Épisode 13 : C’est quoi exactement, un brevet?

Maya Urbanowicz (Maya) : Vous écoutez "Voix de la PI canadienne", un balado où nous discutons de propriété intellectuelle avec des professionnels et des intervenants du Canada et d’ailleurs. Vous êtes entrepreneur, artiste, inventeur ou simplement curieux? Vous allez découvrir des problèmes concrets – et des solutions concrètes – ayant trait au fonctionnement des marques de commerce, des brevets, du droit d’auteur, des dessins industriels et des secrets commerciaux dans la vie de tous les jours. Je m’appelle Maya Urbanowicz et je suis votre animatrice d’aujourd’hui.

Les points de vue et les opinions exprimés dans les balados sur ce site web sont ceux des baladodiffuseurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l’OPIC.

Souvent, la première chose qui nous vient en tête lorsqu’on parle de propriété intellectuelle sont les brevets. La plupart des gens savent que les brevets peuvent protéger une invention, mais qu’est-ce que cette protection est exactement et comment est-ce qu’elle peut être utile à une entreprise? Où devriez-vous chercher à protéger? Quelle est une bonne façon de commencer et, en fait, est-ce qu’un brevet est la création entière ou y a-t-il d’autres droits de PI que vous devriez considérer?

Aujourd’hui, nous allons poser ces questions sur les brevets ainsi que d’autres. Pour nous aider à comprendre certains des éléments clés à prendre en compte pour la protection de brevets, notre invitée d’aujourd’hui est Beatrice Sze. Beatrice est une avocate qui a travaillé avec des agents de brevets et est maintenant examinatrice de brevets à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

Beatrice, bienvenue dans notre balado!

Beatrice Sze (Beatrice) : Merci, Maya. C’est très agréable d’être ici.

Maya : Avant de nous plonger dans le sujet des brevets, pourriez-vous me parler un peu de vous et du type de travail que vous faites en tant qu’examinatrice de brevets?

Beatrice : Oui, je suis une examinatrice de brevets à la division mécanique de l’OPIC. Dans cette fonction, j’effectue des travaux professionnels, scientifiques, techniques et juridiques dans le cadre de la recherche, de l’examen, du classement et du traitement des demandes de brevet.

Nous recevons des demandes de brevets de particuliers, de petites et moyennes entreprises et de grandes sociétés multinationales.

Le rôle de l’examinateur ou examinatrice est de rechercher, d’examiner et de classer ces brevets en fonction de leur objet. En bref, nous passons nos journées à examiner la littérature technique, les décisions du commissaire aux brevets et les avis internes qui interprètent les dernières décisions judiciaires pertinentes relatives au droit canadien des brevets.

Maya : Vous avez un parcours intéressant car vous avez travaillé avec des agents de brevets, mais vous avez changé de camp maintenant, vous êtes donc examinatrice de brevets. Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir examinatrice de brevets ?

Beatrice : Eh bien pour moi, la réponse courte est que j’aime servir le public.

J’ai travaillé en étroite collaboration avec des innovateurs et des fondateurs d’entreprises, dont beaucoup font encore partie de mon réseau professionnel aujourd’hui. Beaucoup d’entre eux ont créé leur entreprise dans leurs sous-sols ou garages. Alors, beaucoup d’entre eux étaient des start-up lorsque je les ai connus, mais j’ai également travaillé avec de grandes sociétés de R et D qui essayaient d’introduire de nouvelles technologies au Canada.

Je comprends donc assez bien le point de vue des innovateurs et des entreprises, ce qu’ils recherchent souvent auprès des agents, comment la propriété intellectuelle s’intègre dans leur stratégie commerciale, en fonction de ce qu’ils prévoient de faire ce trimestre ou cette année-là, et aussi ce qu’ils espèrent, lorsqu’ils se tournent vers notre bureau.

En ce qui concerne le travail lui-même, j’ai toujours aimé les sciences et l’ingénierie. En tant que jeune professionnelle, j’ai aimé découvrir de nouvelles idées et de nouvelles façons de résoudre les problèmes. Il se trouve que j’ai également une formation en droit et en contentieux – j’aime donc vraiment l’étude et l’application pratique du droit. J’aime particulièrement l’étude et l’application de la common law, qui régit l’ensemble de la propriété intellectuelle au Canada, à l’exception bien sûr des contrats de licences qui relèvent à la fois de la common law et au Québec du droit civil. J’apporte ces 2 perspectives à ce travail.

