L’Association québécoise de la production médiatique (AQPM)

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Consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne

31 mai 2021

À propos

L’Association québécoise de la production médiatique (« AQPM ») conseille, représente et accompagne les entreprises de production indépendante en cinéma, en télévision et en web. Elle compte parmi ses membres plus de 160 entreprises québécoises dont les productions sont reconnues au Québec et à l’étranger, ainsi qu’une soixantaine de gestionnaires de production.

Le gouvernement du Canada a récemment lancé une consultation sur la modernisation du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligne (la « Consultation »). Spécifiquement, la Consultation a pour objectif d’aider le gouvernement canadien à actualiser la Loi sur le droit d’auteurNote de bas de page 1 (la « Loi »), afin de mieux encadrer les activités des intermédiaires en ligne. À cette fin, le gouvernement a formulé différentes propositions dans le Document de consultation sur un cadre moderne du droit d’auteur pour les intermédiaires en ligneNote de bas de page 2 (le « Document consultatif »).

L’AQPM salue cette initiative et convient qu’un encadrement plus strict des activités des intermédiaires en ligne est de mise, afin de freiner le piratage et d’ainsi, tendre vers l’équilibre que la Loi sous-tendNote de bas de page 3. Ce mémoire présente les observations et recommandations de l’AQPM à ce sujet.

Observations

Les développements suivants résument les observations de l’AQPM en lien avec les propositions formulées dans le Document consultatif, en plus de présenter certaines recommandations additionnelles.

1. Clarifier les exonérations prévues pour les intermédiaires

De façon générale, la Loi contient certaines dispositions d’exonération limitant la responsabilité des fournisseurs en ligne, lorsque des violations du droit d’auteur sont commises par l’entremise de leurs servicesNote de bas de page 4. Le libellé de la Loi est cependant large, de sorte que les exonérations peuvent s’appliquer à divers acteurs remplissant des fonctions variées.

L’exemple de YouTube est souvent cité en exemple à ce chapitre : quoiqu’il s’agisse de la plateforme la plus utilisée par les utilisateurs au Canada pour accéder à de la musiqueNote de bas de page 5, YouTube se qualifie vraisemblablement d’intermédiaire en ligne et pourrait ainsi bénéficier des exonérations de la Loi. Ce faisant, la négociation et la perception de justes redevances pour le contenu diffusé sur ce type de plateformes deviennent vaines. De manière corollaire, le régime actuel entraîne une certaine opacité puisque des plateformes telles que YouTube sont peu contraintes à faire état des contenus qu’elles diffusent. Les ayants droit ne sont donc pas en mesure de connaître avec justesse l’utilisation de leurs contenus.

Dans ce contexte, de nombreuses juridictions ont revu leurs cadres juridiques respectifs, afin de mieux délimiter les responsabilités et obligations des intermédiaires en ligne. Le Document consultatif fait d’ailleurs état de différentes initiatives étrangères, dont la Directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numériqueNote de bas de page 6 (la « Directive »). De manière générale, la Directive exclut certains « services de diffusion de contenus en ligne » des exonérations applicables aux intermédiaires en ligne, et oblige ces services à obtenir l’autorisation des titulaires de droits visés.

Dans la même lignée, le Document consultatif propose de clarifier les modalités applicables aux exonérations prévues dans la Loi. Plus précisément, il est suggéré : (i) de revoir le critère de connaissance aux fins d'exonération; (ii) de clarifier le rôle que peuvent jouer les intermédiaires exonérés de responsabilité ; et (iii) d’adopter de nouvelles obligations pour les intermédiaires admissibles.

L’AQPM est favorable aux clarifications proposées. L’AQPM est en effet d’avis qu’une déresponsabilisation des intermédiaires en ligne ne fait qu’accroître l’iniquité envers les titulaires dont les droits sont déjà fragilisés. Les intermédiaires en ligne doivent donc assumer leurs responsabilités et jouer un rôle clé dans la lutte au piratage; ils ne devraient bénéficier des exonérations de la Loi que dans un contexte clair et délimité.

