Épisode 17 : Gestion de la PI dans le milieu universitaire

Maya Urbanowicz : Vous écoutez « Voix de la PI canadienne », un balado où nous discutons de propriété intellectuelle avec des professionnels et des intervenants du Canada et d'ailleurs. Vous êtes entrepreneurs, artistes, inventeurs ou simplement curieux? Vous allez découvrir des problèmes concrets – et des solutions concrètes –ayant trait au fonctionnement des marques de commerce, des brevets, du droit d'auteur, des dessins industriels et des secrets commerciaux dans la vie de tous les jours. Je m'appelle Maya Urbanowicz et je suis votre animatrice d'aujourd'hui.

Les points de vue et les opinions exprimés dans les balados sur ce site web sont ceux des baladodiffuseurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l'OPIC.

Si vous êtes un chercheur universitaire, vous vous demandez peut-être si la propriété intellectuelle est pertinente dans vos activités. Les chercheurs sont peut-être d'avis que leurs connaissances sont mieux gérées avec du financement sans condition ou sans avenue de commercialisation – une vision qui est, des fois, motivée par la perception que protéger la valeur commerciale de la propriété intellectuelle est incompatible avec la publication de la recherche.

Est-ce que les deux s'excluent mutuellement? À l'Université McGill à Montréal, on croit que le transfert de technologies est directement aligné avec leur mission publique, et que le Bureau d'innovation et de partenariats travaille de près avec les inventeurs pour les aider à naviguer le processus de transfert de technologies et établir des liens entre les résultats de recherche et les gens et les groupes qui peuvent les aider à avoir le plus grand impact possible. C'est un honneur pour moi d'avoir avec nous aujourd'hui Mark Weber, le directeur de l'innovation et des partenariats à McGill. On parlera de leur approche envers le transfert de technologies. Mark, bienvenue à notre balado.

Mark Weber : Merci.

Maya Urbanowicz : L'innovation et le partenariat est la ressource première pour McGill où vous réunissez les chercheurs et les partenaires de l'industrie pour générer des technologies et connaissances. Aujourd'hui, je voudrais parler de ces deux différentes choses parce que la création des technologies versus la connaissance peut des fois prendre des chemins parallèles ou différents. Avant de nous plonger dans mes questions, je me demandais par contre si vous pouvez nous parler un peu de vous et du type de travail que vous faites à McGill.

Mark Weber : Je suis le directeur de l'innovation et des partenariats. J'ai commencé ma carrière en industrie, j'ai travaillé en industrie chimique et énergie, en Alberta pour 15 ans. Puis, je suis retourné à Montréal il y a 10 ans. Maintenant, je travaille à McGill. J'étais toujours à l'interface de recherche, puis commercialisation pendant ma carrière. C'est une bonne affaire pour moi d'être dans l'innovation et les partenariats, parce que c'est peut-être la même situation. On a des bonnes idées, des bonnes intentions et c'est nécessaire d'avoir un impact. Ça, c'est la chose qui est la plus importante.

Pour avoir de l'impact, c'est peut-être nécessaire d'avoir la commercialisation, c'est nécessaire d'avoir un partenaire qui a les ressources pour prendre le projet jusqu'à la fin, comme un produit commercial. Ça, c'est des choses que j'ai faites pendant ma carrière et j'aime faire ça ici à McGill.

Maya Urbanowicz : Je pense que les étudiants qui commencent à l'université, ils comprennent le concept de recherche et ainsi de suite, mais ils ne comprennent peut-être pas exactement où la valeur de la propriété intellectuelle entre en jeu et pourquoi cela est utile pour l'université. Je voulais vous demander : de quelle façon est-ce que les droits de propriété intellectuelle sont utiles à une université?

Mark Weber : Je pense que les droits de la PI sont importants pour avoir, comme j'ai dit, l'impact. Tu as dit ça aussi, parce que la chose qui est plus importante pour nous, c'est que la recherche est utilisée par le monde, par les compagnies, par les personnes, par tout le monde. Pour faire ça, ce n'est pas toujours simple comme : « Voici les résultats, bonne chance à tout le monde. » Ça ne fonctionne pas comme ça. C'est nécessaire d'avoir un partenaire pour prendre des décisions pour le marketing, la vente, la distribution, toutes les choses comme ça. Ça, c'est quelque chose qu'on ne fait pas à l'université, alors c'est nécessaire d'avoir une compagnie.