Pour ceux qui écoutent et qui envisagent de devenir examinateurs de brevets, je dirais, faites-le. Les examinateurs de brevets ont une perspective très unique de l’innovation mondiale. Travailler pour l’OPIC vous donne une vue vraiment cool d’une industrie particulière ou d’un domaine de développement que vous ne verriez peut-être pas dans un cabinet d’avocats ou à l’interne d’une compagnie de technologie.

Dans un cabinet d’avocats privé, votre champ d’expertise est limité par les activités de votre organisation. Vous serez exposé à ce sur quoi les clients existants du cabinet travaillent ou à ce que vous êtes vous-même capable d’apporter. À l’OPIC, vous pouvez être beaucoup plus autonome. Nous sommes le seul bureau de brevets du Canada, de sorte que toute personne dans le monde qui cherche à obtenir un brevet canadien dans n’importe quel domaine doit s’adresser ici. Qu’il s’agisse de technologies agricoles, de produits chimiques, de technologies aérospatiales ou de la toute dernière technologie en matière de couches, ils doivent s’adresser à notre bureau.

Nous avons des processus internes qui font en sorte que vous examinerez pas toujours dans les domaines de votre formation et votre expérience. Il y a le potentiel d’être exposé à une grande variété de technologies au cours d’une longue carrière. Cela signifie également que vous serez entouré de collègues issus de toutes sortes de domaines et d’expériences.

Par conséquent, si vous êtes une personne curieuse, passionnée par les sciences et que vous n’avez pas peur d’en apprendre un peu plus sur la loi, ce pourrait être un endroit idéal pour vous aussi.

Maya : Pourriez-vous me dire ou m’expliquer ce qu’est un brevet et peut-être aussi parler de ce qui n’est pas un brevet?

Beatrice : C’est une très bonne question. Je trouve utile de l’expliquer en utilisant 4 perspectives. Imaginez que nous marchions dans un musée et que nous tombions sur un brevet, sur une table, au centre d’une pièce. Je vais maintenant les amener faire le tour de la pièce avec moi et regarder le brevet des 4 coins de la pièce. Ce faisant, nous obtenons une perspective complète du brevet.

La première : la théorie d’échange avec le gouvernement, parfois appelée quid pro quo. À la base, un brevet est un accord entre un breveté et un gouvernement national. Un brevet n’est pas un contrat avec le gouvernement pour utiliser ou vendre la technologie. Le gouvernement ne vous fournit pas d’argent en échange de l’invention.

Le titulaire du brevet divulgue son invention au public. Ça, c’est le quid de l’inventeur, et en échange, le gouvernement leur accorde un droit d’exclure les autres de la fabrication, de l’utilisation, de l’importation ou de la vente de l’invention pour une période de 20 ans maximum. Ça, c’est le quo du gouvernement.

Il est important de noter ici qu’un brevet n’est pas une publication dans une revue scientifique ou un livre blanc d’ingénierie examiné par des pairs. Bien qu’il serve de divulgation de la recherche scientifique ou technique, un brevet est surtout un document publié par le gouvernement canadien qui a autorité légale, donnant un monopole pour une période de 20 ans maximum.

Habituellement, la contrepartie du breveté se trouve dans les dessins et la description, c’est-à-dire la première partie du brevet. Et la contrepartie du gouvernement se trouve dans les revendications, c’est-à-dire qui apparaissent généralement sous forme de liste numérotée à la fin du brevet. Les revendications ressemblent généralement au langage contractuel et, d’une certaine manière, c’est le cas. Elles comprennent des termes techniques qui définissent la "clôture", ou parfois appelée "limites", du monopole du brevet, et la formulation de ces termes est le fruit d’une négociation collaborative entre notre bureau et le demandeur.

Il s’agit souvent d’un effort très technique. C’est pourquoi nous conseillons souvent aux membres du public de faire appel à un agent de brevets agréé pour les représenter dans cette démarche. Il est important de noter que l’emploi d’un agent de brevets est obligatoire pour les compagnies.