  • L’AQPM recommande de préciser que seuls les intermédiaires qui : (i) jouent un rôle technique, automatisé et passif ; (ii) n’ont pas connaissance des infractions alléguées ; ou (iii) ne tirent aucun avantage, financier ou autre, des infractions alléguées, peuvent bénéficier des exonérations de la Loi.
  • Dans le cas du point (i), l’AQPM recommande de clarifier ce que constitue un « rôle passif » en précisant notamment que le contrôle éditorial, l’optimisation de la présentation du contenu ou la promotion de celui-ci par tous moyens, y compris par l’utilisation d’algorithmes, ne constitue pas un « rôle passif » au sens de la Loi.
  • Dans le cas du point (ii), l’AQPM recommande de préciser que la connaissance des infractions alléguées est présumée dès lors que l’intermédiaire : (y) aurait raisonnablement dû avoir connaissance de tels actes compte tenu des circonstances; ou (z) reçoit un avis conformément aux recommandations formulées dans la section « Clarifier et renforcer les outils d'application de la Loi pour lutter contre le piratage en ligne ».
  • L’AQPM recommande également que les intermédiaires en ligne jouent un rôle proactif dans la protection des droits d’auteur, par exemple en mettant en œuvre des mécanismes à l’encontre de contrevenants récidivistes; des recommandations additionnelles sont présentées dans la section « Clarifier et renforcer les outils d'application de la Loi pour lutter contre le piratage en ligne ».

2. Assujettir les œuvres audiovisuelles au régime de copie privée

Dans un monde radicalement transformé par la technologie numérique et où le piratage en ligne prolifère, il devient particulièrement important d’assurer une juste rémunération des titulaires de droits. À ce titre, le Document consultatif propose d’instaurer un nouveau régime de licences collectives. En outre, le Document consultatif propose un régime de licence obligatoire en vertu duquel certains intermédiaires seraient autorisés à héberger des téléversements incorporant des œuvres, sans avoir à obtenir l’autorisation du titulaire de droits, en échange du paiement de redevances.

L’AQPM est défavorable à l’instauration d’un tel régime pour le milieu audiovisuel sauf dans le cas d’un régime actualisé de la copie privée, tel qu’exposé ci-dessous. Plusieurs raisons rendent impossible l’application d’un régime de licences obligatoires ou de licences étendues aux œuvres audiovisuelles incluant l’ensemble des œuvres cinématographiques. Le montage financier permettant de produire ce type d’œuvres requiert en effet l’apport de plusieurs bailleurs de fonds. Ce financement est basé sur l’octroi de droits exclusifs de distribution ou de diffusion dans divers territoires et sur divers écrans ou types de plateformes. La contribution financière des diverses parties et la valeur des droits cédés ou concédés par voie de licences dépendent de cette exclusivité, laquelle est incompatible avec un système de licences obligatoires ou de licences étendues. De plus, la répartition des revenus aux ayants droit est complexe et découle autant des ententes collectives négociées avec les créateurs et les interprètes que des structures de récupération conclues avec les divers partenaires financiers. Enfin, la commercialisation d’une œuvre audiovisuelle suit une chronologie singulière qu’il serait impossible de respecter avec le modèle proposé.

En revanche, comme le producteur ne peut contrôler l’utilisation des œuvres audiovisuelles à des fins privées, l’AQPM serait favorable à un système de gestion collective découlant du régime de copie privée, à condition toutefois que celui-ci soit actualisé.

Introduit en 1997, le régime de copie privée permet aux utilisateurs de reproduire des œuvres musicales sur des supports audio vierges pour leur usage privéNote de bas de page 7. Parallèlement, le régime instaure un mécanisme de perception de redevances en faveur des titulaires de droits. Le régime est cependant devenu anachronique et il devient impératif de l’actualiser.

D’une part, les tribunaux ont jusqu’ici interprété la Loi d’une manière telle que les seuls supports audio vierges à être reconnus sont les audiocassettes, le Mini-Disc et le CD-RNote de bas de page 8. Il en résulte que les titulaires de droits ne perçoivent pas de compensation pour les copies privées qui sont faites sur d’autres médias. Pourtant, plusieurs pays européens tels que l’Autriche, la Belgique, la Croatie, la France, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse ont des régimes de copie privée modernes, applicables à une grande variété de supports, dont les téléphones intelligents et les tablettesNote de bas de page 9.

D’autre part, l’application limitée du régime de copie privée aux œuvres musicales est désuète et injustifiée. D’ailleurs, dans près de 80% des pays où un régime de copie privée est en place, celui-ci permet également de générer des redevances pour le secteur audiovisuelNote de bas de page 10. Certains états ont également élargi la portée du régime aux secteurs de la littérature et des arts visuelsNote de bas de page 11.