Normalement, c'est une industrie, c'est une startup, une compagnie. Pour eux, pour faire les décisions commerciales qui prennent beaucoup de ressources, c'est nécessaire d'avoir quand même un payback pour ça. La PI, c'est la chance de faire ça parce que c'est l'exclusivité pour utiliser l'invention eux-mêmes pour une période. Je trouve que le bottom line, c'est qu'on veut avoir nos inventions utilisées par le monde, et l'échange, c'est que c'est nécessaire d'avoir quelque chose pour les compagnies pour avoir l'exclusivité ou la chance d'utiliser leurs ressources pour améliorer le projet et lui donner la plus grande chance d'être un succès. Ça, c'est la PI.

Maya Urbanowicz : Je ne crois pas que les gens savent nécessairement que la politique est différente tout dépendamment de l'université, concernant la PI. Je sais que vous êtes en train de rédiger des directives pour les gens qui sont à McGill. Pouvez-vous nous expliquer quelle est la décision par défaut en matière de propriété intellectuelle à McGill?

Mark Weber : Oui, comme tu as dit, les politiques sont différentes partout au Canada. C'est un peu intéressant. Quand on travaille avec des compagnies, c'est un peu une chance de faire de l'éducation. À McGill, c'est une politique qui est comme conjointe. Il y a les droits pour les chercheurs et aussi pour l'université. Ça fonctionne bien quand on fait la recherche, parce que les inventeurs font leurs publications, mais quand c'est le temps pour la commercialisation, c'est nécessaire de faire un choix. Est-ce que ça va être dirigé par les inventeurs ou par McGill?

On donne la chance de faire cette décision aux inventeurs. Normalement, les inventeurs décident que c'est McGill qui va diriger la commercialisation. S'ils ont l'expérience eux-mêmes ou ils veulent le faire pour quelques raisons et être les dirigeants, c'est correct, on accepte ça. Il y a une différence entre qui va payer pour les brevets, qui va prendre les décisions pour les licences, qui va approcher les compagnies. Un, c'est totalement avec les chercheurs, l'autre, c'est avec l'université. C'est un peu plus comme un partenariat avec les chercheurs.

Maya Urbanowicz : Je sais que beaucoup de gens choisissent certaines disciplines de la science parce qu'ils veulent contribuer à la connaissance dans une discipline particulière. Il peut y avoir une fausse idée des chercheurs qui est un modèle de publier ou périr qui, je sais que vous savez, n'est pas vrai. Je me demandais si vous pouvez nous parler un peu de certaines de ces idées erronées, bien répandues, que les chercheurs ont quand ils contactent votre bureau.

Mark Weber : La chose qui est la plus importante, c'est nécessaire de contacter notre bureau le plus tôt possible. La chose qui est importante, c'est qu'on peut avoir les deux. On peut avoir comme la coexistence entre les deux, parce que les publications, c'est une très bonne façon de dire au monde : « On a quelque chose qui est très intéressant. » C'est aussi possible d'avoir un brevet et une publication si on fait l'ordre. Si on utilise un ordre correct, c'est mieux de commencer avec les brevets, et ensuite la publication, surtout parce que ça donne plus de chances pour avoir la protection autour du monde.

Si c'est dans l'autre ordre, on commence avec la publication, peut-être qu'on va avoir seulement une petite chance d'avoir des brevets en quelques pays comme le Canada ou les États-Unis. S'il y a une grande distance entre le temps qu'on a fait la publication, puis on veut avoir un brevet, ça peut être impossible d'avoir un brevet. C'est important de parler avec nous ou avec les bureaux comme à McGill, pour la science et la technologie, pour savoir qu'est-ce qu'on peut faire avec une publication puis un brevet – est-ce qu'on peut les faire ensemble.

Pour moi, j'aime beaucoup quand il y a quelqu'un qui dit : « J'ai une publication, c'est presque prêt pour être publié. » Pour moi, ça, c'est assez fantastique parce qu'on peut utiliser la publication comme le brevet. Après ça, quand on a écrit le brevet et c'est avec le USPTO ou le Bureau des brevets… après ça, la prochaine journée, on peut avoir une publication. On a tous les droits pour les brevets, puis aussi, on a la publication. Je trouve qu'ils sont quelque chose qu'on peut avoir des bonnes relations entre les deux, mais c'est une question de l'ordre.

Maya Urbanowicz : Je crois que c'est plus facile à comprendre lorsque vous le présentez en ordre comme ça. Il y a encore des gens qui sont d'avis ou qui ont signé un cadre que leur contribution demeure et sera placée dans le domaine ouvert, à la disposition de tous. Leur contribution devrait être là, en fait. Je me demandais si vous avez des commentaires sur la science ouverte, ce type de mouvement, et sur la diffusion de la connaissance. Est-ce qu'elles peuvent coexister avec la commercialisation dans une grande université?