Mais qu’est-ce qui est considéré comme une divulgation suffisante? En d’autres termes, combien le demandeur doit-il divulguer pour obtenir le droit d’exclure les autres? Et quelle est la limite appropriée de son monopole? Les détails comptent vraiment pour ces questions et c’est là que les agents et les examinateurs de brevets interviennent.

C’est là qu’il est utile de considérer le brevet comme une publication technique. Comme les documents de recherche universitaire, les brevets fournissent un contexte et une vue d’ensemble des recherches antérieures souvent appelées "art antérieur". Toutefois, à la différence des livres blancs d’ingénierie ou des publications dans des revues scientifiques, le titulaire du brevet n’est pas tenu de divulguer tous les aspects de ses recherches entourant son invention. Il doit simplement divulguer suffisamment d’informations pour permettre à un membre de la profession de reproduire l’invention, et il doit fournir au moins un meilleur mode.

De plus, contrairement à d’autres divulgations de recherche scientifique, le brevet contient des revendications qui définissent les limites d’un monopole particulier pour la période d’exclusion de 20 ans. Mais quand commence la période d’exclusion de 20 ans? Et comment fonctionne ce droit d’exclusion?

Cela nous amène à la troisième perspective du brevet : la théorie du droit. La théorie du droit considère le brevet comme un instrument juridique. Lorsqu’une personne reçoit un brevet, elle reçoit un document gouvernemental qui sert de base juridique pour faire valoir un droit négatif. Ça, c’est un terme utilisé pour décrire un droit exclusif de common law tel qu’un monopole exclusif. Mais ça, c’est du langue académique légal. Qu’est-ce que cela signifie?

En pratique, cela signifie que si vous découvrez qu’un concurrent fabrique, utilise, vend ou importe une technologie très similaire à votre technologie brevetée, vous avez le droit de le poursuivre au Canada, que ce soit devant un tribunal provincial ou fédéral. Le tribunal examinera alors les revendications de votre brevet par rapport à l’activité de votre concurrent afin de déterminer si son activité se situe à l’intérieur de la barrière ou de la limite fixée par vos revendications.

Si l’activité de votre concurrent se situe à l’intérieur des limites définies par vos revendications, cette activité est considérée comme une contrefaçon de votre brevet – et vous pouvez être en droit de percevoir des dommages et intérêts pour le préjudice causé à votre entreprise. La question de savoir si vous avez droit à des dommages et intérêts, et le montant auquel vous avez droit, est examiné par les tribunaux.

Il est important de noter que les brevets peuvent également être utilisés à des fins défensives. Supposons que vous ne cherchiez pas à poursuivre vos concurrents pour contrefaçon de brevet, mais que l’un de vos concurrents vous poursuit pour une activité qui, selon lui, viole son brevet. Si vous avez breveté votre technologie, vous pouvez intenter une contre-action basée sur votre propre brevet en utilisant votre brevet dans une demande reconventionnelle contre la partie qui vous poursuit, comme un "bouclier".

De cette façon, il peut être utilisé de manière défensive, comme un "bouclier" que vous pouvez utiliser pour parer contre quelqu’un qui vous attaque avec sa propre épée. Mais, si tout cela vous semble confus, je vous encourage à contacter un avocat spécialisé en brevets qui pourra vous expliquer en détail comment cela peut fonctionner pour votre entreprise.

En fin de compte, vous pouvez considérer le brevet comme une forme de levier, car il existe un droit de présomption de litige. Généralement, dans un secteur encombré, c’est une bonne idée de breveter votre technologie si vous pouvez vous le permettre. Cela nous amène au brevet est un outil commercial.

Si vous découvrez qu’un concurrent fabrique, utilise, importe ou vend une technologie très proche de celle qui fait l’objet de votre brevet, vous avez le choix : ne rien faire, faire valoir le brevet – c’est-à-dire poursuivre l’autre partie –, encouragez-les à faire affaire avec vous, par exemple en négociant une licence leur donnant accès à votre technologie, ou la vente pure et simple de votre brevet – soit au violateur, soit à quelqu’un qui pourrait vouloir essayer de le faire respecter, soit à un intermédiaire dans les affaires ci-dessus.

Ainsi, il existe des stratégies offensives et défensives qu’un brevet offre aux entreprises. Par exemple, vous pouvez l’utiliser pour poursuivre un concurrent qui viole un brevet, ou vous pouvez l’utiliser comme "bouclier" contre un concurrent qui vous poursuit pour violation d’un brevet qu’il possède. En détenant votre propre brevet, vous vous êtes créé un droit présumé d’utiliser ou de vendre un produit.