  • L’AQPM est défavorable à l’adoption d’un régime de licences obligatoires ou étendues pour les œuvres audiovisuelles à l’exception de leur utilisation à des fins privées.
  • L’AQPM serait favorable à une perception de redevances par le biais du régime de copie privée. Dans ce cas, l’AQPM recommande d’étendre le régime de copie privée aux reproductions d’œuvres audiovisuelles, en plus de le rendre technologiquement neutre.

3. Accroître la transparence en matière de rémunération

Comme indiqué dans la section « Clarifier les exonérations prévues pour les intermédiaires », le régime actuel favorise une opacité, empêchant ainsi les ayants droit d’avoir une vision juste de l’utilisation et de la monétisation de leurs contenus. Afin de permettre une meilleure équité au sein de l’industrie culturelle, une plus grande transparence est souhaitable. Il s’agit d’ailleurs de l’un des constats formulés par le Comité permanent du patrimoine canadien (« CHPC ») lors de la plus récente révision de la Loi :

« Il n’y a pas d’équité sans transparence. Pour chaque transaction impliquant un droit d’auteur, les parties devraient être en mesure de clairement déterminer la portée de chaque droit transféré ainsi que la rémunération correspondante - un moyen éprouvé qui a les effets positifs les plus importants sur la position contractuelle et la rémunération des auteurs. Quiconque ayant un intérêt à l’égard d’une œuvre ou d’un autre objet protégé devrait être en mesure de retracer tous les revenus tirés des droits dont il est titulaire ou qu’il a transféré, et ce tout au long de la chaîne de valeurs, afin de déterminer la répartition de ces revenus et l’identité des bénéficiaires. »Note de bas de page 12

Un tel principe de transparence est déjà reconnu à l’étranger, notamment au sein de l’Union européenne par le biais de la Directive. Le Document consultatif va dans ce sens, en proposant d’assujettir les sociétés de gestion collective et les intermédiaires en ligne à des obligations de transparence.

L’AQPM est favorable à l’adoption de mesures permettant de renforcer le pouvoir de négociation des titulaires de droits, en assujettissant les intermédiaires en ligne à des obligations de divulgation.

  • L’AQPM recommande l’adoption de mesures obligeant les intermédiaires en ligne à plus de transparence, en dotant les ayants droit d’informations complètes et à jour sur l’utilisation de leurs contenus (notamment le nombre de fois que le contenu a été accédé et utilisé), leurs audiences et la rémunération s’y rattachant (incluant les revenus publicitaires).

4. Clarifier et renforcer les outils d’application de la Loi pour lutter contre le piratage en ligne

L’essor des technologies accroît sans conteste la circulation et la consommation d’œuvres de toutes sortes, incluant d’œuvres audiovisuelles. Un tel accès diffus s’accompagne néanmoins de piratage numérique. Insidieuse, la pratique se répand dangereusement, entraînant avec elle une baisse marquée des revenus des ayants droit.

Un rapport publié en 2017 établissait le Canada au 11e rang mondial pour le piratage d’émissions de télévision avec 2,5 milliards de visites de sites offrant du contenu illégalNote de bas de page 13. Dans une autre étude publiée en 2018, un peu plus du quart de toutes les personnes qui ont accédé à du contenu en ligne ont accédé à au moins un contenu en contravention avec les lois canadiennesNote de bas de page 14. L’étude estime aussi que le volume annuel d’utilisation de contenus illégaux au Canada s’élève à 31 millions de pistes musicales, 12 millions de films, 16 millions d’émissions de télévision et 1 million de livres électroniquesNote de bas de page 15.

Au vu de ces chiffres, un constat s’impose : la Loi actuelle n’est pas efficace pour lutter contre le piratage en ligne. Dans ce contexte, plusieurs acteurs proposent de mieux définir les rôles et responsabilités des intermédiaires en ligne dans la Loi. Il s’agit notamment de l’une des recommandations formulées par le Comité CHPC et le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (« INDU ») lors de la plus récente révision quinquennale de la LoiNote de bas de page 16. Le Document consultatif va dans ce sens et formule différentes propositions à cet effet.

Plus particulièrement, le Document consultatif propose : (i) d’établir un fondement législatif et une procédure statutaire pour les injonctions contre les intermédiaires ; et (ii) de clarifier ou de renforcer les outils d'application de la Loi pour lutter contre la violation du droit d'auteur en ligne. L’AQPM est favorable à ces propositions et recommande plus particulièrement l’adoption des mesures suivantes.

