L’avenir de la politique de la concurrence au Canada

Mémoire du Bureau de la concurrence

15 mars 2023

Table des matières

  1. Introduction
  2. Examen des fusions
  3. Comportements unilatéraux
  4. Collaborations entre concurrents
  5. Pratiques commerciales trompeuses
  6. Exécution et application de la loi
  7. Comment contacter le Bureau de la concurrence

Introduction

Le Bureau de la concurrence (« Bureau ») est heureux de présenter ces commentaires au nom du commissaire de la concurrence (« commissaire ») en réponse à la consultation et au document de travail du gouvernement du Canada sur l’avenir de la politique de la concurrence au Canada (« document de travail »).

Cette consultation intervient à un moment décisif. Les Canadiens et Canadiennes de tous les horizons reconnaissent le rôle important de la concurrence dans leur vie. Ils veulent des marchés plus ouverts et plus concurrentiels. Ils considèrent que le cadre de notre politique de la concurrence est dépassé, faible, complexe, lent et déconnecté de la réalité. Et ils n’ont pas tort. Le moment est venu de saisir l’occasion de mettre en place une politique de concurrence plus efficace, une politique qui fonctionne pour toute la population canadienne.

Le présent mémoire est fondé sur l’expérience du Bureau dans l’exécution et l’application de la Loi sur la concurrence (« Loi »). Il s’appuie sur le mémoire de février 2022 du Bureau dans le cadre d’une consultation menée par le sénateur Howard Wetston (« mémoire 2022 du Bureau »). Un certain nombre de recommandations de ce mémoire ont finalement été traitées par le biais de modifications apportées à la Loi en juin 2022. Par conséquent, le présent mémoire met l’accent sur les domaines qui nécessitent encore des efforts et dans lesquels le Bureau estime qu’une réforme est nécessaire.

Le présent mémoire est organisé en fonction des thèmes définis dans le document de travail, qui sont reproduits tout au long du document pour faciliter la consultation. Le Bureau a interprété ces thèmes de manière large et a inclus des suggestions de réforme au-delà des domaines spécifiquement abordés dans le document de travail.

Néanmoins, nous avons largement limité nos recommandations aux questions relatives à la Loi, car c’est l’objet de la présente consultation. Nous soulignons toutefois qu’un programme solide en matière de politique de la concurrence inclurait également un engagement plus large de l’ensemble du gouvernement à l’égard de la concurrence, y compris un effort coordonné pour éliminer les obstacles réglementaires inutiles à la concurrence et au commerce intérieur à tous les niveaux du gouvernement, et pour intégrer la pensée pro-concurrentielle dans l’élaboration des politiques futures. C’était l’une des priorités du dernier grand examen de la politique de la concurrence au Canada, et d'autres pays adoptent une telle approche tout en apportant les mises à jour nécessaires à leur cadre juridique en matière de concurrence. Des pouvoirs accrus en matière d’études de marché, tels que recommandés ci-dessous, aideraient le Bureau à diagnostiquer les problèmes de concurrence et à fournir aux décideurs des conseils fondés sur des données probantes pour trouver des solutions.

1. Examen des fusions

Extrait du document de travail : Le gouvernement envisage les réformes potentielles suivantes et souhaiterait recevoir des commentaires à leur sujet :

  • Révision des règles entourant les préavis de fusion pour mieux déceler les fusions qu’il convient d’examiner.
  • Extension du délai de prescription pour les fusions non soumises à l’obligation de déclaration (p. ex. trois ans), ou création d’un lien conditionnel entre ce délai et une déclaration volontaire
  • Assouplissement des conditions pour l’obtention de mesures provisoires dans les cas où le Bureau contesterait une fusion et demanderait une injonction.
  • Modification de la défense fondée sur les gains en efficience, p. ex. de manière à restreindre son application aux situations dans lesquelles la fusion ne causerait pas de préjudices aux consommateurs ou aux fournisseurs.
  • Révision des critères pour l’application de mesures correctives à l’égard de fusions. Il s’agirait par exemple d’assurer une meilleure protection contre les préjudices concurrentiels potentiels ou de mieux tenir compte des effets des fusions sur les marchés du travail.

Le Bureau est tout à fait d’accord avec l’ampleur et la profondeur des réformes que le gouvernement envisage dans le domaine de l’examen des fusions. À bien des égards, l’examen des fusions constitue la première ligne de défense pour protéger la concurrence dans l’économie canadienne. Il s’agit d’un outil préventif qui permet de se prémunir contre la concentration néfaste de la puissance commerciale qui alimente d’autres types de comportements anticoncurrentiels.

Le commissaire a clairement indiqué que le cadre d’examen des fusions prévu par la Loi est faible et qu’il doit être considérablement remanié dans le sens envisagé par le gouvernement dans cette consultation. Bien que seule une proportion relativement faible de fusions soulève de graves problèmes de concurrence, celles qui le font peuvent causer un préjudice très important et irréparable aux Canadiens et Canadiennes. Dans ces cas, le Bureau doit être en mesure de prendre des mesures rapides et efficaces pour protéger l’intérêt public en matière de concurrence.

1.1. Règles entourant les préavis de fusion, renseignements à fournir et délais d’attente

1.1.1. Certaines règles entourant les préavis de fusion devraient être révisées

Pour que l’examen des fusions soit un outil de prévention efficace contre les concentrations nuisibles, il est essentiel que le Bureau obtienne un préavis des transactions importantes du point de vue économique. Le Bureau a également besoin de suffisamment de temps pour les examiner et, au besoin, prendre des mesures préventives avant leur clôture. C’est la justification fondamentale pour les préavis de fusion et les périodes d’attente suspensives, qui sont courantes dans les systèmes d’examen des fusions dans le monde.

En général, le Bureau doit obtenir un préavis des transactions proposées lorsque les actifs ou les revenus canadiens de la cible dépassent 93 millions de dollars (le « seuil relatif à la taille de la transaction », un montant qui peut être ajusté annuellement pour tenir compte de la croissance économique), et lorsque les actifs ou les revenus canadiens combinés des parties à la fusion et de leurs sociétés affiliées respectives dépassent 400 millions de dollars (« seuil relatif à la taille des parties »). Cependant, il existe un certain nombre de lacunes importantes dans les règles canadiennes entourant les avis de fusion.

La section 2.7 du mémoire 2022 du Bureau cite des preuves selon lesquelles près de la moitié des 30 plus grandes fusions publiques canadiennes en fonction de la valeur de la transaction au cours des cinq dernières années n’ont pas fait l’objet d’un préavis de fusion au Canada, et que seulement cinq acquisitions réalisées par les plus grandes entreprises technologiques, soit Google, Apple, Amazon, Facebook et Microsoft, ont été signalées en vertu de la Loi au cours de la dernière décennie. Le document présente ensuite un certain nombre de recommandations visant à renforcer les règles entourant la présentation d’un avis au titre de la Loi. Les recommandations du Bureau dans ce domaine restent inchangées et se répartissent en deux catégories générales.

Premièrement, les ventes « vers » le Canada devraient être comptabilisées aux fins de la présentation d’un avis. L’article 110 de la Loi prévoit les seuils relatifs à la taille des transactions pour chacune des six structures de fusion à signaler prescrites. Dans chaque cas, le libellé aux fins du calcul se limite à la valeur globale des actifs au Canada ou aux revenus bruts des ventes « au » Canada ou « du » Canada, mais non « vers » le Canada générés par ces actifs. Les ventes « vers » le Canada sont pertinentes sur le plan économique et concurrentiel, en particulier pour les transactions effectuées sur les marchés numériques, et les règles entourant la présentation d’un avis de la Loi devraient être modifiées pour refléter cette réalité.

Deuxièmement, il y a un certain nombre de questions techniques relatives au préavis de fusion qui devraient être abordées. Celles-ci sont décrites plus en détail dans le mémoire 2022 du Bureau et comprennent :

  • les prises de contrôle rampantes ou progressives, telles que celles qui se produisent entre les mêmes parties ou des parties affiliées et qui ne sont pas à signaler séparément, devraient être regroupées aux fins de la présentation d’un avis;
  • l’acquisition des éléments d’une cible, notamment les actions ou les participations et les actifs, ainsi que les regroupements, devrait être regroupée aux fins de la présentation d’un avis;
  • il faudrait obliger les coentreprises (aussi appelées entreprises à risques partagés) non constituées en société personne morale à présenter un avis en vertu de la Loi;
  • la définition d’une « action comportant droit de vote » devrait être modifiée pour inclure : i) toute catégorie d’actions comportant droit de vote et ii) toute action à laquelle des votes peuvent être attachés dans le cours normal des affaires;
  • l’acquisition d’une participation dans une association d’intérêt qui « contrôle une entité qui exploite une entreprise en exploitation » devrait être couverte par la Loi;
  • la structure des « associations d’intérêts » devant faire l’objet d’un avis devrait être élargie pour inclure les actifs apportés par les sociétés affiliées des partenaires d’une coentreprise;
  • la définition « d’entreprise en exploitation » devrait être modifiée pour inclure celles qui sont à l’extérieur du Canada.

Recommandation 1.1.1 (Règles entourant la présentation d’un avis) : Les règles entourant les préavis de fusion devraient être révisées pour mieux prendre en compte les fusions d’intérêt.

1.1.2. Les parties devraient être tenues de fournir des renseignements sur la valeur des transactions dans le cadre de leurs dépôts de fusion

Comme souligné ci-dessus, la Loi définit le cadre législatif du préavis de fusion, y compris la spécification des seuils relatifs à la taille des parties et des transactions qui font en sorte que les transactions sont assujetties au régime de présentation d’un avis. Toutefois, rien n’oblige les parties à fournir au Bureau des renseignements sur la taille des parties ou des transactions dans le cadre de leurs dépôts de fusion.

L’absence de ces données, notamment celles sur la taille des transactions, rend difficile l’évaluation de l’efficacité du régime de présentation d’un avis et la détermination à savoir si ce seuil financier est correctement calibré. Il est également difficile pour le Bureau de fournir des conseils éclairés au gouvernement sur l’impact d’un ou de plusieurs changements, y compris les changements annuels du seuil relatif à la taille des transactions envisagé par le paragraphe 110(8) de la Loi.

Le Bureau a essayé, sans succès, de recueillir ces renseignements sur une base volontaire pendant un certain nombre d’années, les parties n’étant généralement pas incitées à les fournir. Le Bureau est conscient du fardeau supplémentaire que représente pour les parties le fait de devoir fournir plus de renseignements dans le cadre de leurs dépôts de fusion. Toutefois, étant donné que les parties aux transactions devant faire l’objet d’un avis auront déjà effectué une analyse pour déterminer que leur transaction dépasse les seuils, la fourniture de renseignements sur leurs calculs ne devrait pas être indûment contraignante (comme le notait au moins un praticien canadien du domaine des fusions, « ces renseignements sont probablement déjà à portée de main » et « des renseignements d’un type semblable sont recueillis en vertu de la Loi sur Investissement Canada » [TRADUCTION]). Le Bureau note que les renseignements sur la taille des transactions sont également requis en vertu des règles américaines entourant les avis de fusion, et que les renseignements sur la distribution des transactions déclarées selon la taille sont signalés annuellement par la Federal Trade Commission des États-Unis sous forme agrégée.

Outre ce qui précède, l’impossibilité pour le commissaire d’accéder aux renseignements sur la taille des transactions des parties à la fusion a des répercussions sur d’autres efforts liés au processus, y compris, par exemple, l’examen d’autres structures de frais de dépôt pour les transactions devant faire l’objet d’un avis.

Recommandation 1.1.2 (Renseignements sur la taille des transactions) : La Loi devrait être modifiée pour exiger que les parties à des transactions proposées devant faire l’objet d’un avis présentent des renseignements sur la taille de leur transaction.

1.1.3. Des registres des cas de secret professionnel et de confidentialité devraient être exigés pour les dépôts de transactions à signaler et les demandes de renseignements supplémentaires

Un « registre des cas de secret professionnel et de confidentialité » est un autre élément d’information important qui devrait être fourni dans le cadre des transactions de fusion devant faire l’objet d’un avis.

L’article 116 de la Loi prévoit que les parties peuvent retenir des renseignements dans leur dépôt de préavis de fusion ou dans leurs réponses à une demande de renseignements supplémentaires (« DRS ») pour diverses raisons, notamment le secret professionnel et « une exigence de confidentialité établie par la loi » (tous les deux par le biais du paragraphe 116(1)). Bien que l’article 116 exige que la partie plaignante fournisse la raison de sa non-conformité, il n’y a aucune stipulation pour un « registre des cas de secret professionnel et de confidentialité » qui fournirait des renseignements sommaires de base sur les documents retenus. En l’absence d’un registre, les éléments communiqués par les parties, notamment les exclusions, ne sont pas vérifiés, le commissaire devant se fier uniquement aux parties pour déterminer la validité de leur allégation.

L’article 116 de la Loi devrait donc être modifié pour prévoir que, lorsque des documents qui doivent être présentés dans le cadre d’un dépôt d’avis ou d’une réponse à une DRS sont caviardés ou retenus en raison du secret professionnel ou d’un cas de confidentialité établie par la loi, la partie doit, sous serment ou affirmation solennelle et dans une déclaration écrite au commissaire, fournir un index qui indique tous les documents (ou parties de documents) pour lesquels le secret ou la confidentialité sont revendiqués. Cet index comprendrait :

  1. le titre du document, la date du document, le nom de chaque auteur, le titre ou la fonction de chaque auteur, ainsi que le nom, le titre ou la fonction de chaque destinataire;
  2. l’exigence en matière de renseignements à laquelle le document répond;
  3. une description du caractère confidentiel ou de l’exigence de confidentialité revendiqués et le fondement factuel de l’allégation, avec suffisamment de détails pour permettre au commissaire d’évaluer la validité de cette dernière.

Dans le cadre de cette réforme, on pourrait envisager la bifurcation du paragraphe 116(1) de manière que des dispositions distinctes existent pour les situations dans lesquelles les renseignements ne peuvent être fournis i) parce qu’ils sont inconnus ou ne peuvent être raisonnablement obtenus et ii) en raison du secret professionnel ou de la confidentialité qui existe.

Recommandation 1.1.3 (Registres de cas de secret professionnel et de confidentialité) : La Loi devrait être modifiée pour exiger la production de « registres de cas de secret professionnel et de confidentialité » pour les dépôts d’avis de fusion et les réponses aux DRS.

1.1.4. La Loi devrait autoriser les interrogatoires oraux sous serment ou affirmation solennelle dans le cadre du processus de DRS

Il serait utile d’étendre les pouvoirs du commissaire en matière de DRS pour les fusions devant faire l’objet d’un avis afin d’inclure les interrogatoires oraux sous serment ou affirmation solennelle.

Le paragraphe 14(2) de la Loi prévoit que, dans les 30 jours suivant la réception d’un dépôt d’avis, le commissaire peut émettre une DRS exigeant que les parties qui ont déposé l’avis fournissent des renseignements supplémentaires pertinents pour l’évaluation de la transaction proposée. Lorsqu’une DRS est émise, les parties ne peuvent pas conclure la transaction proposée pendant une période d’attente subséquente de 30 jours qui commence dès que les parties ont certifié sous serment ou affirmation solennelle qu’elles ont fourni des réponses complètes aux DRS.

Les renseignements que le commissaire peut demander par le biais d’une DRS se limitent aux documents, données et déclarations écrites. Pour obtenir un témoignage oral sous serment ou affirmation solennelle des parties à la fusion, le commissaire doit s’adresser à un tribunal en vertu de l’article 11 de la Loi. Cela peut s’avérer peu pratique dans le cas de fusions, étant donné les délais prescrits par la Loi, et il n’y a aucune garantie que la clôture de la transaction sera empêchée en attendant la fin des interrogatoires oraux ordonnés par la cour.

La capacité du commissaire d’obliger les représentants des parties à la fusion à témoigner oralement dans le cadre du processus de DRS compléterait la boîte à outils de collecte d’information qui existe actuellement et permettrait un examen plus efficace et opportun, particulièrement dans les industries émergentes, qui évoluent rapidement ou dans lesquelles le Bureau a une expérience limitée ou nulle. Par exemple, des interrogatoires oraux sous serment ou affirmation solennelle pourraient être utilisés pour clarifier des renseignements dans les documents et les données produits par le biais d’une DRS ou pour mieux comprendre les aspects pertinents de la concurrence concernés par la fusion. En fin de compte, de tels interrogatoires permettraient de prendre des décisions d’application mieux éclairées, notamment en ce qui concerne les recours consensuels.

En ce qui concerne le processus et les délais, la Loi pourrait être modifiée pour permettre ce qui suit : une fois que toutes les parties ont certifié des réponses complètes en matière de documents et de données à la DRS, le commissaire peut, dans les 30 jours suivant la conformité certifiée, fournir un avis d’interrogatoires oraux. Tous les interrogatoires auraient lieu dans les 30 jours suivant l’avis, à moins qu’un délai supplémentaire ne soit demandé, et une période d’attente supplémentaire de 30 jours commencerait à la date à laquelle l’interrogatoire final est terminé.

Cette modification permettrait au commissaire de disposer de suffisamment de temps pour effectuer les interrogatoires oraux et traiter les renseignements reçus. Étant donné que des DRS ne sont émises que pour une très faible proportion de fusions devant faire l’objet d’un avis soulevant des questions complexes, soit environ 5 % des transactions devant faire l’objet d’un avis, ce changement n’aurait aucune incidence sur le calendrier de la grande majorité des transactions de fusion. Pour celles qui seraient touchées, le délai potentiellement plus long serait raisonnable et correspondrait aux délais prolongés en vertu desquels de nombreux examens de fusions très complexes sont déjà effectués. Les renseignements supplémentaires recueillis lors des examens pourraient potentiellement mener à une résolution plus rapide dans certains cas.

Recommandation 1.1.4 (Interrogatoires oraux sous serment ou affirmation solennelle) : Les pouvoirs du commissaire en matière de collecte de renseignements dans le cadre d’une DRS sont actuellement limités à la réception de documents et de renseignements écrits, et devraient être étendus pour inclure des interrogatoires oraux sous serment ou affirmation solennelle accompagnés de prolongations appropriées des délais réglementaires.

1.1.5. La Loi devrait adopter une approche plus souple en ce qui concerne la réalisation anticipée des opérations le (« gun jumping »)

La Loi doit également adopter une approche plus souple pour faire face à la réalisation anticipée des opérations, à savoir les cas où une transaction devant être déclarée est conclue ou partiellement mise en œuvre sans avis ou avant l’expiration de la période d’attente applicable. Cela peut se décliner selon les scénarios suivants :

  1. la réalisation d’une transaction devant faire l’objet d’un avis sans présentation d’un avis (défaut d’avis);
  2. la réalisation d’une transaction devant faire l’objet d’un avis après la présentation d’un avis, mais avant l’expiration de la période d’attente applicable;
  3. la réalisation ou la mise en œuvre de certaines parties d’une transaction devant faire l’objet d’un avis entre les parties à la fusion après la présentation d’un avis, mais avant l’expiration de la période d’attente applicable.

En ce qui concerne le scénario (a) (défaut d’avis), la Loi prévoit que les parties qui omettent de présenter un avis peuvent avoir commis une infraction criminelle (paragraphe 65(2)) et être passibles d’une amende maximale de 50 000 $. Un défaut de présenter un avis peut également constituer une infraction civile à l’article 123 de la Loi, qui établit les périodes pendant lesquelles les parties à la fusion ne doivent pas conclure leur transaction proposée. Ces périodes d’attente sont déclenchées par la réception d’un avis par le Bureau. Les recours possibles en cas de contravention à l’article 123 sont énoncés à l’article 123.1 et comprennent la dissolution de la fusion ou l’imposition à une partie à la transaction d’une sanction administrative pécuniaire pouvant atteindre 10 000 $ par jour en cas de non-conformité.

Un certain nombre de révisions de la Loi sont justifiées. Premièrement, l’infraction criminelle prévue au paragraphe 65(2) devrait être abrogée, car selon l’expérience du Bureau, il s’agit d’un instrument peu efficace pour traiter les cas de réalisation anticipée des opérations. Aucune mesure coercitive n’a jamais été engagée au titre de ce paragraphe, en partie en raison des exigences en matière de preuve pour monter un dossier selon la norme applicable en matière criminelle.

Deuxièmement, la Loi devrait être modifiée pour préciser que les articles 123 et 123.1 s’appliquent aux situations où un délai d’attente n’a pas encore commencé en raison d’un défaut d’avis. Un recours civil est mieux adapté pour remédier à toute violation et au préjudice causé à la concurrence qui en découle, il est conforme à la pratique internationale et les recours disponibles en vertu de l’article 123.1 sont plus souples, ce qui permet d’adapter une sanction civile aux faits particuliers.

En ce qui concerne le scénario (b) (conclusion d’une transaction sans respecter la période d’attente), aucun changement n’est nécessaire puisqu’une période d’attente aura été déclenchée dans ce scénario et que les recours prévus aux alinéas 123.1(1)c) et (d) de la Loi sont clairement applicables.

En ce qui concerne le scénario (c) (réalisation ou mise en œuvre partielle d’une transaction sans respecter le délai d’attente), bien qu’une période d’attente ait également été déclenchée, ce scénario n’est pas pris en compte par l’article 123.1. Par conséquent, l’article 123.1 devrait être élargi pour permettre au tribunal de rendre une ordonnance remédiant à la réalisation partielle et empêchant toute autre mise en œuvre ou réalisation. La modification pourrait se lire comme suit :

Si, à la demande du commissaire, le tribunal détermine qu’une personne, sans motif valable et suffisant, dont la preuve lui incombe, a réalisé ou mis en œuvre, ou est susceptible de réaliser ou de mettre en œuvre, tout ou partie d’une transaction proposée avant la fin de la période applicable visée à l’article 123, le tribunal peut...

De même, les alinéas 123.1(1)c) et d) devraient être modifiés comme suit : « dans le cas d’une transaction ou d’une partie de transaction réalisée ou mise en œuvre ».

Pris ensemble, ces changements fourniraient des outils plus souples et plus proportionnés que ceux actuellement disponibles pour traiter les cas de réalisation anticipée des opérations.

Recommandation 1.1.5 (Réalisation anticipée des opérations) : La réalisation anticipée des opérations est actuellement une infraction pénale en vertu de la Loi et l’application des recours civils n’est pas claire dans certains cas. Des changements sont nécessaires pour décriminaliser le comportement et étendre à la fois la portée et les recours disponibles des dispositions civiles existantes.

1.1.6. La Loi devrait préciser que les renonciations d’avis ne sont valables que pour un an

Il peut également y avoir des problèmes lorsque les parties s’abstiennent de conclure leur transaction pendant une période prolongée à la suite d’une « autorisation » et d’une renonciation aux exigences de présentation d’un avis prévues par la Loi.

Les parties à une fusion peuvent demander au commissaire de délivrer un « certificat de décision préalable » (CDP) en vertu de l’article 102 de la Loi à l’égard de leur fusion. Lorsqu’un CDP est accordé, les parties ne sont pas tenues de présenter un avis conformément au paragraphe 113(b); toutefois, si la transaction proposée n’est pas conclue dans un délai d’un an, le CDP n’empêche pas le commissaire de contester l’article 92.