Lorsque vous recherchez un financement externe, le fait de déposer un brevet peut également servir d’indicateur de la part de marché potentiel ou existant de votre entreprise. Les brevets peuvent également être achetés ou vendus comme une marchandise. Si vous avez déjà entendu parler du terme patent troll, c’est une entreprise qui achète et vend comme tout autre instrument financier, sans cependant produire ou manufacturer les inventions contenues dans le brevet qu’il possède.

Un brevet est un outil commercial que le propriétaire peut utiliser en affaires pour aider à créer un espace sur le marché canadien pour sa technologie. Fondamentalement, ce qu’il offre au titulaire de brevet, c’est un choix si quelqu’un porte atteinte à votre brevet. Notamment, il permet de servir de biens collatéraux pour l’obtention de prêts bancaires ou d’argent provenant d’un investisseur.

C’est un peu long à expliquer, mais ce sont les 4 perspectives. La théorie d’échange avec le gouvernement, la théorie du droit, le brevet en tant que publication technique, puis ce que signifie un brevet en tant qu’outil commercial.

Maya : C’est une très bonne façon de l’expliquer et j’aime beaucoup la perspective de l’utiliser comme un outil commercial lorsque l’on parle d’outils d’affaires ou d’outils commerciaux. Les brevets sont souvent qu’un parmi d’autres. Compte tenu de vos antécédents et de votre expérience de travail avec les petites et moyennes entreprises, pouvez-vous nous parler de la façon dont les brevets sont souvent une partie de nombreux autres droits de propriété intellectuelle?

Beatrice : Prenons l’exemple du smartphone. Il y a en fait beaucoup de protection de la propriété intellectuelle dans ce morceau de technologie.

La première : la marque de commerce. Si vous avez un iPhone et que vous regardez l’arrière de celui-ci, vous verrez un logo Apple et le mot "iPhone". C’est ainsi que vous savez qu’il s’agit d’un produit Apple légitime et non d’un autre téléphone fabriqué par un concurrent. Ces marques sont enregistrées au bureau de marques de commerce.

La deuxième : le dessin industriel. Il y a ensuite l’aspect et le toucher du téléphone lui-même. Il est généralement assez élégant, avec des bords arrondis et, pour certains anciens modèles, un petit bouton circulaire d’accueil. Cette forme élégante est protégée par ce que l’on appelle le dessin industriel qui est aussi enregistré à l’office.

Les brevets aussi : il y a la technologie de l’écran tactile elle-même également connue sous le nom "écran tactile à technologie capacitive". Lorsque vous appuyez votre doigt sur la vitre, des signaux électriques sont envoyés au processeur qui affiche une réponse visuelle correspondante en fonction de l’emplacement et du mouvement de votre doigt. Cet aspect technique du iPhone est protégé par des brevets.

Finalement les droits d’auteur : ce qui nous amène au contenu. Le texte que vous lisez, le code source des applications que vous utilisez, et les films ou la musique que vous recevez via votre iPhone sont tous protégés par le droit d’auteur.

Il s’agit donc en fait d’un panier de protection de la propriété intellectuelle qui fait que cet iPhone appartient à Apple.

Au Canada, tous ces droits sont régis par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada à Gatineau.

Maya : Très bon exemple! Un brevet ne vous donne une protection que dans le pays où vous avez le brevet. Donc, un demandeur doit réfléchir à l’endroit dans le monde où il doit chercher à obtenir une protection par brevet. Selon vous, quels sont les facteurs pris en compte par les entreprises lorsqu’elles décident où dans le monde elles doivent protéger leur invention?

Beatrice : Ça, c’est une excellente question. Les nouveaux venus dans le monde des brevets sont souvent surpris d’apprendre que le Canada n’est pas le premier choix de dépôt de demandes de brevets pour les PME canadiennes. Lorsque vous avez une nouvelle technologie à proposer au monde, vous réfléchissez au régime qui vous apportera la meilleure valeur pour votre investissement en temps et en argent.

La plupart du temps, les clients avec lesquels j’ai travaillé considèrent les paramètres du processus, la définition du monopole et le calendrier prévu pour l’entrée sur le marché.

