Épisode 8 Comment fonctionne le droit d’auteur quand on partage du contenu sur les médias sociaux?

Maya Urbanowicz (MU) : Vous écoutez « Voix de la PI canadienne », un balado où nous discutons de propriété intellectuelle avec des professionnels et des intervenants du Canada et d'ailleurs. Vous êtes entrepreneur, artiste, inventeur ou simplement curieux? Vous allez découvrir des problèmes concrets – et des solutions concrètes – ayant trait au fonctionnement des marques de commerce, des brevets, du droit d'auteur, des dessins industriels et des secrets commerciaux dans la vie de tous les jours. Je m'appelle Maya Urbanowicz et je suis votre animatrice d'aujourd'hui.

Les points de vue et les opinions exprimés dans les balados sur ce site Web sont ceux des baladodiffuseurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l'OPIC.

Ça arrive tout le temps, vraiment tout le temps. Nous sommes sur les médias sociaux. On voit quelque chose qui vaut la peine d'être partagé et avec un seul clic de souris, on l'a partagé. La photo, le poème, la citation, la chanson de quelqu'un… Ces choses, ces œuvres créatives, sont en fait automatiquement protégées par le droit d'auteur dès qu'ils sont créés. La majorité des gens respectent les droits d'auteur quand vient le temps de télécharger des copies de films et des chansons, mais dans d'autres cas, les droits d'auteur peuvent être plus compliqués à comprendre.

Avec nous aujourd'hui est François Larose, un avocat, agent de marques de commerce et associé chez Bereskin & Parr, un des cabinets juridiques principaux dans le domaine de la propriété intellectuelle au Canada. François travaille sur tous les aspects du droit des marques de commerce, ainsi que les contrats en propriété intellectuelle. Il aide aussi les clients à comprendre et protéger le droit d'auteur, une forme de droit de propriété intellectuelle qui est utilisée pour protéger les œuvres littéraires, dramatiques, musicales et artistiques. Eh oui, ceci inclut aussi le partage de photos de chats de quelqu'un d'autre sur Facebook! Bienvenue à notre balado, François!

François Larose (FL) : Merci de l'invitation, Maya.

MU : J'ai vraiment hâte d'avoir notre conversation aujourd'hui parce qu'on est en train de passer au travers d'une pandémie, et je crois que beaucoup de gens utilisent les médias sociaux de nos jours. Ils copient des choses, essaient de trouver des choses amusantes à partager et surtout de divertir leurs réseaux d'amis. Nous allons parler de beaucoup de choses intéressantes aujourd'hui, mais avant qu'on se lance dans le monde de l'Internet et du droit d'auteur, je me demandais si vous pouvez me parler un peu de vous et du type de travail que vous faites.

FL : Oui, avec plaisir. Mais comme vous avez dit, Maya, je suis avocat, je suis agent de marques de commerce et associé au sein de Bereskin & Parr, qui est un cabinet spécialisé en propriété intellectuelle. Je suis avocat, membre du Barreau du Québec depuis maintenant 19 ans. Ma pratique est vraiment, je dirais qu'elle est axée sur le droit des marques de commerce, sur le droit d'auteur, mais également sur tout le travail connexe, par exemple la négociation, la rédaction d'ententes commerciales qui touchent la propriété intellectuelle comme les licences, les cessions de droits, également les ententes de non-divulgation.

Ma pratique est aussi axée sur le droit de la publicité, y compris les questions qui touchent la Charte de la langue française et bien entendu, le litige en propriété intellectuelle. Si on parle plus spécifiquement de mon travail en droit d'auteur, une grande partie de ma pratique consiste à fournir des avis juridiques à nos clients sur l'existence d'un droit d'auteur, sur l'étendue de la protection du droit, sur le rôle d'utiliser le contenu qui appartient à d'autres personnes, par exemple, est-ce que c'est possible en vertu de la loi, également au litige et à la négociation des règlements de conflits en droit d'auteur. On pourrait ajouter aussi les analyses qu'on appelle les « analyses d'erreurs et omissions » dans le cadre de productions beaucoup plus complexes, comme par exemple des œuvres cinématographiques.