Lorsqu’un CDP n’est pas accordé, le commissaire peut toujours renoncer à l’obligation de présenter un avis en vertu du paragraphe 113(c) lorsque des renseignements sensiblement semblables ont déjà été fournis. Étant donné que ni le paragraphe 113(c) ni aucune autre disposition de la Loi ne limite expressément la période de validité de la renonciation, l’interprétation peut être qu’elle dure indéfiniment, ce qui est incompatible avec la limite d’un an qui est applicable à d’autres transactions proposées qui n’obtiennent pas un CDP et qui pose problème lorsqu’il y a un retard prolongé dans la conclusion de la transaction.

Prenons l’exemple d’une fusion proposée sur un marché où les conditions changent rapidement et où, au moment de la délivrance de la renonciation, la fusion a été jugée peu susceptible de diminuer ou d’empêcher sensiblement la concurrence. Si la transaction n’est conclue que des années plus tard, les concurrents peuvent avoir quitté le marché et la dynamique concurrentielle peut avoir considérablement changé dans l’intervalle, de sorte que la décision de délivrer la renonciation aurait changé si les parties avaient déposé à nouveau leur demande. La transaction n’échapperait à l’examen que parce que l’autorisation préalable a été « mise en réserve » des années auparavant.

Bien que le Bureau considère que ces types de scénarios seraient vraisemblablement rares, l’échappatoire devrait néanmoins être fermée. Le paragraphe 113(c) devrait être modifié afin de limiter la validité d’une renonciation 113(c) à un an après la date à laquelle elle a été délivrée, sous réserve de prolongations par le commissaire. Cet ajustement :

  • obligerait les parties à la fusion à présenter une nouvelle demande de renonciation (ou de présenter un préavis de la transaction) si la conclusion de leur transaction n’a pas eu lieu dans un délai d’un an, réduisant ainsi le risque qu’une transaction anticoncurrentielle soit mise en œuvre;
  • remédierait aux incohérences – il n’y a aucune raison de principe pour que les parties qui ont présenté un avis doivent le faire à nouveau si la transaction est réalisée plus d’un an plus tard, mais que les parties qui n’ont présenté qu’une demande de CDP ne le doivent pas.

Recommandation 1.1.6 (Renonciations d’avis) : La période pendant laquelle une renonciation au dépôt d’un avis est valable devrait être expressément limitée à un an.

1.1.7. La Loi devrait définir l’expression « intérêt relativement important » dans le contexte des fusions

Bien que techniquement distincte de la question de la notification, la définition d’une « fusion » (ou fusionnement) en vertu de la Loi devrait également être clarifiée. Une fusion est définie à l’article 91 de la Loi et comprend l’acquisition du contrôle d’une entité ou l’acquisition d’un intérêt relativement important dans celle-ci. Les paragraphes 2(2) et 2(4) de la Loi définissent le sens du terme « contrôle », mais l’expression « intérêt relativement important » n’est pas définie.

L’absence d’une définition explicite a permis une certaine souplesse et a permis au Bureau et aux parties à la fusion d’acquérir de l’expérience à l’égard des dispositions de la Loi relatives aux fusions. Afin d’assurer la transparence et la prévisibilité pour les parties prenantes, les Fusions — Lignes directrices pour l’application de la loi (LDAL-F) du Bureau décrivent un « intérêt relativement important » comme suit :

un « intérêt relativement important » est détenu dans la totalité ou une partie d’une entreprise lorsque la personne acquérant ou établissant l’intérêt ([l’« acquéreur »]) en retire la capacité d’influencer concrètement le comportement économique de l’entreprise [cible], notamment les décisions ayant trait aux prix, aux achats, à la distribution, à la commercialisation, aux investissements, au financement et à l’octroi de droits de propriété intellectuelle.

Les LDAL-F énumèrent ensuite un certain nombre de facteurs que le Bureau peut prendre en considération, individuellement ou collectivement, lorsqu’il évalue si un intérêt confère, en fait, une influence importante. Le Bureau et les parties ont une expérience considérable de l’application de ces facteurs à différents scénarios factuels. Néanmoins, les LDAL-F ne sont pas juridiquement contraignantes et les parties contestent parfois l’approche du Bureau sur la question de l’intérêt relativement important.

Afin d’offrir une plus grande certitude et une meilleure prévisibilité quant à la définition de ce qui constitue une fusion, la Loi devrait être modifiée pour inclure une définition de « l’intérêt relativement important » qui codifie l’orientation fondée sur des principes fournie dans les LDAL-F.

Recommandation 1.1.7 (Intérêt relativement important) : La définition du terme « fusion » dans la Loi fait référence à « intérêt relativement important », une expression que la Loi ne définit pas. La Loi devrait être révisée pour inclure une définition qui adopte l’orientation fondée sur des principes fournie dans les LDAL-F.

1.2. Les fusions devraient être soumises à un délai de prescription plus long

La section 2.6 du mémoire 2022 du Bureau recommande que le délai de prescription pour les transactions devant faire l’objet d’un avis ou non soit porté à trois ans. La recommandation du Bureau reste inchangée.

L’article 97 de la Loi empêche le commissaire de déposer une demande de contestation d’une fusion plus d’un an après sa conclusion, et cette disposition s’applique aux transactions devant faire l’objet d’un avis ou non. Les difficultés liées au délai existent pour les deux catégories d’acquisitions.

Pour les transactions ne devant pas faire l’objet d’un avis, les défis posés par le court délai de prescription sont évidents. Malgré tous les efforts déployés par le commissaire pour découvrir des transactions potentiellement problématiques ne devant pas faire l’objet d’un avis par le biais de la collecte de renseignements, certaines acquisitions peuvent ne pas être détectées pendant plus d’un an après leur conclusion. Cela est d’autant plus vrai qu’un an est une période suffisamment courte pour que les parties puissent justifier de retarder les augmentations de prix ou les dégradations de service après la fusion afin de minimiser le risque que des plaintes soient portées à l’attention du Bureau.

Toutefois, la brièveté du délai pose également des problèmes pour les transactions devant faire l’objet d’un avis qui ont été examinées par le Bureau avant la conclusion. L’examen des fusions est un exercice imparfait et prospectif, et les marchés évoluent parfois de manière spectaculaire et inattendue. Une fusion que l’on croyait inoffensive pour la concurrence au moment de l’examen peut, après un an, se révéler anticoncurrentielle. Comme le note à juste titre le document de travail, « [...] certaines fusions peuvent causer un préjudice concurrentiel trop difficile à prévoir avec précision au moment de l’acquisition. À l’étape où ce préjudice devient apparent, il est alors trop tard pour y remédier ».

Bien que le Bureau comprenne que la prolongation du délai de prescription d’un à trois ans entraînerait une certaine incertitude commerciale supplémentaire, il est d’avis que cette incertitude serait négligeable pour la grande majorité des transactions qui ne soulèvent pas (jamais) d’enjeux de concurrence importants. En outre, cette modification constituerait un important dispositif de sécurité pour les rares cas où une transaction soulève des enjeux de concurrence évidents plus d’un an, mais moins de trois ans, après la conclusion.

En outre, le changement s’harmoniserait avec le délai de prescription de trois ans pour les comportements d’abus de position dominante civils. Cela permettrait également au Canada de s’harmoniser davantage avec l’approche relative au délai de prescription des fusions en Australie (où il est de trois ans) et aux États-Unis (où il n’y a aucun délai de prescription). Le décalage actuel avec ces administrations signifie qu’il peut y avoir des fusions transfrontalières que les organismes de la concurrence américains et australiens examinent et que le Bureau n’est pas en mesure d’examiner d’un point de vue canadien.

Recommandation 1.2 (Délai de prescription) : La Loi n’accorde au commissaire qu’un court délai pour contester une fusion réalisée. Le délai de prescription de l’article 97 devrait être porté à trois ans.

1.3. Les normes d’injonction en ce qui a trait aux fusions devraient être plus faciles à appliquer

La section 2.5 du mémoire 2022 du Bureau explique en détail pourquoi les normes juridiques relatives à l’injonction ne sont pas pratiques et pourquoi il devrait y avoir des normes plus pratiques pour empêcher la conclusion de fusions anticoncurrentielles. Ces questions sont également bien décrites dans le document de travail. Le Bureau considère qu’il y a deux questions distinctes qui doivent être résolues.

Premièrement, dans les cas où le Bureau demande une injonction afin d’empêcher la conclusion d’une transaction (que ce soit en vertu de l’article 100 ou 104), la Loi devrait offrir une mesure provisoire automatique à court terme jusqu’à ce que la demande d’injonction puisse être entendue et décidée.

Les courts délais réglementaires pour les fusions et les réalités de la préparation des demandes d’injonction sont tels que les demandes seront presque toujours présentées vers la fin d’une période d’attente réglementaire lorsque les parties sont à quelques jours d’être dans une position légale pour conclure leur transaction, même si ces demandes dans les cas de fusion prennent souvent des semaines pour être effectivement entendues et décidées. Sans un palliatif à court terme pour empêcher la conclusion des transactions, les parties pourraient être en mesure de conclure leur transaction avant que le Tribunal ne puisse se prononcer sur la demande d’injonction, ce qui rendrait tout le processus sans intérêt.

Bien qu’en théorie, le Bureau puisse faire face à ce risque en demandant encore plus tôt une mesure « interlocutoire », cette solution ne fait qu’aggraver les problèmes associés aux courts délais réglementaires, car elle exige la présentation d’un deuxième type de demande, et il n’y aurait aucune garantie que cette demande serait entendue et décidée avant la fin de la période d’attente non plus. Des mesures provisoires automatiques selon lesquelles la conclusion de la transaction serait empêchée en vertu de la Loi, de la même manière que l’émission d’une DRS l’interdit automatiquement, fourniraient une solution beaucoup plus claire pour cette situation à court terme. Un tel changement n’aurait une incidence que sur une très faible proportion des transactions, et les parties seraient en mesure d’intégrer cette possibilité dans leurs échéanciers.

Deuxièmement, pour une injonction en vertu de l’article 104, lorsque le commissaire conteste simultanément la transaction en vertu de l’article 92, le critère ne devrait pas exiger la quantification exigée par la jurisprudence actuelle. Il ne devrait pas non plus exiger une évaluation de la « prépondérance des inconvénients » au cas par cas, afin de déterminer si le préjudice causé à la concurrence est compensé par le préjudice causé aux parties par le report de la transaction (p. ex., en ce qui concerne la réalisation des gains en efficience). L’ensemble du système des préavis de fusion repose sur l’idée que l’intérêt public est mieux servi en empêchant la conclusion de fusions potentiellement anticoncurrentielles qu’en essayant de remédier à leurs conséquences anticoncurrentielles après coup. Par conséquent, pour obtenir une injonction en attendant une audience complète sur le fond en vertu de l’article 92, il devrait suffire au Bureau de démontrer qu’il y a une question sérieuse à juger et que la transaction causerait vraisemblablement un préjudice irréparable si elle était autorisée à aller de l’avant. Comme indiqué ci-dessus, le changement ne toucherait qu’une très petite (mais importante) proportion des transactions, à savoir celles pour lesquelles le commissaire a déterminé que la transaction est anticoncurrentielle et pour lesquelles les préoccupations n’ont pas pu être résolues par voie consensuelle.

Recommandation 1.3 (Injonctions) : La Loi devrait prévoir des normes plus pratiques pour suspendre temporairement la réalisation d’une fusion en attendant l’issue des procédures devant le Tribunal.

1.4. Des présomptions structurelles simplifieraient et accéléreraient l’examen des fusions

Pour empêcher une fusion anticoncurrentielle, le Bureau doit prouver qu’elle a ou aura vraisemblablement pour effet d’entraîner un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence (« EDSC »). Bien qu’il s’agisse d’un critère libellé en termes généraux, il a reçu un sens de plus en plus précis au fil de l’évolution de la jurisprudence.

En particulier, pour établir l’existence d’un EDSC, le Bureau doit démontrer que l’entité fusionnée sera vraisemblablement en mesure d’exercer un pouvoir de marché sensiblement plus grand qu’en l’absence de la fusion. Cela a été interprété comme exigeant la preuve que la fusion est susceptible d’entraîner des prix sensiblement plus élevés ou des niveaux sensiblement plus bas de concurrence hors prix par rapport à ceux qui existeraient vraisemblablement en l’absence de la fusion. Cela a été interprété comme nécessitant une évaluation de l’ampleur, de la durée et de la portée probables de ces effets de prix et autres. À tous égards, il s’agit de critères économiques complexes, et le Bureau doit les prouver selon la prépondérance des probabilités. Le document de travail note à juste titre qu’« [é]tant donné la complexité, le dynamisme et le rythme des changements dans de nombreux marchés, en particulier dans les marchés numériques, ces critères précis peuvent s’avérer difficiles à appliquer ». Une simplification s’impose.

La section 2.2 du mémoire 2022 du Bureau soutient que les dispositions sur les fusion de la Loi devraient être modifiées pour permettre des « présomptions structurelles » dans l’esprit de celles qui existent aux États-Unis. Ainsi, il incomberait aux parties à la fusion de prouver pourquoi une fusion qui dépasse certains seuils de part de marché ou de concentration n’aurait vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. Elles pourraient le faire en démontrant, par exemple, que les entraves à l’accès sont faibles, ou qu’il existe d’autres facteurs compensatoires qui empêcheraient un préjudice anticoncurrentiel.

Cette approche n’est pas seulement logique, elle suit la conclusion économique selon laquelle les fusions dans les marchés très concentrés sont plus susceptibles d’être anticoncurrentielles et elle garantit que les ressources du Bureau consacrées aux enquêtes et aux litiges sont utilisées efficacement dans les cas où la présomption est satisfaite.

Un premier pas minimal vers une présomption structurelle serait l’abrogation du paragraphe 92(2) de la Loi, qui interdit expressément au Tribunal de conclure qu’une fusion est susceptible de nuire à la concurrence « en raison seulement de la concentration ou de la part du marché ». L’abrogation du paragraphe 92(2) permettrait, sans l’exiger, au Tribunal d’adopter des présomptions structurelles. Elle amènerait très probablement le Tribunal à accorder plus de poids aux preuves de parts de marché élevées et de concentration qu’il ne l’a fait jusqu’à présent.

Toutefois, le Bureau estime qu’une réforme plus définitive est nécessaire dans ce domaine et que les décideurs politiques devraient effectivement légiférer sur une présomption structurelle avec des seuils définis (élaborés dans la Loi ou dans un règlement ultérieur). Ces seuils pourraient être fondés sur les niveaux de concentration ou de part de marché après la fusion et sur les modifications de ces niveaux induites par la fusion, en s’inspirant des seuils définis dans les lignes directrices américaines sur les fusions horizontales ou dans la jurisprudence américaine. Cela apporterait certitude et prévisibilité tant pour le Bureau que pour les parties à la fusion.

Les commentateurs pourraient faire valoir que les seuils américains ne sont pas appropriés pour le Canada, car les marchés américains pourraient être en mesure de soutenir un plus grand nombre de concurrents. Cependant, cet argument n’est pas convaincant; il implique que le Canada devrait être plus tolérant envers les fusions anticoncurrentielles, car nos marchés sont déjà moins concurrentiels au départ. Il est difficile de comprendre pourquoi, par exemple, une fusion de trois à deux dans un marché bien défini serait moins préoccupante au Canada qu’aux États-Unis, toutes choses étant égales par ailleurs. Bien qu’il soit possible qu’il y ait moins d’industries dans lesquelles des fusions de trois à deux pourraient se produire aux États-Unis par rapport à la situation au Canada, les conséquences anticoncurrentielles de telles fusions, et l’approche analytique de leur évaluation, ne devraient pas être différentes.

Pour plus de certitude, le Bureau reconnaît qu’il y a des cas où la définition du marché est complexe et chaudement contestée et où une attention excessive à la part de marché ou à la concentration peut nuire à l’évaluation concurrentielle globale de la fusion. Par conséquent, toute présomption structurelle devrait être formulée de manière à ce qu’il soit clair qu’elle suffit à déplacer le fardeau lorsque le commissaire établit qu’elle est déclenchée, mais qu’elle n’est pas une condition nécessaire pour conclure qu’une fusion aurait vraisemblablement pour effet d’entraîner un EDSC.

Recommandation 1.4 (Présomptions structurelles) : Des présomptions structurelles devraient être adoptées pour simplifier les affaires de fusion en déplaçant le fardeau sur les parties à la fusion afin qu’elles prouvent pourquoi une fusion qui augmente de manière importante la concentration ne diminuerait pas ou n’empêcherait pas sensiblement la concurrence.

1.5. L’évaluation du préjudice causé à la concurrence devrait être axée sur le processus concurrentiel

En plus des présomptions structurelles, le critère primordial de la « vraisemblance de l’EDSC » devrait être recalibré pour mieux protéger le processus concurrentiel. Cette question a été partiellement abordée dans la section 2.3 du mémoire 2022 du Bureau, qui décrivait les difficultés d’application de ce critère aux acquisitions de menaces concurrentielles émergentes ou aux acquisitions dites « étouffantes » dans l’économie numérique. Le Bureau a mis l’accent sur ces types de cas, car ils constituaient un domaine d’intérêt pour la consultation du sénateur Wetston. Toutefois, les défis posés par le critère de l’EDSC ne sont pas propres aux fusions dans l’économie numérique ou aux fusions qui « empêchent » la concurrence future; ils s’étendent aux cas dans les secteurs traditionnels et aux fusions qui « diminuent » la concurrence existante également. Par conséquent, nous développons notre position ici (et dans les sections 2.3 et 3.1.3 de notre mémoire ci-dessous, qui traitent des mêmes questions dans le contexte des dispositions relatives à l’abus de position dominante et à la collaboration entre concurrents).

Plus précisément, en ce qui concerne les cas où l’on cherche à « empêcher » la concurrence future des nouvelles entreprises, à la suite de la décision du Tribunal dans l’affaire Le commissaire de la concurrence c. Autorité aéroportuaire de Vancouver (Autorité aéroportuaire de Vancouver), le commissaire doit « relever les débouchés concrets qui auraient vraisemblablement été, qui sont ou qui seraient vraisemblablement disponibles pour ces nouvelles entreprises » et établir, selon la prépondérance des probabilités, que,

de nouvelles entreprises seraient vraisemblablement entrées ou auraient vraisemblablement pris de l’expansion dans le marché pertinent, ou qu’elles l’auraient fait vraisemblablement, « dans un laps de temps raisonnable et à une échelle suffisante pour entraîner soit une réduction sensible des prix ou une augmentation sensible de la concurrence hors prix, à un ou à plusieurs niveaux, dans une portion sensible du marché ».

Une telle tâche est particulièrement difficile, voire impossible, lorsqu’elle comprend l’acquisition d’une entreprise qui en est encore au stade du développement des produits qui défieraient d’autres concurrents. Cela est vrai sur tous les marchés et pas seulement sur les marchés numériques.

En envisageant la nécessité d’un changement, le Bureau est conscient de la jurisprudence antérieure de la décision Le directeur des enquêtes et recherches c. Télé-Direct Inc. (Télé-Direct), qui a reconnu la nécessité d’une approche à échelle mobile pour le critère de l’EDSC. À savoir,

dans le cas d’une entreprise jouissant d’une forte puissance commerciale et dont on a reconnu qu’elle s’est livrée à des agissements anticoncurrentiels, les effets sur la concurrence de ces agissements n’ont pas à être aussi importants qu’ils doivent l’être sur un marché où la concurrence est déjà plus grande pour établir qu’il y a « diminution sensible » de la concurrence. En l’espèce, particulièrement compte tenu de la très grande puissance commerciale de Télé-Direct, même un effet de peu d’importance sur le volume d’affaires des consultants, dont il existe des preuves, doit être considéré comme sensible.

Lorsqu’une entreprise disposant d’une puissance commerciale importante élimine une menace concurrentielle naissante, même si elle ne présente qu’une faible probabilité de succès, cela peut nuire considérablement au processus concurrentiel. Même dans les situations où la probabilité qu’une entreprise émergente développe un produit concurrentiel est jugée modeste, son acquisition par une entreprise établie ayant une puissance commerciale pourrait éliminer tout potentiel d’incidence pro-concurrentielle. Comme il est souligné dans le mémoire 2022 du Bureau, de nombreuses administrations envisagent activement des moyens d’ajuster les critères de concurrence pour tenir compte de ces réalités afin que leurs organismes chargés de la concurrence puissent mieux protéger le processus concurrentiel.

En outre, même dans les cas où il peut être établi que l’arrivée de concurrents est « vraisemblable », le critère de l’EDSC décrit ci-dessus exige davantage. Il faut prouver que cette arrivée se produirait dans un délai et à une échelle qui se traduiraient par des prix ou des effets hors prix sensiblement meilleurs qu’en l’absence de la fusion. Cette question s’étend aux cas mettant en cause une « diminution » de la concurrence où, comme susmentionné, le critère de l’EDSC exige de prouver en quoi la fusion aura une incidence sur les indicateurs spécifiques d’intensité concurrentielle.

Ces défis sont examinés plus en détail dans la section « Comportements unilatéraux » ci-dessous, car le critère de l’EDSC est également applicable dans les cas d’abus de position dominante et soulève des questions similaires dans ce contexte (ainsi qu’en ce qui concerne les collaborations entre concurrents pouvant faire l’objet d’un examen au civil). Conformément à la section 2.3 du présent mémoire, une suggestion serait de préciser à l’article 92 qu’un EDSC peut être déduite d’une fusion qui semble raisonnablement capable d’avoir des effets anticoncurrentiels ou de contribuer de manière importante à la création, au maintien ou au renforcement de la capacité d’exercer une puissance commerciale.

Recommandation 1.5 (Critères de concurrence) : Les normes d’évaluation d’une diminution ou d’un empêchement sensible de la concurrence devraient être recalibrées pour qu’elles soient axées sur l’atteinte au processus concurrentiel.

1.6. Les mesures correctives devraient éliminer tous les effets anticoncurrentiels

La section 2.4 du mémoire 2022 du Bureau soutient que la norme de réparation pour les fusions, qui n’exige pas que la concurrence soit rétablie aux niveaux antérieurs à la fusion, est insuffisante et devrait être révisée. La recommandation du Bureau reste inchangée.

La Cour suprême a statué dans l’arrêt Canada c. Southam Inc, (1997) 1 RCS 748 que les mesures de redressement visant des transactions de fusion anticoncurrentielles doivent « rétablir la concurrence de façon qu’il ne soit plus possible de dire qu’elle est sensiblement inférieure à ce qu’elle était avant le fusionnement ». Pour les transactions qui donnent lieu à un EDSC, la norme est trop laxiste.

