Ce que nous avons entendu au Sommet canadien de la concurrence 2023

Le 7 décembre 2023

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Introduction

« [...] notre discussion d’aujourd’hui [au Sommet canadien de la concurrence 2023] est si importante. Nous devons examiner le rôle que les gouvernements peuvent jouer pour nourrir et stimuler la concurrence dans l’économie. »

Matthew Boswell,
commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence Canada

Pour assurer la croissance et la prospérité économiques à long terme, de nombreux pays du monde entier ont déterminé qu’il était nécessaire d’intégrer les considérations en matière de concurrence dans tous leurs processus d’élaboration de règlements et de politiques.

En vue de mieux comprendre la façon dont les politiques publiques peuvent stimuler la concurrence et la croissance économique, le Bureau de la concurrence a organisé le Sommet canadien de la concurrence 2023 : Explorer des approches relatives aux politiques pour libérer la concurrence le 5 octobre 2023. Plus de 500 personnes ont assisté à l’événement, en personne ou virtuellement, pour en apprendre davantage sur le sujet.

Pour commencer la journée, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada, l’honorable François-Philippe Champagne, a discuté des plans du gouvernement concernant l’avenir de la politique de concurrence. Le reste de la journée a comporté sept séances où des experts nationaux et internationaux ont exploré la façon dont les considérations en matière de concurrence peuvent être prises en compte dans le cadre de l’élaboration des politiques à tous les niveaux du gouvernement canadien, ainsi que d’autres sujets pertinents.

Cinq principaux points à retenir ont été soulevés pendant le Sommet 2023.

Principal point à retenir No 1 : La concurrence peut contribuer à renforcer l’économie et la productivité au Canada

Le Centre sur la productivité et la prospérité (HEC Montréal) a effectué des recherches sur le lien entre la baisse de la productivité au Canada et le manque de concurrence au pays. Il a étudié des indicateurs clés pour évaluer la pression concurrentielle entre les entreprises, y compris les politiques et les règlements publics. Ces indicateurs semblent indiquer que les entreprises au Canada ne ressentent pas suffisamment de pression pour être plus productives. Ces constatations font écho à celles du récent rapport sur l’intensité concurrentielle du Bureau et à la dernière étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la réglementation des marchés de produits au Canada. Une concurrence accrue profiterait aux consommateurs (p. ex., des prix plus bas, une meilleure qualité des produits), et renforcerait les entreprises (p. ex., efficacité, résilience accrue, capacité de concurrencer les entreprises d’autres pays) et l’économie canadienne dans son ensemble.

Il a été noté, aux États-Unis, que des études (en anglais uniquement) semblables ont été publiées pendant l’administration d’Obama. Certaines études ont révélé que les niveaux de concentration et de non-concurrence aux États-Unis étaient à des sommets historiques, tandis que l’économie américaine connaissait une faible croissance et des salaires stagnants. Pour rééquilibrer l’économie, la concurrence a été identifiée comme l’une des principales solutions.

Plusieurs raisons d’être optimiste à l’égard du potentiel économique du Canada ont été soulevées, notamment une main-d’œuvre dynamique, des niveaux d’éducation élevés, une participation inclusive des femmes au marché du travail, une démographie favorable et des ressources naturelles. Les forces des secteurs émergents, comme l’intelligence artificielle, la biotechnologie et l’informatique quantique, ont également été mentionnées.

« Quand on aligne des indicateurs [de la concurrence] un après l’autre et qu’ils pointent tous dans la même direction, il faut se poser des questions. »

Robert Gagné,
directeur, Centre sur la productivité et la prospérité, Fondation Walter J. Somers, HEC Montréal

Principal point à retenir No 2 : Le Canada a beaucoup à apprendre d’autres pays sur l’élaboration d’une approche pangouvernementale en matière de concurrence

Un thème récurrent du Sommet 2023 était la mesure dans laquelle le Canada peut tirer des leçons de l’expérience de ses partenaires internationaux, comme les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni.