Et… ben, enfin, j'ai le plaisir d'être le co-chef du groupe Droit d'auteur du cabinet.

MU : Vous avez une grande expertise dans bien des facettes! Je suis bien heureuse de vous avoir dans notre entrevue aujourd'hui.

FL : Merci, juste une petite note pour vos auditeurs que… juste préciser que ce que je dis aujourd'hui doit pas être considéré comme un avis juridique, hein, on partage l'information, on jase un peu, mais si les auditeurs ont des questions spécifiques à des cas spécifiques, ils devraient vraiment communiquer avec un avocat spécialisé en propriété intellectuelle.

MU : Merci. Aujourd'hui nous allons parler du droit d'auteur et comment il est lié aux choses qu'on voit et aux choses qu'on publie sur les médias sociaux. Pour commencer, pouvez-vous expliquer qu'est-ce que le droit d'auteur protège, comment c'est créé et peut-être donner des exemples de créations que l'on retrouve en ligne qui sont protégées par le droit d'auteur?

FL : Oui, en fait. Ben je dirais tout d'abord, le droit d'auteur n'existe qu'en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. C'est une loi fédérale. Donc on ne peut créer une œuvre protégée par le droit d'auteur ou la faire respecter qu'en vertu de cette loi-là.

Donc, le droit d'auteur donne en fait à son titulaire le droit exclusif d'accomplir certains actes par rapport à une œuvre. Par exemple, de reproduire l'œuvre en tout ou en partie, de la publier, de la présenter au public, de la diffuser sur Internet, à la radio, à la télévision. Donc il y a seul… seulement le titulaire du droit d'auteur peut faire cette… ces actes-là, sauf bien sûr s'il donne la permission à quelqu'un d'autre ou si il vend son droit.

En d'autres mots, le droit d'auteur permet au titulaire d'exploiter son œuvre, la diffuser et même d'en tirer profit si possible. Pour être protégeable, il faut que l'œuvre soit originale. Et quand on dit « originale », je parle pas de la qualité, on dit pas que si une œuvre est très avant-gardiste, elle n'est pas plus protégée qu'une œuvre qui l'est moins. Si on fait un dessin qui est laid, c'est tout aussi protégé qu'une œuvre très, très appréciée du public. Quand on dit « original », en fait, on parle… on dit que l'œuvre doit être le résultat de l'exercice du talent et du jugement de l'auteur, et non une simple copie d'une œuvre existante. C'est ce qu'on entend par « original ».

Et ce qui est bien, c'est que le droit d'auteur existe dès la création d'une œuvre protégeable par le droit d'auteur. C'est pas nécessaire de l'enregistrer. Et le droit d'auteur appartient à l'auteur, sauf bien sûr si l'œuvre est créée par un employé. Dans ce cas-ci, l'œuvre appartient à… à l'employeur. Et aussi, ce qui est encore mieux, c'est qu'une fois créé, une fois que le droit d'auteur existe au Canada, le droit d'auteur peut être… se faire respecter dans une… à peu près une centaine de pays à travers le monde grâce à différents traités. Et aussi, il existe, vous en avez parlé à l'introduction, 4 types d'œuvres protégeables : des œuvres artistiques, par exemple, un dessin, une photo, une peinture, une sculpture. Il y a des œuvres littéraires, un texte bien entendu, mais aussi les logiciels. Des œuvres musicales, ça va de soi, et des œuvres dramatiques, par exemple, un film ou une pièce de théâtre. Alors si on transpose ça aux œuvres en ligne, alors on pourrait dire le design d'un site Web pourrait être une œuvre protégée. Les textes, par exemple, qu'on retrouve dans un site Web. Tous les éléments graphiques dans un site Web, on pourrait dire aussi les photos, les vidéos… Ben bref, potentiellement toute œuvre en format numérique pourrait être des œuvres qu'on retrouve en ligne.