La norme de réparation du Canada pour les fusions anticoncurrentielles devrait être modifiée pour exiger que la concurrence soit rétablie aux niveaux qui auraient prévalu n’eût été de la fusion anticoncurrentielle, de sorte qu’aucune diminution ou aucun empêchement ne soit permis. Il y a trois raisons. Premièrement, la préservation de la concurrence est l’objectif principal du droit de la concurrence, et l’approbation et l’acceptation ultérieure d’une mesure corrective qui n’atteint pas cet objectif sont donc contre-intuitives. Deuxièmement, un tel changement serait conforme à d’autres dispositions civiles de la Loi, à savoir les paragraphes 77(2) et 79(2) de la Loi, qui mentionnent explicitement le rétablissement de la concurrence dans des circonstances où la concurrence est sensiblement diminuée ou empêchée. Troisièmement, lorsqu’il est question de préjudice anticoncurrentiel, d’autres administrations, notamment les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni, exigent une mesure corrective qui maintient le même niveau de concurrence après la fusion, et il n’y a aucune raison valable pour que le Canada adopte une approche plus permissive à l’égard des fusions anticoncurrentielles. Le Bureau reconnaît qu’en vertu de cette approche, les transactions non susceptibles de causer un EDSC ne feraient l’objet d’aucune mesure corrective, alors que les transactions susceptibles de causer un EDSC feraient l’objet d’une mesure corrective complète. Toutefois, ce n’est pas une mauvaise politique, car elle décourage les transactions de fusion qui sont susceptibles de causer le plus de dommages.

Recommandation 1.6 (Norme de réparation) : La norme de réparation établie dans la jurisprudence ne rétablit pas la concurrence aux niveaux prévalant avant la fusion, ce qui permet aux parties à la fusion d’accumuler une puissance commerciale et de porter atteinte à l’économie. La Loi devrait être modifiée pour prévoir que l’ordonnance corrective du tribunal doit rétablir la concurrence au niveau qui aurait prévalu n’eût été du fusionnement.

1.7. Le processus de réparation devrait être clarifié à la lumière de la jurisprudence récente

En plus de la norme de réparation, le processus correctif pour les fusions doit être abordé à la lumière de la jurisprudence récente. Cela englobe trois questions : 1) le commissaire devrait disposer de suffisamment de temps et de renseignements pour évaluer les mesures correctives proposées en matière de fusion avant la conclusion de la transaction, 2) la compétence du Tribunal devrait se limiter à l’analyse des effets concurrentiels de la transaction telle qu’elle existait au moment où elle a été contestée par le commissaire, les parties ayant le fardeau de prouver l’efficacité de toute mesure corrective ou modification subséquente de la transaction et 3) le Tribunal ne devrait pas se fonder sur les engagements comportementaux offerts par les parties pour conclure qu’une mesure corrective est efficace sans le consentement du commissaire. Collectivement, ces changements apporteraient une structure indispensable au processus de redressement et protégeraient contre le risque de comportement stratégique des parties quant aux fusions anticoncurrentielles pour contourner le processus d’examen des fusions ou éviter les ordonnances exécutoires.

1.7.1. Le commissaire devrait disposer de suffisamment de temps et de renseignements pour évaluer les mesures correctives proposées en matière de fusion avant la conclusion de la transaction

Premièrement, en ce qui concerne le calendrier, la Loi devrait accorder au commissaire un délai suffisant pour évaluer les mesures correctives proposées avant que les parties ne soient en position, au plan juridique, de conclure leur transaction. Sans une telle modification, il y a un risque que les parties officialisent leurs propres « mesures correctives » tard dans le processus d’examen des fusions et que le Bureau se retrouve à « contester le correctif », y compris la possibilité de devoir demander une injonction pour empêcher la conclusion de la transaction modifiée, sans avoir eu suffisamment de temps et de renseignements pour évaluer l’effet du changement. Cela sape la logique du système des préavis de fusion et ouvre la voie aux abus. Comme l’a indiqué un cabinet d’avocats canadien dans un récent bulletin résumant les points à retenir de la fusion Rogers-Shaw : « Cela donne aux parties à la fusion un autre moyen de conclure un accord; elles peuvent attendre de voir le dossier du Bureau et ensuite élaborer une mesure corrective acceptable pour l’affaiblir » [TRADUCTION].

Il est possible, bien sûr, que certaines mesures correctives proposées soient suffisamment importantes pour constituer un changement important à l’égard de la transaction nécessitant un nouveau dépôt de préavis de la fusion (ou mener à de multiples nouvelles transactions nécessitant de nouveaux dépôts) et que cela puisse donner lieu à des délais et des renseignements supplémentaires pour le commissaire. Cependant, cela peut ne pas être toujours le cas et, en tout état de cause, la Loi devrait apporter des éclaircissements dans ces circonstances. De même, dans l’affaire Commissaire de la concurrence c. Rogers Communications Inc., 2023 CAF 16, la décision de la Cour d’appel fédérale laisse ouverte la possibilité que les changements dans une transaction soient si tardifs et si importants qu’une audience devant le Tribunal de la concurrence ne soit plus équitable. Toutefois, cela ne couvre pas une situation où le Bureau n’a pas encore contesté une transaction, mais où la période d’attente réglementaire touche à sa fin. On ne sait pas non plus quand les modifications apportées à une transaction seront si tardives et si importantes qu’elles constitueront une injustice procédurale. Là encore, la Loi doit être plus claire, tant pour les parties que pour le commissaire.

1.7.2. Les parties devraient avoir le fardeau de prouver l’efficacité de toute mesure corrective ou modification de la transaction ultérieure à la contestation

Deuxièmement, en ce qui concerne la compétence et le fardeau, la Cour d’appel fédérale a conclu que le Tribunal n’est pas « limité pour toujours » à la transaction qui a fait l’objet d’une enquête et qui a été contestée dans le cadre de la demande présentée par le commissaire en vertu de l’article 92, et qu’il est en mesure de tenir compte des mesures correctives postérieures à la contestation ou des modifications apportées à la transaction par les parties avant l’audience, en l’absence de préoccupations en matière d’équité procédurale. Cela a pour effet de déplacer le fardeau vers le commissaire pour prouver que la « nouvelle » transaction (ou les nouvelles transactions) conduira à un EDSC. Il s’agit d’une situation intenable. Les décisions de contester une fusion ne sont pas prises à la légère et exigent généralement un important travail d’enquête et d’analyse économique. Bien qu’il devrait toujours être possible pour le commissaire et les parties de résoudre les problèmes de manière consensuelle après la contestation d’une fusion, les parties ne devraient pas être en mesure de modifier unilatéralement l’affaire à laquelle le commissaire sera confronté une fois la procédure entamée. Les dessaisissements et autres modifications d’une affaire peuvent changer radicalement l’évaluation de la concurrence, en faisant intervenir potentiellement de nouvelles parties, de nouveaux marchés touchés et de nouvelles théories du préjudice qui n’avaient peut-être pas été prises en compte lors de l’examen de la transaction initiale. Enquêter sur ces changements apportés par les parties et effectuer de nouvelles analyses dans le cadre d’un calendrier de litiges déjà serré, ou démontrer l’injustice procédurale de devoir le faire, n’est pas une approche saine ni une bonne utilisation des ressources publiques. Il est important de noter que le Bureau fait une distinction avec les changements qui peuvent survenir après la contestation et qui échappent au contrôle des parties, comme l’entrée ou la sortie de concurrents, les modifications apportées aux lois, etc. Dans la mesure du possible, ces changements doivent être pris en compte par les deux parties.

Par conséquent, le commissaire recommande de modifier la Loi afin de préciser que la compétence du Tribunal se limite à l’analyse des effets concurrentiels de la transaction contestée par le commissaire, les parties ayant le fardeau de prouver l’efficacité de toute mesure corrective ou modification de la transaction subséquente.

1.7.3. Les engagements comportementaux impossibles à faire respecter ne devraient pas être retenus pour conclure qu’une mesure corrective est efficace

Enfin, en ce qui concerne les engagements comportementaux, la Cour d’appel fédérale a conclu que le Tribunal pouvait tenir compte des ententes d’accès au réseau et des engagements en matière de prix à long terme entre Rogers et Vidéotron dans son analyse en vertu de l’article 92, malgré l’absence de consentement du commissaire pour contrôler et faire respecter ces engagements.

La dépendance à l’égard des engagements comportementaux est problématique dans l’analyse de la concurrence, car ces engagements obligent souvent les entreprises à agir contre leur propre intérêt. Fondamentalement, ils substituent le processus concurrentiel de l’industrie à l’autoréglementation de l’industrie et ne sont, au mieux, que temporaires par nature. L’importance concurrentielle des engagements comportementaux est également liée à l’efficacité des mécanismes d’application disponibles, à la capacité de détecter les cas de non-conformité et à la possibilité d’obtenir un règlement rapide et rentable des litiges, entre autres choses. Les défis relatifs à l’effet probable des engagements comportementaux dans une évaluation de la concurrence sont particulièrement prononcés lorsqu’un concurrent est tenu de fournir un intrant clé à son concurrent en aval, étant donné son incitation à minimiser et à éviter les engagements qui réduiront ses revenus et ses bénéfices.

Par conséquent, le commissaire recommande de modifier la Loi afin de préciser que le Tribunal ne peut pas se fonder sur les engagements comportementaux offerts par les parties pour conclure qu’une mesure corrective est efficace, sans le consentement du commissaire.

Recommandation 1.7 (Processus de mesures correctives) : Le processus de mesures correctives pour les fusions doit être clarifié. Plus précisément : 1) le commissaire devrait disposer de suffisamment de temps et de renseignements pour évaluer les mesures correctives proposées en matière de fusion avant la conclusion de la transaction, 2) la compétence du Tribunal devrait se limiter à l’analyse des effets concurrentiels de la transaction telle qu’elle existait au moment où elle a été contestée par le commissaire, les parties ayant le fardeau de prouver l’efficacité de toute mesure corrective ou modification subséquente de la transaction et 3) le Tribunal ne devrait pas se fonder sur les engagements comportementaux offerts par les parties pour conclure qu’une mesure corrective est efficace sans le consentement du commissaire.

1.8. La défense fondée sur les gains en efficience devrait être abrogée et devenir un facteur

La section 2.1 du mémoire 2022 du Bureau explique de façon très détaillée pourquoi la défense fondée sur les gains en efficience prévue à l’article 96 devrait être abrogée et pourquoi les gains en efficience devraient plutôt être intégrés à la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte pour déterminer si une fusion diminue ou empêche sensiblement la concurrence. Il s’agit de l’un des domaines les plus importants où une réforme est nécessaire, et la recommandation du Bureau reste inchangée.

Comme indiqué dans le mémoire 2022 du Bureau, l’exception relative aux gains en efficience n’est plus justifiable. Elle permet des fusions anticoncurrentielles qui sont préjudiciables aux Canadiens et Canadiennes. Elle est incompatible avec les pratiques exemplaires internationales. Il est difficile, voire impossible, de la mettre en œuvre correctement. Et elle souffre d’une intention politique initiale mal avisée. L’abrogation de la défense et faire des gains en efficience un facteur permettrait de résoudre tous ces problèmes.

Certains commentateurs proposent d’autres demi-mesures, comme le maintien de la défense, mais en stipulant que le commissaire n’est pas tenu de fournir des preuves quantitatives des effets anticoncurrentiels ni de supporter un quelconque fardeau au titre de la défense. Ces solutions ne changeraient pas la manière dont les affaires sont plaidées dans la pratique et ne résoudraient pas l’enjeu fondamental de la défense, à savoir qu’elle tente d’établir une distinction entre les « bonnes » et les « mauvaises » fusions anticoncurrentielles. Un droit de la concurrence qui n’accepte pas comme prémisse que la concurrence mène à des retombées économiques bénéfiques est voué à l’impasse.

En ce qui concerne l’opérationnalisation de la recommandation du Bureau, ce dernier est favorable à un nouveau facteur de l’article 93 qui refléterait le libellé général des autres facteurs discrétionnaires. Le texte ne devrait pas faire ouvertement référence à la quantification, aux compromis en matière de bien-être ou à la conciliation, qui ont entraîné d’importants enjeux d’administrativité dans le cadre de la défense actuelle. Toutefois, il pourrait être utile de souligner que les gains en efficience doivent être « pro-concurrentiels » afin de clarifier et de limiter les types de gains qui sont pertinents dans le cadre de cette nouvelle approche. À titre d’exemple, on pourrait utiliser la formulation « la nature et l’étendue des gains en efficience (pro-concurrentiels) qui découleraient vraisemblablement de la fusion ». Il est important de noter que pour être un facteur efficace dans l’analyse, les gains en efficience devraient être objectivement vérifiables.

Recommandation 1.8 (Exception relative aux gains en efficience) : La défense fondée sur les gains en efficience devrait être abrogée, et les gains en efficience devraient plutôt être intégrés à la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte pour déterminer si une fusion diminue ou empêche sensiblement la concurrence.

2. Comportements unilatéraux

Extrait du document de travail : le gouvernement envisage les réformes potentielles suivantes et sollicite des commentaires à leur sujet :

  • Mieux définir les notions de domination ou de domination conjointe pour traiter des situations de comportements dominants de facto, comme les agissements d’entreprises qui ne sont pas individuellement en position de domination, mais qui exercent ensemble une influence anticoncurrentielle sensible sur le marché.
  • Établir un critère plus simple pour déterminer s’il convient d’utiliser une ordonnance corrective; on se pencherait, par exemple, sur la pertinence de l’intention ou des effets concurrentiels.
  • Adopter des règles ou des présomptions très claires à l’égard des entreprises ou des plateformes dominantes, en ce qui concerne les comportements ou les acquisitions. Ces règles ou présomptions pourraient s’inscrire dans une approche potentiellement plus efficace ou nécessaire, en particulier si cette dernière est harmonisée avec les approches d’autres pays semblables au Canada et qu’elle est adaptée pour éviter le recours à des mesures correctives excessives.
  • Condenser les diverses dispositions relatives aux comportements unilatéraux en une seule disposition traitant de l’abus de position dominante ou de pouvoir sur le marché, et cette disposition serait fondée sur des principes. Par ailleurs, les dispositions relatives aux comportements unilatéraux en dehors de l’abus de position dominante pourraient être repositionnées pour des objectifs différents de la Loi sur la concurrence, comme l’équité sur le marché.

Les Canadiens et Canadiennes méritent des marchés ouverts et concurrentiels, où les entreprises peuvent réussir ou échouer selon leurs propres mérites. Malheureusement, à l’heure actuelle, l’application des dispositions relatives à l’abus de position dominante prévues par la Loi soulève d’importants problèmes de fond, ce qui donne aux entreprises puissantes la possibilité indue de façonner l’évolution de la concurrence.

En termes généraux, le Bureau estime que la barre pour établir un abus de position dominante est trop élevée pour protéger correctement la concurrence et qu’elle n’est pas conforme à celle de nos homologues internationaux. Actuellement, l’abus de position dominante est un critère en trois parties qui exige d’établir la position dominante, l’intention anticoncurrentielle et des effets anticoncurrentiels sensibles. Cette approche pose trois problèmes principaux :

  • l’exigence de démontrer à la fois l’objectif et les effets anticoncurrentiels est une exigence élevée et inhabituelle au niveau international;
  • dans le cadre de l’analyse de l’objectif anticoncurrentiel, la jurisprudence récente a montré un niveau de déférence excessif à l’égard des justifications offertes par les entreprises dominantes;
  • l’analyse des effets sur la concurrence en est venue à trop se concentrer sur la façon dont le comportement touche des indicateurs particuliers de l’intensité de la concurrence, plutôt que de se concentrer sur le préjudice au processus concurrentiel, ce que le Bureau considère comme l’enjeu le plus important.

Ces défis sont étroitement liés, car ils concernent tous le critère de fond de l’article 79, mais ils sont distincts. Toute réforme de la Loi doit tenir compte de l’interaction de ces enjeux, afin de garantir que les dispositions relatives à l’abus de position dominante soient correctement calibrées.

2.1. Le critère pour abus de position dominante devrait être simplifié

Le fait d’exiger que le commissaire prouve qu’un comportement a à la fois une intention et des effets anticoncurrentiels entrave considérablement la capacité du commissaire à intervenir contre un comportement anticoncurrentiel et n’est pas en phase avec la plupart des homologues internationaux, notamment les États-Unis, l’Union européenne et l’Australie. Considérez, notamment, les exemples ci-dessous.

  • Même lorsque le comportement d’une entreprise dominante est clairement anticoncurrentiel et n’a pas de justification légitime, comme la destruction délibérée de l’usine d’un concurrent, le préjudice ne peut être présumé et le commissaire doit prouver que le comportement a entraîné ou entraînera vraisemblablement des effets anticoncurrentiels importants. Selon le cas, cela pourrait nécessiter des preuves et des modélisations économiques complexes, ainsi qu’une bataille d’experts économiques pour déterminer si le comportement était finalement abusif.
  • D’autre part, pour un comportement qui a clairement causé un préjudice important à la concurrence (tels que des prix plus élevés, une diminution de la qualité des produits et une baisse de l’innovation), le commissaire doit prouver que le comportement était délibérément anticoncurrentiel. Par conséquent, les entreprises qui omettent délibérément de documenter leur intention anticoncurrentielle, ou qui prennent soin d’étayer et de souligner une justification prétextuelle, peuvent échapper à l’examen. Les entreprises, en particulier les grandes entreprises dominantes, sont de plus en plus évoluées en ce qui a trait à la conformité aux lois antitrust et sont formées quant aux mots et aux concepts à éviter dans leurs communications internes. La nécessité de prouver l’intention est également une exception aux pratiques exemplaires internationales, comme aux États-Unis, dans l’Union européenne et en Australie, où l’intention peut être considérée comme un facteur permettant de déterminer si le comportement entre en conflit avec la Loi.

À la lumière de ce qui précède, les affaires d’abus de position dominante sont imprévisibles, longues et inutilement difficiles et gourmandes en ressources à prouver. Une modification de l’article 79 et, en particulier, une modification qui rationalise la disposition et répartit plus efficacement le fardeau de la preuve permettrait de mieux protéger la concurrence en garantissant que la Loi puisse atteindre les comportements nuisibles des acteurs dominants. Un tel changement permettrait également d’harmoniser le traitement par le Canada de cet important pilier du droit de la concurrence avec ses homologues internationaux. Pour ce faire, deux options potentielles pourraient être envisagées.

Premièrement, les dispositions relatives à l’abus de position dominante pourraient être satisfaites par un critère en deux parties où le commissaire pourrait obtenir une ordonnance en établissant : (i) qu’une entreprise est dominante (ou qu’un groupe d’entreprises est conjointement dominant) et (ii) que la ou les entreprises se sont livrées à une pratique ayant soit une intention soit un effet anticoncurrentiel. Cela permettrait de s’harmoniser avec l’Australie, où il est illégal pour les entreprises disposant d’une puissance commerciale importante de faire quoi que ce soit qui ait pour but, effet ou effet probable de diminuer ou d’empêcher sensiblement la concurrence.

Une deuxième option consisterait à conserver le critère actuel en trois parties, mais à introduire un élément de déplacement du fardeau. Par exemple, si le commissaire prouve qu’une entreprise dominante s’est livrée à une pratique avec une intention anticoncurrentielle, le fardeau pourrait alors être transféré à l’entreprise dominante afin qu’elle prouve que le comportement n’était pas susceptible de nuire sensiblement à la concurrence. Cette approche s’inspire des États-Unis, où le déplacement du fardeau est un élément courant des affaires de monopolisation. De même, lorsqu’un EDSC est démontré, il pourrait être approprié de présumer que le comportement a un objectif anticoncurrentiel (ou, autrement, si un EDSC est établi, il ne serait pas nécessaire de démontrer également un objectif anticoncurrentiel pour que les dispositions sur l’abus de position dominante soient engagées).

D’autres modèles pourraient également être explorés. Quel que soit le modèle adopté, le Bureau ne cherche pas à décourager une concurrence intensive sur le fond. Par exemple, le Bureau appuierait une modification accessoire à l’article 79(4) pour préciser que le simple fait d’être un concurrent plus efficace ne constitue pas un abus de position dominante.

Recommandation 2.1 (Rationalisation du critère à trois volets) : Le critère permettant d’établir un abus de position dominante devrait être simplifié, notamment par une répartition plus appropriée du fardeau de la preuve.

2.2. Le degré de recevabilité des justifications commerciales devrait être recalibré

Comme indiqué précédemment, l’article 79 exige actuellement que le commissaire établisse l’intention anticoncurrentielle. Dans le cadre de cette analyse, il est possible pour une entreprise de faire valoir que cela était plutôt motivé par un objectif pro-concurrentiel ou d’amélioration de l’efficience – une justification commerciale légitime – qui peut contrebalancer la preuve d’une intention anticoncurrentielle. Le cas échéant, il ne peut y avoir de recours pour ce qui serait autrement un abus de position dominante.

S’il ne fait aucun doute qu’il faut veiller à ce que les dispositions relatives à l’abus de position dominante n’empêchent pas les comportements pro-concurrentiels, la jurisprudence récente a reçu trop aisément les justifications avancées par l’entreprise dominante, qui peuvent ne pas être confirmées dans la réalité. Ce problème pourrait être résolu en exigeant qu’une entreprise dominante prouve que sa justification est objectivement valable pour être prise en compte au titre des dispositions relatives à l’abus de position dominante.

Dans l’affaire Autorité aéroportuaire de Vancouver (AAV), le Tribunal a constaté que l’AAV avait une intention d’exclusion à l’égard de certains concurrents, mais a néanmoins conclu que l’AAV n’avait pas agi avec une intention anticoncurrentielle sur la base des justifications qu’elle a avancées. Pour parvenir à cette décision, le Tribunal s’est appuyé fortement sur la preuve de la prise de décision offerte par les cadres de l’AAV, malgré les arguments avancés par le commissaire selon lesquels l’AAV a effectué une analyse superficielle et n’a pas tenu compte des renseignements facilement accessibles qui démontraient que les préoccupations étaient non fondées. Ce faisant, le Tribunal a noté ce qui suit :

La décision de l’AAV de ne pas consulter les compagnies aériennes ou des sources tierces peut sembler cavalière ou complaisante aux observateurs extérieurs. Toutefois, le Tribunal est convaincu que cela ne peut être assimilé à un objectif anticoncurrentiel ou à un aveuglement volontaire. Pour déterminer si les explications des gens d’affaires constituent des justifications commerciales légitimes, comme l’envisage l’alinéa 79(1)b), le Tribunal estime qu’il ne doit pas s’immiscer dans le processus décisionnel des entreprises, ni le remettre en question, ni leur imposer un fardeau arbitraire qu’elles ne s’imposeraient pas autrement, lorsqu’elles agissent de bonne foi (...)

Toutefois, la question n’est pas de savoir si la haute direction de l’AAV a été aussi correcte et aussi minutieuse que le commissaire l’aurait souhaité ou que certains observateurs auraient pu s’y attendre. Il s’agit plutôt de savoir si les personnes en question ont pris une décision véritable et de bonne foi sur la base de renseignements suffisamment solides pour résister à l’allégation d’avoir été si superficielles qu’elles manquaient de crédibilité ou étaient autrement inadéquates.