L’expérience récente de la reprise de la concurrence aux États-Unis a longuement été discutée. Nous avons entendu six éléments importants dont le Canada peut tirer des leçons :

  1. Le soutien politique au plus haut niveau est important. Il est important que des personnes occupant des postes de haut niveau au sein du gouvernement (c.-à-d. de la Maison-Blanche ou du Cabinet du premier ministre au Canada) soient responsables de la coordination et de la priorisation de la politique de concurrence.
  2. Nommer des responsables de l’application de la loi qui ont le courage d’apporter des modifications. Aux États-Unis, il s’agissait de nommer ceux qui mettraient en œuvre le programme d’innovation que le président recherchait et pas nécessairement ceux que l’on s’attendait à voir nommés.
  3. Adopter une approche pangouvernementale agressive en matière de politique antitrust. En juillet 2021, le président a publié l’Executive Order on Promoting Competition in the American Economy (en anglais uniquement), qui contenait 72 directives. Il a créé le Conseil de la concurrence de la Maison-Blanche au sein du Bureau exécutif du président pour coordonner, promouvoir et faire avancer ces efforts.
  4. Nommer des membres de la magistrature qui sont plus conscients des questions de justice économique. Aux États-Unis, des juges qui ont des opinions claires et fermes sur l’antitrust ont été nommés.
  5. La reprise antitrust était une initiative gouvernementale interne et externe. Il est important de mobiliser un large éventail d’intervenants, y compris des universitaires, des membres de la société civile, des politiciens et des décideurs.
  6. Être conscient que c’est un long processus. Il a fallu environ 10 ans aux États-Unis pour se rendre là où ils en sont aujourd’hui, et il reste toujours du travail à faire.

Tout au long de la journée, les conférenciers ont également cité d’autres pays comme exemples. Des initiatives favorables à la concurrence, comme les cadres sur le système bancaire ouvert du Royaume-Uni (en anglais uniquement) et la portabilité des données de l’Australie (en anglais uniquement), peuvent contribuer à libérer la concurrence dans de nombreux secteurs de l’économie canadienne axée sur les données. Le gouvernement peut également examiner le travail réalisé par l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne pour assouplir les obstacles au commerce en créant des marchés intérieurs. Cela aiderait les obstacles au commerce interprovincial au pays, que de nombreux intervenants ont indiqué comme un obstacle significatif à la concurrence au Canada.

« [Traduction] Une véritable clé pour faire fonctionner ce projet de concurrence était de faire participer tous les organismes qui influencent la concurrence. La clé était de faire venir [à la Maison-Blanche] les chefs d’organismes tous les 6 mois pour rencontrer le président dans le cadre d’une réunion plutôt publique du Conseil de la concurrence et communiquer ce qu’ils ont fait récemment. »

Tim Wu,
professeur titulaire de la chaire Julius Silver en droit, science et technologie, faculté de droit de Columbia et ancien assistant spécial du président des États-Unis pour la politique de la concurrence

Principal point à retenir No 3 : Alors que la concurrence devient une question importante pour le grand public au Canada, nous devons saisir cette occasion pour mettre en œuvre une réforme en faveur de la concurrence

Au cours du Sommet 2023, nous avons entendu parler des obstacles à la concurrence créés par certaines politiques gouvernementales, comme les restrictions à la propriété étrangère, les régimes de gestion de l’offre et les obstacles au commerce interprovincial.

Les conférenciers et conférencières ont indiqué que les cadres réglementaires canadiens dans de nombreux domaines ne sont pas favorables à la concurrence. Dans le secteur financier, par exemple, les entreprises sont confrontées à un environnement réglementaire très complexe.

« [Traduction] Nous devons nous assurer que d’une part, nous équilibrons les choses [en ce qui concerne le cadre réglementaire]. D’autre part, nous faisons en sorte qu’il soit facile pour les Canadiens d’utiliser les services financiers qu’ils désirent pour faire ce qu’ils ont à faire. »

Edward Kholodenko,
président et directeur général, Questrade Financial Group

Les obstacles au commerce interprovincial ont également fait l’objet de discussions de la part des conférenciers et conférencières. Les provinces et les territoires imposent souvent aux entreprises des exigences réglementaires qui se chevauchent, ce qui peut nuire à leur capacité de concurrencer à l’échelle nationale. Le Canada pourrait bénéficier d’une approche réglementaire plus harmonisée dans de nombreux domaines, en particulier le commerce interprovincial. De nombreux conférenciers ont préconisé une réglementation moins stricte. Ils ont indiqué que les organismes de réglementation doivent faire attention à la saisie réglementaire, c’est-à-dire les situations où la réglementation profite davantage au secteur réglementé qu’à l’intérêt public.

Une autre considération soulevée était la façon dont les évaluations de la concurrence pourraient être utilisées. Il a été recommandé de créer une organisation indépendante dont le rôle serait d’évaluer l’incidence que les politiques gouvernementales ont sur la concurrence. Le Bureau a réalisé quelques travaux dans ce domaine avec la publication d’un guide étape par étape pour l’évaluation de la concurrence sur son site Web. Une autre suggestion consistait à effectuer une évaluation rétrospective de la concurrence afin de comprendre les obstacles à l’entrée et les raisons pour lesquelles les entreprises quittent le Canada.