Et j'ajouterais les courriels, un courriel dans la mesure où on respecte le seuil d'originalité. Le courriel, c'est quoi? Ça peut être un texte, ça peut contenir aussi des photos, différents… différents types d'œuvres protégeables, donc un courriel, ça pourrait être une œuvre protégée par droit d'auteur. Et on trouve également les œuvres dérivées. Donc une œuvre dérivée, c'est une œuvre qu'on modifie dans la mesure, bien sûr où on a le droit de modifier une œuvre existante. Et parmi les meilleurs exemples, on a les œuvres qui ont pris naissance justement grâce aux réseaux sociaux comme les memes, les mèmes Internet ou encore les gifs ou les gifs ou tout autre contenu généré par les utilisateurs où l'utilisateur justement reprend du matériel d'un tiers pour en faire, dans le fond, sa propre création.

MU : OK, et aujourd'hui, on parle de l'usage de l'Internet par une personne privée. Alors, lorsque je crée quelque chose en tant que personne privée, est-ce que je suis la titulaire de ce droit d'auteur?

FL : C'est une très bonne question, je dirais bien entendu, réponse classique d'un avocat : ça dépend. En principe, si on crée une œuvre originale, qu'on la fixe sur un support, qu'on a fait preuve de talent et de jugement en la créant et qu'on ne copie pas l'œuvre d'une autre personne, alors oui, on peut dire que l'individu a créé une œuvre protégée par droit d'auteur. Et par le fait même, l'individu serait titulaire du droit d'auteur.

Alors, ça paraît simple, mais c'est souvent beaucoup plus complexe que ça. C'est pour ça que vaut mieux consulter un avocat spécialisé en droit d'auteur pour le savoir. Puis où ça semble assez évident, par exemple, j'ai écrit un livre, OK? J'ai fait un dessin, j'ai fait une peinture, j'ai composé une chanson… Parfait, mais des fois c'est moins évident. Qu'est-ce qui arrive si on inclut le matériel d'un tiers?

Qu'est-ce qui arrive si… si on s'inspire de l'œuvre d'un tiers, c'est jusqu'où on peut aller pour s'en inspirer? Qu'est-ce qui arrive si on prend seulement l'idée? On sait, l'idée n'est pas protégée par droit d'auteur, mais jusqu'où ça va? C'est une zone assez grise pour savoir est-ce que j'ai simplement repris l'idée ou bien je m'en suis tellement inspiré que dans le fond, j'en ai fait une œuvre dérivée. D'autres exemples, par exemple, si on fait un logiciel de… d'intelligence artificielle, le logiciel est protégé par droit d'auteur, mais l'algorithme ne l'est pas.

Poussons la réflexion plus loin, qu'est-ce qui arrive si j'utilise un outil d'intelligence artificielle et avec cet outil-là, je crée une œuvre? Alors j'ai simplement appuyé sur enter on va dire, et l'outil a créé une œuvre, est-ce que c'est protégé par droit d'auteur? Et si oui est-ce que j'en suis le titulaire? Ce sont des questions qui sont assez complexes. C'est vraiment pas simple d'y répondre.

MU : Et… Parlons maintenant un peu plus de ces choses qu'on partage, ou bien… copie. Nous copions et cliquons, et c'est partagé! Si je vois un message amusant sur les médias sociaux et que je le partage, est-ce que ça veut dire que je viens de copier l'œuvre de quelqu'un d'autre sans sa permission?

FL : Possiblement… Si vous copiez et partagez l'œuvre d'un tiers, vous l'avez reproduite, vous l'avez communiquée par télécommunication. Si vous n'avez pas la permission, vous avez possiblement violé effectivement le droit d'auteur dans l'œuvre. Bien entendu, si l'œuvre était protégée par droit d'auteur. Mais le plus intéressant, c'est qu'on voit ça souvent d'ailleurs, hein? Que ce soit les mèmes Internet ou les gifs animés.