Mark Weber : Pour la science ouverte, c'est quelque chose qui est très important. Il y a de très grands problèmes, c'est très difficile de trouver une solution si on garde les données, et on ne partage pas les données et nos découvertes avec les autres chercheurs. Dans des cas comme ça, je pense que la science ouverte, c'est une bonne idée, mais aussi il y a des temps que c'est nécessaire d'avoir, comme je l'ai dit, un peu de protection pour stimuler la commercialisation avec un partenaire. Je pense que les deux peuvent coexister, mais c'est nécessaire de savoir c'est quoi la situation. Est-ce que c'est comme un problème trop grand pour trouver un partenaire?

Maintenant, peut-être que c'est un problème que ça va prendre comme 50 années de trouver une solution, peut-être la science ouverte, c'est la bonne décision. Si c'est quelque chose qui est important pour maintenant, c'est important de trouver un partenaire parce que c'est trop difficile de faire la commercialisation nous-mêmes, dans un cas comme ça, je trouve que d'avoir la protection comme un brevet, c'est quelque chose qui est très important pour les partenaires. C'est plus facile de trouver un partenaire peut-être dans ces cas, comme ça.

J'ai parlé avec des investisseurs et j'ai dit : « Est-ce que vous êtes intéressés dans les inventions où on n'a pas un brevet, où c'est impossible d'avoir un brevet? » Normalement, la réponse est non. C'est nécessaire d'apprendre un peu de la situation et dire si c'est nécessaire d'avoir des données ouvertes, des découvertes avec le public ou c'est nécessaire de peut-être prendre la protection avec un brevet.

Maya Urbanowicz : Merci. Je sais que vous interagissez avec de nombreux inventeurs et chercheurs, et vous êtes en charge d'un grand bureau qui s'occupe de toutes ces innovations. Que diriez-vous à un chercheur qui vient tout juste de réaliser qu'il vient d'inventer quelque chose? Quel conseil avez-vous pour un chercheur qui essaie de comprendre quoi faire comme prochaine étape?

Mark Webber : La chose qui est la plus importante, c'est de commencer avec une conversation, parce que peut-être que c'est quelque chose qui est intéressant, mais c'est impossible de commercialiser. On sait que les professeurs aiment travailler sur les problèmes difficiles, des projets comme Blue Sky, mais peut-être que ça va être impossible d'avoir une solution pour l'industrie avec ça. Les données sont intéressantes, mais ça prend beaucoup de puissance ou le conversion rate est trop bas pour être intéressant pour un partenaire. Dans des cas comme ça, peut-être que c'est plus facile d'avoir des publications et peut-être la prochaine fois, ça va être plus intéressant pour les compagnies.

Si c'est quelque chose que l'invention, ça marche, c'est quelque chose qui peut-être est intéressant pour une compagnie, il y a quand même un marché pour ça – parce que nous avons accès aux études des marchés et des autres ressources pour savoir s'il y a quelqu'un dans l'espace pour la commercialisation. S'il y a quelque chose qui est intéressant, si la science est intéressante, il y a un marché et aussi, il y a le désir d'avoir une solution commerciale parce qu'il y a, quelquefois, les chercheurs qui ne sont pas intéressés à ça. C'est nécessaire d'être comme un partenaire avec les compagnies aussi pour donner les résultats.

S'il y a toutes ces choses-là, peut-être que c'est le temps d'avoir une conversation, comme on dit un report of invention, et aussi après ça, peut-être la chance d'avoir un brevet. On commence avec un provisional patent application et on cherche les partenaires.

Maya Urbanowicz : Très intéressant. Merci Mark, ce fut très plaisant de vous parler. Je sais que vous avez rédigé un excellent guide pour les gens qui sont à McGill. Merci d'avoir partagé vos connaissances et expertises avec nous aujourd'hui et aussi de faire partie de ceux qui essaient d'aider les gens à comprendre comment utiliser la PI plus efficacement. Merci beaucoup.

Mark weber : De rien.

Maya Urbanowicz : Vous venez d'écouter « Voix de la PI canadienne », un balado où nous parlons de propriété intellectuelle. Dans cet épisode, Mark Weber, le directeur de l'innovation et des partenariats à l'Université McGill, nous a expliqué certaines de ces perceptions erronées et des erreurs en ce qui a trait à la commercialisation de la recherche académique. Mark a expliqué que protéger la propriété intellectuelle dans la recherche facilite la conversation avec l'industrie et peut servir de point de départ pour les étudiants et chercheurs. Le Bureau d'innovation et de partenariats travaille avec les chercheurs pour créer un plan qui leur permet de protéger leur PI ainsi que les publications et souvent de continuer la recherche.