Si elle était appliquée dans d’autres affaires, l’approche du Tribunal dans l’affaire Autorité aéroportuaire de Vancouver signifierait qu’un comportement pourrait nuire sensiblement à la concurrence, mais être autorisé à se poursuivre parce que l’entreprise convainc le Tribunal qu’elle croit sincèrement à une justification qui ne résiste pas à un examen objectif. Ce risque est particulièrement élevé lorsqu’il s’agit d’entreprises évoluées qui peuvent prendre soin de ne pas documenter les motifs anticoncurrentiels et de mettre l’accent sur des justifications prétextuelles dans la documentation de leurs prises de décisions.

Une entreprise dominante ne devrait pas être protégée d’une ordonnance visant à rétablir la concurrence sur la base d’une ou de plusieurs justifications non fondées. Par conséquent, dans la mesure où l’intention continue de faire partie de l’analyse de l’abus de position dominante, le Bureau recommande que pour qu’une justification commerciale soit recevable, l’entreprise doit prouver qu’elle était objectivement valable, en plus des autres exigences établies dans la jurisprudence.

D’autres améliorations ou solutions de rechange peuvent également être envisagées. Par exemple, en Australie, où l’objectif peut également être pris en compte pour établir un abus de puissance commerciale, il n’est pas nécessaire qu’il soit la seule finalité d’un acte, pour autant qu’il s’agisse d’un objectif réel. En effet, cette approche s’oppose à la jurisprudence canadienne selon laquelle le « caractère global » de l’acte est jugé primordial.

Recommandation 2.2 (Justifications commerciales) : Pour qu’une justification commerciale soit recevable au titre des dispositions relatives à l’abus de position dominante, l’entreprise dominante doit également prouver qu’elle était objectivement valable.

2.3. L’évaluation du préjudice causé à la concurrence devrait être axée sur le processus concurrentiel

La section 3.2 du mémoire 2022 du Bureau note que les normes établies pour évaluer un comportement anticoncurrentiel visant des entreprises émergentes sont beaucoup trop élevées pour protéger correctement la concurrence. La position du Bureau reste inchangée, mais il convient d’insister davantage sur ces normes, qui s’appliquent aussi aux fusions et aux collaborations entre concurrents.

À un niveau fondamental, le droit de la concurrence existe pour protéger le processus concurrentiel. Malheureusement, la jurisprudence récente a perdu de vue cet objectif et se préoccupe plutôt d’évaluer les effets du processus concurrentiel, sous la forme de la manière dont le comportement touche des indicateurs spécifiques de l’intensité concurrentielle. Ce problème est particulièrement grave dans le contexte des dispositions relatives à l’abus de position dominante et, de l’avis du Bureau, il s’agit du problème le plus grave de ces dispositions à l’heure actuelle.

Tel que décrit dans le mémoire 2022 du Bureau, dans l’affaire Autorité aéroportuaire de Vancouver, le Tribunal a établi le fardeau que le commissaire devrait assumer dans les affaires impliquant un « empêchement » de la concurrence :

« Habituellement, dans le cadre d’une analyse des entrées sur le marché vraisemblables dans le passé, dans le présent ou dans l’avenir, le commissaire est censé fournir une preuve concernant la proportion du marché qui était, qui est ou qui sera vraisemblablement mise à la disposition des nouvelles entreprises. Dans le cadre de cet exercice, il incombe au commissaire de relever les débouchés concrets qui auraient vraisemblablement été, qui sont ou qui seraient vraisemblablement disponibles pour ces nouvelles entreprises. Autrement dit, le commissaire a le fardeau d’établir que de nouvelles entreprises seraient vraisemblablement entrées ou auraient vraisemblablement pris de l’expansion dans le marché pertinent, ou qu’elle [sic] l’auraient fait vraisemblablement, “dans un laps de temps raisonnable et à une échelle suffisante pour entraîner soit une réduction sensible des prix ou une augmentation sensible de la concurrence hors prix, à un ou à plusieurs niveaux, dans une portion sensible du marché. »

Pour obtenir réparation, le commissaire doit disposer de preuves suffisantes pour prouver ces éléments selon la prépondérance des probabilités. Une telle tâche peut être particulièrement difficile, voire impossible, lorsqu’elle concerne l’acquisition d’une entreprise qui développe encore les produits qui feraient concurrence à ceux d’autres concurrents. Même lorsque c’est incertain, ou lorsqu’il n’y a qu’une faible probabilité qu’une entreprise émergente développe un produit concurrentiel, toute acquisition de cette entreprise étouffe complètement cette possibilité. Prédire l’avenir est difficile dans le meilleur des cas, mais cela peut s’avérer particulièrement problématique dans les industries caractérisées par un progrès technologique rapide.

Cette jurisprudence canadienne contraste fortement avec la jurisprudence des États-Unis. Dans l’affaire États-Unis c. Microsoft Corp., la Cour d’appel du D.C. Circuit a reconnu que :

« la question en l’espèce n’est pas de savoir si Java ou Navigator aurait réellement évolué en substituts de plateforme viables, mais (1) si, d’une manière générale, l’exclusion des menaces naissantes est le type de comportement raisonnablement capable de contribuer de manière importante au pouvoir monopolistique continu d’un défendeur et (2) si Java et Navigator ont raisonnablement constitué des menaces naissantes au moment où Microsoft s’est livrée au comportement anticoncurrentiel en cause. » [TRADUCTION]

Dans cette décision, le tribunal a en outre reconnu qu’il « serait néfaste (au droit de la concurrence des États-Unis) de permettre aux monopoles de régner librement pour écraser à leur gré les concurrents émergents, quoique non prouvés ». Les tribunaux canadiens n’ont aucun pouvoir aussi prépondérant ou disposition dans la Loi leur permettant de protéger le processus concurrentiel. La Loi exige plutôt que le commissaire détermine, dans le contexte particulier de chaque affaire, les « débouchés concrets » par lesquels l’entreprise émergente créerait une plus grande concurrence.

Le mémoire 2022 du Bureau s’est concentré sur la façon dont cette approche limite sa capacité à agir sur l’acquisition, ou l’exclusion, de menaces concurrentielles émergentes. Cependant, et comme indiqué ci-dessus dans la section sur les fusions, la réalité est que les défis associés aux nouveaux concurrents sont une manifestation particulièrement aiguë d’un problème plus large, à savoir : l’accent mis par la jurisprudence sur l’établissement du succès ou de l’échec des concurrents pour déterminer les avantages particuliers qu’ils apporteraient, en montrant que « de nouvelles entreprises seraient vraisemblablement entrées ou auraient vraisemblablement pris de l’expansion dans le marché pertinent, ou qu’elle l’auraient fait vraisemblablement, “dans un laps de temps raisonnable et à une échelle suffisante pour entraîner soit une réduction sensible des prix ou une augmentation sensible de la concurrence hors prix, à un ou à plusieurs niveaux, dans une portion sensible du marché” », plutôt que de chercher à protéger le processus concurrentiel lui-même et de croire qu’il apportera des avantages.

L’évaluation de ces impacts sur les indicateurs de l’intensité concurrentielle implique souvent d’établir un contre-factuel de ce que serait la concurrence « sans » le comportement, ce qui est difficile à faire avec précision dans un grand nombre de scénarios. En particulier, dans les affaires impliquant un « empêchement » de la concurrence, c’est-à-dire lorsqu’un comportement empêche l’émergence d’une nouvelle concurrence, il est souvent difficile de fournir des preuves concrètes sur la manière dont cette nouvelle concurrence se déroulerait. Comparer la concurrence avant et après le début de la pratique n’est pas très instructif, car la concurrence empêchée n’existait pas avant la pratique. Le Bureau peut plutôt tenter d’obtenir des preuves de la part des nouvelles entreprises ou des clients potentiels sur les avantages de l’entrée ou se tourner vers des « expériences dans des conditions naturelles » dans des marchés semblables où le comportement n’a pas eu lieu. Cependant, les preuves apportées par les nouvelles entreprises ou les clients peuvent s’avérer insuffisantes, en effet, les citations ci-dessus de l’affaire Autorité aéroportuaire de Vancouver s’inscrivent dans le contexte du rejet des preuves apportées par les nouvelles entreprises et les clients comme non convaincantes. Pour leur part, les expériences dans des conditions naturelles peuvent ne pas exister du tout, ou il peut être impossible de contrôler les différences entre les marchés pour effectuer une comparaison valable. Plus fondamentalement, les abus de position dominante peuvent exclure des concurrents qui n’ont même pas encore envisagé d’entrer sur un marché, ou rendre les conditions d’entrée si peu attrayantes qu’aucun concurrent n’envisagerait d’entrer sur un marché. En tant que tel, il est inapproprié de se concentrer sur le succès, et l’importance concurrentielle, de certaines nouvelles entreprises connues.

Même lorsqu’il est allégué que la concurrence est « diminuée », c’est-à-dire que la concurrence qui existait auparavant est réduite, l’établissement d’un contre-factuel pose des problèmes particulièrement importants dans le cadre des dispositions relatives à l’abus de position dominante. Bien que des comparaisons « avant-après » soient théoriquement possibles, les effets d’un comportement peuvent mettre du temps à se manifester et la dynamique du marché peut évoluer, de sorte qu’il est difficile de prétendre que le monde tel qu’il existait avant le comportement est toujours un bon indicateur de ce à quoi il ressemblerait aujourd’hui.

Une analyse plus appropriée devrait se concentrer sur les principes du droit de la concurrence et de la protection du processus concurrentiel. Dans cette optique, les questions nécessaires à se poser devraient être les suivantes : le comportement crée-t-il des entraves à l’accès ou à l’expansion? Réduit-il les incitations à la concurrence? Et préserve-t-il la position d’une entreprise dominante? Lorsqu’il existe des preuves d’effets négatifs sur les prix ou les dimensions hors prix de la concurrence, ces preuves pourraient être prises en compte et être déterminantes lorsqu’elles existent, mais il ne devrait pas être nécessaire d’établir un EDSC. Cela serait conforme aux récentes modifications apportées à la Loi en juin 2022, qui précisent que « tout effet de la pratique sur la concurrence hors prix ou par les prix, notamment la qualité, le choix ou la vie privée des consommateurs » est un facteur discrétionnaire dont le tribunal « peut » tenir compte dans le cadre du critère de l’EDSC pour l’abus de position dominante, les fusions et les collaborations entre concurrents.

Le Bureau est donc d’accord avec la suggestion du document de travail selon laquelle la démonstration d’un EDSC peut être accomplie en démontrant que le comportement « peut avoir des effets anticoncurrentiels ». Cette approche serait mieux centrée sur le processus concurrentiel lui-même et serait conforme à la jurisprudence américaine citée plus haut dans l’affaire Microsoft. Plus précisément, inspirée de l’affaire Microsoft, une option serait une disposition interprétative qui prévoit qu’un EDSC peut être déduit d’un comportement qui semble raisonnablement capable d’apporter une contribution importante à la création, au maintien ou à l’amélioration de la capacité d’exercer une puissance commerciale. Toutefois, d’autres solutions peuvent également être envisagées. Des approches analogues pourraient être adoptées pour les fusions et les collaborations entre concurrents.

Recommandation 2.3 (Critères de concurrence) : Les normes d’évaluation d’un empêchement ou d’une diminution sensible de la concurrence devraient être recalibrées pour qu’elles soient axées sur l’atteinte au processus concurrentiel.

2.4. Certaines caractéristiques du critère de position dominante sont essentielles à l’efficacité des dispositions de la Loi sur l’abus de position dominante et devraient rester inchangées

Une question s’est posée quant à savoir s’il fallait définir plus clairement les notions de « dominance » et de « dominance conjointe » afin de tenir compte des situations de domination de fait. Bien que le Bureau n’ait pas de recommandations précises pour le moment, il estime que certaines caractéristiques du critère de position dominante actuel devraient être considérées comme essentielles et devraient rester intactes en dépit de toute modification potentielle à venir.

Premièrement, les alinéas 79(1)a) à (c) de la Loi peuvent actuellement être appliqués à des questions concernant des entreprises multiples, ou à des situations dites de « dominance conjointe ». Historiquement, de tels cas ont été rares et la signification de l’expression doit encore être clarifiée par les tribunaux. Toutefois, comme le note le document de travail, les modifications introduites en juin 2022 précisent que les comportements qui atténuent la concurrence entre les concurrents sont désormais clairement visés par les dispositions relatives à l’abus de position dominante. En conséquence, les cas de dominance conjointe pourraient être plus fréquents.

Deuxièmement, la jurisprudence a établi qu’une entreprise peut être dominante sur un marché aux fins de l’alinéa 79(1)a) en raison de : (i) sa capacité d’exclure ou de restreindre la production d’un autre participant réel ou potentiel au marché et (ii) son impact conséquent et profitable sur le prix. Une extension logique et importante de cette constatation concerne les « contrôleurs des accès », y compris les grandes entreprises numériques, qui peuvent contrôler la concurrence, par divers moyens, sur un éventail de marchés.

Troisièmement, le Bureau considère que l’alinéa 79(1)a) peut être satisfait lorsqu’une entreprise atteint une position dominante par une pratique d’actes anticoncurrentiels, à condition que l’entreprise soit dominante à un moment donné lorsque la pratique est en cours. Cela garantit que les Canadiens et Canadiennes sont protégés contre les pratiques abusives qui contribuent à une position dominante.

Recommandation 2.4 (Critère de position dominante) : Certaines caractéristiques du critère de position dominante sont essentielles à l’efficacité des dispositions de la Loi sur l’abus de position dominante et devraient rester inchangées. Il s’agit notamment de la possibilité d’une position dominante conjointe, de la jurisprudence établissant que les entreprises ayant un pouvoir de contrôle des accès peuvent être dominantes et du principe selon lequel la position dominante peut être atteinte par la pratique contestée d’actes anticoncurrentiels et ne doit pas nécessairement être un statut préexistant.

2.5. La procédure d’obtention d’une mesure provisoire doit être rationalisée

L’article 103.3 de la Loi prévoit une voie par laquelle le commissaire peut demander une ordonnance provisoire ex parte pour empêcher la poursuite de certains comportements interdits pendant qu’une enquête est en cours. Comme pour les mesures provisoires dans le contexte des fusions, cette disposition n’est pas très pratique et pourrait être améliorée.

Premièrement, la période de validité d’une ordonnance provisoire est trop courte. Selon la Loi, l’ordonnance ex parte initiale est en vigueur pendant 10 jours, et bien qu’elle puisse être prolongée à deux reprises, la durée de chaque prolongation est limitée à 35 jours (pour un total de 80 jours). Pour prolonger davantage le délai, le commissaire doit, entre autres, établir que certains renseignements demandés aux fins de l’enquête n’ont pas encore été fournis, ou qu’un délai supplémentaire est nécessaire pour examiner les renseignements qui ont été reçus. En outre, les renseignements doivent avoir été demandés sous une forme spécifique dans un délai précis.

La nature complexe des affaires d’abus de position dominante signifie que les enquêtes connexes sont longues et durent généralement plus de 18 mois. Les mécanismes de collecte de renseignements disponibles sont également laborieux et prennent du temps, dépassant souvent le délai maximum de 80 jours prévu par la Loi. Notamment, les ordonnances de communication rendues par la Cour fédérale prévoient souvent une périodicité de 90 jours. Les délais prescrits pour les ordonnances provisoires sont donc trop courts et ne laissent pas suffisamment de temps pour mener une enquête sur l’abus de position dominante. C’est sans compter que la structure de l’article 103.3 exige que le commissaire fasse des demandes répétées au Tribunal pour obtenir l’ordonnance initiale et les prolongations. Comme chacun des dépôts est détaillé, lourd et long, les ressources sont nécessairement réorientées de l’enquête, pour laquelle le temps est compté, vers le dépôt des documents. D’après l’expérience du Bureau, ce genre de questions de procédure constitue souvent une distraction importante de l’enquête pour l’équipe chargée de l’affaire et les services juridiques.

Le processus prévu par l’article 103.3 pour obtenir une mesure provisoire devrait être simplifié et les délais disponibles devraient être recalibrés pour tenir compte des réalités des enquêtes complexes du commissaire. Une solution potentielle consisterait à modifier la disposition afin d’accorder au Tribunal le pouvoir discrétionnaire de déterminer la durée appropriée de l’ordonnance, soit en faisant du processus un processus qui peut être contesté par les parties dès le départ, soit en adoptant une approche à deux volets qui conserve un processus initial ex parte, suivi d’un processus contesté avec une plus grande discrétion.

Bien que l’article 103.3 devrait être modifié indépendamment de toute autre modification, il convient de garder à l’esprit que les mesures provisoires servent de complément aux dispositions de fond. L’objectif du Bureau n’est pas d’interdire un comportement pour ensuite déterminer qu’il n’a pas violé la Loi. Des critères bien calibrés en vertu des dispositions de fond sont nécessaires pour que les enquêtes puissent déterminer plus rapidement si la Loi est engagée afin que le commissaire puisse demander une ordonnance corrective sur le bien-fondé rapidement.

Recommandation 2.5 (Mesures provisoires) : La procédure de demande de mesures provisoires devrait être simplifiée et la durée des ordonnances provisoires devrait être allongée.

2.6. Si l’on envisage de modifier les autres dispositions de la Loi relatives aux comportements unilatéraux, il conviendrait de tenir compte des subtilités de ces dispositions

Le Bureau convient qu’il serait utile de trouver des moyens de consolider les dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives, comme le suggère le document de travail. Certaines des dispositions de la Loi, comme les articles 80 et 81 concernant le « prix à la livraison », n’ont jamais été appliquées. D’autres dispositions, comme les articles 75 à 77, n’ont pas été appliquées avec succès ces dernières années, que ce soit à la demande du Bureau ou de parties privées.

Comme indiqué dans le document de travail, ces dispositions auxiliaires relatives aux pratiques commerciales restrictives peuvent chevaucher la disposition relative à l’abus de position dominante dans de nombreux cas, voire dans la plupart des cas. Cela dit, les critères juridiques appliqués à ces dispositions peuvent encore être plus appropriés dans des circonstances où l’article 79 dans sa forme actuelle ne s’applique pas. Une disposition sur l’abus de position dominante bien calibrée pourrait rendre les autres dispositions redondantes et offrir l’occasion de mieux aligner l’approche du Canada sur la pratique exemplaire internationale, qui tend à favoriser les dispositions générales en matière de comportements unilatéraux.

À la lumière de ce qui précède, toute suppression ou tout repositionnement des autres dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives devrait d’abord garantir que les dispositions relatives à l’abus de position dominante s’appliquent dans toutes les affaires qui auraient précédemment fait intervenir les autres dispositions. Si tel n’était pas le cas, une lacune en matière d’application serait introduite, de sorte que certaines activités anticoncurrentielles qui étaient auparavant dûment interdites échapperaient à l’examen qu’elles méritent.

Recommandation 2.6 (Autres dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives) : Toute suppression ou tout repositionnement de l’une des dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives doit éviter de réduire le champ d’application de la Loi en veillant à ce que les dispositions relatives à l’abus de position dominante soient correctement calibrées pour s’appliquer à tous les cas qui auraient été précédemment couverts par les dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives.

2.7. Les restrictions quant au dépôt par le commissaire de demandes simultanées devraient être supprimées

La Loi permet au commissaire de déposer simultanément des demandes pour des questions concernant le refus de vendre (article 75), l’exclusivité, les ventes liées et la limitation du marché (article 77) et l’abus de position dominante (article 79). Elle exclut, toutefois, la présentation de demandes sur la base de faits identiques ou sensiblement identiques pour l’un des comportements suivants : (i) le maintien des prix (article 76), (ii) l’abus de position dominante (article 79), (iii) les accords ou arrangements qui empêchent ou diminuent sensiblement la concurrence (article 90.1) et (iv) les fusions ou les fusions proposées (article 92). Cette exclusion est inutilement restrictive.

Considérons, par exemple, le scénario suivant. Le Bureau prend connaissance d’une acquisition récente par une entreprise dominante qui, selon lui, est anticoncurrentielle et fait également partie d’une pratique plus large d’actes anticoncurrentiels qui diminuent ou empêchent sensiblement la concurrence. Dans un tel cas, la possibilité de présenter des demandes simultanées (ou une seule demande combinée) en vertu des articles 92 et 79 de la Loi permettrait au commissaire de contester la transaction récemment réalisée et la pratique plus générale. Autrement dit, le commissaire pourrait demander une ordonnance pour dissoudre la fusion en vertu de l’article 92 et interdire à l’entreprise dominante de faire des acquisitions futures ou d’adopter d’autres comportements anticoncurrentiels en vertu de l’article 79. Toutefois, de telles demandes simultanées ne sont actuellement pas possibles si les demandes sont fondées sur « des faits identiques ou sensiblement identiques ». Bien qu’il soit possible d’établir que les faits sont suffisamment différents pour justifier les demandes simultanées, cela peut ne pas toujours être le cas. Dans une telle situation, le commissaire serait confronté à la nécessité de déterminer quelle disposition est la plus susceptible de remédier à l’atteinte à la concurrence et d’aboutir à une ordonnance corrective efficace.

Les enquêtes examinent régulièrement les faits d’une affaire sous l’angle de plusieurs dispositions et ont donné lieu à des demandes simultanées au Tribunal dans le passé. Cela a été le cas dans les affaires Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. NutraSweet Co., Télé-Direct et Commissaire de la concurrence c. Canada Pipe.

En ce qui concerne les dispositions civiles de la partie VIII de la Loi, le commissaire devrait avoir la possibilité de solliciter des mesures réparatoires en vertu de toute combinaison de dispositions simultanément afin de remédier efficacement à une activité nuisible. Le Tribunal conserverait sa compétence pour joindre ou bifurquer les procédures, le cas échéant, et son pouvoir discrétionnaire pour s’assurer que ses ordonnances correctives n’ont pas une portée excessive ou ne font pas inutilement double emploi.

Recommandation 2.7 (Intenter une procédure en vertu de dispositions multiples) : Le commissaire devrait être autorisé à solliciter des mesures réparatoires en vertu de toute combinaison de dispositions civiles simultanément.

3. Collaborations entre concurrents

Extrait du document de travail : le gouvernement envisage les réformes possibles suivantes et souhaiterait recevoir des commentaires à leur sujet :

  • Compte tenu notamment de la difficulté d’appliquer des concepts comme « accord » et « intention » à l’ère de l’intelligence artificielle, présumer ou déduire la présence d’accords plus facilement pour certaines formes de comportements relevant de la justice civile, comme dans le cas des comportements produits par des algorithmes.
  • Élargir ou renforcer les dispositions civiles de la Loi sur la collaboration entre concurrents pour décourager les formes plus intentionnelles de comportements anticoncurrentiels, en prévoyant notamment l’examen du comportement passé et en instaurant des sanctions pécuniaires.
  • Permettre l’examen des collaborations qui nuisent à la concurrence en vertu des dispositions civiles, même si elles n’interviennent pas entre des concurrents directs.
  • Établir un mécanisme de présentation obligatoire d’un avis ou un processus d’autorisation volontaire pour les types d’accords qui pourraient poser problème.
  • Réintroduire la collusion entre acheteurs (au-delà de la seule coordination concernant la main-d’œuvre) dans la disposition de la Loi sur le complot criminel, ou envisager une approche civile en soi pour ce comportement.