L'objectif même, c'est de devenir viral, c'est d'être partagé, c'est d'être vu par le plus d'individus possible, de générer des clics. Donc, techniquement, on est encouragé à les partager et à utiliser finalement le droit d'auteur du titulaire. Donc techniquement si on n'est pas titulaire du droit d'auteur dans cette œuvre-là, on la copie sans permission, probablement qu'il y a une violation. Est-ce qu'on pourrait dire qu'il y a une licence implicite? Peut-être, c'est possible dans certains cas, les réseaux sociaux vont même avoir des modalités qui disent que si vous partagez une image, c'est permis, donc peut-être qu'il y a une licence explicite aussi. Mais est-ce que on peut le faire de façon générale? Ça peut être risqué : faut faire attention, même si c'est le but de faire partager ces œuvres-là, le titulaire peut-être qu'il s'en plaindra pas.

Mais le titulaire pourrait s'en plaindre parce que c'est quand même son droit qui est exclusif, donc il faut faire attention.

MU : C'est très intéressant… et lorsqu'on parle de quelque chose qui se propage, on parle ici de centaines, de milliers, peut-être même millions de partages… quelqu'un peut penser que lorsqu'il trouve quelque chose sur l'Internet, il peut l'utiliser gratuitement comme il le veut, et qu'il pense parfois que ce qu'il trouve c'est dans le domaine public. Mais « domaine public » a une signification très spécifique. Pouvez-vous nous expliquer ce que ça veut dire en fait?

FL : C'est une excellente question, Maya. En fait, une œuvre appartient au domaine public si elle n'est plus protégée par droit d'auteur, par exemple, parce que le droit est expiré. On pourrait faire le parallèle, disons avec les brevets, un brevet, c'est protégé pendant 20 ans à partir de la date de dépôt du brevet. Une fois le brevet expiré, tout le monde peut utiliser l'invention. Donc c'est la même chose pour un droit d'auteur : si le droit d'auteur est expiré, tout le monde peut l'utiliser. Le droit d'auteur est dans le domaine public. Par exemple, la Monna Lisa ou la Cinquième symphonie de Beethoven.

Présentement au Canada le droit d'auteur a une durée de vie de 50 ans après la mort de l'auteur. Donc c'est extrêmement long. Plus précisément, là… c'est 50 ans après la fin de l'année de sa mort, donc à chaque premier janvier de chaque année, il y a une trâlée d'œuvres qui tombent dans le domaine public. Ça, c'est comme ça… Bientôt, par ailleurs, la durée va probablement s'étendre à 70 ans, suivant des changements avec les accords de libre-échange Canada-Mexique. C'est pas encore en vigueur, mais ça va être en vigueur bientôt, donc imaginez toute la vie de l'auteur, 70 ans après la mort. Ensuite, l'œuvre vient dans le… tombe dans le domaine public. Donc c'est important, donc « domaine public », ça veut pas dire… c'est pas la même chose que « disponible publiquement ».

Par exemple, tout ce qu'on trouve sur Internet. Et si on publie une photo sur un site Web, sur une page Facebook, Instagram, Twitter… peu importe, la photo est accessible publiquement ou des fois seulement à un cercle d'amis, mais de toute façon, il y a quand même un public qui y a accès. Et la technologie nous permet de copier et de sauvegarder la photo en quelques clics. Puis ensuite on peut la partager à notre tour. Mais ça veut pas dire que la photo est dans le domaine public, c'est malheureux parce que les gens font souvent pas la distinction. En fait, c'est tellement facile d'aller trouver… aller chercher une œuvre sur Internet, puis de la copier puis de violer les droits d'auteur de quelqu'un d'autre, sans vraiment sans se poser la question, est-ce que j'ai le droit de faire ça? Et beaucoup de personnes malheureusement ne se posent pas la question.

Je vais faire un parallèle… qu'on pourrait dire un peu bâtard, c'est que : est-ce que vous allez entrer dans une boutique puis prendre toute le stock puis sortir sans payer en disant « ben la porte était déverrouillée »? Mais non on le fait pas! Mais c'est un peu la même chose avec Internet.