4.1 Prévoir explicitement des mesures injonctives contre les intermédiaires dans la Loi

Comme énoncé dans le Document consultatif, plusieurs pays ont réformé leurs régimes respectifs de droit d’auteur en autorisant les tribunaux à émettre des ordonnances de blocage à l’intention des intermédiaires et la désindexation des moteurs de rechercheNote de bas de page 17. Par exemple, en décembre 2018, l’Australie a modifié sa loi sur le droit d’auteur, afin de permettre aux ayants droit de demander une injonction à l’encontre de sites contrevenantsNote de bas de page 18. De manière analogue, les intermédiaires en ligne peuvent faire l’objet de mesures injonctives au sein de l’Union européenne et aux États-Unis et ce, en dépit des exonérations dont ils peuvent en principe bénéficierNote de bas de page 19. La situation canadienne est nettement moins limpide et il importe d’y remédier.

En l’absence de dispositions législatives claires en matière d’ordonnances de blocage, plusieurs intervenants ont présenté un mémoire conjoint au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« CRTC ») en 2018, sous le nom de FairPlay Canada (« FairPlay »). Spécifiquement, FairPlay proposait la mise sur pied d’un régime de réglementation obligeant les intermédiaires en ligne à bloquer l’accès aux sites se livrant au piratage. Le CRTC a néanmoins rejeté la demande au motif qu’il n’avait pas la compétence pour adopter la proposition de FairPlay, en vertu de la Loi sur les télécommunicationsNote de bas de page 20. Dans sa décision, le CRTC a toutefois noté que la question du blocage des sites pourrait être traitée dans la Loi, par le biais d’amendements législatifsNote de bas de page 21.

Entre-temps, les tribunaux ont commencé à accorder des injonctions en vue d’obliger des intermédiaires en ligne à bloquer l'accès à du contenu portant potentiellement atteinte à leurs droitsNote de bas de page 22. Comme le soulignait le Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications dans son rapport L'avenir des communications au Canada : le temps d'agir, « [c]es ordonnances ne mettront pas fin à l’ensemble du piratage en ligne, mais elles ont le potentiel de [le] réduire de façon marquée »Note de bas de page 23.

Aussi, quoique les tribunaux semblent disposer de certains outils afin de freiner le piratage en ligne, l’introduction de dispositions législatives spécifiques aux fins de l’obtention d’ordonnances de retrait, de blocage et de désindexation est souhaitable, particulièrement dans un contexte où le droit d’auteur est purement statutaireNote de bas de page 24. Le Document consultatif va dans ce sens en proposant l’instauration de mesures injonctives au sein de la Loi et l’AQPM y est fortement favorable. Il est en effet impératif de doter les titulaires d’outils législatifs leur permettant de faire respecter leurs droits plus efficacement.

  • L’AQPM recommande que la Loi confirme explicitement le pouvoir des tribunaux d’émettre mesures injonctives visant à prévenir ou empêcher toute violation survenant dans le cadre des services des intermédiaires en ligne. De telles mesures doivent nécessairement inclure des ordonnances de retrait, de blocage, et de désindexation.
  • L’AQPM recommande que la Loi soit amendée afin que les ordonnances puissent être obtenues : (i) à l’encontre des intermédiaires en ligne, même s’ils ne sont pas directement responsables des violations alléguées; (ii) sans l’obtention d’un jugement préalable à l’encontre de la personne directement responsable des violations alléguées, y compris lorsque cette personne est localisée à l’extérieur du Canada; et (iii) nonobstant l’application de toute mesure d’exonération discutée dans la section « Clarifier les exonérations ».
4.2 Renforcer le régime d’« avis et avis » et instaurer un mécanisme d’« avis et arrêt de publication »

Depuis 2015, la Loi prévoit un régime d’« avis et avis », afin de lutter contre le piratageNote de bas de page 25. Spécifiquement, cet outil exige que les intermédiaires en ligne transmettent des avis à leurs abonnés de la part des ayants droit, afin de les informer que leurs comptes sont potentiellement liés à des activités de piratage. Quoique le régime officialise une pratique volontairement mise en place au sein de l'industrie il y a plusieurs années, il présente néanmoins certaines failles.

Peu contraignant, le régime impose uniquement aux intermédiaires de transmettre un avis aux abonnés incriminésNote de bas de page 26 et de maintenir un registre des avis reçusNote de bas de page 27. Ainsi, si le contenu est maintenu, le titulaire de droits devra s’adresser aux tribunaux pour enjoindre l’intermédiaire à lui divulguer l’identité de la personne qui a commis la violation, afin d’être en mesure de la poursuivreNote de bas de page 28. Ceci contraste avec le système d’« avis et retrait » américain, selon lequel un intermédiaire est tenu de retirer le contenu incriminé sur réception d’un avis du détenteur de droits d’auteur. Cela dit, ce système comporte lui aussi certaines faiblesses.