Le Bureau traitera des questions relatives à la disposition sur les accords civils (article 90.1), puis des enjeux relatifs aux dispositions sur les cartels criminels.

3.1. Collaborations entre concurrents susceptibles de faire l’objet d’un recours civil

Le mémoire 2022 du Bureau fournit de nombreux détails sur les lacunes du paragraphe 90.1 et la nécessité d’une réforme. De l’avis du Bureau, la réforme des dispositions de la Loi relatives à la collaboration entre concurrents de nature civile est l’un des domaines les plus urgents à réformer. Les accords ou arrangements entre concurrents sont l’une des principales préoccupations du droit de la concurrence et, par conséquent, le paragraphe 90.1 devrait être l’une des dispositions clés de la Loi. Malheureusement, dans sa forme actuelle, le paragraphe 90.1 est miné par une série de lacunes fondamentales qui le rendent inadéquat pour protéger les Canadiens et Canadiennes contre une vaste gamme de collaborations nuisibles entre concurrents.

3.1.1. La Loi a besoin de nouveaux recours pour traiter les collaborations entre concurrents

La section 4.1 du mémoire 2022 du Bureau soutient que les recours actuellement disponibles pour les violations du paragraphe 90.1 sont insuffisants. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Non seulement les ordonnances d’interdiction, les principaux recours pour les collaborations entre concurrents susceptibles de faire l’objet d’un contrôle civil peuvent échouer à surmonter les effets négatifs d’un accord anticoncurrentiel, mais il n’y a aucune possibilité pour le Tribunal d’imposer une sanction administrative pécuniaire pour promouvoir le respect du paragraphe.

Recommandation 3.1.1 (Recours) : Les recours prévus pour les collaborations entre concurrents sont insuffisants. Des recours prescriptifs visant à rétablir la concurrence et des sanctions administratives pécuniaires devraient être disponibles dans les cas appropriés.

3.1.2. Les accords passés et les dommages passés devraient être traités en vertu de la Loi

La section 4.2 du mémoire 2022 du Bureau note que l’applicabilité du paragraphe 90.1 aux accords passés et aux dommages passés est inutilement limitée. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Premièrement, la disposition s’applique uniquement aux accords entre concurrents « existants ou proposés », de sorte que les accords passés ne peuvent pas faire l’objet d’un recours même s’ils ont produit des effets anticoncurrentiels durables qui pourraient et devraient être corrigés. Deuxièmement, et dans le même ordre d’idée, la disposition prévoit un recours pour un préjudice causé à la concurrence qui se produit actuellement ou qui est susceptible de se produire, de sorte que les dommages passés ne peuvent faire l’objet d’un recours. Pour combler ces lacunes, le Bureau serait favorable à l’établissement d’un délai de prescription dans lequel le commissaire doit présenter une demande relative à un accord antérieur, semblable à celui qui s’applique aux demandes d’abus de position dominante lorsqu’une pratique a cessé.

Recommandation 3.1.2 (Accords passés et dommages passés) : Seuls les accords actuels ou proposés entre concurrents, et seuls les dommages actuels ou futurs à la concurrence, sont assujettis à la disposition sur la collaboration entre concurrents. Le paragraphe 90.1 devrait être élargi pour tenir compte à la fois des accords passés qui ne sont plus en vigueur et des dommages passés à la concurrence qui ont cessé depuis.

3.1.3. L’évaluation du préjudice concurrentiel devrait être axée sur le processus concurrentiel

Le paragraphe 90.1 comporte le même critère d’EDSC que celui qui existe dans le cadre des dispositions relatives aux fusions et aux abus de position dominante. De manière cohérente avec la section 4.4 du mémoire 2022 du Bureau et à la discussion dans les volets fusions et comportements unilatéraux du présent mémoire, le critère de l’EDSC devrait être recalibré pour se concentrer sur l’atteinte au processus concurrentiel.

Recommandation 3.1.3 (Critères de concurrence) : Les normes d’évaluation d’une diminution ou d’un empêchement sensible de la concurrence devraient être recalibrées pour qu’elles soient axées sur l’atteinte au processus concurrentiel.

3.1.4. La défense fondée sur les gains en efficience devrait être abrogée et devenir un facteur

Le paragraphe 90.1 comporte la même exception relative aux gains en efficience que celle qui existe pour les fusions. De manière cohérente avec la section 4.3 du mémoire 2022 du Bureau et à la discussion dans le volet des fusions du présent mémoire, l’exception relative aux gains en efficience devrait être abrogée et les gains en efficience devraient être inclus comme un facteur du paragraphe 90.1(2).

Recommandation 3.1.4 (Exception relative aux gains en efficience) : La disposition relative aux collaborations entre concurrents contient une exception relative aux gains en efficience, semblable aux dispositions relatives aux fusions, qui est tout aussi impropre à maintenir et à encourager la concurrence. La défense devrait être abrogée, et les gains en efficience devraient plutôt être intégrés à la liste des facteurs dont le Tribunal peut tenir compte pour déterminer si une fusion diminue ou empêche sensiblement la concurrence.

3.1.5. Un accès privé au Tribunal devrait être disponible pour les collaborations entre concurrents

Comme l’explique la section 4.6 du mémoire 2022 du Bureau, à l’heure actuelle, seul le commissaire peut présenter des demandes au Tribunal en vertu de la disposition de la Loi sur la collaboration entre concurrents. Dans certaines circonstances, il peut être approprié pour une partie privée à un litige d’intenter une action. Dans un monde où les ressources sont limitées, le Bureau doit donner la priorité à certaines affaires plutôt que d’autres. L’accès privé offre à tous ceux qui ont une plainte légitime la possibilité de demander réparation devant le Tribunal. Une telle extension de l’accès privé permettrait d’élargir plus rapidement une jurisprudence précieuse et de mettre ces articles en évidence, tant pour le commissaire que pour le milieu des affaires du Canada.

La recommandation du Bureau reste inchangée. Alors que les modifications apportées à la Loi en juin 2022 ont étendu le régime d’accès privé aux dispositions relatives à l’abus de position dominante, il faudrait faire de même pour les collaborations entre concurrents. Comme indiqué ailleurs dans les mémoires du Bureau, cette extension devrait être couplée à des modifications assouplissant le critère pour l’obtention d’une autorisation.

Recommandation 3.1.5 (Accès privé) : L’accès privé au Tribunal n’est actuellement pas disponible pour les affaires de collaboration entre concurrents. La Loi devrait permettre un tel accès.

3.1.6. Les ententes de règlement des litiges en matière de brevets pharmaceutiques devraient faire l’objet d’un avis

La section 4.5 du mémoire 2022 du Bureau recommande que ce dernier soit avisé des ententes de règlement des litiges en matière de brevets pharmaceutiques. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Les ententes de règlement des litiges en matière de brevets découlent de litiges juridiques concernant le statut de brevet d’un produit particulier. Bien que certaines de ces ententes s’apparentent à des collaborations entre concurrents et entraînent un préjudice causé à la concurrence, ils sont en grande partie de nature privée et passent donc inaperçus. En conséquence, un régime de présentation d’un avis, comme celui qui existe aux États-Unis, devrait être adopté et exiger la production par les parties de toutes leurs ententes de règlement des litiges en matière de brevets.

Recommandation 3.1.6 (Présentation d’un avis à l’égard des ententes de règlement des litiges en matière de brevets pharmaceutiques) : Les ententes de règlement des litiges en matière de brevets pharmaceutiques ont le potentiel de nuire à la concurrence, mais peuvent être difficiles à détecter pour le Bureau. La Loi devrait être modifiée afin d’inclure un mécanisme permettant au Bureau de prendre connaissance de ces ententes et de les recevoir.

3.1.7. Les ententes de règlement relatives à un accès privé devraient faire l’objet d’un avis même si elles ne sont pas enregistrées comme des consentements

Un autre domaine où la présentation d’un avis obligatoire en matière d’ententes peut être nécessaire concerne les règlements des demandes d’accès privé en vertu de la Loi.

À l’heure actuelle, les parties peuvent présenter des demandes d’autorisation au Tribunal pour certaines dispositions de la Loi relatives aux comportements susceptibles d’examen, à savoir : (i) le refus de vendre (article 75), (ii) le maintien des prix (article 76), (iii) l’exclusivité, les ventes liées et la restriction du marché (article 77) et (iv) l’abus de position dominante (article 79). Ces demandes sont communément appelées des affaires « d’accès privé ».

La Loi exige que les parties à une affaire d’accès privé en vertu de l’article 103.1 de la Loi avisent le commissaire si un consentement est déposé auprès du Tribunal pour enregistrement. Cela donne au commissaire la possibilité d’examiner si l’entente a ou est susceptible d’avoir des effets anticoncurrentiels et de demander au tribunal une modification ou une révocation du consentement si nécessaire. Cependant, l’enregistrement d’un consentement n’est pas obligatoire et les parties peuvent choisir de régler une affaire de manière privée, ce qui laisse la porte ouverte aux parties pour conclure des ententes de règlement privées qui ont le potentiel de nuire à la concurrence.

La Loi devrait être modifiée afin d’exiger que les parties à toute entente de règlement relative à un accès privé, y compris celles qui sont réglées à l’amiable, en avisent le commissaire et lui en signifient une copie. La simple transmission de l’entente de règlement au commissaire n’est pas un exercice gourmand en ressources et garantit que la procédure d’accès privé n’est pas utilisée comme un moyen de favoriser un comportement anticoncurrentiel ou de nuire à la concurrence.

Recommandation 3.1.7 (Ententes de règlement relatives à un accès privé) : Les ententes de règlement des litiges entre les parties à une affaire d’accès privé en vertu de la partie VIII de la Loi devraient être notifiées au commissaire dans tous les cas.

3.2. Cartels criminels

3.2.1. Les cartels du côté des acheteurs devraient être traités de la même manière que les cartels du côté des vendeurs en vertu de la Loi

La section 5.1 du mémoire 2022 du Bureau recommandait que les complots néfastes du côté des acheteurs soient soumis aux dispositions pénales de la Loi. La recommandation du Bureau a été prise en compte, en partie, par des modifications apportées à la Loi en juin 2022, qui ont ajouté une nouvelle infraction pénale interdisant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage entre employeurs. Bien qu’il s’agisse d’une mesure positive, les travailleurs ne sont pas les seuls à mériter une protection contre les cartels du côté des acheteurs. Le droit de la concurrence est censé protéger le processus concurrentiel en général, et il existe une myriade d’autres industries et groupes dont la subsistance dépend de l’existence de marchés concurrentiels en aval sur lesquels ils peuvent offrir leurs biens et services, des agriculteurs, pêcheurs et bûcherons aux auteurs, musiciens et artistes, en passant par une multitude de petits et moyens producteurs. L’économie au sens large souffre également lorsque les producteurs sont contraints de se retirer du marché ou de réduire leur production en réponse aux cartels d’acheteurs abusifs. Vu sous un autre angle, la Cour fédérale a déclaré que lorsque les vendeurs s’entendent pour fixer les prix, répartir les marchés ou restreindre la production, il s’agit d’ententes de cartel injustifiables « analogues à la fraude et au vol » et « rien de moins qu’une agression contre notre économie de marché ouverte », car « [l]es clients des entreprises du marché libre ont le droit de tenir pour acquis que le prix des biens et des services qu’ils achètent a été déterminé par les forces de la concurrence ». On peut raisonnablement se demander pourquoi cette même logique ne s’applique pas lorsque les acheteurs s’engagent dans des ententes injustifiables vis-à-vis des vendeurs. Par exemple, si de grands acteurs du secteur agricole s’entendent pour limiter les prix payés aux agriculteurs, la concurrence sur le marché libre serait-elle moins faussée, ou les agriculteurs seraient-ils moins victimes, simplement parce que le complot se situe du côté de l’achat de la transaction?

Par conséquent, comme point de départ, les décideurs politiques devraient examiner s’il est nécessaire d’avoir des règles différentes pour les cartels injustifiables d’acheteurs et de vendeurs en vertu de la Loi. L’objectif de la Loi est de maintenir et d’encourager la concurrence au Canada et la plupart des dispositions ne font pas de distinction entre le préjudice causé à la concurrence du côté des vendeurs ou des acheteurs. Notamment, la Recommandation de l’OCDE concernant une action efficace contre les ententes injustifiables qui existe depuis longtemps, ne fait aucune distinction entre les cartels d’acheteurs et les cartels de vendeurs. L’OCDE a récemment observé que « de nombreuses administrations traitent les cartels d’acheteurs et les cartels de vendeurs de manière symétrique » et « n’exigent pas l’analyse de l’effet d’un cartel d’acheteurs pour conclure à une infraction » [TRADUCTION]. C’est l’approche adoptée de longue date par la loi antitrust américaine, selon laquelle « les cartels d’acheteurs ont toujours été traités de la même manière que les cartels de vendeurs » [TRADUCTION] et sont illégaux en soi. De même, le droit européen de la concurrence « ne fait aucune distinction entre les cartels de vendeurs et les cartels d’acheteurs », les cartels d’acheteurs étant considérés comme une restriction de la concurrence « par objet » [TRADUCTION].

Évidemment, comme le souligne le mémoire 2022 du Bureau, et comme c’est le cas pour les accords relatifs à la fourniture, certains accords entre acheteurs peuvent être pro-concurrentiels ou inoffensifs et ne devraient pas faire l’objet de sanctions pénales en soi. Un exemple serait un accord entre acheteurs pour former un groupe d’achat ou une coopérative d’achat conjoint afin de profiter de remises sur le volume, de centraliser les commandes, de combiner les fonctions d’entreposage ou de distribution ou de traiter plus efficacement avec les fournisseurs. Cette collaboration peut se traduire par des avantages économiques tant pour les vendeurs que pour les groupes d’acheteurs au moment de faire des affaires, ainsi que par des prix et des choix compétitifs sur les marchés en aval. Toutefois, comme le soulignent les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents du Bureau, les dispositions de la Loi sur les cartels évitent généralement de sanctionner ces types d’ententes en ciblant les restrictions pures et simples à l’égard de la concurrence qui ne sont pas mises en œuvre au titre d’une collaboration, d’une alliance stratégique ou d’une coentreprise légitimes. Par exemple, les parties à une entente de coentreprise peuvent invoquer la défense fondée sur les restrictions accessoires et les parties à une entente d’appel d’offres conjoint peuvent éviter la responsabilité pénale en faisant connaître leur entente à la personne qui lance l’appel d’offres (voir la discussion au point 3.2.3 ci-dessous). D’autres administrations appliquent des concepts semblables pour distinguer les grands cartels d’acheteurs qui méritent un traitement en soi des autres types d’ententes d’achat qui devraient être examinés selon une norme civile fondée sur les effets. La distinction peut être précisée par des directives d’application afin de fournir une plus grande certitude. En outre, si des cartels d’acheteurs sont nécessaires dans certains secteurs pour des raisons légitimes de politique publique, ils peuvent être autorisés par la législation, comme c’est le cas pour les cartels entre vendeurs. Cette approche serait plus ciblée et plus transparente que le statu quo, qui exclut les cartels d’achat dans leur ensemble.

Les décideurs politiques devraient donc examiner l’intérêt d’appliquer le même cadre à double régime pour les accords entre acheteurs que celui qui existe pour les accords relatifs à la fourniture en vertu de la Loi (et qui a été récemment adopté pour les accords de fixation des salaires et de non-débauchage). En l’absence d’un tel changement, la dissuasion est limitée, il n’existe aucun dédommagement pour les victimes, et le Bureau ne dispose que d’une disposition relativement faible sur la collaboration entre concurrents civils pour interdire les cartels d’acheteurs abusifs. Comme indiqué ci-dessus, la pire conséquence à laquelle s’exposent actuellement les parties qui contreviennent à la disposition relative à la collaboration entre concurrents est une ordonnance du Tribunal visant à mettre fin au comportement. Il est impossible d’imposer des sanctions administratives pécuniaires pour promouvoir la conformité, les parties lésées n’ont aucun accès privé au Tribunal (ou pas d’actions privées en dommages et intérêts) et il est impossible de prendre des mesures d’application contre des accords passés. Si ces lacunes sont comblées conformément aux recommandations du Bureau ci-dessus, ce dernier disposerait au moins d’un outil civil plus solide pour faire face aux cartels d’acheteurs.

Recommandation 3.2.1 entreCartels d’ acheteurs) : Conformément à la pratique internationale, les décideurs politiques devraient envisager de définir de traiter les cartels injustifiables d’acheteurs de la même manière que les cartels injustifiables de fournisseurs en vertu de la Loi. À défaut d’une telle réforme, il est encore plus important de renforcer la disposition relative à la collaboration entre concurrents civils, conformément aux recommandations formulées au point 3.1 ci-dessus.

3.2.2. Les limitations concernant les ouvertures de procédures pour complot criminel devraient être étendues pour inclure la récente disposition sur la fixation des salaires et le non-débauchage

L’article 45.1 de la Loi interdit au commissaire d’entamer des procédures en vertu de la disposition sur les complots criminels (paragraphe 45(1)) si des ordonnances sont demandées pour les mêmes faits en vertu de l’une des dispositions suivantes : (i) le maintien des prix (article 76), (ii) l’abus de position dominante (article 79), (iii) les accords civils (article 90.1) ou (iv) les fusions (article 92).

Comme il est indiqué ci-dessus, dans le cadre des modifications apportées à la Loi en juin 2022, une disposition régissant les accords de fixation des salaires et de non-débauchage entre employeurs a été ajoutée aux dispositions actuelles de la Loi relatives aux complots criminels à titre de paragraphe 45(1,1). Cette nouvelle disposition entrera en vigueur le 23 juin 2023.

La référence à la disposition relative au complot criminel à l’article 45.1 est actuellement limitée aux procédures entamées en vertu du paragraphe 45(1), et devrait être modifiée pour faire référence à « l’article 45 » afin d’inclure les procédures entamées en vertu du paragraphe 45(1.1).

Recommandation 3.2.2 (Procédures pénales) : La Loi interdit l’ouverture d’une procédure pour complot criminel si des demandes ont été faites en vertu de certaines autres dispositions de la Loi. La règle devrait être étendue pour inclure les procédures relatives aux accords de fixation des salaires et de non-débauchage.

3.2.3. Un accord « porté à la connaissance » devrait être une défense limitée à la présentation d’offres conjointes

La section 5.2 du mémoire 2022 du Bureau recommandait que l’élément « porté à la connaissance » de la disposition de la Loi sur le truquage des offres soit converti en une défense qui ne peut être invoquée que lorsque le comportement est directement lié à la présentation d’une seule offre conjointe. La recommandation du Bureau reste inchangée.

L’article 47 de la Loi fait du « truquage des offres » une infraction pénale. Toutefois, la disposition n’est pas déclenchée si un accord entre les parties est « porté à la connaissance » de la personne qui demande les soumissions ou les offres au moment où les parties font leur présentation ou avant. L’élément « porté à la connaissance » visait à stimuler la concurrence dans le contexte des appels d’offres en permettant à des entreprises complémentaires de présenter une seule offre conjointe en réponse à un appel d’offres pour lequel elles ne se seraient pas qualifiées individuellement.

Néanmoins, l’élément « porté à la connaissance » est trop large pour deux raisons. Premièrement, il peut s’appliquer à des circonstances dans lesquelles plusieurs soumissionnaires présentent plusieurs offres convenues, ce qui nuit à la concurrence. Deuxièmement, comme il s’agit d’un élément de l’infraction, la Couronne a le fardeau extraordinaire de prouver que l’entente n’a pas été portée à la connaissance de la personne qui a demandé les soumissions ou les offres par les parties. Une défense fondée sur l’élément « porté à la connaissance » imposerait aux comploteurs présumés de prouver que leur comportement était connu.

Recommandation 3.2.3 (Élément « porté à la connaissance » du truquage des offres) : L’élément « porté à la connaissance » de la disposition de la Loi sur le truquage des offres ne protège pas suffisamment la concurrence. La Loi devrait établir l’élément « porté à la connaissance » comme une défense qui ne peut être invoquée que lorsque le comportement est directement lié à la présentation d’une seule offre conjointe.

3.2.4. La disposition concernant le « complot relatif au sport professionnel » devrait être abrogée

L’article 48 de la Loi interdit les complots entre équipes ou clubs évoluant au sein d’une même ligue de sport professionnel. La Loi devrait être modifiée pour abroger cet article pour plusieurs raisons.

Premièrement, la disposition n’est plus nécessaire, car le comportement en question sera probablement englobé dans la disposition plus générale sur la fixation des salaires et le non-débauchage qui entrera en vigueur en juin 2023. En effet, le maintien de l’article 48 dans ce contexte peut générer une confusion ou limiter inutilement l’application générale de la nouvelle disposition. Le droit de la concurrence privilégie généralement les règles d’application générale par rapport aux interdictions sectorielles.

Deuxièmement, à ce jour, l’article 48 ne s’est pas avéré utile au chapitre de l’exécution et l’examen judiciaire est extrêmement limité. Depuis sa mise en application en 1975, aucune affaire n’a été renvoyée au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) en vertu de l’article 48.

Troisièmement, la disposition manque de définitions pour les termes ambigus tels que « déraisonnable » et « souhaitable », ce qui présente des défis importants pour son application dans le contexte pénal. Le Bureau a donc déclaré publiquement qu’il ne prendrait pas de mesures en vertu de la disposition dans sa forme actuelle.

Recommandation 3.2.4 Complots relatifs au sport professionnel) : L’article 48, la disposition de la Loi traitant des complots relatifs au sport professionnel, n’est plus nécessaire et devrait être abrogé.

3.2.5. Les sanctions pour les cartels criminels devraient être cohérentes

L’article 49 de la Loi criminalise les accords ou arrangements entre institutions financières fédérales qui concernent les taux d’intérêt, les frais de service, les prêts et d’autres questions, et les infractions à cet article peuvent être punies d’une amende maximale de 10 millions de dollars et d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Les sanctions devraient être modifiées pour correspondre à celles prévues par les autres articles de la Loi relatifs aux cartels criminels – à savoir les articles 45 (à partir de juin 2023) et 47 – qui prévoient que le montant de l’amende est laissé à la discrétion du tribunal et que la peine maximale est de 14 ans. Par souci de cohérence, les cartels criminels impliquant des institutions financières fédérales devraient être traités aussi sévèrement que les cartels dans d’autres secteurs.

Recommandation 3.2.5 (Cartels impliquant des institutions financières fédérales) : Les sanctions pour les infractions à l’article 49 devraient être cohérentes avec les autres infractions pénales en matière de cartels.

4. Pratiques commerciales trompeuses

Extrait du document de travail : Le gouvernement envisage les réformes potentielles suivantes et sollicite des commentaires à leur sujet :

  • Munir la Loi d’outils d’application supplémentaires adaptés aux formes modernes de commerce, étant donné la nature et l’omniprésence de la publicité numérique. Par exemple, d’autres modifications visant à mieux définir les comportements faux ou trompeurs pourraient être envisagées, à l’instar de celles qui visaient l’indication de prix partiel en 2022.