Puis j'ajouterais qu'il faut faire particulièrement attention parce qu'il y a des entreprises, le modèle d'affaires, c'est de donner des licences dans des images, donc si vous avez le malheur d'aller sur leur site Web, de copier une de leurs photos tirées de leur banque d'images sans licence, sans permission, et que vous l'utilisez quelque part, ben vous pouvez vous attendre à ce que cette entreprise-là vous envoie une réclamation. Puis souvent ce qu'ils vont demander comme dommages-intérêts, c'est plusieurs fois le prix initial d'une licence qu'elle vous aurait accordée de façon totalement légitime. Donc il faut faire attention. C'est pas parce que c'est disponible au public que c'est gratuit ou bien libre de tout droit.

MU : C'est très intéressant. Merci de clarifier, et ça donne un tout autre sens au terme « domaine public ». Certaines personnes diraient que, par exemple, le partage d'une photo ou peut-être une partie du droit d'auteur comme une chanson… Ils le voient comme étant de la publicité gratuite. Que leur diriez-vous?

FL : Ouin, je l'entends souvent celle-là. Et pas seulement le droit d'auteur, aussi en droit des marques de commerce. Imaginez quelqu'un qui est partisan d'une équipe sportive très connue, puis qui affiche le logo de l'équipe là sur le… le site Internet ou la page Facebook de son entreprise… Il dit « mais je fais de la publicité gratuite ». Un instant… L'intention est peut-être bonne, mais ce n'est pas une défense valide en droit. Est-ce que c'est possible que les titulaires ne s'en plaignent pas parce que justement c'est de la publicité gratuite? Puis on parlait justement du partage des mèmes Internet ou des gifs. Peut-être qu'effectivement, le titulaire ne s'en plaindra pas.

Mais c'est risqué. Le titulaire pourrait techniquement poursuivre, pour faire respecter ses droits, pour contrôler son œuvre, contrôler sa marque par exemple. Donc l'intention est peut-être bonne, mais c'est pas quelque chose qui est permis. Alors sachez-le.

MU : Je le vois parfois, des gens qui ont partagé une photo et il y a une petite référence au créateur. Alors, est-ce que c'est correct de partager l'œuvre de quelqu'un d'autre comme une photo ou peut-être un dessin ou une petite partie d'un texte aussi longtemps qu'on dit d'où ça vient?

FL : En fait la réponse rapide c'est : pas nécessairement. Alors vous faites référence en fait aux exceptions d'utilisation équitable en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Alors il existe des exceptions d'utilisation qui sont permises par la loi. Mais vraiment à des fins spécifiques énumérées dans la Loi, par exemple, pour étude privée, pour des fins de recherche, pour des fins d'éducation, pour des fins de parodie ou de satire, également pour des fins de critique ou de compte rendu ou de communication de nouvelles. Donc, vous pouvez utiliser des œuvres protégées qui appartiennent à des tiers si c'est pour une de ces fins-là, mais uniquement dans la mesure où c'est équitable de le faire. Pour les 2 dernières fins dont on a parlé, donc critique et compte rendu ainsi que communication de nouvelles, il y a une condition additionnelle : il faut indiquer la source de l'œuvre et le nom de l'auteur, donc c'est probablement ce à quoi vous faites référence. Par exemple, une photo dans un journal, on va voir le nom du photographe et de l'agence de presse là imprimé sous la photo. Mais je veux réitérer que l'utilisation doit être équitable. Pour déterminer si c'est équitable, il faut regarder des critères développés par les tribunaux. C'est complexe, normalement encore une fois, consultez votre avocat.

On peut pas simplement dire : « Ah mais c'est pour des fins d'éducation, hein, je fais, par exemple, je fais une présentation à des gens. C'est pour… c'est une formation dans le fond, c'est pour des fins d'éducation, donc tout ce que je mets là-dedans c'est permis. » Ça marche pas de même. Si par exemple, vous allez sur Internet chercher une image et vous la mettez dans votre présentation PowerPoint, simplement parce qu'elle est belle puis ça rajoute un peu de… ça égaye le contenu de votre présentation.