D’une part, le régime d’« avis et retrait » ne permet pas de freiner toutes les formes de piratage. En effet, un tel mécanisme ne semble pas efficace dans le cas des applications de poste-à-poste ou des stratégies de piratage qui utilisent l’extraction de flux, les réseaux privés virtuels et les boîtes numériquesNote de bas de page 29. D’autre part, le régime est critiqué, car il ne prévoit aucune durée de retrait et n’empêche donc pas la réapparition du contenu illicite. Dans ce contexte, le système d’« avis et arrêt de publication » (ou « notice and stay down », en anglais) est régulièrement proposé pour endiguer ce problème du « jeu de la taupe »Note de bas de page 30. Par exemple, l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni a publié des propositions afin d’introduire ces procédures et la Cour fédérale de justice de l’Allemagne s’est montrée favorable à l’imposition d’un tel régimeNote de bas de page 31. Au sein de l’industrie, des plateformes en ligne telles que YouTube ont déjà mis en place des algorithmes capables de déceler le contenu illicite. Les outils sont donc présents ; il ne reste qu’un pas à franchir : l’adoption de mesures législatives venant encadrer formellement le régime d’« avis et arrêt de publication ».

  • L’AQPM recommande la mise en place d’un régime d’« avis et arrêt de publication », afin que les intermédiaires en ligne : (i) retirent directement le contenu pour lequel aucune autorisation d’utilisation n’a été obtenue; et (ii) surveillent leurs réseaux afin de détecter et de retirer d’office les contenus illicites, chaque fois que ceux-ci (ré)apparaissent.
  • L’AQPM recommande également l’adoption de dispositions supplémentaires afin d’assurer un régime d’« avis et avis » plus efficace (par exemple, en contraignant les intermédiaires à communiquer au titulaire de l’information concernant le propriétaire de l’adresse IP en cause, en bloquant l’accès aux comptes des contrevenants et en prévoyant des mécanismes pour les contrevenants récidivistes).
4.3 Clarifier le régime des dommages-intérêts préétablis

Puisqu’il peut être difficile de faire la preuve des dommages subis lors d’une violation de droits d’auteur, la Loi permet au titulaire de droits d’opter pour des dommages-intérêts préétablisNote de bas de page 32. Leur montant variera selon que la violation est faite à des fins commerciales ou non commerciales. La Loi ne définit toutefois pas le caractère de commercialité. Or, avec l’avènement du numérique et des nouveaux modèles de monétisation, la distinction peut sembler s’étioler. Une précision s’impose donc, afin de permettre aux tribunaux de prescrire des recours efficaces.

D’autre part, le législateur a diminué le seuil maximal des montants préétablis à 5,000$ en 2012, pour les violations commises à des fins non commerciales. L’AQPM s’était alors opposée à cet ajustement et elle s’y oppose toujours. En ce sens, ce plafond est de loin inférieur aux frais juridiques liés à une poursuite en cas d’atteinte aux droits d’auteur, ce qui peut entraîner un effet dissuasif pour les détenteurs de droit de recourir à ces sanctions. Au surplus, le seuil maximal s’applique globalement à un ensemble de violations, plutôt que pour chacune de ces violations. Une telle application a été décriée par plusieurs acteurs du milieu culturel, incluant lors de la plus récente révision quinquennale de la LoiNote de bas de page 33. En effet, dans sa mouture actuelle, le régime de dommages-intérêts préétablis ne permet pas de décourager la violation systématique de droits d’auteur et n’atteint donc pas l’objectif escompté. Partant, certains proposent un remaniement de la structure des dommages-intérêts préétablis. L’AQPM abonde en ce sens et recommande que des ajustements majeurs soient apportés au régime actuel, afin de protéger adéquatement les intérêts des titulaires de droits.

  • L’AQPM recommande de clarifier la distinction entre « fins commerciales » et « non commerciales » par l’ajout d’une définition spécifique ou par l’ajout de présomptions (par exemple, en cas de violations répétées ou d’un nombre substantiel d’œuvres, la violation sera présumée être faite à des fins commerciales).
  • L’AQPM recommande également d’augmenter le seuil maximal dans le cas des dommages préétablis à des fins non commerciales et de l’appliquer individuellement pour chaque violation de droit d’auteur, plutôt que globalement.