4.1. La Loi devrait prescrire la norme du consommateur moyen appropriée

Il est important que la Loi indique clairement que tous les consommateurs, y compris ceux qui sont moins avertis et plus vulnérables, sont protégés contre les pratiques commerciales trompeuses. Si ce n’est pas le cas, le bon fonctionnement du marché sera faussé chaque fois qu’un consommateur sera amené à faire des transactions avec des annonceurs trompeurs plutôt qu’avec des concurrents honnêtes.

La Loi n’a pas encore prescrit de norme du consommateur moyen pour les pratiques commerciales trompeuses et la question a donc été laissée à l’appréciation des tribunaux. Il en découle un manque de consensus et, dans de nombreux cas, l’introduction de normes qui ne garantissent pas une protection adéquate. Pour corriger cette situation, la Loi devrait être révisée afin de définir un seuil approprié et, ce faisant, adopter la norme établie par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’affaire Richard c. Time (Time). Cette affaire concernait le critère des indications fausses ou trompeuses en vertu de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec. La CSC a reconnu que le libellé de la LPC en question était fondé sur un certain texte situé dans la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et qu’il est maintenant analogue à celui qui se trouve dans la Loi.

Dans l’affaire Time, le critère du consommateur « moyennement intelligent, moyennement sceptique et moyennement curieux » établi par la Cour d’appel du Québec a été rejeté, car il a été jugé incompatible avec l’objectif de protection des consommateurs. La CSC a plutôt jugé que l’« impression générale » donnée par une indication commerciale doit être considérée dans une perspective d’un « consommateur [...] crédule et inexpérimenté », un consommateur qui « n’est pas particulièrement aguerri pour déceler les faussetés ou les subtilités dans une représentation commerciale ». Par conséquent, une personne qui croit ce qu’elle lit et dont on n’attend pas qu’elle procède à une remise en question. L’imposition d’un niveau plus élevé d’intelligence ou de sophistication a été jugée inappropriée, car cela entraînerait la perte d’une protection appropriée.

En outre, la CSC a exposé l’expérience réaliste et pragmatique des consommateurs en matière de publicité et le rôle que les tribunaux doivent jouer dans leur analyse. Il s’agit d’« acheteurs ordinaires pressés », selon la CSC, ajoutant que les consommateurs « ne prêtent rien de plus qu’une [TRADUCTION] “attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux” ». Dans cette optique, la CSC a estimé que les tribunaux ne doivent pas « conduire l’analyse dans la perspective du consommateur prudent et diligent » ou « aborder une publicité écrite comme un contrat commercial, c’est-à-dire la lire plusieurs fois, en s’attachant à tous ses détails pour en comprendre toutes les subtilités ».

L’affaire Time s’oppose à d’autres études de cas. Par exemple, dans l’affaire R c. International Vacations Ltd. (International Vacations), la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que les consommateurs étaient plutôt bien informés et perspicaces, déclarant que « le lecteur moyen intéressé à faire un voyage à l’étranger peut être considéré comme étant alphabétisé, intelligent et peu susceptible de prendre un engagement monétaire relativement important sans avoir lu attentivement la publicité » [TRADUCTION]. Dans l’affaire Canada (Bureau de la concurrence) c. Chatr Wireless Inc. (Chatr), la Cour supérieure de justice de l’Ontario a examiné l’affaire Time, mais a finalement modifié la norme établie par la CSC, la portant à un niveau où le consommateur est jugé « crédule et techniquement inexpérimenté » [TRADUCTION], car elle a estimé que l’expérience d’une personne avec le produit en question devrait contribuer à la formulation de la norme appropriée.

Le problème avec la décision d’International Vacations est que la norme est beaucoup trop élevée. Pour Chatr, le problème est qu’il faut comprendre l’interaction de la victime avec un produit ou sa connaissance de celui-ci. Lorsqu’il n’y a pas de victime ou qu’elles sont trop nombreuses pour que l’on puisse en évaluer les caractéristiques, la norme devient difficile, voire impossible à appliquer.

La Loi devrait donc être modifiée afin de prescrire la norme du consommateur moyen appropriée pour les pratiques commerciales trompeuses et adopter celle établie par la CSC dans l’affaire Time, à savoir le « consommateur crédule et inexpérimenté ». Une telle inclusion clarifiera les obligations des entreprises et encouragera le respect de la Loi, ce qui contribuera à maintenir une concurrence loyale.

Recommandation 4.1 (Norme du consommateur moyen) : La Loi devrait clarifier la norme du consommateur moyen pour les pratiques commerciales trompeuses.

4.2. Le fardeau de prouver l’authenticité des rabais devrait incomber aux vendeurs

La section 6.2 du mémoire 2022 du Bureau fait référence aux paragraphes 74.01(2) et 74.01(3) de la Loi, connus sous le nom de dispositions relatives au prix de vente habituel (« PVH »), et soutient que le cadre impose à tort un lourd fardeau au commissaire pour prouver que les indications d’économies sont trompeuses. Elle soutient ensuite que le fardeau de la preuve devrait être inversé, de sorte que l’annonceur soit tenu de démontrer que son indication est en fait un véritable rabais. La recommandation du Bureau reste inchangée.

En plus de ce qui précède, une autre lacune concernant les remises devrait être signalée. Dans son état actuel, la Loi traite de deux types d’indications d’économies, à savoir celles qui concernent les réductions sur le prix habituel d’un annonceur et celles qui comparent le prix d’un annonceur aux prix d’autres fournisseurs du marché.

Bien que la première indication soit véritablement l’indication d’économie classique et de loin la plus courante des deux, la Loi ne reflète pas cette réalité. Elle présume plutôt que les indications d’économies d’un annonceur sont des comparaisons avec les prix des concurrents, à moins que la publicité ne précise clairement que l’indication d’économies fait référence à un rabais sur le prix habituel de l’annonceur (paragraphe 74.01(3)).

Pour y remédier, la Loi devrait être modifiée afin d’éliminer la référence à « clairement spécifié » au paragraphe 74.01(3), car ce changement éliminerait la présomption et moderniserait les dispositions. Elle permettrait également d’harmoniser les versions anglaise et française de la Loi; il est intéressant de noter que l’exigence « clairement spécifiée » n’est présente que dans la version anglaise du paragraphe de la Loi, ce qui crée une certaine confusion quant à savoir si la présomption est réellement censée être appliquée.

Recommandation 4.2 (Prix de vente habituel) : Le commissaire a le lourd fardeau, en vertu des dispositions relatives au PVH, de prouver que les rabais annoncés ne sont pas authentiques. Le fardeau de la preuve en matière de PVH devrait être inversé, avec les modifications corrélatives appropriées, de sorte qu’il incombe aux annonceurs de prouver que les rabais annoncés sont, en fait, réels. En outre, les dispositions du PVH comprennent une présomption qui ne reflète pas les pratiques commerciales actuelles. Elles devraient être modifiées afin de supprimer la présomption selon laquelle les indications d’économies sont des références aux prix des concurrents plutôt que des réductions sur les prix « habituels » de l’annonceur.

4.3. Une plus grande souplesse est nécessaire pour les enquêtes sur les pratiques commerciales trompeuses

La section 6.3 du mémoire 2022 du Bureau soutient que la Loi devrait prévoir un régime criminel et un régime civil afin de permettre à la gravité du comportement trompeur de dicter la façon dont la conformité à la Loi sera traitée. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Pour des raisons qui restent obscures, les dispositions de la Loi sur les pratiques commerciales trompeuses prévoient des sanctions pénales et civiles de manière incohérente – dans certains cas, c’est l’un, mais pas l’autre, et dans d’autres, ce sont les deux. Il devrait être possible de choisir entre les deux régimes dans tous les cas, car une violation particulière peut ne justifier qu’une sanction pénale et non civile (et vice versa). En outre, les disparités peuvent entraîner la bifurcation absurde d’affaires dans lesquelles une disposition pénale et une disposition civile ont été engagées.

Il convient de noter que l’approche du Bureau pour choisir de poursuivre au criminel ou au civil en ce qui concerne les indications et les pratiques commerciales trompeuses est exposée dans le bulletin intitulé « Indications et pratiques commerciales trompeuses : Choix entre le régime criminel ou civil de la Loi sur la concurrence ».

Recommandation 4.3 (Harmonisation des dispositions pénales et civiles) : Les dispositions relatives à la commercialisation trompeuse sont incohérentes dans la manière dont elles prévoient les recours civils et les sanctions pénales. La Loi devrait prévoir un régime criminel et un régime civil afin de permettre à la gravité du comportement trompeur de dicter la manière dont il est traité.

4.4. La Loi a besoin de meilleurs recours pour lutter contre les comportements trompeurs

La section 6.4 du mémoire 2022 du Bureau souligne le fait que la Loi devrait offrir un plus large éventail de recours pour contrer les pratiques trompeuses, y compris des recours qui ne sont pas actuellement disponibles pour traiter les violations de la Loi, mais qui sont disponibles pour les parties privées à des litiges dans d’autres actions en justice. La recommandation du Bureau reste inchangée.

En plus de ce qui précède, les recours prévus par la Loi ne permettent pas de corriger ou d’éliminer les distorsions du marché qui sont causées par un comportement susceptible d’examen. En particulier, il n’existe aucun moyen de traiter les situations où la tromperie a pour effet de lier contractuellement un consommateur à un annonceur.

Prenons l’exemple suivant : un vendeur propose d’installer ce qu’il prétend être le climatiseur central le plus efficace sur le marché, affirme qu’il est certifié par une tierce partie pour son efficacité énergétique et prétend qu’il sera plus que rentabilisé par les économies d’électricité. Le consommateur accepte un contrat qui exige des paiements mensuels pendant une décennie. Le consommateur apprend par la suite que le climatiseur est le modèle le moins efficace disponible sur le marché, que son efficacité n’est certifiée par aucune tierce partie et que ses factures d’électricité sont en fait plus élevées qu’auparavant.

L’article 74.1 de la Loi offre aux tribunaux certaines mesures correctives, y compris le pouvoir d’ordonner des sanctions administratives pécuniaires et un dédommagement (dans des circonstances limitées) et d’exiger la publication d’un avis informant d’une violation particulière. Néanmoins, et à la lumière de l’exemple ci-dessus, les recours disponibles sont largement dissuasifs par nature et ne permettent pas de corriger les distorsions du marché et les dommages causés aux concurrents par la résiliation des contrats trompeurs. Par conséquent, les pratiques trompeuses peuvent être utilisées comme un moyen d’assujettir le consommateur à de longues obligations, ce qui fait que le capital des consommateurs touchés est occupé involontairement et que les concurrents honnêtes perdent une clientèle. Dans cette optique, la Loi devrait donc être modifiée afin d’accorder aux tribunaux la possibilité d’annuler des contrats en cas de pratiques commerciales trompeuses.

Enfin, en ce qui concerne le dédommagement, l’alinéa 74.1(1)d) de la Loi limite son application aux comportements susceptibles d’examen en vertu de l’alinéa 74.01(1)a) ou aux indications trompeuses auprès du public. Le dédommagement devrait s’appliquer à toutes les autres pratiques commerciales trompeuses (ce qui inclurait, par exemple, la disposition interdisant de donner des indications sur le rendement non fondées au sujet d’un produit). Un tel changement enrichirait la capacité des tribunaux à promouvoir le respect des dispositions de la Loi sur les pratiques commerciales trompeuses.

Recommandation 4.4 (Recours) : La Loi devrait prévoir un plus large éventail de recours pour contrer les pratiques trompeuses, notamment l’ajout d’une disposition relative à l’annulation des contrats et l’application élargie du dédommagement.

4.5. Les tribunaux devraient disposer des outils nécessaires pour interdire temporairement les pratiques commerciales trompeuses pendant que le commissaire termine son enquête

Le paragraphe 74.11(1) de la Loi permet au commissaire de demander au tribunal de rendre une ordonnance temporaire pour empêcher une personne de se livrer à des pratiques commerciales trompeuses susceptibles d’examen. Plus précisément, le texte stipule que, « sur demande présentée par le commissaire, le tribunal peut ordonner à toute personne qui, d’après lui, a un comportement susceptible d’examen visé par la présente partie [...] ». L’expression « a un comportement » pourrait être interprétée comme limitant de telles ordonnances aux situations dans lesquelles le comportement est effectivement en cours au moment où une demande est faite.

Une telle interprétation est préoccupante, car elle signifie que si un annonceur arrête la publicité en question juste avant le dépôt de la demande du commissaire, les tribunaux pourraient ne pas avoir la possibilité de rendre une ordonnance temporaire interdisant à l’annonceur de faire à nouveau les allégations pendant que le commissaire termine son enquête. Étant donné que les annonceurs peuvent arrêter et relancer des campagnes de publicité numérique très rapidement, le modèle actuel est non seulement peu pratique et gourmand en ressources, mais il est également incompatible avec le reste des dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses, où un tribunal est autorisé à rendre des ordonnances permanentes dans des circonstances où le comportement a cessé.

Compte tenu de ce qui précède, la Loi devrait être révisée afin de permettre au tribunal d’ordonner temporairement qu’un comportement récemment cessé ne se reproduise pas ou qu’un comportement sensiblement semblable ne se produise pas.

Recommandation 4.5 (Ordonnances temporaires) : La Loi devrait être modifiée pour permettre au tribunal d’interdire temporairement qu’un comportement se reproduise dans des situations où il a cessé, et d’interdire qu’un comportement susceptible d’examen sensiblement semblable se reproduise.

4.6. Les tierces parties qui facilitent un comportement susceptible d’examen devraient faire l’objet d’ordonnances permanentes

Les dispositions pénales de la Loi relatives à la publicité trompeuse peuvent s’appliquer au comportement des tierces parties qui aident et encouragent les personnes qui contreviennent à la Loi en vertu de l’article 21 du Code criminel. Les dispositions civiles de la Loi relatives aux pratiques commerciales trompeuses ne contiennent toutefois aucun mécanisme équivalent permettant d’enjoindre de manière permanente des tierces parties.

Le paragraphe 74.11(1.1) de la Loi autorise un tribunal à ordonner à des personnes : (i) de s’abstenir de fournir à une autre personne un produit qui, d’après lui, est ou sera vraisemblablement utilisé pour l’adoption d’un comportement susceptible d’examen ou (ii) d’accomplir tout acte susceptible d’empêcher une autre personne de se livrer à un comportement susceptible d’examen lorsqu’un dommage grave serait vraisemblablement causé. Toutefois, la compétence du tribunal dans ce cas est limitée à la délivrance d’ordonnances temporaires et il n’existe pas de mécanisme actuel pour les ordonnances permanentes de ce type. Cette lacune est problématique.

Par exemple, dans les situations où un tribunal estime qu’une personne adopte ou a adopté un comportement susceptible d’examen, il peut interdire à une partie de fournir à cette personne à titre temporaire, mais la partie sera libre de le faire à nouveau après l’expiration de l’ordonnance. Dans de nombreux cas, les ordonnances provisoires ne suffiront pas à fournir le recours adéquat que les ordonnances permanentes permettraient d’obtenir.

Recommandation 4.6 (Faciliter un comportement susceptible d’examen) : La capacité des tribunaux à interdire aux personnes de faciliter la commission d’un comportement susceptible de faire l’objet d’un examen civil est limitée à des ordonnances temporaires. La Loi devrait permettre la délivrance d’ordonnances permanentes dans ces circonstances.

4.7. Les pouvoirs du tribunal en matière de gel des avoirs devraient être étendus

L’article 74.111 de la Loi permet au tribunal de rendre une injonction provisoire interdisant à une personne d’aliéner certains articles (c.-à-d. le gel des avoirs) lorsque le tribunal constate : (i) qu’une personne donne ou a donné au public une indication fausse ou trompeuse sur un point important (c.-à-d. une violation de l’alinéa 74.01(1)a)), (ii) que la personne aliène des articles ou est susceptible d’en aliéner, (iii) que le commissaire a l’intention de demander un dédommagement (c.-à-d. par le biais de l’alinéa 74.1(1)d)) et (iv) que l’aliénation des articles par la personne compromettrait sensiblement le caractère exécutoire d’une ordonnance de dédommagement.

Ce que le tribunal ne peut pas faire, en revanche, c’est empêcher une personne d’aliéner des articles : (i) en vue de faire échec aux ordonnances lorsque le comportement était susceptible d’examen en vertu d’un autre article des dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses ou (ii) à l’égard d’indications trompeuses lorsque le commissaire ne cherche pas à obtenir un dédommagement.

Par conséquent, la Loi devrait être modifiée afin de permettre au tribunal d’empêcher temporairement l’aliénation d’articles lorsqu’il conclut qu’il existe une preuve prima facie convaincante qu’une personne se livre ou s’est livrée à des pratiques commerciales trompeuses de tout type susceptible d’examen, que la personne aliène ou est susceptible d’aliéner des articles et que cette aliénation nuirait considérablement à l’efficacité d’une ordonnance corrective.

Recommandation 4.7 (Gel des avoirs) : Les tribunaux ont une compétence limitée pour rendre des ordonnances provisoires de gel des avoirs. La Loi devrait être étendue afin d’élargir ces pouvoirs.

4.8. Les dispositions de la Loi relatives à l’indication de prix partiel devraient être précisées davantage

La section 6.1 du mémoire 2022 du Bureau a recommandé que l’indication de prix partiel soit explicitement interdite par la Loi. Le 23 juin 2022, à la suite de la Loi d’exécution du budget 2022, une nouvelle disposition sur l’indication de prix partiel a été ajoutée aux interdictions civiles et pénales quant aux indications fausses ou trompeuses. Cette modification confirme que l’indication d’un prix qu’un client ne peut pas réellement obtenir en raison de frais obligatoires fixes constitue une indication fausse ou trompeuse, sauf si les frais obligatoires ne représentent que le montant imposé sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale, comme les taxes de vente.

L’objectif de l’exemption était de faire en sorte que la Loi ne considère pas les indications de prix comme fausses ou trompeuses lorsque les consommateurs doivent payer les taxes habituelles lorsqu’ils achètent des biens et des services, car le fait de ne pas inclure la taxe de vente dans le prix de nombreux produits correspond aux attentes des consommateurs au Canada. Cependant, l’exemption, dans sa forme actuelle, a créé une échappatoire permettant aux annonceurs d’ajouter ultérieurement dans le processus d’achat leurs propres coûts de mise en conformité avec diverses lois d’une manière à laquelle les consommateurs canadiens ne s’attendraient pas.

Nonobstant leur introduction récente, les dispositions doivent donc être précisées davantage pour indiquer que l’exemption de la Loi quant à l’indication de prix partiel ne s’applique qu’aux frais obligatoires qui représentent des taxes de vente fédérales, provinciales ou territoriales.

Deuxièmement, il n’y a pas de mention explicite de l’indication de prix partiel dans les dispositions de la Loi sur les messages électroniques, et il n’est pas clair si les récentes dispositions sur l’indication de prix partiel s’appliqueraient en l’absence d’une mention spécifique. Ce problème pourrait être résolu en précisant que les dispositions relatives à l’indication de prix partiel s’appliquent à toutes les dispositions de la Loi relatives aux indications fausses ou trompeuses.

Recommandation 4.8 (Frais entièrement imposés par le gouvernement) : Les frais généralement imposés à une entreprise peuvent être ajoutés ultérieurement dans le processus d’achat d’un consommateur. La Loi devrait être modifiée pour combler cette lacune. En outre, les dispositions de la Loi relatives aux messages électroniques devraient traiter explicitement de l’indication de prix partiel.

4.9. Les dispositions de la Loi concernant la Loi canadienne anti-pourriel

En 2017, la Loi a été modifiée pour tenir compte de la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP), qui comprenait l’introduction de trois pratiques susceptibles d’examen qui régissent les messages électroniques (voir l’article 74. 011). Dans chaque cas, l’objectif de la modification était de fournir au commissaire les outils nécessaires pour lutter contre les indications fausses ou trompeuses et les pratiques commerciales trompeuses qui se produisent par voie électronique. Deux changements sont néanmoins nécessaires.

4.9.1. Les recours administratifs disponibles pour les indications fausses ou trompeuses effectuées par le biais d’un message électronique devraient être étendus

L’article 74.1 de la Loi prévoit une gamme de recours administratifs et le paragraphe 74.1(6) énumère les scénarios dans lesquels une ordonnance est considérée comme une « ordonnance subséquente » pour certains comportements prescrits susceptibles d’examen. Cependant, le comportement régi par l’article 74.011, c’est-à-dire la fourniture d’indications fausses ou trompeuses dans des messages électroniques, n’est pas actuellement visé par le paragraphe 74.1(6). Cette omission n’est qu’un oubli de rédaction qui s’est produit au moment où la Loi a été mise à jour pour tenir compte de la LCAP et qui devrait être corrigé.

Recommandation 4.9.1 (Ordonnance subséquente) : La Loi devrait être modifiée afin d’élargir les recours administratifs disponibles en cas d’indications fausses ou trompeuses par message électronique.

4.9.2. Les dispositions pénales et civiles de la Loi quant à la LCAP devraient être harmonisées

Les articles 52.01 et 74.011 de la Loi sont les dispositions pénales et civiles respectivement qui interdisent d’envoyer ou de faire envoyer une indication fausse ou trompeuse dans des messages électroniques.

En ce qui concerne la disposition pénale, la Loi stipule expressément que pour établir qu’il y a eu infraction, le commissaire n’a pas à prouver qu’une personne a été trompée ou induite en erreur. Cette clarification, cependant, est absente de l’équivalent civil de la Loi. Étant donné que le succès ou l’ampleur de l’effet d’une indication ne devrait pas être déterminant pour savoir si elle constitue un comportement susceptible d’examen aux fins de la Loi, l’article 74.011 devrait être modifié pour adopter le libellé de l’article 52.01 par souci d’uniformité.

Recommandation 4.9.2 (Preuve de tromperie non nécessaire) : Contrairement à la disposition pénale relative aux messages électroniques faux ou trompeurs, l’équivalent civil ne précise pas que la preuve de tromperie n’est pas nécessaire. La Loi devrait être modifiée pour inclure cette clarification.

5. Exécution et application de la loi

Extrait du document de travail : Le gouvernement envisage les réformes potentielles suivantes et sollicite des commentaires à leur sujet :

  • Rendre l’application de la Loi et les procédures juridiques devant le Tribunal de la concurrence ou d’autres tribunaux, qu’il s’agisse d’affaires de nature publique ou privée, plus efficaces et souples, sans que l’équité procédurale soit compromise de manière déraisonnable. Par exemple :
    • donner au Bureau une plus grande marge de manœuvre pour agir en tant que décideur, par exemple par l’entremise d’une collecte d’informations simplifiée, ou d’une capacité de première instance à autoriser ou à empêcher certaines formes de comportements;
    • créer de nouvelles formes de procédures civiles d’exécution comme solutions de rechange aux poursuites criminelles pour certains agissements;
    • autoriser les parties privées à demander une indemnisation pour les dommages subis du fait d’un comportement susceptible de faire l’objet d’un examen civil (non lié à une fusion) en vertu de la Loi.
  • Établir une approche raisonnable en ce qui concerne la collecte d’informations en dehors du contexte de l’application de la loi, par exemple aux fins d’études de marché, en tenant compte à la fois des investissements en ressources publiques et du fardeau imposé aux acteurs du secteur privé.