C'est pas nécessairement à des fins… c'est peut-être pour des fins d'éducation, mais c'est pas nécessairement équitable. Avez-vous besoin de faire ça? Est-ce qu'il y a des alternatives à cette photo-là? Bref, il y a plusieurs critères qu'il faut analyser pour voir si c'est quelque chose qui est en effet équitable.

Autre exemple : on est aux nouvelles, on annonce la sortie du… le nouveau film de Denis Villeneuve, Dune. Alors on montre un court extrait avec la mention de Warner Brothers dans l'extrait, dans le but d'informer les auditeurs de la sortie du film. C'est probablement équitable d'utiliser l'extrait du film. Mais si ce qu'on fait aux nouvelles, on va dire de 18 h, on fait jouer le film au complet, alors là c'est sûrement pas équitable. Donc il faut regarder les différents critères pour voir si ce qu'on fait peut être permis en vertu de la loi.

Si on revient à la question de l'usager qui partage une œuvre, par exemple une piste de lecture, hein? Je fais une piste de lecture de différentes chansons et je mets ça sur YouTube, mais j'indique le nom de l'auteur et le nom de la compagnie de disque. Est-ce que je peux m'éviter une violation de droit d'auteur? Absolument pas. D'une part, c'est pas parce qu'on met le nom, qu'on met la source, que ça devient équitable, que ça devient permis par la loi de le faire. Et aussi ça veut pas dire non plus que c'est une fin qui est permise dans la liste que j'ai énumérée tout à l'heure.

Ça m'amène à parler du contenu non commercial généré par des utilisateurs aussi connu comme étant l'exception YouTube. Donc si un utilisateur utilise l'œuvre d'un tiers pour créer une autre œuvre à des fins non commerciales, on indique la source et l'utilisation la… la nouvelle œuvre n'a pas d'effet négatif sur l'œuvre existante dont on s'est servi puis qu'on… on diffuse sur Internet, alors ça peut être permis en vertu de la loi. Par exemple, si vous vous filmez en train d'interpréter une chanson bien connue au piano, peu importe, mettez ça sur YouTube, c'est peut-être acceptable en vertu de la loi. Mais encore une fois, encore il y a un « mais », il y a des conditions à respecter. Par exemple, si vous mettez ça sur YouTube, ça génère tellement de de vues que vous commencez à générer un revenu de publicité, alors là c'est peut-être plus à des fins non commerciales. Donc, encore une fois, consultez votre avocat pour être certain de savoir si c'est quelque chose qui serait permis par la loi.

MU : C'est définitivement une zone grise… Nous avons parlé grandement du droit d'auteur en relation à l'usage privé sur les médias sociaux, mais comme vous l'avez aussi mentionné, les médias sociaux sont aussi un réseau pour d'autres utilisateurs comme les petites entreprises. Ils peuvent utiliser les médias sociaux pour faire la promotion de leurs produits ou événements, et même diffuser des films où beaucoup de droits d'auteur peuvent faire partie de ce qu'on voit. Lorsque vous travaillez avec les entreprises en médias numériques et de radiodiffusion, vous faites ce qui est appelé une « analyse erreurs et omissions ». Qu'est-ce que c'est et pourquoi c'est important?

FL : Oui, alors l'analyse erreurs et omissions, c'est une analyse… bon, qui est faite d'une œuvre généralement complexe, puis comme vous dites, qui pourrait contenir du matériel de tierces parties ou qui… même qui réfère à des individus. Donc ce qu'il faut faire, c'est… il faut regarder chacune des œuvres ou chacun des extraits d'œuvres qui sont repris dans l'œuvre générale, puis déterminer d'une part : bon, est-ce que c'est l'œuvre d'un tiers, est-ce que c'est une… si oui, est-ce que c'est une partie substantielle de l'œuvre d'un tiers? Parce que si c'est pas une partie substantielle, on peut l'utiliser. Est-ce que c'est toujours protégé? Ou bien est-ce que le droit d'auteur a expiré? Si c'est toujours protégé, est-ce que on peut bénéficier d'une des exceptions d'utilisation équitable dont on a parlé? Si oui, est-ce que c'est une des fins permises? Puis si oui est-ce que c'est équitable?