Les paramètres du processus posent des questions comme : combien de temps pense-t-on qu’il faudra pour obtenir un brevet et combien cela va-t-il coûter?

La définition du monopole pose des questions comme : dans quelle mesure pouvons-nous faire confiance aux brevets que nous recevons – en particulier si nous choisissons de contester le brevet que nous obtenons aux tribunaux après coup, ou si nous sommes poursuivis par un concurrent et devons l’utiliser pour nous défendre, poursuivis par un concurrent pour contrefaçon?

Le marché d’entrée planifié prend en compte des questions telles que : où envisageons-nous de fabriquer, d’utiliser ou de vendre ce produit? Quand envisageons-nous de fabriquer, d’utiliser, d’importer ou de vendre ce produit sur ce marché?

Souvent, les principaux choix de premier dépôt sont les États-Unis, l’Europe et maintenant la Chine. Nous sommes généralement un pays de deuxième ou troisième rang pour les multinationales.

Maya : Et que diriez-vous à quelqu’un qui recherche et lit ces informations sur les brevets pour faire de la veille concurrentielle?

Beatrice : Je dirais que vous n’êtes pas seul. Il s’agit d’une pratique très courante, notamment dans les domaines de la mécanique et de l’électricité, où une grande partie des fonds destinés à l’innovation proviennent du secteur privé et non des universités.

Consulter les brevets sur Google et Espacenet pour voir ce que font vos concurrents est une pratique courante. De nombreuses équipes internes de compagnie le font. Il y a même des compagnies spécialisées dans la veille concurrentielle.

La base de données des marques de commerce est un autre endroit où l’on peut effectuer des recherches. Dans certains secteurs, généralement ceux qui évoluent rapidement, les équipes de marketing vont prendre de l’avance sur la recherche et le développement pour asseoir leur domaine sur le marché. En d’autres termes, ils tenteront d’obtenir une marque pour un produit qui n’est pas encore sur le marché. Parfois, vous pouvez donc vous faire une idée, à partir de la description des produits et des services, de ce que vos concurrents pourraient être en train de développer.

Maya : Puisque nous parlons de la lecture des brevets, le langage d’un brevet peut être vraiment difficile à comprendre. Doit-il être écrit d’une manière qui est presque impossible à comprendre?

Beatrice : Je pense que non. Si vous passez suffisamment de temps à lire des brevets, vous trouverez différents niveaux de clarté parmi eux. De même, si vous passez un peu de temps à suivre les brevets qui font l’objet de poursuites judiciaires et qui sont utilisés de manière défensive dans le cadre de litiges, vous aurez également une idée de ceux qui tiennent le coup devant les tribunaux et qui présentent un niveau de qualité différent. J’encourage tout le monde à toujours écrire comme si un juge qui n’a pas de formation technique allait être l’examinateur final de ce brevet, parce qu’en fin de compte, cet instrument est censé être exécutoire en cas de litige, et en général, la clarté est la première étape de la persuasion.

Ce n’est pas toujours possible dans les environnements de travail à fort volume, mais cela devrait être l’objectif à mon avis.

L’une des grandes choses qui se passent maintenant est qu’un nouveau collège a été créé pour les agents de brevets et les agents de marques de commerce. Je crois savoir que l’un de ses objectifs est d’apporter un peu de cohérence aux normes de rédaction des brevets, ce qui est formidable.

Pour ceux qui ne font pas partie de la communauté de la propriété intellectuelle, qui envisagent de faire appel à un agent de brevets, mais qui sont un peu mal à l’aise avec le langage des brevets, il existe des livres qui peuvent aider à aplanir la courbe d’apprentissage.

L’un d’eux est un livre intitulé "Landis on Mechanics of Patent Claim Drafting". Le plus récent, je crois, est de Robert C. Faber (F, A, B, E, R) et il est publié par le Practising Law Institute. Il contient des chapitres qui présentent du langage courant des revendications utilisées dans les brevets. Cela dit, son livre est écrit en anglais pour un public américain. Il convient donc de consulter un agent de brevets ou un avocat canadien agréé pour votre dossier particulier.

Maya : Quelles sont les autres caractéristiques qui peuvent aider les avocats, les agents de propriété intellectuelle et les inventeurs à avoir confiance dans le brevet en tant qu’instrument de protection?

