au régime public d’assurance–médicaments en vue d’améliorer et de gérer l’accès aux traitements médicamenteux qui sont cliniquement efficaces et abordables.

Au sein de l’Union européenne, le projet Procure2Innovate assure un soutien institutionnel aux organismes publics qui souhaitent mettre en place l’approvisionnement pour l’innovation. Le soutien offert au réseau d’acheteurs publics comprend des programmes de financement pour stimuler les activités d’approvisionnement pour l’innovation, des séances de formation sur divers sujets allant de la sensibilisation à l’approvisionnement pour l’innovation jusqu’aux explications sur les exigences fonctionnelles. Ce projet offre aux gouvernements canadiens un modèle solide de façons d’amorcer les changements culturels dans diverses administrations.

Recommandation 2 : Éliminer les obstacles qui nuisent à la concurrence

Les acheteurs publics canadiens devraient favoriser la concurrence en éliminant les obstacles dans les appels d’offres. Du point de vue de la concurrence, éliminer les obstacles dans les appels d’offres donne à tous les fournisseurs l’occasion d’y participer. Cette approche permet également aux systèmes de soins de santé de tirer avantage des bénéfices d’une concurrence accrue : une baisse des coûts globaux, une meilleure qualité des produits et un accroissement de l’innovation.

Pour éliminer les obstacles dans les appels d’offres, les acheteurs publics devront mobiliser l’industrie d’une manière appropriée, plus particulièrement s’ils recherchent des solutions innovatrices pour répondre aux besoins non satisfaits ou aux nouveaux besoins qui ne sont pas satisfaits adéquatement par les solutions déjà offertes sur le marché.

Une telle mobilisation devrait être transparente et non discriminatoire. Le but de cette approche est d’évaluer les solutions offertes par rapport aux dernières avancées pour que toutes les entreprises adéquates aient une chance de livrer concurrence.

Au moment de concevoir leurs appels d’offres, nous invitons les acheteurs publics à autoévaluer leur pratique du point de vue des obstacles mentionnés plus haut. Avec une telle approche, les appels d’offres devraient :

  • être élaborés en faisant une étude appropriée du marché et en mobilisant la communauté des fournisseurs;
  • tenir compte du cycle de vie complet d’un produit ou d’un service recherché, plutôt que simplement son prix;
  • évaluer l’incidence des changements technologiques sur les besoins actuels et futurs;
  • tenir compte des exigences facilitant le passage d’un fournisseur à un autre si un tel passage s’avérait pertinent.

Certaines administrations canadiennes ont déjà entrepris ce cheminement :

  • Le Procurement Concierge Program de la Colombie–Britannique fait la promotion d’approches d’approvisionnement innovatrices et vise à permettre à tous les fournisseurs de participer aux processus publics. Le programme recueille des renseignements en poursuivant l’objectif d’aider les acheteurs gouvernementaux à repérer les options qui sont offertes sur le marché — plus particulièrement sur les marchés caractérisés par de rapides avancées technologiques.
  • La stratégie de Ressources sur l’approvisionnement pour l’innovation de l’Ontario vise à permettre un processus d’approvisionnement public qui surmonte plusieurs des obstacles mentionnés dans le présent rapport. Cette stratégie favorise une mobilisation précoce des possibles fournisseurs, les nouvelles approches de description des exigences des appels d’offres et un accès élargi aux processus d’approvisionnement.

Recommandation 3 : Soutenir les processus d’approvisionnement favorisant l’innovation

Les acheteurs publics canadiens devraient encourager des processus d’approvisionnement concurrentiels favorisant l’innovation en éliminant les obstacles auxquels les innovateurs potentiels sont confrontés. En effet, alors que la recommandation précédente aborde les obstacles auxquels les fournisseurs de solutions existantes sont confrontés, la présente recommandation porte sur les obstacles auxquels les fournisseurs de solutions inexistantes sont confrontés.

L’adoption de processus d’approvisionnement concurrentiels favorisant l’innovation pourrait s’appuyer sur certaines stratégies, notamment :

  • Rédiger les spécifications d’une manière qui permet d’admettre les solutions innovatrices. Pour les spécifications techniques, il sera préférable d’utiliser des exigences fonctionnelles plutôt que des exigences prescriptives. Les exigences fonctionnelles minimales offriront l’occasion aux fournisseurs de participer au processus en présentant des solutions axées sur les résultats souhaités et permettraient aux fournisseurs de proposer des solutions différentes correspondant étroitement aux spécifications présentées. Dans ce sens, les processus d’approvisionnement pourraient également permettre aux acheteurs publics de tenir compte, et éventuellement de choisir, une solution innovatrice proposée par le fournisseur de sa propre initiative dans une offre présentée pour obtenir le marché.
  • Prendre des mesures pour permettre aux PME de participer plus activement aux processus d’approvisionnement public. Puisque les PME ont des ressources limitées, ce qui peut freiner leur participation aux processus d’approvisionnement public qui sont longs ou impliquent beaucoup de formalités administratives, les acheteurs publics devraient continuellement revoir leurs pratiques en cherchant à faciliter la participation effective des PME.
  • Utiliser des critères d’attribution flexibles qui intègrent plus que des prix. Les critères d’attribution flexibles, tels que celui de l’offre la plus avantageuse économiquement (MEAT) utilisé dans l’UE, visent à récompenser à la fois la qualité et le prix. Ces critères flexibles peuvent stimuler l’innovation, par exemple en utilisant le coût comme critère d’attribution.

Le document de la Commission européenne, Orientations sur la passation de marchés de solutions innovantes, est un excellent point de départ pour les gouvernements qui souhaitent tenir des processus d’approvisionnement favorables à l’innovation.

Prochaines étapes

L’avenir numérique exige une refonte de la politique historique d’approvisionnement gouvernemental. Les anciens modes d’achats gouvernementaux peuvent entraver le processus concurrentiel qui permettrait l’introduction de solutions nouvelles et innovatrices en matière de services de santé numériques. En tenant sciemment compte de la façon dont les règles d’approvisionnement peuvent favoriser la concurrence et l’innovation, les gouvernements pourraient contribuer à ce que les Canadiens aient accès aux soins de santé les plus appropriés et efficaces, tout en garantissant une meilleure utilisation de l’argent des contribuables, des produits de plus grande qualité et un plus grand choix de fournisseurs.

Le Bureau invite les décideurs canadiens à étudier et analyser les recommandations du présent rapport pour accélérer l’accès aux produits et services numériques, tout en tenant compte de l’impact de leur pouvoir d’achat sur la concurrence et l’innovation. La pandémie de COVID–19 s’est avérée une croisée des chemins pour l’innovation en services de santé. Le Bureau apprécie l’occasion de continuer à travailler avec les décideurs pour que les politiques ne nuisent pas indûment à la concurrence et à l’innovation dans cet important secteur.

Comment communiquer avec le Bureau de la concurrence

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la Loi sur la concurrence, la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation (s'applique aux produits autres que les denrées alimentaires), la Loi sur l'étiquetage des textiles, la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux ou sur le programme d'avis écrits du Bureau ou encore pour déposer une plainte en vertu de ces lois, veuillez communiquer avec le Centre des renseignements du Bureau de la concurrence.

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