Puis sinon, OK mais est-ce qu'il y a d'autres exceptions ou d'autres défenses possibles dans la Loi? Puis sinon, ben alors là, il faut négocier une licence avec le tiers pour pouvoir utiliser… utiliser l'extrait de l'œuvre en question. Et là, bon, bien sûr, on parle de droit d'auteur, mais on pourrait rajouter les risques liés au droit des marques de commerce, au droit à l'image. Par exemple, si on réfère au logo d'un tiers, est-ce que c'est quelque chose qui… qui peut être permis, est-ce qu'on peut le faire? Est-ce qu'il faut plutôt demander la permission du titulaire? Si on dénigre la marque, ça, faut vraiment – c'est un drapeau jaune – savoir est-ce qu'on peut faire ça dans l'œuvre par exemple, dans un film qu'on publie?

Ou si on réfère à une personne qui existe vraiment sans son consentement, est-ce qu'on peut le faire? Bref, l'analyse d'erreurs et omissions va nous permettre d'analyser tous ces risques-là et permettre justement de de de tempérer les risques et de faire en sorte que le client va pouvoir publier son film ou son œuvre, peu importe, sans risque de poursuites.

MU : Je veux vous poser une dernière question. Un droit d'auteur est créé automatiquement lorsque l'œuvre est créée et vous pouvez l'enregistrer, mais vous n'êtes pas obligé de l'enregistrer pour obtenir la protection sous la forme de droit d'auteur. Que dites-vous à vos clients?

FL : En effet, oui, comme on avait dit plus tôt, le… l'enregistrement du droit d'auteur n'est pas nécessaire. Puis ce qui est bien, c'est que le droit existe dès la création. On crée l'œuvre, on la fixe sur un support, l'œuvre est créée. Le droit d'auteur existe. Peut-être un exemple pour montrer quand est-ce que c'est protégé, quand est-ce que ce l'est pas?

Si vous fredonnez une chanson, vous créez une chanson dans votre tête et vous la fredonnez dans votre tête, la chanson n'est pas fixée sur un support, donc elle n'est pas protégée par droit d'auteur.

La discussion qu'on a présentement, Maya, est enregistrée, donc si je me mets à chanter – je le ferai pas bien sûr, par respect pour les auditeurs – mais si je le fais, la chanson est fixée sur un support,

alors oui, on pourrait dire qu'il y a un droit d'auteur qui existe. Puis mieux encore, en vertu des différents traités, comme on avait dit plus tôt, le droit d'auteur existe automatiquement dans la plupart des pays alors, si un citoyen d'un des pays signataires, par exemple au Royaume-Uni, copie votre chanson sans votre consentement, ben il y a une violation du droit d'auteur. Tout comme si vous reproduisez au Canada la chanson d'un citoyen britannique sans consentement, ben vous violez probablement le droit d'auteur de cette personne-là.

Sauf que dans certains pays, pour pouvoir toucher des dommages-intérêts en cas de violation de droit d'auteur, il faut que le droit d'auteur soit enregistré, par exemple aux États-Unis. Mais fort heureusement, c'est pas le cas au Canada. Puis encore au Canada, ça, c'est assez spectaculaire, c'est quand on enregistre le droit d'auteur, on ne fournit même pas de copie de l'œuvre, donc ça peut créer une certaine confusion. On a un certificat d'enregistrement de droit d'auteur, on a le titre, mais on sait pas quelle œuvre est protégée par le certificat. Donc ça peut créer une certaine confusion.