Enfin, les conférenciers et conférencières ont indiqué que la politique de concurrence n’est qu’une partie de la solution. Nous avons besoin d’autres mesures, y compris un cadre d’application de la loi solide en matière de concurrence pour nous assurer que nous n’avons pas d’industries trop concentrées et d’acteurs dominants qui abusent de leur pouvoir.

Principal point à retenir No 4 : La population canadienne réclame avec raison plus de programmes en faveur de la concurrence afin de profiter de ses avantages

L’intérêt du public à l’égard de la concurrence a atteint des sommets historiques. Les conférenciers et conférencières estiment que cette sensibilisation a probablement été causée par des problèmes d’abordabilité, des développements internationaux et des affaires récentes de concurrence très médiatisées au pays.

Au Sommet 2023, nous avons également entendu ce qui suit :

  • Les gens au Canada veulent plus de concurrence (en anglais uniquement), et ils croient que le gouvernement n’en fait pas assez (en anglais uniquement).
  • Les conversations axées sur la concurrence doivent être publiques et faire partie du processus politique plus vaste.
  • Les efforts politiques visant à susciter des changements ont souvent lieu en marge et ciblent des questions propres à chaque secteur. Nous avons besoin de plus d’efforts politiques à l’échelle de l’économie pour stimuler la concurrence.
  • Il est important d’utiliser un langage clair pour rendre les concepts techniques accessibles au grand public. Cela permettra une discussion plus inclusive sur ce à quoi devrait ressembler l’avenir de la politique de concurrence.

Comme certains conférenciers ont mentionné, nous avons besoin d’une « culture de concurrence » parmi les décideurs, les consommateurs et les entreprises, afin d’apporter des changements durables et notables.

« [Traduction] Les gens s’intéressent à [la concurrence et aux monopoles] de tout le spectre politique. Si vous allez sur Twitter, sur Reddit ou dans des sections de commentaires de journaux, vous verrez des gens qui ont de longues discussions sur la concurrence et les monopoles sans lien avec la nouvelle. Je pense que cela résonne maintenant avec des gens comme jamais auparavant, et ce sont des gens de différents côtés, mais surtout des Canadiens plus jeunes. »

Arshy Mann,
animateur et producteur de baladodiffusion, Canadaland

Principal point à retenir No 5 : Il est essentiel de cerner et de promouvoir les questions de concurrence qui sont importantes pour les Canadiens et Canadiennes

La politique de concurrence n’est peut-être pas toujours au premier plan du discours politique. Cependant, elle peut attirer l’attention lorsque des questions précises, comme les tarifs des télécommunications ou les prix de l’épicerie, deviennent plus importantes pour les consommateurs ou les entreprises.

Pour y parvenir, des initiatives proactives – comme mener des études de marché, établir des partenariats avec des groupes de réflexion et des universités, et collaborer avec les intervenants – sont essentielles. Ces mesures peuvent contribuer à sensibiliser les gens aux questions liées à la concurrence et à s’assurer qu’elles s’harmonisent avec les questions qui préoccupent le grand public, ce qui, en fin de compte, façonne les priorités du gouvernement.

« [Traduction] Je serais très proactif en suscitant le débat au moyen d’études de marché et de partenariats avec les groupes de réflexion et les universités, et en collaborant avec des partenaires disposés à soulever les questions et à dénoncer les comportements anticoncurrentiels et les problèmes et à essayer de faire pencher un peu la balance en faveur de la concurrence. Vous trouverez des alliés sur votre chemin. Les gens qui se soucient de ces questions doivent se montrer proactifs et faire valoir leurs arguments. Si vous êtes passif et que vous attendez, les acteurs anticoncurrentiels l’emporteront. »

Michael Wernick,
titulaire de la Chaire Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public, Université d’Ottawa; ancien greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet du Canada

Conclusion

Lors du Sommet canadien de la concurrence 2023, nous avons entendu différents points de vue et expériences de leaders d’opinion des secteurs public, privé et universitaire. Ce fut une excellente occasion de découvrir comment nous pourrions faire progresser la concurrence au Canada, mais ce n’était que le début.

Nous devons travailler ensemble pour renforcer les principes de la concurrence dans la prise de décisions des gouvernements.