5.1. Les réformes doivent viser à préserver l’indépendance du commissaire

Le Bureau convient avec le document de travail que l’exécution et l’application de la Loi devraient être plus efficaces et mieux adaptées, sans compromettre de façon déraisonnable l’équité procédurale. Un autre principe fondamental qui devrait être pris en compte dans le cadre de tout processus de réforme est la nécessité de préserver l’indépendance du Bureau en tant qu’organisme chargé de l’application de la loi.

As recognized by the OECD, l’indépendance est une condition préalable à l’exécution et à l’application efficaces des règles de concurrence. Elle permet aux autorités de concurrence de prendre des décisions fondées uniquement sur des bases juridiques et économiques plutôt que sur des considérations politiques, conformément à la règle de droit. Lorsqu’un organisme chargé de la concurrence n’est pas indépendant, ou n’est pas perçu comme tel, il nuit à la prévisibilité et à la confiance du public dans les règles du marché, et encourage les entreprises à adopter un comportement de lobbying inutile.

Le Bureau jouit actuellement d’un haut degré d’indépendance en tant qu’organisme d’application de la loi, tout en continuant à rendre des comptes par l’entremise d’obligations de rapports publics, de normes de service et d’un contrôle financier et administratif général. Par le passé, divers commentateurs ont insisté sur la nécessité d’instaurer de nouveaux pouvoirs de veto ministériels ou de nouveaux mécanismes permettant d’outrepasser le travail du Bureau à des fins d’intérêt public, ou encore de nouveaux cadres de gouvernance qui fourniraient une orientation externe sur les priorités du Bureau en matière d’application de la loi et sur l’utilisation de ses pouvoirs officiels. Les décideurs devraient résister à ces suggestions et veiller à ce que l’indépendance du Bureau soit préservée dans le cadre de toute réforme.

5.2. Pouvoirs formels dans le cadre des études de marché

Le Bureau est tout à fait d’accord avec la suggestion du document de travail de poursuivre une voie raisonnable en ce qui concerne les pouvoirs officiels de collecte de renseignements pour les études de marché.

La sections 7.1 et 7.2 du mémoire 2022 du Bureau notent que l’absence de pouvoirs formels dans le cadre des études de marché et l’absence de toute obligation pour les organismes concernés de répondre aux recommandations du Bureau en matière de promotion de la concurrence représentent des lacunes importantes dans la boîte à outils de la politique de concurrence du Canada. Les avantages de combler ces lacunes sont bien résumés dans une recommandation de l’OCDE adressée au Canada en 2016 :

Un domaine où des améliorations pourraient être apportées est celui de l’élargissement des compétences des autorités fédérales de la concurrence [c.-à-d. le Bureau de la concurrence] en matière de défense des intérêts publics et d’études de marché. Ces autorités devraient ainsi pouvoir exiger la communication des informations nécessaires à la réalisation de ces études, ce qui renforcerait leur aptitude à examiner les politiques gouvernementales, les règlements ou les comportements d’acteurs du marché pouvant nuire à la concurrence, et à en rendre compte publiquement. Dans de nombreux pays de l’OCDE, l’attribution de telles compétences a eu des retombées positives, améliorant la transparence et l’ouverture dans le processus d’élaboration des politiques et favorisant un débat public plus éclairé sur des questions particulières ou sur la performance de certains secteurs. Il s’agit aussi d’un moyen pour les administrations à tous les niveaux de mieux comprendre la façon dont leurs réglementations actuelles ou envisagées peuvent influer sur la structure de l’industrie, sur les consommateurs et, à long terme, sur la croissance économique. Ces compétences sont d’autant plus utiles qu’elles sont complétées par l’obligation pour les entités publiques à qui les recommandations sont adressées de fournir une réponse écrite dans un délai fixé, comme cela se fait au Royaume-Uni.

Le bien-fondé des pouvoirs formels dans le cadre des études de marché est devenu encore plus évident au cours des derniers mois, alors que les décideurs politiques se sont tournés vers le Bureau pour obtenir des avis d’experts quant à savoir si les problèmes de concurrence contribuent aux augmentations historiques des prix dans le secteur de l’alimentation au détail. Bien que le Bureau ait lancé une étude, il ne peut pas exiger des entreprises qu’elles fournissent des données et des renseignements à l’appui de son analyse, et doit plutôt se fier aux renseignements qui sont accessibles au public ou fournis volontairement. Cela pose des défis évidents et contraste avec des études semblables menées par des organismes étrangers chargés de la concurrence comme la FTC américaine et autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA), où des outils formels de collecte de renseignements sont utilisés pour aller au fond des choses. La commission des affaires, de l’énergie et de la stratégie industrielle de la Chambre des communes du Royaume-Uni a récemment publié un rapport recommandant que la CMA réalise davantage d’études de marché afin d’aider le gouvernement à stimuler la croissance économique. Le gouvernement britannique et la CMA ont publié une réponse commune reconnaissant le rôle important de la CMA à cet égard tout en affirmant l’indépendance de la CMA dans la décision de mener ou non des études de marché et dans la manière de le faire.

Comme le suggère le document de discussion, les pouvoirs formels dans le cadre des études de marché pourraient être conçus de manière à répondre aux préoccupations légitimes des intervenants concernant le fardeau, l’équité procédurale et la confidentialité. La Loi prévoit déjà des mécanismes pour répondre à ces préoccupations dans le contexte des « enquêtes par le commissaire », et les études de marché pourraient être conçues comme un nouveau type d’enquête soumis aux mêmes mesures de protection générales. Quelle que soit l’approche adoptée, il est clair que ces préoccupations ne sont pas propres au Canada et qu’elles ont été abordées par d’autres pays comparables dans le cadre de leurs systèmes d’études de marché. Le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis fournissent de bonnes pratiques à cet égard.

Bien qu’il existe de nombreuses conceptions possibles qui pourraient être envisagées, à un niveau élevé, le Bureau appuierait un régime d’études de marché comportant les caractéristiques suivantes :

  • Autorité indépendante pour lancer une étude de marché : Le régime devrait autoriser expressément le commissaire à lancer une étude. Les études seraient menées et les conclusions et recommandations élaborées de manière indépendante par le commissaire, comme c’est le cas pour le travail d’application de la loi du Bureau. Ce dernier met en garde contre un mécanisme par lequel le gouvernement pourrait ordonner au Bureau de réaliser une étude. Bien que cela soit une caractéristique d’un petit nombre de régimes d’études de marché, tels que ceux de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les recherches de l’OCDE montrent que la majorité des administrations laissent à l’autorité de la concurrence le pouvoir discrétionnaire indépendant de décider du lancement d’une étude. Le Bureau s’inquiète du fait qu’un mécanisme d’orientation gouvernemental pourrait mener à du lobbying et des pressions politiques sur le gouvernement afin de rendre obligatoire des études du Bureau sur une vaste gamme de questions brûlantes du point de vue populaire qui pourraient ne pas soulever de problèmes de fond ou de concurrence à long terme. Cela pourrait compromettre la capacité du Bureau à donner la priorité aux tâches à plus fort impact, ainsi que son indépendance. Bien que la Loi prévoie des mécanismes permettant au ministre d’ISDE d’ordonner au commissaire d’ouvrir une enquête en matière d’application de la loi ou de présenter des observations aux organismes de réglementation fédéraux, ces mécanismes sont limités et n’ont pas été invoqués depuis avant la modernisation de la Loi en 1986. Bien entendu, comme aujourd’hui, rien n’empêcherait les décideurs politiques de porter des questions à l’attention du Bureau ou de lui demander d’envisager la réalisation d’une étude. Le Bureau donne déjà la priorité aux activités de promotion de la concurrence dans les domaines où le gouvernement a signalé son intérêt pour la promotion d’une plus grande concurrence et un régime officiel d’études de marché aiderait le Bureau à cet égard. Pour des raisons similaires, le Bureau mettrait également en garde contre un mécanisme exigeant que le ministre autorise le lancement d’une étude ou approuve le cadre de référence d’une étude. En plus de soulever des questions d’indépendance, cela pourrait empêcher le Bureau d’étudier des questions que le gouvernement souhaite entendre de manière indépendante, mais qu’il serait politiquement délicat d’« autoriser ». C’est l’un des avantages de l’indépendance du Bureau en tant que défenseur de la concurrence.
  • Obligation de publier le cadre de référence : Le régime devrait exiger que le commissaire publie un avis établissant le cadre de référence de l’étude, y compris les produits et services auxquels l’étude se rapporte, la portée des questions de concurrence à examiner et le calendrier de l’étude. Cela favoriserait la transparence et répondrait aux préoccupations des intervenants voulant que les études de marché soient utilisées comme des « parties de pêche » générales. Bien que le Bureau prévoie que la réalisation des études ne prendra généralement pas plus de 18 mois, il devrait avoir la possibilité de spécifier des délais plus courts ou plus longs en fonction de la portée de l’étude. Il devrait également y avoir un processus pour mettre à jour le cadre de référence public, y compris les délais, au besoin.
  • Pouvoirs de collecte de renseignements : Le régime devrait permettre au Bureau d’exiger des renseignements ou de demander des ordonnances de communication, de manière cohérente avec le processus des enquêtes d’application de la loi et sous réserve du même respect des garanties de procédure. Cela répondrait aux préoccupations des parties prenantes concernant le fardeau et la proportionnalité des demandes de renseignements du Bureau. Conformément à la pratique actuelle du Bureau, si des renseignements divulgués au Bureau dans le cadre d’une étude de marché révélaient une infraction potentielle à la Loi, le Bureau pourrait utiliser ces renseignements à des fins d’application de la loi, bien que cette application soit évidemment distincte de toute étude de marché.
  • Mesures de protection de la confidentialité : Le régime devrait soumettre les renseignements recueillis à la même protection en matière de confidentialité que celles qui s’appliquent aux autres renseignements obtenus en vertu de la Loi.
  • Autorisation de publier un rapport : Dans un souci de clarté, le régime devrait permettre expressément au Bureau de publier un rapport d’étude de marché résumant ses conclusions ainsi que ses recommandations, le cas échéant, sous réserve des mesures de protection de la confidentialité mentionnées ci-dessus.
  • Exigences de réponse pour les entités gouvernementales soumises à des recommandations : Bien que toute recommandation du Bureau découlant des études de marché soit non contraignante, le régime devrait exiger des entités gouvernementales visées par les recommandations du Bureau qu’elles fournissent une réponse publique dans un délai raisonnable après la publication du rapport. Une telle exigence pourrait, si nécessaire, être limitée aux recommandations destinées aux entités du gouvernement fédéral. Certains régimes matures d’études de marché, comme celui du Royaume-Uni, vont plus loin et permettent à l’organisme chargé de la concurrence d’imposer des mesures correctives structurelles ou comportementales, ou d’accepter des engagements de la part des participants au marché, pour résoudre les préoccupations soulevées en matière de concurrence. Bien qu’une telle approche présente des avantages évidents, le Bureau estime qu’il s’agirait d’un changement important et qu’il pourrait soulever des considérations complexes en matière de conception institutionnelle, compte tenu de l’orientation générale du droit canadien de la concurrence vers les poursuites. Le Bureau privilégie donc une approche plus légère, plus progressive, qui pourrait être mise en œuvre immédiatement.

Ce qui précède représenterait une approche mesurée et équilibrée pour l’adoption de pouvoirs en matière d’études de marché qui est conforme aux pratiques exemplaires internationales. Dans le cadre d’une telle réforme, le Bureau s’engagerait à publier, en consultation avec les parties prenantes, des orientations sur son approche en matière d’études de marché, afin de fournir davantage de prévisibilité et de transparence.

Recommandation 5.2 (Études de marché) : Un régime formel d’études de marché doté de pouvoirs de collecte de renseignements devrait être ajouté à la Loi, en cohérence avec les pratiques exemplaires internationales. Dans la mesure du possible, les organismes de réglementation et autres organismes gouvernementaux concernés devraient être tenus de répondre aux recommandations du Bureau dans un délai raisonnable.

5.3. Modifications qui améliorent la collecte de renseignements

5.3.1. La définition du terme « document » dans la Loi doit être modernisée

Le paragraphe 2(1) de la Loi définit un certain nombre de termes, notamment « document ». La signification du terme « document » est toutefois considérée comme dépassée, car elle ne tient pas compte des réalités de la conservation moderne des renseignements, y compris celle assurée par les ordinateurs et le stockage en nuage.

Dans un passé récent, d’autres lois fédérales ont été modifiées pour adopter des définitions de « document » neutres sur le plan technologique, afin de refléter non seulement les réalités actuelles du stockage de l’information, mais aussi celles de l’avenir. Par exemple, dans la Loi sur l’accès à l’information (LAI) révisée, le terme « document » désigne un « éléments d’information, quel qu’en soit le support ». Le projet de loi C-27 propose actuellement de modifier la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs pour adopter cette même définition.

En tenant compte de l’approche de la LAI, mais en étant conscient des choix de mots différents entre celle-ci et la Loi (comme « élément d’information » par rapport à « renseignements »), il est recommandé que la définition de « document » de la Loi soit modifiée comme suit : « tout renseignement enregistré ou inscrit sur un support, quelle que soit sa forme ».

Recommandation 5.3.1 (Définition de document) : La définition du terme « document » dans la Loi devrait être modernisée.

5.3.2. Les pouvoirs de collecte de renseignements au civil devraient être rationalisés

La section 8.3 du mémoire 2022 du Bureau recommande que les pouvoirs de collecte de renseignements de nature civile soient rationalisés. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Des outils efficaces de collecte de renseignements sont essentiels à l’exécution et à l’application de la Loi. Le Bureau doit avoir accès aux renseignements pertinents sur le marché en temps opportun afin de faire progresser ses enquêtes. Les retards entravent la capacité du commissaire à déterminer si la Loi est enfreinte et à intervenir rapidement pour préserver la concurrence si nécessaire.

L’article 11 de la Loi donne au commissaire le pouvoir de demander des ordonnances du tribunal ex parte obligeant une personne à fournir une déposition orale, des documents ou des déclarations écrites. Ces ordonnances de production sont un outil d’enquête normalisé dans les affaires civiles. Pour obtenir une ordonnance en vertu de l’article 11, le commissaire doit convaincre le tribunal de deux exigences légales fondamentales, soit i) qu’une enquête est menée en vertu de la Loi et ii) qu’une personne détient ou détient vraisemblablement des renseignements pertinents à cette enquête.

Historiquement, l’obtention d’une ordonnance en vertu de l’article 11 était un exercice de routine et efficace. Au fil des ans, cependant, les tribunaux ont exigé que des renseignements beaucoup plus nombreux soient fournis et que des procédures soient suivies avant d’accepter de délivrer ces ordonnances.

Actuellement, le processus préalable au dépôt de la demande consiste à préparer un affidavit et des observations écrites accompagnés de volumineux documents à l’appui, y compris une description de l’enquête, les renseignements déjà obtenus de l’intimé au cours de l’enquête, ainsi que tout renseignement pertinent précédemment fourni par l’intimé dans d’autres contextes en vertu de la Loi (ce qui peut nécessiter une recherche et un examen des documents internes du Bureau dans des domaines d’application très différents). Dans les cas extrêmes, la demande du Bureau aux fins d’une ordonnance de communication peut compter des centaines de pages et des dizaines de pièces.

Le processus préalable au dépôt de la demande consiste aussi généralement à fournir à la cible une ébauche de l’ordonnance afin qu’elle puisse donner son avis sur les renseignements demandés et soulever toute préoccupation quant à la pertinence, la proportionnalité, le caractère excessif ou le fardeau. Ces préoccupations sont ensuite portées à l’attention du tribunal dans le cadre de la demande du commissaire, avec une explication des préoccupations des cibles, des fondements de ces préoccupations et de la manière dont, le cas échéant, le projet d’ordonnance a été modifié pour répondre à ces préoccupations. Bien que ce dialogue préalable au dépôt de la demande se veuille collaboratif, l’expérience du Bureau montre que les entités visées ont souvent intérêt à soulever des préoccupations dans le seul but de retarder le processus ou de réduire les demandes de renseignements du Bureau. Dans les cas extrêmes, ce dialogue peut s’étendre sur plusieurs réunions et des semaines d’allers-retours avec l’équipe d’enquête.

Lorsque des ordonnances en vertu de l’article 11 sont requises contre plusieurs parties dans le cadre d’une même enquête, les exigences procédurales peuvent se multiplier. En outre, une fois que les ordonnances sont rendues, les parties disposent souvent d’un délai de trois mois pour s’y conformer, notamment lorsqu’il s’agit de questions non liées aux fusions. Du début à la fin, il peut facilement s’écouler plus de six mois entre le moment où le Bureau décide qu’il a besoin de renseignements dans le cadre d’une enquête et le moment où ceux-ci sont effectivement fournis.

Outre les délais d’obtention des renseignements, les tribunaux ont également exercé un plus grand rôle de supervision en ce qui concerne les renseignements recherchés par le Bureau par le biais des ordonnances de l’article 11. Il est de plus en plus fréquent que le tribunal procède à un examen de chacune des prescriptions de l’ordonnance et refuse de demander des renseignements que le commissaire veut obtenir. Par exemple, dans un cas, le tribunal a exercé son pouvoir discrétionnaire pour restreindre une demande de données du Bureau, malgré le témoignage de l’économiste en chef de ce dernier selon lequel les données étaient nécessaires pour soutenir une analyse économétrique robuste (ce que divers critères dans la Loi exigent). Dans d’autres cas, le tribunal a limité les demandes de « tous les documents » relatifs à des questions particulières en raison de la définition large du terme « document » en vertu de la Loi et du fardeau associé à la satisfaction d’une telle demande. Dans un autre cas, le tribunal a supprimé les questions qui pourraient ne pas être pertinentes si le commissaire était en mesure de conclure, sur la base des autres questions, qu’il était peu probable qu’il y ait infraction à la Loi, invitant essentiellement le commissaire à revenir et à demander une ordonnance subséquente à une date ultérieure, au besoin, en suivant le même long processus.

Enfin, nonobstant les efforts que le commissaire doit déployer pour obtenir une ordonnance de communication, même après la délivrance d’une telle ordonnance, l’intimé a le droit de la contester en vertu des Règles des Cours fédérales, ce qui peut entraîner des délais supplémentaires et réduire davantage les renseignements demandés.

Bien que les garanties procédurales soient appropriées, d’après l’expérience du Bureau, les exigences relatives à l’obtention d’ordonnances de communication sont devenues disproportionnées et retardent indûment les enquêtes. Il existe d’autres approches en matière de collecte de renseignements au civil qui peuvent être plus efficaces. Par exemple, les commissaires nommés pour mener une enquête publique en vertu de la Loi sur les enquêtes ont le même pouvoir que les tribunaux pour assigner des témoins et exiger des preuves. Le commissaire à la protection de la vie privée dispose de pouvoirs semblables, tout comme de nombreuses commissions provinciales des valeurs mobilières. De nombreux organismes internationaux chargés de la concurrence disposent également de tels pouvoirs et recherchent des renseignements semblables à ceux du Bureau dans leurs enquêtes.

Le Bureau reconnaît que toute approche en matière de collecte obligatoire de renseignements doit inclure des garanties procédurales pour s’assurer que les ordonnances de communication sont raisonnables, mais qu’elles doivent aussi permettre une collecte de faits rapide et solide. Si des modifications devaient être apportées aux dispositions de la Loi relatives à la collecte de renseignements civils, elles devraient l’être de manière à fournir de telles garanties tout en veillant à ce que le Bureau reçoive en fin de compte tous les renseignements dont il a besoin dans un délai plus court.

Recommandation 5.3.2 (Collecte de renseignements au civil) : Les exigences procédurales liées aux pouvoirs actuels de collecte de renseignements du commissaire en vertu de la Loi sont devenues disproportionnées et risquent de retarder indûment les enquêtes sur les comportements anticoncurrentiels. Le commissaire devrait se voir accorder des pouvoirs rationalisés en matière de collecte de renseignements dans les affaires susceptibles d’examen au civil, afin de s’assurer que le Bureau puisse accéder aux preuves pertinentes de manière rapide, efficace et simple.

5.3.3. Les taux de rémunération des « fonctionnaires d’instruction » devraient être ajustés en fonction de l’inflation

Le paragraphe 13(2) de la Loi exige que les « fonctionnaires d’instruction » reçoivent une rémunération pour l’exercice de leurs fonctions en vertu de la Loi. Cependant, les taux de rémunération ont été fixés en 1994 par le gouverneur en conseil et il n’existe aucun mécanisme permettant de les ajuster automatiquement pour tenir compte de l’inflation. Comme les taux sont restés inchangés depuis près de 30 ans, ils ne reflètent ni la valeur réelle des fonctions exercées ni les attentes de l’industrie. L’écart de rémunération s’amplifie au fur et à mesure que le temps passe et limite la volonté de nombreux candidats qualifiés d’exercer la fonction de fonctionnaire d’instruction. La fixation de nouveaux taux et l’inclusion d’un mécanisme d’indexation dans le paragraphe 13(2) permettraient de résoudre ce problème.

Recommandation 5.3.3 (Président de séance) : De nouveaux taux de rémunération devraient être fixés pour les fonctionnaires d’instruction et un mécanisme d’indexation devrait être mis en place pour ajuster ces taux à l’inflation.

5.3.4. Les cibles d’une enquête devraient se voir interdire l’accès aux interrogatoires

La section 8.5 du mémoire 2022 du Bureau indique que le paragraphe 12(4) de la Loi devrait être abrogé. La recommandation du Bureau reste inchangée.

L’alinéa 11(1)a) de la Loi est un outil d’enquête qui permet aux tribunaux d’ordonner qu’une personne soit interrogée sous serment ou affirmation solennelle dans le cadre d’une enquête. Toutefois, le paragraphe 12(4) permet à la cible d’une enquête et à son avocat d’être présents lors de l’interrogatoire. Cela permet notamment à la cible constituée visée par une enquête d’assister aux interrogatoires d’employés actuels et anciens et d’autres tierces parties.

Bien que le Bureau puisse demander des ordonnances pour exclure les cibles (et le fait souvent), la procédure requise est lourde et prend du temps pour toutes les personnes concernées. En outre, il n’y a aucun préjudice à exclure une cible d’un interrogatoire et la question de l’équité procédurale peut être abordée lors de procédures ultérieures, le cas échéant.

Recommandation 5.3.4 (Présence aux interrogatoires) : Les cibles d’une enquête sont actuellement autorisées à assister aux interrogatoires des personnes qui fournissent des renseignements à une enquête du Bureau. Cette disposition devrait être supprimée de la Loi.

5.3.5. Les dispositions relatives au secret professionnel devraient être modifiées

L’article 19 de la Loi prévoit un mécanisme permettant aux personnes qui font l’objet de certaines exigences en matière de communication de renseignements ou lorsque des documents sont saisis en vertu d’un mandat de perquisition de faire valoir le secret professionnel à l’égard des documents recherchés ou saisis.