Mais outre ça, il y a par contre… il y a des avantages à enregistrer un droit d'auteur : il y a la présomption de la titularité, bien entendu. On peut aussi faire échec à ce qu'on appelle la défense de bonne foi, dire que si quelqu'un pensait de bonne foi que l'œuvre n'était plus protégée par droit d'auteur, alors tout ce qu'on peut obtenir, c'est une injonction. On ne peut pas obtenir de dommages-intérêts, sauf si le droit d'auteur est enregistré sur cette œuvre-là. Alors là, on peut obtenir des dommages-intérêts.

Alors, mieux encore, c'est un excellent exercice parce que, pour enregistrer le droit d'auteur, faut faire une certaine réflexion, alors faut déterminer le type d'œuvre, faut déterminer qui sont les auteurs, la date de publication de l'œuvre. Bref, une fois qu'on a tous ces informations-là, moyennant des frais minimes au sein… pour le… exigés par le Bureau du droit d'auteur, on peut facilement et très rapidement enregistrer le droit d'auteur, donc pourquoi pas le faire tant qu'à y être, c'est quand même une protection additionnelle.

Donc pour certains clients, oui, je le conseille, je le conseille. Je le conseille surtout si on veut faire respecter nos droits sur Internet parce que plusieurs sites Web ou des réseaux sociaux, si quelqu'un viole vos droits d'auteur et que vous faites une plainte en vertu de leur politique de protection de droit d'auteur, souvent, ils vont exiger un certificat d'enregistrement de droit d'auteur ou d'une marque de commerce pour donner suite à votre plainte. Donc si vous avez le certificat : beaucoup plus facile à faire respecter vos droits.

Mais ça veut pas dire qu'il faut enregistrer tous les droits dans toutes nos œuvres, ça serait beaucoup trop onéreux de le faire et ça serait probablement inutile. Ce que je conseille aux clients, vraiment, c'est de s'asseoir avec leur avocat, puis d'évaluer pour chacun les œuvres qui sont importantes et déterminer si ça vaut la peine d'enregistrer le droit d'auteur dans ces œuvres-là.

Et enfin, il y a d'autres moyens, peu coûteux, pas nécessairement d'augmenter la protection, mais d'une certaine mesure peut être de donner avis de protection au public, par exemple, les avis de droit d'auteur. Donc on a le « C » dans un cercle qui veut dire « copyright ». Ensuite, on met l'année de création de l'œuvre et le nom du titulaire du droit d'auteur. On peut aussi rajouter la petite phrase « Tous droits réservés ».

Ce n'est pas obligatoire, ça donne pas nécessairement des droits additionnels, mais c'est un message au public pour dire, écoutez, cette œuvre-là, elle est protégée. Le droit d'auteur m'appartient et je connais mes droits. Donc faites attention avant de copier mes œuvres.

MU : Merci, c'est de la très bonne information et de l'information très pratique pour nos auditeurs qui sont intéressés à enregistrer leur droit d'auteur. François, ce fut un grand plaisir de vous parler aujourd'hui. Merci beaucoup de faire partie de la communauté qui essaie d'éduquer, de sensibiliser les gens à la propriété intellectuelle.

FL : Merci à vous, Maya, c'est un plaisir de discuter avec vous. Puis merci de donner l'opportunité justement à des gens comme nous, de partager peut être nos connaissances puis de faire en sorte que les gens connaissent mieux leurs droits et respectent davantage les droits des tiers. Merci beaucoup.

MU : Merci!

Vous venez d'écouter « Voix de la PI canadienne », un balado sur la propriété intellectuelle. Dans cet épisode, vous avez rencontré François Larose, de Bereskin & Parr, un cabinet juridique dans le domaine de la propriété intellectuelle. François nous a expliqué quelques complexités lorsqu'on essaie de comprendre à qui appartient le droit d'auteur, surtout dans le contexte du partage de contenu en ligne. Il nous a aussi donné des exemples de ce que contient une analyse d'erreurs et omissions, et il a aussi mentionné quelques considérations quand vient le temps d'enregistrer votre droit d'auteur. Pour en apprendre plus ou pour enregistrer votre droit d'auteur au Canada, visitez canada.ca/droit-dauteur.