Beatrice : C’est une bonne question. Eh bien, mise à part la clarté dont j’ai parlé, je dirais qu’avoir un système canadien qui tire le meilleur parti de ce que d’autres bureaux de brevets dans le monde offrent est probablement quelque chose qui pourrait améliorer la qualité des brevets canadiens. Notre bureau a en fait fourni des propositions sur la façon dont nous pouvons améliorer certains de ces processus par le biais de nos règles. Vous pouvez en prendre connaissance dans la première partie de la Gazette du Canada.

Certaines des suggestions simplifient le processus d’examen puisqu’elles prévoient des taxes supplémentaires pour les demandes comportant plus de 20 revendications. Cela rend les brevets plus concis. D’autres éléments proposés sont des délais révisés qui permettraient aux demandeurs d’avoir un peu plus de certitude quant à la résolution de l’examen.

Il s’agit de changements systémiques qui alignent davantage le Canada sur les autres bureaux de brevets dans le monde.

Maya : Que diriez-vous à un inventeur qui envisage de déposer une demande de brevet?

Beatrice : Eh bien, la première chose que je dirais est : félicitations! Le processus de recherche et de conception a généralement exigé beaucoup de travail avant même que l’on fasse appel à un professionnel de brevets.

Mais, la deuxième chose que je dirais est : ne soyez pas trop exigeant. J’avais l’habitude d’adopter une approche en 3 étapes avec tous les nouveaux inventeurs.

D’abord, j’écoutais la divulgation de leur invention, je prenais des notes.

Deuxièmement, j’effectuais une recherche approfondie dans les différentes bases de données de brevets afin de déterminer quelles sont les publications antérieures qui pourraient être similaires aux leurs.

Et troisièmement, je leur présentais mes résultats de recherche et leur demandais d’examiner s’ils ont considéré d’autres caractéristiques comme l’aspect le plus inventif de ce qu’ils ont créé.

Ceux qui ont pu surmonter la troisième étape étaient généralement prêts à réussir au départ. Ainsi, lorsqu’ils ont retenu les services de leur agent de brevets, ils ont pu se concentrer davantage sur la formulation des revendications et les questions relatives à l’état de la technique non antérieure. Et le processus de demande de brevet s’est déroulé sans heurts. Souvent, lorsque vous avez consacré 2, 5 ou 8 ans à un projet technologique, vous pouvez être très attaché à ce que vous pensez avoir inventé. À juste titre! On y a consacré beaucoup de temps, d’argent et d’énergie.

Toutefois, n’oubliez pas que le régime de brevets ne se soucie pas nécessairement de ce que vous croyez avoir inventé, s’il s’avère que vous avez en fait inventé accidentellement quelque chose que quelqu’un d’autre a déjà divulgué.

Toutefois, même si les revendications portant sur une technologie de base existent préalablement dans une publication antérieure, cela ne signifie pas que vous n’obtiendrez pas de brevet, mais simplement que votre demande de brevet peut être modifiée pour porter sur une caractéristique supplémentaire qui n’est pas couverte par cette publication antérieure. En d’autres termes, votre invention porte sur une amélioration autre que l’invention d’origine.

Maya : C’est une très bonne information, et je vous remercie également d’avoir partagé certaines de ces préoccupations d’ordre général dans le monde des brevets. Merci Béatrice. Ce fut un réel plaisir de vous écouter aujourd’hui.

Beatrice : C’est moi qui vous remercie, Maya. Je tiens à remercier maître Jean Fortin de la division électrique pour son aide prévenante sur la préparation de cet entretien. Il est un ingénieur de l’Ordre des ingénieurs du Québec et un avocat à la retraite. Ses commentaires ont été donnés de manière réfléchie et reçus avec gratitude.

Maya : Merci.

Vous venez d’écouter "Voix de la PI canadienne", un balado sur la propriété intellectuelle. Dans cet épisode, vous avez rencontré Beatrice Sze qui a présenté les fondements de ce que sont les brevets, comment ils sont utilisés et ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire avec un brevet. Pour en apprendre plus sur les brevets, comment déposer une demande de brevet, faire des recherches sur d’autres brevets, lire sur les frais, visitez canada.ca/brevets (B, R, E, V, E, T, S).