Une modification est nécessaire afin de rendre l’article 19 conforme aux décisions récentes de la CSC. Plus précisément, le paragraphe 19(5) exige qu’un juge ordonne qu’un document soit remis au Bureau sur demande ex parte du commissaire si la personne qui invoque le secret professionnel n’a pas fait de demande dans les trente jours suivant la mise sous garde dudit document.

Compte tenu des décisions de la CSC dans les affaires Lavallee et coll. c. Fink et Alberta c. Université de Calgary, le paragraphe 19(5) pose problème en ce qu’il n’exige pas explicitement qu’un juge détermine la validité d’une revendication de privilège avant de fournir les documents au commissaire. Il n’est pas prudent de supposer que le fait qu’une personne n’ait pas déposé de demande concernant les documents en question signifie qu’ils n’étaient en fait pas privilégiés. Le paragraphe 19(4) fournit un mécanisme pour déterminer une revendication de privilège et, à condition que le délai de 30 jours du paragraphe 19(4) soit supprimé, il n’est pas nécessaire d’ajouter un processus ex parte au paragraphe 19(5) et ce dernier devrait donc être abrogé.

Recommandation 5.3.5 (Secret professionnel) :
La Loi devrait être modifiée afin de préciser que le commissaire n’aura pas accès aux documents qui sont censés être protégés par le secret professionnel, à moins qu’un juge n’ait déterminé que la revendication de privilège est invalide.

5.3.6. La coopération avec les autorités internationales de la concurrence peut être approfondie

La section 8.8 du mémoire 2022 du Bureau demande que des outils supplémentaires et plus puissants soient mis à disposition pour favoriser la coopération internationale du commissaire. La recommandation du Bureau reste inchangée.

La coopération du Bureau avec ses homologues des autorités de concurrence internationales est essentielle à l’accomplissement de son mandat et pourrait être améliorée grâce à :

  • l’élaboration d’outils pour faciliter le partage de renseignements en temps utile entre les autorités de concurrence;
  • l’établissement de traités multilatéraux d’assistance juridique;
  • une compatibilité accrue entre les lois sur la protection de la vie privée.

Recommandation 5.3.6 (Conformité internationale) : La coopération internationale entre les autorités de concurrence est actuellement limitée par un certain nombre de facteurs. Une telle coopération devrait être approfondie pour tenir compte du fait que les entreprises exercent leurs activités à l’échelle mondiale et que les mesures dans un pays peuvent avoir des effets importants dans d’autres.

5.4. Modifications qui améliorent l’efficacité et l’efficience administratives

5.4.1. Le processus de la « demande venant de six résidents » devrait être abrogé ou révisé afin de clarifier le pouvoir discrétionnaire du commissaire

Le présent mémoire a déjà présenté un certain nombre de mesures qui pourraient être prises pour accélérer les enquêtes et les mesures d’application de la loi et permettre au Bureau d’être plus agile. Toutefois, pour tirer le meilleur parti de ces mesures, le Bureau doit également être en mesure d’établir des priorités dans son travail.

Actuellement, il existe un mécanisme unique en vertu de l’article 9 et de l’alinéa 10(1)a) de la Loi qui oblige le commissaire à entamer une enquête officielle sur toutes les questions qu’il juge nécessaires lorsque six résidents déposent une plainte répondant à certains critères prescrits. Bien que le commissaire puisse décider de l’étendue de cette enquête, dans la pratique, même les plaintes relativement faibles déposées par le biais de ce mécanisme statutaire peuvent nécessiter des centaines, voire des milliers d’heures de travail compte tenu des formalités d’ouverture, de réalisation et de clôture d’une enquête en vertu de la Loi. Étant donné les ressources limitées du Bureau, cela signifie nécessairement que moins de ressources d’enquête sont disponibles pour le travail d’application de la loi plus prioritaire.

Les unités d’application de la loi du Bureau disposent de mécanismes bien établis pour recevoir et trier un grand nombre de plaintes chaque année. Le Bureau a également créé la Direction générale de l’application numérique de la loi et du renseignement dont l’expertise est axée sur la technologie et les données et qui servira de système d’alerte précoce pour les problèmes potentiels de concurrence. Par l’entremise de ces groupes et de leurs processus respectifs, le commissaire a le pouvoir discrétionnaire, entre autres, de déterminer les priorités, le degré d’investissement en capital et en main-d’œuvre, le cas échéant, et, enfin, la nécessité d’une enquête.

Le processus de la demande venant de six résidents a été mis en place bien avant que ces processus ne soient élaborés et avant même qu’il n’y ait un organisme consacré à l’application de la Loi sur la concurrence. Ce mécanisme remonte à la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions de 1910 et constituait le moyen par lequel une commission d’enquête ad hoc pouvait être créée pour enquêter sur une question de concurrence. Même dans ce cas, les six résidents devaient persuader un juge qu’il existait des motifs raisonnables pour une telle enquête et qu’il était dans l’intérêt public qu’une enquête soit menée.

Le processus de la demande venant de six résidents a été maintenu par des réformes structurelles et institutionnelles ultérieures du cadre juridique canadien en matière de concurrence et ne sert plus le même objectif. De plus, le Bureau a constaté que la plupart des Canadiens et Canadiennes n’utilisent pas réellement ce mécanisme et qu’il est de plus en plus utilisé stratégiquement par des concurrents ou des parties évoluées. Le Bureau s’inquiète de plus en plus de l’équité et de l’inclusivité du processus de la demande venant de six résidents, qui exclut par définition les plaintes déposées par des particuliers ou des petits groupes, les résidents de moins de 18 ans et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se plier aux exigences techniques, qui comprennent le dépôt d’un « exposé, sous forme de déclaration solennelle ». Le Bureau est également préoccupé par le fait que certaines enquêtes dans le cadre d’une demande venant de six résidents, ouvertes parce qu’elles répondent à des exigences techniques de base, ont peuvent avoir des conséquences réelles sur la réputation et les activités des cibles de ces enquêtes. Le Bureau n’a pas non plus connaissance d’autres administrations ayant un tel type de disposition dans leurs cadres de concurrence.

Bien que certaines plaintes venant de six résidents soient utiles et méritoires, elles devraient être triées comme les milliers d’autres plaintes et pistes d’enquête que le Bureau reçoit chaque année, et ne devraient plus faire l’objet d’un traitement spécial simplement en raison de leur forme. Une modification abrogeant le processus de la demande venant de six résidents, ou clarifiant le pouvoir discrétionnaire du commissaire d’ouvrir une enquête en réponse à une telle demande, permettrait au Bureau de mieux prioriser son travail.

Recommandation 5.4.1 (Processus de la demande venant de six résidents) : Le processus de la demande venant de six résidents devrait être abrogé ou révisé afin de clarifier le pouvoir discrétionnaire du commissaire.

5.4.2. L’exigence selon laquelle toutes les enquêtes doivent être menées « en privé » abrogée

Le paragraphe 10(3) de la Loi prévoit que toutes les enquêtes menées en vertu de l’article 10 « sont conduites en privé », le terme « privé » n’étant pas défini.

L’article 29 est la clause de confidentialité de la Loi, et son but est de protéger les renseignements obtenus par le Bureau ou qui lui sont fournis, notamment l’identité des personnes qui ont fourni des renseignements et tout détail qui pourrait révéler leur identité. Cette disposition régit toutes les activités du Bureau en ce qui concerne l’exécution et l’application de la Loi.

Le prédécesseur du paragraphe 10(3) a été adopté pour la première fois en 1910 et a été appliqué pour la première fois à une commission d’enquête en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Les versions ultérieures s’appliquaient à la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, dont les fonctions ont depuis été divisées entre le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence. L’historique législatif du paragraphe 10(3) suggère qu’il signifie simplement que le Bureau ne tient pas d’audiences publiques, et les tribunaux ont confirmé que le paragraphe 10(3) n’impose pas une exigence de confidentialité supplémentaire au-delà de ce qui est prescrit par l’article 29 (voir Canada [directeur des enquêtes et recherches] c. Air Canada, Canada [directeur des enquêtes et recherches] c. Washington ou Canada [commissaire de la concurrence] c. Sears Canada Inc.). Cependant, certains intervenants ont remis en question cette interprétation. Puisque le Bureau n’exerce plus les fonctions juridictionnelles de l’ancienne Commission sur les pratiques restrictives du commerce, le paragraphe 10(3) n’est plus nécessaire et devrait être abrogé pour éviter toute confusion.

Cette clarification confirmerait également que le Bureau peut rendre certains renseignements accessibles au public aux fins de l’exécution et de l’application de la Loi, que le commissaire ait réalisé ou non une enquête ou soit en train de le faire ou non. La divulgation de tels renseignements profite, dans de nombreux domaines, au grand public ainsi qu’à certains autres participants du marché.

Recommandation 5.4.2 (Enquête menée en privé) : Modifier la Loi pour préciser que toutes les enquêtes doivent être menées conformément à la disposition sur la confidentialité de la Loi.

5.4.3. Les procédures civiles devraient être simplifiées et accélérées

La section 8.1 du mémoire 2022 du Bureau soutient que la durée des litiges en matière de concurrence civile peut avoir un impact négatif sur les participants du marché et que la procédure devrait être simplifiée et accélérée dans la mesure du possible. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Les litiges en matière de concurrence sont des exemples complexes de litiges d’intérêt public dans lesquels tous les plaideurs doivent se voir accorder leur droit à l’équité procédurale et à l’application régulière de la loi, et les tribunaux doivent avoir le temps d’examiner toutes les preuves qui leur sont présentées. Cela dit, le fait qu’une grande majorité des cas pleinement litigieux prennent des années est préoccupant du point de vue des ressources et du temps, mais aussi pour les consommateurs et les entreprises qui participent à des marchés en évolution rapide.

Recommandation 5.4.3 (Rapidité du litige) : Les litiges en matière de concurrence au Canada peuvent s’avérer un processus long et gourmand en ressources pouvant durer plusieurs années. La procédure devrait être simplifiée et accélérée dans la mesure du possible, tout en maintenant l’équité procédurale et l’application régulière de la loi, afin que le commissaire et les entreprises privées puissent obtenir rapidement la certitude nécessaire pour exercer des activités dans un monde en mutation rapide.

5.4.4. Une norme civile devrait exister pour traiter de la conformité aux consentements

La section 8.6 du mémoire 2022 du Bureau soutient que des mécanismes civils, tels que les sanctions administratives pécuniaires, devraient être mis à la disposition du commissaire pour faire respecter les consentements.

Les consentements, qui ont la même force et le même effet qu’une ordonnance de la cour ou du Tribunal, sont souvent privilégiés au litige, car ils sont moins coûteux et prennent moins de temps.

Cela dit, leur mise en œuvre est fastidieuse et leurs violations sont soit criminelles, soit (dans le cas de procédures pour outrage) quasi criminelles, de sorte qu’ils sont soumis à la norme « au-delà du doute raisonnable », et pour les infractions criminelles, c’est le Service des poursuites pénales du Canada et non le commissaire qui prend la décision d’intenter des poursuites.

Nonobstant le fait que la responsabilité pénale en cas de non-conformité est importante, un mécanisme civil permettant de faire respecter les consentements devrait être introduit dans la Loi.

Recommandation 5.4.4 (Conformité aux consentements) : Le non-respect des consentements ne peut à l’heure actuelle être réglé que sur la base d’une norme pénale. Il devrait y avoir un mécanisme plus accessible permettant au commissaire de s’adresser au Tribunal, selon la norme de preuve civile, pour obtenir des ordonnances exigeant le respect et, le cas échéant, des sanctions administratives pécuniaires.

5.4.5. L’exigence procédurale d’une enquête préliminaire lorsque des accusations sont portées en vertu de la partie VI de la Loi est inutilement fastidieuse et devrait être supprimée

En 2019, le Parlement a supprimé le droit accordé par la loi d’un accusé à une enquête préliminaire pour des infractions dont la peine maximale est inférieure à 14 ans, permettant ainsi des poursuites pénales plus rapides. Ce changement n’a eu aucune incidence sur la plupart des infractions pénales aux termes de la Loi, qui sont passibles d’une peine maximale de 14 ans.

Pour assurer des poursuites en temps opportun, compte tenu de la complexité et du volume de renseignements qui doivent être pris en compte au cours des enquêtes du Bureau, l’article 67 de la Loi devrait être modifié de façon que toute personne accusée d’une infraction et poursuivie par voie de mise en accusation ne puisse pas choisir d’avoir une enquête préliminaire. Les dispositions actualisées pourraient suivre le libellé de l’article 536 du Code criminel.

Recommandation 5.4.5 (Enquête préliminaire) : Pour permettre des poursuites pénales plus rapides, les personnes accusées d’une infraction à la Loi et poursuivies par voie d’acte d’accusation ne devraient pas avoir le droit de choisir une enquête préliminaire.

5.4.6. Les personnes morales faisant l’objet d’accusations criminelles devraient être autorisées à être jugées par un jury afin de limiter la bifurcation des procédures

Lorsqu’il fait face à une accusation criminelle, un accusé, autre qu’une personne morale, peut en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi choisir d’être jugé avec ou sans jury. Toutefois, le paragraphe 67(4) exige que les personnes morales accusées d’une infraction passible d’une mise en accusation soient jugées sans jury.

L’application des paragraphes 67(1) et 67(4) peut engendrer une bifurcation des procédures relatives à une même affaire pénale. Par exemple, si des accusations sont portées contre une personne morale et son dirigeant et que ce dernier choisit un procès devant un jury, la personne morale sera nécessairement jugée par un juge seul. La divergence d’approche qui en résulte est inefficace et nécessite l’engagement de ressources supplémentaires, y compris des coûts, dans une large mesure.

En vertu du paragraphe 11(f) de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte), les personnes morales ne se voient pas garantir les mêmes droits que les personnes physiques, de sorte que le fait qu’une loi refuse à une personne morale le choix du jury ou du juge ne constitue pas à lui seul une violation. Dans cette optique et pour tenter de limiter les enjeux de bifurcation à l’avenir, le paragraphe 67(4) de la Loi devrait être révisée pour prévoir ce qui suit :

67(4) Nonobstant le Code criminel ou toute autre loi, sauf dans les cas prévus au présent article, une personne morale accusée d’une infraction visée à la présente Loi est jugée sans jury.

(4.1) Lorsqu’un ou plusieurs particuliers et une ou plusieurs personnes morales sont accusés dans le même acte d’accusation, à moins que le tribunal ne soit convaincu que les fins de la justice exigent qu’il en soit autrement,

  • si les particuliers choisissent ou choisissent à nouveau d’être jugés sans jury, les personnes morales sont jugées sans jury;
  • si les particuliers choisissent ou choisissent à nouveau d’être jugés avec un jury, les personnes morales sont jugées devant jury;
  • si un ou plusieurs particuliers, mais pas tous, choisissent ou choisissent à nouveau d’être jugés sans jury, nonobstant l’article 567 du Code criminel, le procureur général détermine à sa discrétion la manière dont chaque personne morale est jugée.

Recommandation 5.4.6 (Personnes morales et procès devant jury) : La Loi permet la bifurcation des procédures pour certaines affaires pénales connexes, et elle devrait être modifiée pour limiter ce résultat.

5.5. Modifications qui encourageraient un plus grand recours au Tribunal

5.5.1. Le commissaire devrait être protégé contre l’attribution de dépens

La section 8.2 du mémoire 2022 du Bureau recommande que le commissaire, dont le mandat est de servir le public par la protection et la promotion de la concurrence, soit protégé contre une attribution de dépens défavorable dans les affaires litigieuses. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Les affaires claires sont relativement rares en droit de la concurrence et sont généralement résolues sans atteindre l’étape du litige. Le Bureau doit porter devant les tribunaux des affaires qui sont par nature incertaines, de sorte que le risque d’une attribution de dépens défavorable peut être élevé, même lorsque les affaires sont responsables et qu’il est dans l’intérêt public de les porter.

Comme l’a souligné le Tribunal dans l’affaire Commissaire de la concurrence c. Visa Canada Corporation et MasterCard International Incorporated, « le droit canadien de la concurrence ne saurait progresser si, par crainte d’être déboutée, la commissaire hésite à saisir le tribunal d’affaires dont il devrait être saisi. Le courage de présenter ces affaires au Tribunal sert l’intérêt public. Sans cela, il serait impossible de relever les lacunes qui existent dans nos lois et nos politiques et d’y remédier. Le droit canadien de la concurrence évoluera plus difficilement dans les coulisses. » Néanmoins, dans deux affaires contestées récentes, le commissaire a été condamné à payer des dépens supérieurs à un million de dollars.

Les dépens défavorables sont soit payés sur le budget du Bureau, soit le Bureau demande un financement spécial par le biais de l’entremise d’ISDE. Aucune des deux options n’est idéale. Lorsque les dépens sont payés sur le budget du Bureau, il y a moins de fonds disponibles pour d’autres questions et il y a un effet multiplicateur important. Le Bureau estime prudemment qu’il fait économiser aux consommateurs 50 dollars pour chaque dollar dépensé, ce qui signifie qu’une attribution de dépens de 1 million de dollars pourrait se traduire par plus de 50 millions de dollars d’économies pour les consommateurs non réalisées. Lorsque le Bureau compte sur ISDE pour payer une attribution des dépens, il y a également des coûts de renonciation, car cet argent aurait pu être utilisé à d’autres fins; cependant, il y a aussi des conséquences plus larges pour l’indépendance du Bureau. De plus, lorsque le Bureau a gain de cause et que les intimés sont condamnés à payer des frais, ces fonds sont versés dans les recettes générales et ne reviennent pas dans le budget de fonctionnement du Bureau. Cela signifie que le Bureau n’internalise effectivement que le risque financier négatif du régime d’attribution des coûts, ce qui démontre encore une fois pourquoi il est inapte dans ce contexte.

Le succès n’est jamais assuré dans les litiges en matière de droit de la concurrence, et la perspective d’une attribution de dépens défavorable importante décourage l’application de la loi dansde l’intérêt public. En outre, la responsabilité potentielle à laquelle le commissaire est confronté contraste avec celle d’autres agents publics, tels que le commissaire aux brevets, qui ne sont pas tenus de payer des dépens au titre de leur loi. De même, le Bureau croit savoir que les organismes américains chargés de la concurrence ne sont pas tenus de payer des dépens s’ils perdent une affaire, sauf éventuellement dans des circonstances limitées en vertu de la loi sur l’égalité d’accès à la justice, lorsqu’une affaire concerne une petite entreprise ou un particulier dont la valeur nette est inférieure à un montant prescrit et que la position du gouvernement n’était pas justifiée de manière substantielle.

Recommandation 5.5.1 (Attribution de dépens) : Le commissaire, qui agit dans l’intérêt public, fait face aux mêmes risques relatifs aux dépens qu’une partie privée. La Loi devrait explicitement protéger le commissaire contre l’attribution de dépens.

5.5.2 Les exigences relatives à la permission de l’accès privé devraient être réduites et un régime de dommages-intérêts devrait être envisagé

La section 8.7 du mémoire 2022 du Bureau note que la capacité des entreprises à obtenir l’autorisation de présenter une demande pour certaines dispositions de la Loi pouvant faire l’objet d’un examen au civil peut être trop restrictive et que la norme devrait donc être assouplie si possible. La recommandation du Bureau reste inchangée.

Lorsqu’il demande l’autorisation de faire une demande en vertu des articles 75, 77 ou 79 de la Loi, le demandeur doit démontrer qu’il est « directement et sensiblement gêné dans son entreprise » par le comportement. Cela signifie que seules les entreprises peuvent demander l’autorisation de saisir le Tribunal, excluant ainsi d’autres groupes qui peuvent être directement lésés par un comportement anticoncurrentiel, comme les consommateurs ou les travailleurs. De plus, ce critère a été interprété comme nécessitant un examen de la question à savoir si l’entreprise dans son ensemble a été sensiblement touchée plutôt que de simplement examiner si un produit particulier ou une gamme de produits de cette entreprise a été sensiblement touché. Cela contraste avec le critère d’autorisation pour les demandes au titre de l’article 76 de la Loi, qui exige seulement que les demandeurs établissent qu’ils sont « directement » touchés par le comportement.

Outre les critères restrictifs en matière de permission, les parties lésées n’ont pas la possibilité de demander une indemnisation pour les dommages subis du fait d’infractions civiles à la loi. Cela décourage encore plus l’application privée et contraste avec les États-Unis et de nombreux autres régimes. Le Bureau est d’accord avec le document de travail pour dire qu’un « cadre plus solide pour l’application de la loi sur demande du secteur privé, qui prévoirait à la fois un “accès privé” au Tribunal de la concurrence et la possibilité d’introduire des instances privées devant les tribunaux provinciaux et fédéraux pour obtenir des dommages-intérêts, pourrait s’avérer un complément aux mécanismes d’application de la loi par le Bureau, dont les ressources sont limitées. Il clarifierait certains aspects de la Loi grâce à l’élaboration d’une jurisprudence et accélérerait la résolution des affaires ». Le Bureau convient également que tout changement de ce type devrait être conçu pour éviter les litiges non méritoires ou stratégiques. Les tribunaux ont traditionnellement joué un rôle important de gardien à cet égard, et le Bureau s’attend à ce que cela se poursuive.

Recommandation 5.5.2 (Instances privées) : Le critère auquel doivent se conformer les parties privées pour obtenir la permission d’accéder au Tribunal à titre privé est indûment restrictif et devrait être assoupli, afin de veiller à ce que les demandeurs puissent obtenir une permission de manière appropriée. Par ailleurs, il conviendrait d’envisager un régime de dommages-intérêts afin que les personnes lésées par un comportement anticoncurrentiel puissent demander réparation.

5.6. La Loi devrait adopter un langage plus inclusif et non sexiste

La référence à des personnes dans la Loi, y compris le commissaire, n’est souvent pas neutre sur le plan du genre. Dans de nombreux cas, la Loi n’utilise que des pronoms ou des noms masculins, par exemple : (i) l’adoption des termes « pêcheurs » et « ouvriers » à l’article 4 et (ii) l’utilisation de la forme masculine « le juge » à l’article 11.

Une loi qui fait usage d’une terminologie sexospécifique est désormais considérée comme inappropriée et devrait être modifiée aux fins de la neutralité de genre. En effet, le non-sexisme est plus respectueux, plus représentatif de la réalité et plus conforme à certaines des principales lois du Canada, comme la Charte.

En effet, la liste de l’utilisation par la Loi de mots sexospécifiques est relativement longue. Bien qu’un inventaire complet ait été dressé, il n’a pas été inclus dans le présent document en raison de sa longueur et des limites de caractères du portail de consultation. Néanmoins, la liste sera mise à disposition :

Recommandation 5.6 (Neutralité du genre) : La Loi devrait être modifiée pour inclure un langage neutre

Comment contacter le Bureau de la concurrence

Toute personne désireuse d'obtenir des informations complémentaires sur la Loi sur la concurrence, la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation (sauf en ce qui concerne les aliments), la Loi sur l'étiquetage des textiles, la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux ou le programme d'opinions écrites, ou de déposer une plainte en vertu de de ces actes doivent contacter le Centre de renseignements du Bureau de la concurrence.

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